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01/07/2024 | FRANCE | N°23/00038

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 01 juillet 2024, 23/00038


N° de minute : 2024/52



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 1er juillet 2024



Chambre commerciale









N° RG 23/00038 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T4Z



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er avril 2015 par le tribunal mixte de commerce de Nouméa (RG n° : 2011/127)



Saisine de la cour : 26 mai 2023





APPELANT



S.E.L.A.R.L. MARY LAURE GASTAUD, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL NORD CALEDONIENNE DE TERRASSEMENT (SNCT), >
Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉS



M. [O] [T],

né le 9 juillet 1974 à [Loca...

N° de minute : 2024/52

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 1er juillet 2024

Chambre commerciale

N° RG 23/00038 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T4Z

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er avril 2015 par le tribunal mixte de commerce de Nouméa (RG n° : 2011/127)

Saisine de la cour : 26 mai 2023

APPELANT

S.E.L.A.R.L. MARY LAURE GASTAUD, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL NORD CALEDONIENNE DE TERRASSEMENT (SNCT),

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

M. [O] [T],

né le 9 juillet 1974 à [Localité 7] (AUSTRALIE),

demeurant [Adresse 5]

Représenté par Me Marie-astrid CAZALI de la SELARL M.A.C AVOCAT, avocat au barreau de NOUMEA

M. [L] [G],

né le 1er juin 1982 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Marie-Astrid CAZALI de la SELARL M.A.C AVOCAT, avocat au barreau de NOUMEA

Mme [X] [J],

née le 8 juin 1965 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Marie-Astrid CAZALI de la SELARL M.A.C AVOCAT, avocat au barreau de NOUMEA

01/07/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me DESCOMBES ;

Expéditions - Me CAZALI ;

- Copie CA ; Copie TMC

M. [M] [J],

né le 19 février 1968 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Marie-Astrid CAZALI de la SELARL M.A.C AVOCAT, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Selon facture datée du 31 octobre 2004, établie par M. [D] [C], M. [M] [T], qui avait une activité de terrassement, a acquis, moyennant un prix de 30.900.000 FCFP, les engins suivants :

- tracteur Mercedes immatriculée 246 760 NC

- semi Fruehauf immatriculé 247 003 NC

- semi porte-char Fruehauf immatriculé 214 274 NC

- deux bulldozers D8 Caterpillar

- deux niveleuses 12 H Caterpillar

- pelle hydraulique 330B Caterpillar

- camion arroseuse Berlier.

Selon facture datée du 15 novembre 2004, établie par M. [D] [C], M. [M] [T] a acquis, moyennant un prix de 22.000.000 FCFP, les engins suivants :

- camion Mercedes immatriculé 217 123 NC

- pelle à chenilles 973 Caterpillar n° 90L00670

- pelle hydraulique 320 Caterpillar n° 7JK16107

- compacteur 563 CS Caterpillar n° 4LN01118

- compacteur 563 CS Caterpillar n° DAJ00338

- brise roche Rammer

- poste à souder Miller

- groupe Lister 6 KVA

- groupe Perkins 85 KVA

- motopompe Deuzt

- pompe électrique Southern Cross

- deux caisses à outils KC tools.

Selon facture datée du 7 décembre 2004, établie par M. [D] [C], M. [M] [T] a acquis, moyennant un prix de 17.340.000 FCFP, les engins suivants :

- camion Mercedes immatriculé 217 123 NC

- camion Mercedes immatriculé 217 124 NC

- pelle hydraulique 312 Caterpillar

- bulldozer D3 Caterpillar

- pelle hydraulique EW170 Volvo

- tracteur John Deere et benne TP Ponthieux

- élévateur Clark

- compacteur Ingersoll rand DD25

- lot de tuyaux galvanisés

- pneus neufs de niveleuse.

Selon jugement du 2 mars 2005, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a prononcé la liquidation judiciaire de la Société nord calédonienne de terrassement (SNCT), fixé la date de cessation des paiements au 1er décembre 2004 et désigné la société Mary-Laure Gastaud en qualité de liquidateur judiciaire.

Par une ordonnance du 20 juin 2005, le juge des référés, à la demande de la selarl Gastaud, a désigné un expert ayant mission de déterminer la valeur des matériels acquis par M. [M] [T] à la date de leur vente et de vérifier l'effectivité des paiements des prix.

L'expert, M. [H], a déposé un rapport daté du 5 mai 2020.

Par un jugement du 2 novembre 2009, le tribunal correctionnel de Nouméa a condamné M. [D] [C], dirigeant de droit de la Société nord calédonienne de terrassement, du chef de banqueroute par détournement d'actifs au préjudice de la Société des eaux du nord, de la Société de travaux agricoles et forestiers et de la Société nord calédonienne de terrassement et l'a condamné à payer à la selarl Gastaud, en sa qualité de liquidateur de ces trois sociétés, la somme globale de 144 170 000 FCFP « correspondant aux montants des actifs sociaux dissipés et blanchis ». La constitution de partie civile de M. [M] [T] a été déclarée irrecevable au motif que les faits invoqués au soutien de son préjudice ne découlaient pas de la saisine de la juridiction répressive.

Par arrêt du 15 juin 2010, la chambre des appels correctionnels a ordonné que la somme de 30.900.000 FCFP consignée par l'un des co-prévenus de M. [D] [C] dans le cadre d'un contrôle judiciaire fût remise au liquidateur des trois sociétés.

Par requête introductive d'instance déposée le 22 février 2011, la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la Société nord calédonienne de terrassement, observant que la vente du 9 décembre 2014 était intervenue en période suspecte et que l'acquéreur ne démontrait pas avoir réglé le prix de cession des véhicules et matériels acquis les 31 octobre et 19 novembre 2014, a attrait M. [M] [T] devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa pour obtenir le paiement d'une somme de 58.250.000 FCFP au titre des cessions des 31 octobre et 19 novembre 2004 ainsi que l'annulation de la cession du camion Mercedes immatriculé 217 123 NC, du camion Mercedes immatriculé 217 124 NC, de la pelle hydraulique 312 Caterpillar, du bulldozer D3 Caterpillar et de la pelle hydraulique EW170 Volvo.

M. [M] [T] ayant été placé sous tutelle le 7 juin 2012, la selarl Gastaud a appelé M. [O] [T], tuteur, en intervention forcée.

Par jugement en date du 1er avril 2015, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, retenant que les prix de vente convenus les 31 octobre 2004 et 19 novembre 2004 avaient été réglés par l'acquéreur au gérant de la société SNCT et que les matériels vendus durant la période suspecte l'avaient été à un prix minoré de près de 60 % par rapport à leur valeur réelle, a :

- prononcé la nullité de la vente en date du 9 décembre 2004, mais uniquement en ce qu'elle portait sur les éléments suivants :

. camion Mercedes vert n° 217 123 NC,

. camion Mercedes noir et blanc n° 217 124 NC,

. pelle hydraulique 312 Caterpillar,

. bulldozer D3 Caterpillar

. pelle hydraulique EW 170 Volvo,

- constaté que ces matériels ne pouvaient plus être restitués,

- condamné M. [M] [T], pris en la personne de son tuteur, M. [O] [T], à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, la somme de 49 250 000 FCFP représentant la valeur des biens à la date de leur vente,

- débouté chacune des parties du surplus de ses demandes,

- condamné M. [M] [T], pris en la personne de son tuteur, M. [O] [T], à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, une indemnité de 200 000 FCFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais et honoraires de l'expert.

M. [O] [T], ès qualités de tuteur, a interjeté appel de cette décision, la selarl Gastaud, formant un appel incident.

M. [M] [T] est décédé le 4 janvier 2016. Ses héritiers sont intervenus à la cause.

Par arrêt en date du 6 juillet 2020, cette cour a :

- infirmé le jugement déféré sur le quantum de la condamnation prononcée en conséquence de la nullité de la vente du 9 décembre 2004 et sur les frais irrépétibles,

- dit que M. [O] [T], Mme [X] [J] et M. [M] [J] n'étaient redevables d'aucune somme envers la selarl Gastaud en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SNCT,

- confirmé le jugement pour le surplus de ses dispositions,

- condamné la selarl Gastaud, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SNCT, à verser à M. [M] [J] et à Mme [X] [J] la somme de 7 000 000 FCFP,

- condamné la selarl Gastaud, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SNCT, à verser à M. [M] [J] et à Mme [X] [J] in solidum la somme de 530 000 FCFP au titre des frais irrépétibles et à M. [O] [T] les sommes de 350 000 FCFP au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 500 000 FCFP au titre de ces mêmes frais exposés en appel,

- confirmé le jugement pour le surplus de ses dispositions ;

- condamné la selarl Gastaud, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société SNCT, aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La cour d'appel a retenu en substance :

- que les ventes des 31 octobre 2004 et 15 novembre 2004, consenties avant la date de cessation des paiements, échappaient à la présomption de nullité posée par l'article L 621-107 du code du commerce ;

- qu'il était justifié que l'acquéreur avait réglé le prix convenu et la selarl Gastaud, en sa qualité de tiers aux ventes des 31 octobre et 15 novembre 2004, ne pouvait pas remettre en cause ces paiements effectués entre les mains de M. [D] [C], en l'absence de mauvaise foi de l'acquéreur ;

- que la pertinence des estimations de l'expert judiciaire n'étant pas sérieusement contestable, l'annulation de la vente du 9 décembre 2004 devait être confirmée mais la valeur du matériel cédé devait être ramenée à 35.990.000 FCFP puisque le véhicule immatriculé 217 13 NC, cédé le 19 novembre 2004, était en dehors du champ de la vente du 9 décembre 2004 ;

- que les sommes perçues par la selarl Gastaud devant s'imputer sur la créance en valeur de 35.990.000 FCFP, les héritiers ne demeuraient redevables d'aucune somme envers la selarl Gastaud ;

- que les consorts [J] pouvaient prétendre à la restitution de la valeur de la niveleuse Caterpillar, acquise le 31 octobre 2004 et que le liquidateur judiciaire avait saisi à tort.

La selarl Gastaud, ès qualités, a formé un pourvoi contre cette décision.

Par arrêt en date du 14 septembre 2022, la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ce que confirmant le jugement, il avait rejeté les conclusions tardives de MM. [M] et [O] [T], prononcé la nullité de la vente du 9 décembre 2004, constaté que les matériels ne pouvaient être restitués et accordé une indemnité de procédure à la société Mary-Laure Gastaud, en sa qualité de liquidateur de la Société nord sud calédonienne de terrassement, l'arrêt rendu le 6 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa, remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, les renvoyant devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée.

Selon déclaration en date du 23 mai 2023, la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, a saisi la cour de renvoi.

Aux termes de ses conclusions transmises le 2 janvier 2024, la selarl Gastaud, ès qualités, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [M] [T], pris en la personne de son tuteur, M. [O] [T], à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, la somme de 49.250.000 FCFP représentant la valeur des biens à la date de leur vente,

- condamner solidairement M. [L] [G], Mme [X] [J], M. [M] [J] et M. [O] [T], venant en lieu et place de feu M. [M] [T], à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, la somme de 49.250.000 FCFP représentant la valeur des biens à la date de la vente du 9 décembre 2004, dont la nullité a été prononcée ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la selarl Gastaud, ès qualités, tendant à la condamnation de feu M. [M] [T], pris en la personne de son tuteur, à lui payer le prix de cession des deux ventes intervenues les 31 octobre et 19 novembre 2004, dans la mesure où ce règlement n'est jamais intervenu entre les mains de la société SNCT ;

- constater que feu M. [M] [T] ne s'est pas acquitté du prix de vente des matériels cédés les 31 octobre et 19 novembre 2004 au profit de la société SNCT ;

- condamner solidairement M. [L] [G], Mme [X] [J], M. [M] [J] et M. [O] [T], venant en lieu et place de feu M. [M] [T], à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, la somme de 52.900.000 FCFP en règlement du prix de cession des deux ventes intervenues les 31 octobre et 19 novembre 2004 ;

- rejeter l'ensemble des demandes de M. [L] [G], Mme [X] [J], M. [M] [J] et M. [O] [T] ;

- condamner solidairement M. [L] [G], Mme [X] [J], M. [M] [J] et M. [O] [T], venant en lieu et place de feu M. [M] [T], à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, la somme de 850.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Dans des conclusions transmises le 27 septembre 2023, M. [O] [T], M. [L] [G], Mme [X] [J] et M. [M] [J] prient la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

. jugé que le prix des ventes des 31 octobre et 19 novembre 2004 avait été payé par M. [M] [T],

. débouté la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SNCT de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 58.250.000 FCFP au titre de ces ventes ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. [M] [T] au paiement d'une somme de 49.250.000 FCFP au titre des ventes annulées en date du 9 décembre 2004 ;

- enjoindre à selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SNCT de verser les pièces relatives à la procédure pénale diligentée contre M. [D] [C] ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel du 15 juin 2010, en particulier ledit arrêt, les conclusions et pièces du liquidateur et des parties adverses, outre les justificatifs permettant de disposer du détail des sommes allouées par la cour d'appel dans ledit arrêt, en particulier les documents relatifs à la somme de 30.900.000 FCFP provenant du chèque établi par M. [M] [T] lors de la vente litigieuse, d'après l'arrêt de la cour d'appel du 6 juillet 2020 ;

- débouter la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SNCT de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SNCT à payer à M. [O] [T], M. [L] [G], Mme [X] [J] et M. [M] [J] la somme de 12.000.000 FCFP au titre de la niveleuse CAT 12H, et du compacteur 583 CS Caterpillar achetés par feu M. [M] [T] et vendus par erreur par le mandataire liquidateur ;

- condamner la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SNCT au paiement d'une somme de 850.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Cazali.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 février 2024.

Sur ce, la cour,

1) La selarl Gastaud, ès qualités, réclame, au visa de l'article 1240 du code civil, le paiement du prix convenu lors des ventes des 31 octobre 2004 et 15 novembre 2004 en faisant valoir que le paiement effectué entre les mains de M. [M] [T] n'était pas libératoire. Les consorts [T] s'opposent à cette demande en excipant de la bonne foi de M. [M] [T].

L'article 1239 du code civil dispose :

« Le payement doit être fait au créancier, ou à quelqu'un ayant pouvoir de lui, ou qui soit autorisé par justice ou par la loi à recevoir pour lui.

Le payement fait à celui qui n'aurait pas pouvoir de recevoir pour le créancier, est valable, si celui-ci le ratifie, ou s'il en a profité. »

L'article 1240 ajoute :

« Le payement fait de bonne foi à celui qui est en possession de la créance est valable, encore que le possesseur en soit par la suite évincé ».

Il résulte de ces dispositions que le paiement doit être fait au créancier, le paiement fait à un tiers étant nul, sauf dans l'hypothèse où le paiement a été fait de bonne foi au profit d'un créancier apparent.

M. [M] [T] a réglé le matériel acquis les 31 octobre 2004 et 15 novembre 2004 au moyen de deux chèques tirés sur la BNP Paribas NC, au profit de M. [D] [C] pour les montants de 30 900 000 FCFP et 22 000 000 FCFP. Dès lors qu'il est acquis que le matériel appartenait à la société SNCT, ce paiement n'a pas été fait au créancier mais à un tiers. Il n'est donc pas libératoire et il appartient aux consorts [T] de démontrer que le défunt avait pu de bonne foi tenir M. [D] [C] pour le légitime propriétaire de ce matériel.

Ceux-ci n'identifient pas les éléments qui auraient autorisé leur auteur à tenir M. [D] [C] pour le créancier apparent et effectué un paiement au profit de ce dernier. Notamment, ils ne prétendent pas que M. [D] [C] exerçait, concurremment avec la société SNTC qu'il dirigeait, une activité de travaux publics à titre individuel et était personnellement propriétaire d'un parc d'engins. Etant au nom de la société SNCT, les cartes grises des camions acquis contredisaient une telle analyse.

Les consorts [T] étant défaillants dans l'administration de la preuve qui leur incombe, le paiement effectué entre les mains de M. [D] [C] n'était pas libératoire et c'est à bon droit que la selarl Gastaud, ès qualités, poursuit le paiement des deux factures des 31 octobre 2004 et 15 novembre 2004, soit d'une somme globale de 52 900 000 FCFP.

2) Il est définitivement acquis que la vente du 7 décembre 2004 est nulle. Le litige est circonscrit aux restitutions qu'implique cette nullité.

Le tribunal mixte de commerce de Nouméa a alloué au mandataire liquidateur une somme de 49 250 000 FCFP dans le cadre d'une restitution par équivalent, après avoir retenu que M. [M] [T] « ne produi(sait) rien qui démontrerait sa capacité à opérer cette restitution » et que onze ans après la vente, les matériels « ne pouvaient être restitués dans leur état antérieur au contrat ». La selarl Gastaud, ès qualités, sollicite sur ce point la confirmation du jugement entrepris tandis que ses adversaires ne retiennent qu'une somme de 35 990 000 FCFP et réclament le remboursement d'une somme de 9 500 000 FCFP au titre du prix versé par leur auteur.

Ainsi que l'observent les consorts [T], le camion immatriculé 217 123 NC, visé par la facture datée du 7 décembre 2004, avait été cédé le 15 novembre 2004. Etant déjà sorti du patrimoine de la société SNCT, il n'a pas pu entrer dans le champ de la vente du 7 décembre 2004. Bien plus, la somme de 22 000 000 FCFP précédemment allouée à la selarl Gastaud intègre le prix de ce véhicule. Le mandataire liquidateur n'est pas fondé à obtenir la restitution en valeur du camion immatriculé 217 123 NC dont il perçoit parallèlement le prix de vente.

Dès lors que ce camion avait été évalué par les premiers juges à 11 500 000 FCFP, la dette de restitution s'établit à 49 250 000 - 11 500 000 = 37 750 000 FCFP.

Enfin, il y a lieu de rejeter la demande en remboursement d'une somme de 9 500 000 FCFP dirigée contre le mandataire liquidateur dans la mesure où, indépendamment même de la problématique liée à l'absence de déclaration de créance, la preuve d'un paiement libératoire n'est pas rapportée.

3) Les consorts [T] soutiennent que la selarl Gastaud, ès qualités, ne pourrait pas obtenir le paiement de ces créances dans la mesure où ces sommes « feraient double emploi avec l'indemnité déjà accordée en vertu d'une décision pénale », soit plus précisément l'arrêt de la chambre des appels correctionnels de cette cour du 15 juin 2010.

Ce moyen sera écarté par la cour, et la demande accessoire de productions de pièces présentée par les consorts [T] rejetée, dans la mesure où la restitution en valeur décidée à l'occasion de l'action en nullité exercée par le liquidateur ne peut pas être minorée du montant des dommages-intérêts alloués à la société débitrice en réparation du dommage qui lui avait été occasionné par les détournements commis par son dirigeant.

4) Les consorts [T] réclament le paiement d'une somme de 12 000 000 FCFP représentant la valeur d'une niveleuse et d'un compacteur indûment saisis et vendus par la selarl Gastaud, ès qualités, dans le cadre de la procédure collective.

La selarl Gastaud, ès qualités, s'oppose à cette prétention en objectant qu'il n'a pas été procédé à la vente de ces deux engins dans le cadre de la procédure collective de la société SNCT et que toutes les déclarations de créance de M. [M] [T] ont été rejetées.

Certes, il est établi que Me [F], commissaire-priseur, a projeté de vendre aux enchères publiques le 22 avril 2005 une niveleuse CAT 12H ainsi qu'un compacteur CAT CS 583 (annexe n° 19 du mandataire liquidateur). Ni dans sa lettre-circulaire du 4 avril 2022, ni dans les documents annexés, le commissaire-priseur n'identifie le propriétaire des engins, ni ne cite la selarl Gastaud ou la société SNCT. Une vente aux enchères publiques d'engins appartenant à la société SNCT a bien été organisée par Me [F], mais celle-ci s'est déroulée le 19 mai 2005, soit à une date distincte de celle prévue dans la lettre circulaire. En l'état de ces seuls éléments, il n'est pas possible d'affirmer que des engins appartenant à M. [M] [T] ont été vendus au profit de la procédure collective.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts formulée par les consorts [T] sera rejetée.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [M] [T] à payer à la selarl Gastaud, ès qualités, la somme de 49 250 000 FCFP et débouté la selarl Gastaud, ès qualités, de sa demande en paiement du prix des ventes des 31 octobre 2004 et 15 novembre 2004 ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [L] [G], Mme [X] [J], M. [M] [J] et M. [O] [T] à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, une somme de 52 900 000 FCFP au titre des vente des 31 octobre 2004 et 15 novembre 2004 ;

Condamne solidairement M. [L] [G], Mme [X] [J], M. [M] [J] et M. [O] [T] à payer à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société SNCT, une somme de 37 750 000 FCFP au titre de la créance de restitution consécutive à la nullité de la vente du 7 décembre 2004 ;

Déboute M. [L] [G], Mme [X] [J], M. [M] [J] et M. [O] [T] de leur demande en communication de pièces et de leur demande en paiement de dommages et intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [L] [G], Mme [X] [J], M. [M] [J] et M. [O] [T] aux dépens de première instance, à ceux de la présente instance d'appel et à ceux afférents à la décision cassée.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00038
Date de la décision : 01/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-01;23.00038 ?
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