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29/08/2024 | FRANCE | N°23/00158

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 29 août 2024, 23/00158


N° de minute : 2024/178



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 29 août 2024



Chambre civile









N° RG 23/00158 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T5I



Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 12 mai 2023 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 23/137)



Saisine de la cour : 26 mai 2023





APPELANT



M. [B] [H]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Fa

bien MARIE, membre de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



SARL NEPTUNE, prise en la personne de son représentant légal

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Fr...

N° de minute : 2024/178

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 29 août 2024

Chambre civile

N° RG 23/00158 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T5I

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 12 mai 2023 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 23/137)

Saisine de la cour : 26 mai 2023

APPELANT

M. [B] [H]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Fabien MARIE, membre de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

SARL NEPTUNE, prise en la personne de son représentant légal

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric DE GRESLAN, membre de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er juillet 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseillère,

Mame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH.

29/08/2024 : Copie revêtue de la forme exécutoire : - Me MARIE ;

Expéditions : - Me DE GRESLAN ;

- Copie CA ; Copie TPI

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le délibéré fixé au 26 août 2024 ayant été prorogé au 29 août 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le catamaran « Destiny » appartenant à M. [H], assuré auprès de la société Helvetia assurances, a subi un échouage le 4 janvier 2019, près de la baie de [Localité 5] en Nouvelle-Calédonie. Le navire a été remorqué jusqu'à la baie de [Localité 4]. L'expert maritime, M. [Y], mandaté par l'assureur, a contacté la Sarl Neptune, dont l'activité est celle de chantier naval, pour mettre à sec le navire dans l'attente de sa réparation et de la fin de la période cyclonique. Cette société a facturé mensuellement dès le 21 février 2019, les frais d'entreposage du bateau de M. [H].

Par arrêt en date du 15 septembre 2022, la cour d'appel de Nouméa a dit que le contrat devait s'analyser en un contrat de location d'emplacement de terre-plein justifiant la délivrance de factures de location, et a condamné M. [H] a réglé la somme de 3 260 740 francs pacifique au titre des frais d'emplacement pour la période du 21 janvier 2019 au 31 juillet 2021, déduction déjà faite du règlement de la somme de 500 000 francs pacifique.

Exposant que la société Neptune s'oppose à la mise à l'eau de son navire et lui réclame les frais de location de l'emplacement où il est entreposé, M. [H] a saisi, par assignation du 10 mars 2023, le président du tribunal de première instance de Nouméa statuant en référé pour entendre :

- ordonner à la société Neptune, sous astreinte de 300 000 francs pacifique par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, de procéder à la remise à l'eau du navire Destiny,

- condamner la société Neptune à lui payer la somme de 4 000 000 francs pacifique au titre du préjudice de jouissance,

- condamner la société Neptune à lui payer la somme de 300 000 francs pacifique en application de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle- Calédonie ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Calexis.

Par ordonnance dont appel du 12 mai 2023, le président du tribunal de première instance de Nouméa, statuant en référé, a :

- débouté M. [H] de ses demandes,

- condamné M. [H] à régler à la société Neptune une provision de 3 099 751 francs pacifique à valoir sur les frais de location, au titre des frais de location, arrêtés au mois d'avril 2023,

- constaté qu'il pouvait solliciter la mise à l'eau de son bateau à tout moment,

- condamné M. [H] à régler à la société Neptune la somme de 150 000 francs pacifiques en application de l'article 700 du Code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- rappelé que la décision était exécutoire à titre provisoire,

- condamné M. [H] aux dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

M. [H] a relevé appel de cette ordonnance par requête enregistrée au greffe de la cour le 26 mai 2023.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 janvier 2024 oralement soutenues à l'audience du 1er juillet 2024, M. [H] demande à la cour dès à présent et par provision de :

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné M. [H] à régler à la société Neptune la somme provisionnelle de 3.099.751 francs pacifique à valoir sur les frais de location pour la période de septembre 2021 à avril 2023,

statuant à nouveau,

- condamner la société Neptune à payer à M. [H] la somme de 4.000.000 francs pacifique au titre du préjudice de jouissance,

- condamner la société Neptune à payer à M. [H] la somme de 300 000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Calexis, avocats aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions en réplique notifiées par voie électronique le 15 mars 2024, oralement soutenues à l'audience du 1er juillet 2024, la sarl Neptune demande à la cour de :

vu l'arrêt de la cour d'appel de Nouméa en date du 15 septembre 2022,

- débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes à l'égard de la société Neptune ;

à titre reconventionnel,

- condamner M. [H] à payer à la sarl Neptune la somme de 3.099.751 francs pacifique au titre du coût de la location de l'emplacement pour son navire 'Destiny' depuis le 1er août 2021 jusqu'au 30 avril 2023, sauf à parfaire ;

- condamner M. [H] à payer à la société Neptune la somme de 300 000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux entiers dépens.

L'affaire a été fixée à l'audience du 1er juillet par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état en date du 11 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel partiel de M. [H] qui conteste la décision du juge des référés uniquement en ce qu'elle l'a condamné au paiement de la somme de 3 099 751 francs pacifique au titre de la location d'un emplacement pour son bateau du mois d'aout 2021 au 30 avril 2023.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que le litige a évolué en cours d'instance, puisque le bateau de M. [H] a été finalement remis à l'eau en avril 2023, de sorte que les demandes principales tendant à contraindre la société Neptune à remettre le navire à l'eau, dont le premier juge avait été saisi, n'ont plus aucun objet.

Il en découle que le seul point de droit en litige porte sur le bien-fondé de la demande présentée à titre reconventionnel par la société Neptune, d'une provision de 3 099 751 francs pacifique au titre des frais de gardiennage du mois d'août 2021 au mois d'avril 2023, et sur la demande principale présentée par M. [H] pour obtenir la réparation d'un préjudice de jouissance.

I. Sur la demande reconventionnelle en paiement des frais de gardiennage

Le juge des référés a condamné M. [H] au paiement de la somme provisionnelle de 3 099 751 francs pacifique au titre de la location de l'emplacement pour le stationnement de son bateau au sein de la société Neptune, après avoir rejeté le moyen défendu par son propriétaire qui soutenait, sans le démontrer, que la société bailleresse s'était opposée à la remise à l'eau de son navire.

Devant la cour, M. [H] estime que le premier juge a, par une appréciation erronée des éléments de la cause, considéré qu'il n'existait aucune preuve de la réticence injustifiée de la société de gardiennage alors que celle-ci est établie selon lui par le témoignage de M. [X] et par les courriers électroniques qu'il lui a adressés les 12,13 et 15 octobre 2021, ainsi que par la mise en demeure signifiée par acte d'huissier du 18 octobre 2021. Il ajoute que la société Neptune s'est d'ailleurs expliquée sur ce positionnement devant la cour, dans le cadre de la première procédure au fond, ayant pour objet les frais de gardiennage du 21 janvier 2019 au 31 juillet 2021, en faisant valoir, non pas qu'aucune demande en ce sens ne lui avait été présentée par le propriétaire du navire, mais en prétendant s'opposer à la remise à l'eau au motif que le bateau n'était toujours pas en état de naviguer à cette date. M. [H] indique que cette question qui relève du fond du droit, n'autorisait pas le juge des référés à accorder la provision sollicitée par la bailleresse. Il estime que le caractère manifestement abusif de cette position d'obstruction est également établie au regard du silence persistant de la société Neptune à la sommation interpellative du 22 février 2023 (il lui était demandé si le bateau serait remis à l'eau s'il acquittait de la somme de 3 260 740 francs pacifique au paiement de laquelle il avait été condamné par la cour).

La société Neptune prie la cour de confirmer la décision rendue de ce chef. Elle affirme que son client avait bien conscience qu'il fallait d'abord régler les causes de l'arrêt de la cour d'appel du 15 septembre 2022 avant de pouvoir remettre son bateau à l'eau, étant précisé qu'elle-même n'a jamais contesté la faculté de M. [H] de remettre son navire à l'eau.

Elle observe qu'il n'a procédé au règlement de la condamnation que six mois plus tard, soit le 7 mars 2023, et qu'il a attendu d'avoir effectué ce règlement pour saisir le juge des référés le 6 mars 2023.

Elle précise qu'il a par la suite dès le prononcé de l'ordonnance de référé dont appel mis son bateau à l'eau pour le vendre, étant observé qu'une saisie sur le prix de vente du navire a été effectuée entre les mains du vendeur, qui a finalement permis de régler la somme réclamée de 3 099 751 francs pacifique (correspondant aux loyers échus jusqu'au mois de mars 2023).

Il convient de rappeler qu'en application des dispositions de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président de la juridiction peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La cour observe que ni l'existence, ni la nature du contrat liant les parties, ne sont remises en cause dans le cadre de la présente instance en référé, étant observé que la cour avait déjà analysé cette convention en contrat de location, lorsqu'elle avait statué au fond, sur la demande en paiement de la société Neptune, pour les termes échus de juillet 2019 à juillet 2021. Par ailleurs, il n'est pas sérieusement contestable que l'obligation au paiement des loyers constitue l'obligation essentielle incombant à tout locataire.

Il revient en conséquence à la cour d'examiner les griefs opposés à la société Neptune, d'en apprécier le bien-fondé, pour déterminer s'ils constituent une contestation sérieuse, dispensant le locataire du paiement du loyer pour la période postérieure ayant couru du mois de juillet 2021 au mois d'avril 2023.

Or, force est de constater que M. [H] qui affirme que la société Neptune se serait opposée abusivement à la mise à l'eau de son bateau, n'en apporte aucune preuve. En effet, la cour observe en premier lieu que le bailleur pouvait légitiment retenir le navire sur son chantier tant que son débiteur ne s'était pas acquitté des causes de l'arrêt rendu au fond le 15 septembre 2022 (pour les loyers échus du 21 janvier 2019 au 31 juillet 2021) ce dont M. [H] était parfaitement conscient, au regard des termes de sa sommation interpellative délivrée le 22 février 2023. En second lieu, ayant effectivement réglé ce qu'il devait en exécution de cet arrêt, le 6 mars 2023, rien ne démontre qu'il ait eu à subir, après ce règlement une quelconque opposition de la société de gardiennage, à la mise en eau de son navire, dont l'initiative ne revenait qu'à lui seul, initiative qu'il n'a d'ailleurs pas manqué de prendre, immédiatement après le prononcé de l'ordonnance dont appel.

Dans ces conditions, la cour retient que la créance de la société Neptune correspondant aux loyers échus impayés depuis le mois d'août 2021 et jusqu'au mois d'avril 2023, n'est pas sérieusement contestable et justifie dès lors la condamnation de M. [H] au paiement d'une provision de 3 099 751 francs pacifique.

L'ordonnance sera en conséquence confirmée de ce chef.

II. Sur l'indemnisation du préjudice de jouissance

Le juge des référés a débouté M. [H] de sa demande en dommages -intérêts, en estimant qu'elle n'était pas justifiée.

M. [H] estime que le refus opposé par la société Neptune de remettre son navire à l'eau alors que cela était techniquement possible de le faire depuis le mois d'octobre 2022, lui a occasionné un préjudice de jouissance important, qu'il évalue à 4 000 000 francs pacifique dont il réclame le paiement.

La société Neptune demande à la cour de rejeter cette demande.

Il ressort des motifs ci-dessus exposés que M. [H] argue d'une créance indemnitaire dont le principe même est contestable, au sens de l'article 809 précité, dès lors qu'elle repose sur un préjudice non imputable à la société Neptune.

Elle a été rejetée à juste titre par le premier juge dont la décision sera confirmée de ce chef.

III. Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Neptune l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour assurer la représentation de ses intérêts devant la cour d'appel. Une somme de 150 000 francs pacifique lui sera allouée de ce chef.

IV. Sur les dépens

M. [H], qui succombe devant la cour, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. [H] à verser à la société Neptune la somme de 150 000 francs pacifique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00158
Date de la décision : 29/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-29;23.00158 ?
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