No 475
RGo 172/CIV/04
Grosse délivrée à
le
Expédition délivrée à
leREPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Civile
Audience du 9 août 2007
Monsieur Jean-Paul ELLUL, Président de Chambre à la Cour d'Appel de Papeete, assisté de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;
En audience solennelle tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
La Polynésie Française, élisant domicile à la Direction des Affaires Foncières, demeurant Immeuble Te Fenua, rue Dumont d'Urville, Papeete, BP 114 Papeete ;
Demanderesse aux fins de sa requête en reprise d'instance après cassation partielle le 15 avril 2004, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le 16 du même mois, sous le numéro de rôle 172/CIV/04, ensuite d'un arrêt no 160 FS-P+B de la Cour de Cassation de Paris du 11 février 2004 ;
Ayant conclu ;
d'une part ;
Et :
1- Monsieur André Ronel X..., administrateur de sociétés, né le 26 mars 1954 à Papeete, de nationalité française, demeurant à Punaauia PK 7,5 à 12,5, BP 98717 Punaauia ;
2- L'EURL « TE PUNA BEL AIR », représentée par son gérant M. X... André Ronel, immatriculée au RCS sous le no Tahiti 350744, sis à Punaauia PK 7 à 12,5, BP 98717 Punaauia ;
Défendeurs,
Représentés par Me USANG, avocat à Papeete ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience solennelle du 14 Juin 2007, devant M. ELLUL, Président de chambre, Mme LASSUS-IGNACIO, conseillère et M. MONDONNEIX, conseiller, M. Du Y... de BUISSON et Mme Z..., vice-présidents au Tribunal de première instance de Papeete régulièrement appelé à compléter la Cour en l'absence des autres magistrats de cette juridiction empêchés ou absents du Territoire, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
Faits et procédure :
Par arrêt du 28 février 2002 auquel il conviendra le cas échéant de se reporter, statuant sur le litige opposant la Polynésie française à M. X... et à l'EURL TE PUNA BEL AIR qu'elle audit fait expulser d'un immeuble qu'elle leur avait donné à bail, la cour de céans infirmant le jugement déféré uniquement sur la valeur marchande du fonds de commerce, a condamné le Territoire de la Polynésie française à leur payer la somme de 12.205.993 FCP.
Sur pourvoi formé par M. X... et l'EURL TE PUNA BEL AIR la cour de cassation a, par arrêt du 11 février 2004, cassé cette décision "seulement en ce qu'elle a fixé la valeur marchande du fonds à la somme de 12.205.993 FCP", et a remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit les a renvoyées devant la même cour autrement composée.
Dans ses conclusions récapitulatives déposées et notifiées le 15 mars 2007 la Polynésie française demande à la cour :
- de constater la violation de ses obligations contractuelles par M. X... comme constitutive d'un motif grave et légitime justifiant le refus de renouvellement sans indemnité d'éviction ;
- le cas échéant, d'appliquer un coefficient intermédiaire (entre 40 et 70 %) au chiffre d'affaires pour évaluer la valeur du fonds de commerce ;
- de rejeter le projet de rapport de M. A... ;
- de rejeter la demande de dommages et intérêts ;
- de rejeter la demande quant aux intérêts légaux ;
- de laisser les entiers dépens à la charge de M. X... et de l'EURL TE PUNA BEL AIR.
M. X... et l'EURL "TE PUNA BEL AIR" se référant au rapport de M. A... ,sur la personne duquel ils se sont accordés en vue de l'expertise, en sollicitent l'homologation et demandent en conséquence à la cour de condamner la Polynésie française à leur payer la somme de 220.680.000 FCP au titre de l'indemnité d'éviction outre celle de 550.000 FCP au titre de l'article 407 du CPCPF.
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Motifs de la décision,
Attendu que, la cour désormais saisie dans la limite des termes de l'arrêt de renvoi ne doit statuer que sur le montant de l'indemnité d'éviction due par la Polynésie française à M. X... et l'EURL TE PUNA BEL AIR ainsi qu'elle l'a rappelé dans son arrêt du 6 juillet 2006 ayant désigné M. A... en qualité d'expert avec mission de lui fournir tous éléments de nature à lui permettre de se prononcer sur ce point ; que dès lors les développements de la Polynésie française tendant au rejet de la demande d'indemnisation sont sans intérêt ;
Attendu qu'il convient de rappeler que, le plus à même de chiffrer exactement le préjudice qu'il avait subi du fait de son expulsion, M. X... (et l'EURL TE PUNA BEL AIR avait conclu, après la première expertise diligentée à leur demande, au paiement d'une indemnité de 99.238.823 FCP alors d'une part qu'il avait été directement à la Polynésie française le 10 juin 1999 le paiement de la somme de 84 millions FCP et que d'autre part l'expert B... dans son rapport déposé le 3 mai 1999 avait évalué l'indemnité d'éviction à la somme de 7.517.684 FCFP ; qu'ils sont dès lors mal fondés à solliciter la condamnation de la Polynésie française, qui s'oppose à cette surenchère manifeste et outrancière, au paiement de la somme de 220.680.000 FCP sur la base du rapport de M. A... justement critiqué par celle-ci ;
Attendu qu'il convient de rappeler qu'en application de l'article 9 de la délibération du 14 février 1975 le bailleur (la Polynésie française en l'espèce) doit en cas de refus de renouvellement payer au locataire évincé (l'EURL TE PUNA BEL AIR) une indemnité d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement et comprenant notamment la valeur marchande du fonds de commerce augmentée des frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de commerce de même valeur ;
Attendu qu'en l'espèce M. X... a pris à bail le 14 septembre 1995 un bâtiment à usage de bal, ainsi qu'un bâtiment à usage de restaurant et 5 chambres non meublées situés sur l'emplacement de l'ancien Hôtel BEL AIR à Punaauia pour un loyer mensuel de 40.000 FCP pour y exercer une "activité limitée de restauration et l'organisation de bals" et que par lettre du 9 octobre 1997 le Territoire lui a donné congé ;
Attendu qu'il convient d'observer que les locaux loués à M. X... étaient vétustes (d'où la modicité du loyer convenu) et que celui-ci qui a créé le fonds de commerce ne l'a en réalité exploité que deux années à peine, et n'a pu fournir au soutien de sa demande d'indemnité que les chiffres d'affaires qu'il avait réalisés en 1996 et 1997 (soit respectivement 25.635.000 FCP et 21.378.688 FCP) lesquels incluaient des recettes irrégulières puisqu'il louaient des chambres alors qu'il n'avait reçu d'autorisation à cette fin ;
Attendu que l'indemnité d'éviction devant réparer l'entier préjudice subi du fait de la perte d'un fonds de commerce doit s'apprécier à la date de l'éviction réalisée c'est à dire en l'espèce en 1997 et non au 10 août 2006 date à laquelle s'est placé l'expert A... dont les conclusions manifestement erronées seront écartées ;
Attendu qu'en l'état des chiffres d'affaires réalisés dont il a eu connaissance (et qui n'ont pas été modifiés depuis), du nombre d'années d'exploitation d'un fonds de commerce nouvellement créé dans des locaux vétustés, la cour estime que le premier juge a exactement évalué la valeur du fonds de commerce litigieux à la date de l'expulsion en la fixant à la somme de 15.110.993 FCP la valeur marchande du fonds de commerce et à la somme de 17.128.109 FCP l'indemnité d'éviction due par la Polynésie française ; que la décision déférée sera en conséquence confirmée ;
Attendu que s'agissant d'une demande de paiement d'une créance de nature indemnitaire , les intérêts sont dus à compter du jour où elle a été judiciairement fixée ; qu'en l'espèce la Polynésie française paiera donc les intérêts au taux légal à compter de la date de la décision déférée ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à M. X... et à l'EURL TE PUNA BEL AIR la somme globale de 250.000 FCP au titre de leurs entiers frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La Cour statuant en audience solennelle publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort ;
En suite de l'arrêt de la Cour de Cassation du 11 février 2004 et son arrêt ADD du 6 juillet 2006 ;
Confirme le jugement déféré en date du 19 juillet 2000 en ce qu'il a fixé à l'indemnité d'éviction due par la Polynésie française à la somme de dix sept millions cent vingt huit mille cent neuf (17.128.109 FCFP) francs pacifique dont quinze millions cent dix mille neuf cent quatre vingt treize (15.110.993 FCP) francs pacifique pour la valeur du fonds de commerce) ;
Dit que la Polynésie française paiera les intérêts au taux légal sur la somme de dix sept millions cent vingt huit mille cent neuf (17.128.109 FCP) francs pacifique à compter du 19 juillet 2000 ;
Condamne la Polynésie française à payer à M. X... et l'EURL TE PUNA BEL AIR la somme de 250.000 FCP (deux cent cinquante mille francs pacifique) au titre de l'article 407 du CPCPF ;
La condamne aux entiers dépens.
Prononcé à Papeete, le 9 Août 2007
Le Greffier, Le Président,
M. SUHAS-TEVERO JP. D...