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17/07/2008 | FRANCE | N°403

France | France, Cour d'appel de Papeete, Chambre civile 1, 17 juillet 2008, 403


No 403

RG 697/COM/05

Grosse délivrée à

Me Malgras

le

Expédition délivrée à

Me Michel

le

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 17 juillet 2008

Monsieur Jean-Pierre SELMES, président de chambre de la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience solennelle tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

La SA Polynesia Hélicoptères, anciennement la SA Héli-In

ter Polynésie, au capital de 45 000 000 FCP, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Tahiti sous le no 5173-B dont le siège social est sis à Faa'...

No 403

RG 697/COM/05

Grosse délivrée à

Me Malgras

le

Expédition délivrée à

Me Michel

le

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Commerciale

Audience du 17 juillet 2008

Monsieur Jean-Pierre SELMES, président de chambre de la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Madame Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;

En audience solennelle tenue au Palais de Justice ;

A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :

Entre :

La SA Polynesia Hélicoptères, anciennement la SA Héli-Inter Polynésie, au capital de 45 000 000 FCP, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Tahiti sous le no 5173-B dont le siège social est sis à Faa'a Aéroport, BP 424 - 98713 Papeete, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié au siège ;

Demanderesse aux fins de sa requête en reprise d'instance après cassation enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 15 décembre 2005 déposée à la Cour d'Appel le 20 du même mois, sous le numéro de rôle 697/COM/05, ensuite d'un arrêt rendu par le Cour de Cassation de Paris le 2 novembre 2005 ;

Représentée par Me Benoît MALGRAS, avocat au barreau de Papeete ;

d'une part ;

Et :

La SA Compagnie Polynésienne de Transport Maritime Aranui (CPTM), inscrite au registre du commerce et des sociétés sous le n0 1413, sise BP 220 Papeete, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège ;

Défenderesse ;

Représentée par Me Anne-Laurence MICHEL, avocat au barreau de Papeete ;

The Shipowners Mutual Protection et Indemnity Association (Luxembourg) (ci-après The Club), domiciliée 99 Grand Rue L 1661 Luxembourg, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège ;

Intervenante volontaire ;

Représentée par Me Anne-Laurence MICHEL, avocat au barreau de Papeete ;

d'autre part ;

Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience solennelle du 10 avril 2008, devant M. SELMES, président de chambre, M. THIBAULT-LAURENT, président de chambre, Mme PINET-URIOT et M. MONDONNEIX, conseillerd, M. RIPOLL, Président du tribunal de première instance, régulièrement appelé à compléter la cour en l'absence des autres magistrats de cette juridiction empêchés ou absents du territoire, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

A R R E T,

Invoquant les dommages subis au cours d'un transport maritime d'un hélicoptère qu'elle avait confié le 15 juillet 1998 à la Compagnie Polynésienne de Transport Maritime ARANUI (CPTM), la SA Héli-Inter Polynésie a saisi, par requête du 28 juin 1999, le Tribunal Mixte de Commerce de Papeete en paiement de diverses sommes (21.551.852 FCP au titre des réparations, 14.000.000 FCP au titre des pertes d'exploitation etc...). Par jugement du 9 juillet 2001 ce tribunal a :

- déclaré la CPTM responsable des dommages occasionnés à l'hélicoptère, disant qu'elle n'était pas exonérée de sa responsabilité en application de l'article 31 de la loi du 18 juin 1966,

- dit que la responsabilité de la CPTM était limitée par application de l'article 28 de la loi du 18 juin 1966,

- ordonné la réouverture des débats, révoquant l'ordonnance de clôture et invitant la SA Héli-Inter Polynésie à fournir les éléments permettant de fixer l'indemnité à la charge du transporteur conformément aux dispositions de la loi du 23 décembre 1986 et du protocole modificatif du 21 décembre 1979.

Sur appel de la SA Héli-Inter Polynésie, la Cour d'Appel de Papeete a :

- dit que la CPTM était entièrement responsable des dommages subis par la SA Héli-Inter Polynésie compte tenu de la faute inexcusable commise par le transporteur,

- condamné la CPTM à payer à la SA Héli-Inter Polynésie la somme de 16.179.760 FCP au titre des réparations, celle de 87.292.800 FCP au titre de la perte d'exploitation, celle de 500.000 FCP au titre des frais irrepétibles,

- dit que la CPTM devrait verser 1.363.950 FCP par mois, jusqu'au parfait paiement, pour la perte d'exploitation à venir.

Par arrêt du 2 novembre 2005 la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'Appel de Papeete au motif qu'elle avait relevé d'office le moyen tiré de la faute inexcusable du transporteur sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen.

*

* *

Par requête du 20 décembre 2005, la SA Polynésia Hélicoptères anciennement dénommée SA Héli-Inter Polynésie a saisi la Cour de céans, autrement composée, désignée comme juridiction de renvoi aux fins de voir confirmer le jugement déféré en ce qu'il avait déclaré la CPTM responsable des dommages, de voir constater que le transporteur ne peut invoquer de limitation de responsabilité compte tenu de la valeur déclarée et de sa faute inexcusable, d'entendre condamner la CPTM à lui payer 21.551.852 FCP en deniers ou quittances au titre des travaux de remise en état, 93.636.363 FCP à parfaire d'intérêts à compter du 20 février 2004 au titre de la perte d'exploitation, 5.000.000 FCP à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, 500.000 FCP et 700.000 FCP au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. Elle soulève d'une part, que l'absence de valeur sur le connaissement est sans influence, alors que la valeur était indiquée sur le fax du 9 juillet 1998 faisant preuve du contrat de transport par mer et d'autre part que le transporteur a commis une faute inexcusable en n'arrimant pas le matériel coûteux et fragile qui lui avait été confié alors que les conditions météorologiques n'avaient rien d'exceptionnelles.

Par conclusions d'irrecevabilité et d'incident du 26 mai 2006, la SA CPTM soulève l'irrecevabilité de l'action de la Société Polynésia Hélicoptères en ce qu'elle n'était pas propriétaire de l'hélicoptère endommagé et n'avait pas intérêt à agir, sauf à produire le titre de propriété de l'hélicoptère et les contrats de financement ou de gestion passés entre la banque populaire et toute autre société, soulignant qu'elle s'était vue réclamer le paiement des réparations par la Société Héli-Industrie à compter de novembre 2005.

Par conclusions d'irrecevabilité et d'incident du 29 septembre 2006, la SA Polynésia Hélicoptères estime tardif et infondé le moyen d'irrecevabilité pour défaut de qualité à agir, expliquant les demandes de la Société Héli-Industrie par l'intervention intempestive de la société défiscalisante Hiva Oa, réaffirmant qu'elle a elle-même qualité à agir ne serait-ce qu'en sa qualité de partie au contrat de transport, et contestant les demandes de production de pièces.

Par conclusions du 10 novembre 2006, la SA CPTM et la Compagnie Shipowners Mutual Protection et Indemnity Association, intervenante volontaire en qualité d'assureur subrogé, soulèvent à nouveau le défaut d'intérêt à agir de la Sa Polynésia-Hélicoptères, le défaut de justificatif du préjudice d'immobilisation.

Par conclusions du 22 décembre 2006 la SA Polynésia Hélicoptères réplique que la difficultés à appréhender la qualité même du propriétaire de cet hélicoptère est sans incidence sur le problème dont est saisie la Cour.

Par ordonnance du 2 février 2007, le conseiller de la mise en état a dit n'y avoir lieu à ordonner la communication des pièces sollicitées.

Par conclusions récapitulatives d'irrecevabilité et au fond du 16 mars 2007, la SA CPTM et son assureur réitèrent la fin de non-recevoir relative au défaut d'intérêt à agir et subsidiairement au fond invoque l'exonération légale de l'article 27 d ou g de la loi tenant à l'existence d'un fait non imputable au transporteur ou aux fautes du chargeur dans l'emballage ; plus subsidiairement elle revendique la limitation légale de responsabilité en demandant à la Cour d'appliquer la limitation en fonction du nombre de colis soit 758,97 ou 90 570 FCP en l'état de l'absence de précision du poids du colis sur le connaissement ; elle conteste la faute inexcusable, notamment eu égard à l'incertitude des moyens d'arrimage à bord dès lors que l'expert Z... n'a pas vu l'hélicoptère à bord du navire ARANUI et au fait que la faute inexcusable doit être celle du transporteur et non de ses préposés ; elle fait valoir ensuite que le connaissement ne portait pas la mention d'une déclaration de valeur et que le bon de commande du 9 juillet ne pouvait avoir d'effet et ne pouvait supprimer la limitation légale de responsabilité.

Par conclusions du 6 juillet 2007, la SA Polynésia Hélicoptères relève l'inopposabilité du connaissement, établi après le sinistre, et la valeur, comme titre de transport, du fax du 9 juillet 1998 portent une déclaration de valeur. Après avoir renouvelé ses critiques sur les moyens d'irrecevabilité de ses adversaires et réaffirme le bien fondé de son action en sa qualité de partie au contrat de transport, elle conteste les moyens d'exonération invoqués par la Sa CPTM tenant aux mauvaises conditions météorologiques ou au défaut d'emballage qui ne pouvait lui incomber, ainsi que la limitation de responsabilité en l'état de la déclaration de valeur portée sur le fax du 9 juillet et de la faute inexcusable du transporteur.

Par conclusions du 17 août 2007, la Sa CPTM et son assureur réitèrent leurs prétentions et moyens, faisant valoir des arguments supplémentaires notamment sur l'absence de preuve d'un arrimage insuffisant et ajoutent que le transporteur maritime n'est pas tenu d'indemniser le préjudice immatériel, et qu'en toute hypothèse la preuve du montant de ce préjudice n'est pas rapportée.

Par conclusions du 26 octobre 2007, la SA Polynésia Hélicoptères réitère ses prétentions et moyens et soutient que le transporteur doit la réparation intégrale du préjudice.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2007.

Sur quoi,

Attendu au préalable qu'il convient de donner acte à la Compagnie "The Shipowners Mutuel Protection et Indemnity Association" de son intervention volontaire - qui n'est pas critiquée - en sa qualité d'assureur subrogé de la SA CPTM ;

Attendu en fait que la SA Héli-Polynésie, aux droits de laquelle vient la SA Polynésie Hélicoptères, désirant faire rapatrier par voie maritime un hélicoptère de l'archipel des Marquises à Tahiti par le navire ARANUI qui devait quitter Nuku Hiva le 15 juillet 1998 a, par télécopie du 9 juillet 1998 intitulée "bon de commande", interrogé la Compagnie Polynésienne de Transport Maritime (CPTM) sur le coût de ce transport et sur les disponibilités de l'ARANUI à cette date, ce bon de commande précisant que la valeur de l'hélicoptère était de 85 millions FCP ; qu'en retour la CPTM a seulement indiqué que le coût de ce transport était de 300 000 FCP ;

Que l'hélicoptère a été embarqué à Taiohae le 15 juillet 1998 sur l'ARANUI qui après avoir fait escale à Rangiroa le 17 juillet a poursuivi sa route sur Papeete où il est arrivé le 18 juillet 1998, affrontant du mauvais temps lors de cette dernière traversée ;

Qu'il a été constaté à l'arrivée que l'hélicoptère avait été sérieusement endommagé (poutre de queue cassée, structure centrale faussée etc...) en raison du déplacement de plusieurs conteneurs dont un de 9 m3 qui avait écrasé la partie arrière de l'appareil ;

Qu'une facture, visant le fax du 9 juillet 1998, a été adressée le 17 juillet 1998 par la CPTM pour 300 000 FCP tandis qu'un connaissement ne portant aucune date et aucune indication de valeur a été établi sous le no 16711 pour le transport de trois colis (un colis hélicoptère, deux colis hélice) avec la précision "reçu de ... en bon état à bord du navire CPTM ARANUI", et la mention "la responsabilité du transporteur maritime est définie et limitée par la loi du 18 juin 1966 et par les textes subséquents, nonobstant toute déclaration de valeur" ;

Attendu que la Compagnie CPTM soulève d'abord l'irrecevabilité de l'action de la Sa Polynésia Hélicoptères qui n'aurait pas intérêt à agir dès lors qu'elle ne produit aucun titre justificatif de sa qualité de propriétaire ou d'exploitant de l'appareil litigieux, l'hélicoptère écureuil AS 355 F1 numéro de série 5159 immatriculé F - G SAS ;

Que les fins de non-recevoir pouvant être soulevés en tout état de cause, cette fin de non-recevoir est recevable malgré son invocation tardive ;

Qu'elle n'est toutefois pas fondée dès lors d'une part que la partie à un contrat de transport, en sa double qualité d'expéditeur et de destinataire, a intérêt à agir pour voir tirer les conséquences d'une exécution défectueuse du contrat de transport, et d'autre part que les pièces produites révèlent que la Société Héli-Polynésie, titulaire d'un mandat de gestion sur l'appareil, devait restituer celui-ci en état de vol ;

Qu'en effet alors qu'en l'espèce la preuve est libre suivant les règles applicables à la matière commerciale, les différentes pièces produites et notamment des correspondances et requêtes émanant de la Société défiscalisante la Snc Hiva-Oa, propriétaire initiale de l'hélicoptère, évoquées par la Compagnie CPTM révèlent que la Société Héli-Inter Polynésie était titulaire d'un mandat de gestion ; que ce mandat de gestion a pris fin en 2001 mais qu'il prévoyait la restitution de l'appareil en bon état d'entretien et de fonctionnement avec certificat de conformité ;

Que la Société Polynésia Hélicoptères n'ayant pas cru bon de communiquer les pièces sollicitées par la CPTM (titre de propriété de l'hélicoptère, contrat de gestion, contrat de financement etc...) malgré sommation de communiquer et ordonnance du conseiller de la mise en état, il convient de retenir que la Compagnie Héli-Inter était titulaire d'un mandat de gestion qui a pris fin en 2001 - à une date que la Cour fixera au 30 juin 2001 à défaut de renseignements contraires - mais qui l'obligeait à restituer l'hélicoptère en bon état, ce qui lui confère de plus fort qualité et intérêt à agir pour solliciter l'indemnisation de son préjudice matériel - le coût des travaux nécessaires pour remédier aux dommages subis par l'appareil - et de son préjudice immatériel - les pertes d'exploitations éprouvées jusqu'à la fin du mandat de gestion ou jusqu'à la date du paiement des réparations si celle-ci avait été antérieure à l'expiration du mandat de gestion - ;

Attendu que le transport maritime litigieux, ayant été effectué en 1998 entre un port d'un territoire d'outre mer français et un autre port du même territoire, est régi par la loi du 18 juin 1966 qui édicte en son article 27 que "le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandises depuis la prise en charge jusqu'à la livraison à moins qu'il ne prouve que ces pertes ou dommages proviennent :

a) de l'innavigabilité du navire ...

b) des fautes nautiques du capitaine...

c) d'un incendie,

d) des faits constituant un événement non imputables au transporteur,

e) des fautes du chargeur notamment dans l'emballage, le conditionnement ou le marquage des marchandises ...;

Que pour échapper à la responsabilité de plein droit édictée par ce texte, la Compagnie CPTM doit faire la preuve que le dommage résulte d'une des causes exonératoires prévues par le même texte, le transporteur invoquant en l'espèce les mauvaises conditions météorologiques qui constitueraient l'événement non imputable au transporteur et la faute du chargeur dans l'emballage de l'hélicoptère ;

Attendu qu'il résulte du rapport de mer dressé par le capitaine de A... le 18 juillet 1998 que ce navire a appareillé de Rangiroa le 17 juillet peu après 14 h 30, à doublé la pointe sud-est de cet atoll vers 17 h trouvant une mer devenue "agitée à forte" et un vent de sud-est "assez fort à fort entraînant le navire à des tangages et roulis parfois très prononcés et accentués", est arrivé le samedi 18 juillet au port de Papeete, quai des caboteurs où il s'est amarré vers 7 h avec de la gîte sur tribord, les dégâts sur l'hélicoptère ainsi que sur des véhicules terrestres étant constatés après l'ouverture des panneaux de cales ;

Que les bulletins météorologiques figurant en annexes du rapport d'expertise de M. Z... faisaient état pour la zone concernée de prévisions de vent de secteur sud-est 25-30 noeuds, d'une mer agitée à forte avec un houle du sud de 2 à 3 m, les BMS marines établis à compter du 16 juillet à 17 h 01 (UTC) prévoyant un mer forte ;

Qu'aucun élément ne permet d'affirmer que le vent réel a été plus fort que le vent prévu, d'une force de 6 à 7 sur l'échelle Beaufort, qualifié de vent frais ou de grands frais mais non de coup de vent (force 8), fort coup de vent (force 9), tempête, forte tempête ou ouragan ;

Que les conditions de vent et de mer rencontrées lors de la traversée Rangiroa - Tahiti n'étaient donc pas très dures pour un cargo mixte de plus de 3 000 tonneaux et n'étaient nullement exceptionnelles en cette période d'hiver austral ou souffle souvent le vent de sud-est ;

Que le rapport de mer du capitaine ne mentionne pas que le navire ait dû modifier ou arrêter sa route, se mettre à l'abri et ait subi des retards dans sa traversée ;

Que la Compagnie CPTM ne peut donc invoquer les conditions météorologiques pour échapper à sa responsabilité, de telles conditions ne pouvant constituer un événement non imputable au transporteur ayant causé le dommage dès lors qu'un tel navire rencontre habituellement de pareilles conditions qui ne l'empêchent nullement d'accomplir en sécurité des traversés envisagées dès lors que des mesures élémentaires de prudence sont prises ;

Attendu pareillement que le transporteur ne peut se prévaloir de la faute du chargeur qui n'aurait pas emballé l'hélicoptère ou du moins n'aurait pas protégé les parties sensibles alors que le chargeur avait pris la précaution de démonter les deux hélices, que la nature de la marchandise ne justifiait pas qu'elle soit emballée, que le transporteur n'avait fait aucune réserve sur le défaut d'emballage de l'hélicoptère, étant observé de surcroît que l'emballage de la queue ou de la structure centrale de l'hélicoptère n'aurait pas constitué de protection efficace contre la chute ou la glissade de lourds conteneurs ;

Que la responsabilité de plein droit du transporteur et non de ses préposés qui ont agi sans excéder les limites de la mission qui leur avait été impartie, doit être retenu, les premiers juges ayant écarté à bon droit l'application de l'article 31 de la loi du 18 juin 1966 ;

Attendu que les premiers juges ont décidé avec raison que le connaissement ne portant pas d'indication de valeur, il n'y avait pas lieu de retenir l'exclusion de la limitation de responsabilité tirée de l'existence d'une déclaration de valeur par le chargeur insérée dans le connaissement ;

Attendu que l'expert Z..., mandaté par la SA Héli-Inter Polynésie le 27 juillet 1998, a affirmé dans sa rapport clôturé le 20 octobre 1998 que le saisissage de l'hélicoptère et des marchandises dans l'entrepont de la cale numéro deux était inadapté, insuffisant et contraire aux règles de l'art ;

Que si la Compagnie CPTM oppose le rapport de mer du capitaine de son navire et critique les appréciations de l'expert Z... en ce que celui-ci n'aurait vu l'hélicoptère que dans un hangar, après déchargement, il apparaît que cet expert a annexé à son rapport treize photographies qui n'ont pu être prises que dans la cale de l'ARANUI puisque elles montrent l'hélicoptère coincé entre plusieurs conteneurs, un de ceux-ci écrasant la poutre de queue, d'autres faisant pression sur les patins de l'hélicoptère etc..., photographies confirmant la description des dommages consignée par le capitaine ;

Qu'à partir de telles photographies et des constatations qu'il a pu faire contradictoirement dans la cale de l'ARANUI, l'expert Z... a déduit que l'arrimage de l'hélicoptère et des conteneurs était insuffisant et contraire aux règles de l'art ;

Que les photographies prises dans la cale de l'ARANUI révèlent bien que l'hélicoptère a été placé en cale au milieu de conteneurs et de bacs métalliques et qu'un conteneur a basculé sur la queue de l'hélicoptère, tandis que d'autres serraient l'hélicoptère au niveau des patins ;

Qu'en outre la gîte sur tribord observée par le capitaine à l'arrivée signifiait que la cargaison s'était déplacée sur tribord, ce qui démontrait encore son mauvais saisissage ;

Qu'en présence de tels éléments d'appréciation, il apparaît que le fait d'embarquer un hélicoptère, appareil fragile et de grande valeur, au milieu de conteneurs et de bacs à structure acier sans que ceux-ci soient parfaitement maintenus par un saisissage approprié et d'entreprendre une traversée de plusieurs centaines de milles au large dans ces conditions ne pouvait que conduire à penser qu'un dommage à l'hélicoptère en résulterait probablement, une telle traversée ayant été entreprise avec témérité ;

Qu'il convient de noter au surplus que les prévisions météorologiques annonçant un renforcement du vent et de la mer émises à partir du 16 juillet 1998 à 1 h UTC (BMS no 25) avaient pu être reçues par le navire plus de 24 heures avant que ne soit entreprise la traversée au cours de laquelle s'est produit le dommage ;

Qu'en outre, lorsque les conditions météorologiques sont devenues plus difficiles à compter du 17 juillet 1998 à 17 h, une seule ronde a été effectuée dans les cales vers 20 h 35, le rapport de mer du capitaine mentionnant seulement "RAS" et ne faisant pas état de ce que des mesures préventives complémentaires aient été prises ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que le dommage subi par l'hélicoptère résulte du fait du transporteur ou de son omission personnels commis témérairement et avec conscience qu'un tel dommage en résulterait probablement ;

Qu la Sa Polynésia Hélicoptères ne peut se voir opposer de limitation de responsabilité et a droit à recevoir une indemnisation complète de son préjudice ;

Attendu que le préjudice subi par l'exploitant et l'hélicoptère est constitué par le coût des réparations de l'appareil - qui devait être restitué en bon état - et par le manque à gagner résultant de l'indisponibilité de l'appareil avant paiement du coût des réparations ;

Que ce préjudice immatériel au titre des pertes d'exploitation n'est pas exclu par la loi du 18 juin 1966 dès lors que la limitation de responsabilité n'est pas retenue et résulte en fait essentiellement du retard mis par le responsable à payer le coût des réparations qu'il devait ;

Attendu sur le coût des réparations que les conclusions de l'expert B... fixant à 889 394, 25 francs français soit 16 179 760 FCP ce coût dans un rapport clôturé le 7 mai 2000 n'étant pas sérieusement contesté, que les réparations aient ou non été effectués, il y a lieu d'entériner cette évaluation qui sera majorés des intérêts au taux légal à compter de la date de clôture du rapport de l'expert ;

Que sur le préjudice d'immobilisation, l'expert C... a indiqué, dans des observations non sérieusement contestées, que la méthode la plus réaliste consistait à prendre pour référence le bénéfice net d'exploitation de ce type d'appareil par heure de vol (2 500 FCP à 3 000 FCP, valeur communément admise pour ce type d'appareil), les heures de vol perdues étant évaluées sur le nombre d'heures réalisées lors des années précédentes aux mêmes périodes ;

Que les pièces soumises à la Cour permettent de fixer à trente le nombre d'heures mensuel de vol de l'appareil, et à 46 000 FCP le bénéfice horaires ; que l'indisponibilité de l'appareil ayant duré du 1er août 1998 au 30 juin 2001, date de la fin du mandat de gestion, il y a lieu d'évaluer le préjudice subi au titre des pertes d'exploitation à : 35 x 30 x 46 000 = 48 300 000 FCP ;

Qu'il ne saurait être pris en considération la date effective du paiement, postérieure au 30 juin 2001, ou un délai supplémentaire pour effectuer les réparations dès lors que le mandat de gestion avait pris fin bien avant la date du paiement du coût des réparations ;

Qu'il convient donc de condamner in solidum la CPTM et son assureur, celui-ci dans la limite de la police souscrite, à payer en denier ou quittances à la SA Polynésia Hélicoptères les sommes de 16 179 760 FCP avec intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2000, et de 48 300 000 FCP avec les intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance et jusqu'au jour du paiement à titre de dommages-intérêts complémentaires ;

Attendu qu'au titre des frais irrépétibles qu'elle a fait exposer à la demanderesse par sa résistance en grande partie injustifiée, la SA CPTM devra régler à la SA Polynésia Hélicoptères la somme globale de 800 000 FCP au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Que la SA CPTM qui succombe pour l'essentiel devra supporter les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Statuant en audience solennelle, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;

Réformant le jugement entrepris ;

Déclare la SA Compagnie Polynésienne de Transport Maritime ARANUI responsable des dommages subis par l'hélicoptère de la SA Héli-Inter Hélicoptères devenue Sa Polynésia Hélicoptères ;

Dit que la SA Compagnie Polynésienne de Transport Maritime ARANUI ne peut bénéficier d'une limitation de responsabilité ;

Condamne in solidum la SA Compagnie Polynésienne de Transport Maritime ARANUI et la Compagnie Shipowners Mutual Protection et Indemnity Association - celle-ci dans la limite de la police souscrite - à payer en deniers ou quittances à la SA Polynésia Hélicoptères la somme de SEIZE MILLIONS CENT SOIXANTE DIX NEUF MILLE SEPT CENT SOIXANTE (16 179 760) FRANCS PACIFIQUE au titre du coût des réparations de l'hélicoptère avec les intérêts au taux légal à compter du 7 mai 2000 et la somme de QUARANTE HUIT MILLIONS TROIS CENT MILLE (48 300 000) FRANCS PACIFIQUE au titre des pertes d'exploitation avec les intérêts au taux légal à compter du 28 juin 1999 ;

Condamne la SA Compagnie Polynésienne de Transport Maritime ARANUI à payer à la SA Polynésia Hélicoptères la somme de HUIT CENT MILLE (800 000) FCP au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

Condamne la SA Compagnie Polynésienne de Transport Maritime ARANUI aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé à Papeete, le 17 juillet 2008.

Le Greffier, Le Président,

M. SUHAS-TEVERO JP SELMES


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Papeete
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 403
Date de la décision : 17/07/2008
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Tribunal de première instance de Papeete, 02 novembre 2005


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.papeete;arret;2008-07-17;403 ?
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