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12/08/2024 | FRANCE | N°23/00092

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 12 août 2024, 23/00092


N° de minute : 2024/34



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 12 août 2024



Chambre sociale









N° RG 23/00092 - N° Portalis DBWF-V-B7H-ULN



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 juillet 2023 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG n° F 21/240)



Saisine de la cour : 27 novembre 2023



APPELANT



S.A.S. ETNA,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Denis CASIES de la SELARL D'AVOCAT DENIS CASIES, avocat au barreau de NO

UMEA



INTIMÉ



M. [L] [K]

né le 29 juin 1981 à [Localité 3] (057),

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Myriam-Emmanuelle LAGUILLON de la SELARL LEXNEA, avocat au barreau de BORDE...

N° de minute : 2024/34

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 12 août 2024

Chambre sociale

N° RG 23/00092 - N° Portalis DBWF-V-B7H-ULN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 juillet 2023 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG n° F 21/240)

Saisine de la cour : 27 novembre 2023

APPELANT

S.A.S. ETNA,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Denis CASIES de la SELARL D'AVOCAT DENIS CASIES, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [L] [K]

né le 29 juin 1981 à [Localité 3] (057),

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Myriam-Emmanuelle LAGUILLON de la SELARL LEXNEA, avocat au barreau de BORDEAUX

Représentée lors des débats par Me Pierre-Henri CUENOT avocat au barreau de Nouméa

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 juin 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

25/07/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me CUENOT ;

Expéditions - Me CASIES ;

- S.A.S. ETNA et M. [K] (LR/AR)

- Copie CA ; Copie TT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 25 juillet 2024 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 12 août 2024 , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 25 novembre 2019, M. [K] a été recruté par la SAS ETNA, en qualité de superviseur, responsable de site, niveau 5, échelon 1, indice 335.98 AM5, à compter du 25 novembre 2019, son ancienneté étant reprise depuis le 8 décembre 2014, moyennant un salaire mensuel forfaitaire brut de 600.000 Fcfp (bâtiment et travaux publics).

Par courrier daté du 27 septembre 2021, le conseil du salarié a sollicité de son employeur le réglement de ses temps de trajets et heures supplémentaires qu'il a évalués à la somme de 4.585.212 Fcfp.

Par note de service RH relative à la rémunération du temps de trajet datée du 1er octobre 2021, la direction a réglementé le temps de trajet au sein de la société.

Par lettre du 29 novembre 2021 reçue le jour même, M. [K] a informé son employeur de sa volonté de démissionner et de l'exécution de son préavis de trois mois.

Selon requête déposée le 15 décembre 2021 au greffe du tribunal du travail de Nouméa, M. [K] a fait convoquer devant la SAS ETNA aux fins de :

- avant-dire droit, ordonner à la société ETNA de communiquer à M. [K] ses relevés de pointage relatifs à la période non-couverte par la prescription relative aux rappels de salaires ;

- dire et juger que la société ETNA n'a pas réglé les temps de trajet relatifs aux trajets professionnels effectués par M. [K] ;

- condamner la société ETNA à lui verser la somme de 1 442.304 Fcfp à titre de rappels de temps de trajet, outre 144.230 Fcfp au titre des congés payés afférents ;

- dire et juger que la clause de forfait en heures du contrat de M. [K] est illicite ;

- dire et juger que la société ETNA n'a pas réglé à M. [K] les heures supplémentaires qu'il a effectuées ;

en conséquence,

- condamner la société ETNA à lui verser la somme de 1.644.675 Fcfp à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires, outre 164.467 Fcfp au titre des congés payés afférents sur la période du 25 novembre 2019 jusqu'à la fin des relations contractuelles ;

- condamner la société ETNA à lui transmettre ses bulletins de salaires modifiés conformément au jugement à intervenir sous astreinte de 10.000 Fcfp parjour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir ;

- dire et juger que la société ETNA n'a pas octroyé à M. [K] de repos compensateur au titre des heures supplémentaires effectuées ;

- condamner la société ETNA à lui verser la somme de 383.343 Fcfp au titre des repos compensateurs ;

- dire et juger que les non-paiements de salaires récurrents de la société ETNA ont causé un préjudice certain à M. [K] ;

en conséquence :

- condamner la société ETNA à lui verser la somme de 600.000 Fcfp à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice ;

- dire et juger qu'en application de l'article 1153-1 du code civil, l'ensemble des sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil.

Il sollicitait, en outre, condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 420.000 Fcfp au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.

Il soutenait avoir réalisé de nombreuses heures au titre des temps de trajet, non indemnisées sollicitant leur règlement au titre des heures supplémentaires. À titre liminaire, il demandait qu'il soit ordonné à la société ETNA la production de ses relevés de pointage non couverts par la prescription soutenant que l'employeur avait l'obligation de justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié en application de l'article Lp 224-2 du code du travail de Nouvelle-Calédonie et de reprendre les obligations de la société HOLDING GROUPE ETC à compter du 8 décembre 2014, la SAS ETNA ayant repris son contrat de travail depuis le 25 novembre 2019.

ll exposait notamment avoir été contraint, compte tenu de son activité de responsable superviseur de site, de se déplacer régulièrement à l'usine KNS dans le nord de la Nouvelle-Calédonie, devant réaliser un trajet estimé à 3 heures 32 entre l'entreprise et le site de KNS qu'il a évalué depuis 2018 à 861 heures non rémunérées en violation des dispositions de l'article 64 de l'AlT et de l'article 23 de la convention collective du BTP.

En réplique, la société ETNA demandait de voir :

- constater qu'elle avait procédé au règlement de la somme de 145.207 Fcfp au titre du repos compensateur dû au requérant,

- débouter M. [K] de toutes ses demandes,

- condamner M. [K] à payer la somme de 350.000 Fcfp à la société ETNA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au terme de ses écritures, la société défenderesse soutenait pour l'essentiel :

- que la convention de forfait conclue entre les parties était licite, la jurisprudence citée par le demandeur faisant référence à une directive 2003/88/CE du parlement européen et du conseil du 4 novembre 2003 inapplicable en l'espèce, en Nouvelle-Calédonie et faisant référence à une convention de forfait en jour ;

- qu'en l'espèce, la convention de forfait avait été rédigée en heures, de sorte qu'elle n'était pas subordonnée à l'existence de dispositions conventionnelles ;

- que l'article 60 de l'AlT prévoyait le recours à des rémunérations forfaitaires ;

- que la convention de forfait respectait les conditions de licéité à savoir :

elle ne se présumait pas (prévue à l'article 8 du CDI signé le 25 novembre 2019),

elle n'était pas défavorable au salarié,

elle faisait référence à une durée maximale mensuelle de 46 heures de travail.

S'agissant des heures supplémentaires, la société versait l'ensemble des fiches de pointage et fiches de salaire depuis le 25 novembre 2019. Sur les rappels de salaire sur les temps de trajets, elle opposait que M. [K] avait travaillé à partir d'octobre 2021 sur le site de l'usine du Sud de sorte que ses temps de trajet avaient été réglés à compter de cette date et ses demandes ne sauraient porter sur la période du 25 novembre 2019 au 30 septembre 2021 ;

- que les tableaux établis par M. [K] n'avaient aucune valeur probante ;

- que le temps de trajet de 3 heures 30 entre son domicile et l'usine du nord ne pouvait être pris en charge par l'employeur pour les personnels rémunérés au forfait ;

- que le salarie n'avait jamais conteste ce fait pendant la relation contractuelle ;

- qu'à titre subsidiaire, si le tribunal faisait droit à cette demande, seul le temps de trajet au-delà d'une durée moyenne de 30 minutes devait être pris en charge, soit 3 heures de trajet aller en l'espèce et 6 heures par semaine rémunérées à 50% ;

- qu'il convenait de rechercher si ce nombre d' heures était inclus dans le forfait de hebdomadaire de 46 heures.

Sur le rappel des heures supplémentaires, elle concluait au rejet de cette demande, opposant que M. [K] avait déjà été réglé des heures supplémentaires dépassant le forfait de 46 heures et qu'elle reconnaissait ne pas avoir rémunéré les repos compensateurs, ayant procédé au virement de la somme de 145.207 Fcfp.

Elle considérait, en outre, que le requérant n'avait pas établi l'existence de ses préjudices moral et physique, opposant que la note de service datée du 1er octobre 2021 s'inscrivait dans le contexte de changement de lieu d'exécution du travail de M. [K].

Par jugement du 31 juillet, le tribunal du travail de Nouméa a notamment :

- sursis à statuer sur l'ensemble des demandes des parties,

- ordonné la réouverture et condamné la société ETNA à produire les relevés de pointage de M. [K] sur la période de cinq ans précédant l'instance introduite le 15 décembre 2021, les dépens étant réservés.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée le 27 novembre 2023, la société ETNA a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif et ses dernières écritures, de réformer la décision et, statuant à nouveau, de :

- dire que la société n'a pas repris le contrat liant M. [K] à la société HOLDING Groupe EPC ;

- juger en conséquence que l'employeur actuel ne saurait être tenu de produire les relevés antérieur au 25 novembre 2019 ;

- juger que la société ETNA ne peut être tenue à des paiements d'arriérés de salaire antérieurement au 25 novembre 2019 ;

- renvoyer l'affaire devant le premier juge ;

- dire n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Elle fait valoir que la décision frappée d'appel est critiquable en ce qu'elle impose à une personne morale d'assumer les obligations d'une autre ce qui est contraire à l'effet relatif des conventions et ne repose sur aucun fondement juridique ; qu'en outre, la décision est impossible à exécuter, l'appelante n'étant pas en mesure de produire les relevés de pointage appartenant à une autre société.

Par conclusions en réponse, M. [K] conclut à la confirmation du jugement et sollicite la somme de 450 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la preuve du transfert du contrat de travail de la société HOLDING GROUPE ETC à la société ETNA résulte de la reprise de son ancienneté et de tous les éléments caractérisant son poste de travail (même rémunération, même échelon, mêmes avantages).

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel

Les décisions ordonnant un sursis à statuer ne sont pas en principe susceptibles d'un recours à moins qu'elles ne tranchent une partie du principal. En l'espèce, la juridiction du travail en ordonnant la production des fiches de pointage pour la période de temps antérieure à la signature du contrat avec la société ETNA a implicitement jugé que le nouvel employeur avait repris le contrat de travail du salarié, point de litige justifiant le présent recours. L'appel sera déclaré recevable.

A titre liminaire, la cour relève qu'aucune des parties ne s'est expliquée en fait et en droit sur les circonstances entourant la signature du contrat de travail entre M. [K] et la société ETNA et notamment sur l'existence de la rupture du contrat signé entre M. [K] et la société HOLDING GROUPE ETC. La présente juridiction en tirera toutes les conséquences juridiques.

Sur le transfert du contrat

L'article Lp121-3 du code du travail de Nouvelle Calédonie dispose :

« Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Le nouvel employeur est tenu, à l'égard des salariés dont les contrats de travail subsistent, aux obligations qui incombaient à l'ancien employeur à la date de la modification, sauf dans les cas suivants :

1° Procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire ;

2° Substitution d'employeurs intervenue sans qu'il y ait eu de convention entre ceux-ci.

Le premier employeur rembourse les sommes acquittées par le nouvel employeur, dues à la date de la modification, sauf s'il a été tenu compte de la charge résultant de ces obligations dans la convention intervenue entre eux. »

En l'espèce, le contrat entre M. [K] et la société ETNA s'est poursuivi aux mêmes conditions avec la même qualification, la même rémunération et les mêmes avantages que dans le contrat signé entre l'intéressé et la société HOLDING GROUPE EPC, le contrat stipulant expressément que l'ancienneté du salarié engagé à compter du est reprise depuis le 8 décembre 2014. En outre, les pièces versées aux débats montrent que les sociétés ETNA et HOLDING GROUPE EPC ont le même dirigeant et appartiennent au même groupe, la société HOLDING GROUPE EPC étant, comme le signifie sa dénomination sociale, la société mère. Il apparaît, enfin que le salarié n'a pas changé de lieu de travail et n'a pas été à l'origine de la signature du nouveau contrat, dans le cadre par exemple d'une mobilité recherchée par lui.

Si dans le cadre d'une substitution d'employeurs, le nouvel employeur n'est pas tenu des obligations de l'ancien sauf à s'être volontairement soumis aux dispositions susvisés de l'article Lp 131-31, il n'en reste pas moins que la société ETNA ne donne aucune explication sur la signature du contrat litigieux, identique à celui signé par la société HOLDING GROUPE EPC, sans rupture de temps entre les deux engagements.

Le salarié, ayant vu son contrat repris aux mêmes conditions, n'avait pas à se préoccuper particulièrement du changement d'employeur. Le droit social étant protecteur du salarié, il appartient à la société appelante de s'expliquer sur la reprise de l'ancienneté du salarié et sur les raisons pour lesquelles elle s'est substituée à la société HOLDING GROUPE ETC et sur les conditions dans lesquelles cette substitution est intervenue. Faute de se faire, la cour en tire toutes les conséquences, en confirmant la décision frappée d'appel en ce qu'elle a jugé que le contrat de travail de M. [K] avait été transféré à la société ETNA avec reprise de l'ensemble des obligations qui incombaient à l'ancien employeur.

Sur la production des relevés de pointage

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'article 700

Il est équitable d'allouer à l'intimé qui a dû se défendre en justice la somme de 150 000 Fcfp.

Sur les dépens

L'appelante succombant supportera les dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la societé ETNA à payer à M. [K] la somme de 150 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ETNA aux dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00092
Date de la décision : 12/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 18/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-12;23.00092 ?
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