No 463
RG 617 / SOC / 06
Grosse délivrée à
le
Expédition délivrée à
le
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D'APPEL DE PAPEETE
Chambre Sociale
Audience du 9 Août 2007
Madame Catherine TEHEIURA, Conseillère à la Cour d'Appel de Papeete, assistée de Mme Maeva SUHAS-TEVERO, greffier ;
En audience publique tenue au Palais de Justice ;
A prononcé l'arrêt dont la teneur suit :
Entre :
La POLYNESIE FRANCAISE, prise en la personne de son Président Monsieur Gaston TONG SANG, demeurant en cette qualité Présidence Avenue Bruat, BP 2551-98713 PAPEETE ;
Appelante par déclaration reçue au greffe du Tribunal du Travail sous le numéro 776-143 en date du 10 novembre 2006, déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'Appel le même jour, sous le numéro de rôle 06 / 00617, d'un jugement n 758-308 du Tribunal du Travail de Papeete en date du 6 novembre 2006 ;
Ayant conclu ;
d'une part ;
Et :
Madame Taiana Q..., née le 3 novembre 1966 à Uturoa-Raiatea, de nationalité française, demeurant à Faa'a Pamatai route de la Chaumière, BP 380 553 Tamanu-Punaauia ;
Intimée,
Représentée par Me GAULTIER, avocat à Papeete ;
d'autre part ;
Après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 14 juin 2007, devant M. GAUSSEN, président de chambre, M. TEHEIURA, conseillère et M. MONDONNEIX, conseiller, assistés de Mme SUHAS-TEVERO, greffier, le prononcé de l'arrêt ayant été renvoyé à la date de ce jour ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
A R R E T,
Par jugement rendu le 6 novembre 2006 auquel la cour se réfère expressément pour l'exposé des faits, le tribunal du travail de Papeete a :
-annulé la clause 3 de l'avenant du 2 novembre 2005 au contrat du 11 juillet 2003 ;
-alloué à Taiana Q... la somme de 500 492 FCP, au titre des arriérés de salaires ainsi que celle de 80 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Par déclaration faite au greffe du tribunal du travail de Papeete le 10 novembre 2006, la Polynésie française a relevé appel de cette décision afin d'en obtenir l'infirmation.
Elle sollicite le rejet des prétentions de Taiana Q... en faisant valoir qu'en vertu des dispositions de l'article 1134 du code civil, la relation salariale a pris fin le 6 juillet 2005 ; que l'article 14-1 de la délibération no 91-2 AT du 16 janvier 1991 ne lui impose pas de réintégrer le salarié ; que Mme Y..., qui n'a fourni aucune prestation du 7 juillet 2005 au 19 septembre 2005, ne peut donc réclamer de salaire, selon « la règle du service fait, règle essentielle de la comptabilité publique » et que, bénéficiant d'une attitude bienveillante à son égard, elle a eu la « chance de pouvoir réintégrer l'administration, conformément à la possibilité ouverte par les dispositions de l'article 14-1 de la délibération no 91-2.., et, en raison de la décision de justice intervenue peu après la rupture du lien contractuel ».
Taiana Q... demande à la cour de confirmer le jugement attaqué ; de lui allouer la somme de 200 000 FCP, à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ainsi que celle de 200 000 FCP, au titre des frais irrépétibles d'appel et, subsidiairement, de lui allouer la somme de 1 305 630 FCP, au titre de l'indemnité pour cause réelle et sérieuse, celle de 1 305 630 FCP, à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et celle de 217 605 FCP, au titre de l'indemnité pour défaut de respect de la procédure de licenciement.
Elle soutient que la Polynésie française n'a pas exécuté le jugement rendu le 18 juillet 2005 selon lequel elle bénéficie d'un contrat à durée indéterminée depuis le 7 juillet 2003 et qu'elle ne peut parler de « bienveillance » ; qu'élevant seule deux enfants à charge, elle a été contrainte de signer le contrat du 2 novembre 2005 pour ne pas perdre son emploi ; que la Polynésie française ne saurait se prévaloir de l'article 1134 du code civil alors que les textes relatifs aux contrats à durée déterminée sont d'ordre public ; qu'elle s'est tenue à la disposition de l'employeur et que celui-ci doit lui fournir du travail ; subsidiairement, que le contrat du 7 juillet 2005 a été résilié par la Polynésie française et que le licenciement est irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La Polynésie française réplique que le jugement ayant été rendu postérieurement au terme du contrat à durée déterminée, la réintégration n'a pu intervenir qu'à compter du 20 septembre 2005 ; qu'en ne réintégrant pas immédiatement Z...Q..., elle a usé du droit d'option que lui offre l'article 14-1 de la délibération no 91-2 AT du 16 janvier 1991.
Subsidiairement, elle demande à la cour de rejeter les prétentions formulées par Mme Y... au titre du licenciement et d'enjoindre à cette dernière de « préciser sa position quant à son maintien ou non au sein de l'administration polynésienne ».
Elle rappelle que la relation de travail existe toujours et qu'en tout état de cause, elle n'a pas rompu le contrat de travail, elle n'a pas adopté de comportement vexatoire ou humiliant et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne se cumule pas avec l'indemnité pour licenciement irrégulier.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 mai 2007.
MOTIFS DE LA DECISION,
Sur la recevabilité de l'appel :
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et aucun élément de la procédure ne permet à la cour d'en relever d'office l'irrégularité.
Sur la demande en paiement de salaires :
A la lecture des éléments versés aux débats, il ressort que les premiers juges ont analysé de façon précise, sérieuse et exacte les faits de la cause et qu'ils leur ont appliqué les principes juridiques adéquats.
C'est donc par des motifs pertinents tant en fait qu'en droit et exempts d'insuffisance ou de contradiction, que la cour adopte purement et simplement, qu'ils ont considéré que :
-l'avenant au contrat de travail du 16 novembre 2005 démontre que ledit contrat s'est poursuivi le 7 juillet 2005 pour une durée indéterminée ;
-cet avenant ne peut être qualifié de nouveau contrat ;
-son article 3 privant la salariée de ses salaires du 7 juillet au 19 septembre 2005 inclus doit être annulé pour vice du consentement dans la mesure où Taiana Q..., qui s'est mise à la disposition de son employeur et a des charges de famille, n'a pu renoncer à percevoir des salaires que par peur de perdre son emploi.
A ces motifs, il convient d'ajouter que :
-la Polynésie française ne peut opposer la règle « du service fait » ou celle « du salaire contrepartie du travail effectué » puisqu'elle reconnaît dans l'avenant du 16 novembre 2005 que le contrat de travail existait le 7 juillet 2005 ; que l'employeur a l'obligation de fournir du travail au salarié ; qu'elle ne l'a pas fait jusqu'au 19 septembre 2005, bien que Taiana Q... se soit tenue à sa disposition et qu'ainsi elle est débitrice de salaires ;
-elle ne peut non plus se prévaloir de la tardiveté du jugement ou d'une attitude bienveillante puisqu'ayant qualifié de façon erronée le contrat de travail, elle est à l'origine de la situation litigieuse et qu'en poursuivant le contrat de travail, elle ne fait qu'exécuter une décision de justice.
La décision attaquée doit donc être confirmée en toutes ses dispositions.
Il n'est pas établi que la Polynésie française ait abusé du droit qui est le sien de faire appel.
La demande de dommages-intérêts formée par Taiana Q... doit, dès lors, être rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Taiana Q... la totalité de ses frais irrépétibles d'appel et il doit donc lui être alloué la somme de 100 000 FCP, sur le fondement de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement rendu le 6 novembre 2006 par le tribunal du travail de Papeete en toutes ses dispositions ;
Rejette la demande de dommages-intérêts pour appel abusif formée par Taiana Q... ;
Dit que la Polynésie française doit verser à Taiana Q... la somme de cent mille (100 000 FCP) francs pacifique, en application des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 9 Août 2007
Le Greffier, Le Président,
M. SUHAS-TEVEROP. GAUSSEN