La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/06/2024 | FRANCE | N°23/00377

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 24 juin 2024, 23/00377


N° de minute : 2024/132



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 24 juin 2024



Chambre Civile









N° RG 23/00377 - N° Portalis DBWF-V-B7H-ULV



Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 5 août 2021 par la cour d'appel de NOUMEA (RG n° 21/139)



Saisine de la cour : 13 décembre 2023



REQUERANT



S.C.I. FAMILIALE [Localité 4]

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Fabien CHAMBARLHAC, membre de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barr

eau de NOUMEA



DEFENDEUR



S.E.L.A.R.L. MARIE-LAURE GASTAUD, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TRAVAUX PUBLICS DE LA NOUVELLE-CALEDONIE (TPNC)

Siège social : [Adresse 1]...

N° de minute : 2024/132

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 24 juin 2024

Chambre Civile

N° RG 23/00377 - N° Portalis DBWF-V-B7H-ULV

Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 5 août 2021 par la cour d'appel de NOUMEA (RG n° 21/139)

Saisine de la cour : 13 décembre 2023

REQUERANT

S.C.I. FAMILIALE [Localité 4]

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Fabien CHAMBARLHAC, membre de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

DEFENDEUR

S.E.L.A.R.L. MARIE-LAURE GASTAUD, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TRAVAUX PUBLICS DE LA NOUVELLE-CALEDONIE (TPNC)

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA, substitué par Maître Claire ARCANGELI, du même cabinet

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. [R] [M].

Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

24/06/2024 : Expéditions : - Me CHAMBARLHAC ; Me DESCOMBES ;

- Copie CA ; Copie TPI

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Par acte d'engagement en date du 6 juin 2018, la société Régina, qui avait entrepris de réaliser un lotissement résidentiel de 130 lots sur le lot n° 158 de la section « aérodrome » à [Localité 3], a confié à la société Travaux publics de Nouvelle-Calédonie (TPNC) l'exécution des travaux de terrassement et VRD pour un prix de 1.926.564.170 FCFP.

Selon ordre de service n° 03/05-20 du 17 juillet 2020, le « démarrage des travaux des tranches ferme (T1) » a été ordonné à la société TPNC.

Par lettre datée du 30 novembre 2020, la société Régina a notifié au maître d'oeuvre, la société SEI, la fin de leur « collaboration effective ».

Par ordre de service du 3 décembre 2020, la société Régina a notifié à la société TPNC « la suspension des travaux des tranches ferme (T1), conditionnelle 1 (T2) et conditionnelle 2 (T3) (...) compte tenu des anomalies relevées au marché de travaux, en informant que « la fin de suspension et la reprise des travaux (serait) notifiée à l'entreprise par un nouvel ordre de service ».

Par lettre remise le 4 décembre 2020, la société TPNC a contesté cette décision comme étant « unilatérale et brutale » et réclamé à la société Régina le paiement de « l'indemnité d'attente » prévue par l'article 47.1 du CCAP.

Le 19 janvier 2021, la société TPNC a assigné la société Régina devant le juge des référés de [Localité 3] pour obtenir le paiement d'une provision de 70.000.000 FCFP au titre de l'indemnité d'attente prévue par le cahier des clauses administratives particulières du marché.

Selon ordre de service n° 78 du 14 avril 2021, la société Régina a notifié à la société TPNC la résiliation du marché de travaux « à ses frais et risques à compter de ce jour ».

Selon ordonnance du 7 mai 2021, le juge des référés a :

- condamné la société Régina à verser à la société TPNC une provision de 38.000.000 FCFP à valoir sur son préjudice,

- ordonné une expertise destinée à apurer les comptes entre les parties.

Sur l'appel de la société TPNC, cette cour, selon arrêt du 5 août 2021, a :

- confirmé l'ordonnance déférée sauf en ce qui concerne le montant de la provision mise à la charge de la société Régina à valoir sur le préjudice d'immobilisation de la société TPNC,

- condamné la société Régina à payer à la société TPNC la somme provisionnelle de 214.000.000 FCFP à valoir sur l'indemnisation de son préjudice d'attente,

- condamné la société Régina à verser à la société TPNC la somme de 600.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Régina aux dépens.

En exécution de cet arrêt, la société Travaux publics de Nouvelle-Calédonie (TPNC) a inscrit une hypothèque judiciaire définitive sur le lot n° 158, section aérodrome, n° IC 651537-7754, et les constructions y édifiées pour sûreté de la somme de 214 000 000 FCFP (inscription reçue le 27 janvier 2022 (volume n° 3743, n° 29).

Par jugement du 15 avril 2022, le tribunal de première instance de Nouméa, sur assignation de la société Régina, a déclaré nul et de nul effet cette inscription hypothécaire inscrite mais, par arrêt du 29 août 2022, cette cour, infirmant ce jugement, a ordonné la réduction de l'hypothèque judiciaire définitive inscrite le 27 janvier 2022 au lot n° 74 du lotissement Colline Guégan, numéro d'inventaire cadastral 449 216-0304.

Selon ordonnance du 8 juillet 2022, le président du tribunal de première instance de Nouméa, sur la requête de la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TPNC, qui se prévalait d'une créance d'un montant de 1.009.691.806 FCFP dont le recouvrement était en péril, a autorisé le mandataire liquidateur à prendre une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire au préjudice de la société Régina sur les lots n° 16, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 38, 41, 42, 43, 47, 48, 78, 79, 80, 96, 97, 98, 99 et 100 du lotissement Guégan.

Une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire a été prise le 13 juillet 2022, volume 3765, numéro 5.

Selon ordonnance du 31 août 2022, le président du tribunal de première instance de Nouméa, retenant que la garantie prise était excessive dans la mesure où la selarl Gastaud ne démontrait pas détenir une créance du montant allégué, a cantonné l'inscription d'hypothèque provisoire inscrite le 13 juillet 2022 aux lots n° 16, 20, 21, 22 et 25 du lotissement Colline Guégan.

Par arrêt du 20 février 2023, cette cour, sur l'appel de la selarl Gastaud, ès qualités, infirmant partiellement l'ordonnance du 31 août 2022, a cantonné l'inscription hypothécaire provisoire prise le 13 juillet 2022, volume 3765 n° 5 aux lots n° 16 (n° IC 449216-1070), 20 (n° IC 449216-2001), 21 (n° IC 449216-2033), 22 (n° IC 449216-2064), 25 (n° IC 449216-3038), 42 (n° IC 449216-2392), 100 (n° IC 449216-1310).

Selon assignation délivrée le 8 décembre 2023 à la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire liquidateur de la société TPNC, la société Régina demande à la cour, au visa de l'article 488 du code de procédure civile, de :

- se déclarer compétente et régulièrement saisie pour rapporter ses précédentes décisions rendues au provisoire ;

- infirmer l'arrêt du 5 août 2021 en ce qu'il a provisionnellement condamné la société Régina à payer à la société TPNC les sommes de 214.000.000 FCFP à titre d'indemnité d'ajournement et de 600.000 FCFP à titre de frais irrépétibles d'appel ;

- infirmer l'arrêt du 20 février 2023 en ce qu'il a autorisé la selarl Gastaud, ès qualités, à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur les lots n° 16, 20, 21, 22, 25, 42 et 100 du lotissement de la colline Guégan en garantie d'une créance évaluée à la somme de 299.501.193 FCFP ;

- juger n'y avoir lieu a référé, ni à l'octroi d'une quelconque indemnité provisionnelle, ni à aucune sûreté judiciaire provisoire ;

- infirmer l'ordonnance n° 22/560 du 8 juillet 2022 ayant autorisé la selarl Gastaud, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société TPNC à inscrire au préjudice de la société Régina une hypothèque judiciaire provisoire sur les lots n° 16, n° 20, n° 21, n° 22, n° 42 et n° 100 du lotissement colline Guégan, section aérodrome, et ordonner la radiation des inscriptions hypothécaires transcrites au service de la publicité foncière du chef de ce titre le 13 juillet 2022, volume 3765, numéro 5 ;

- condamner la selarl Gastaud, ès qualités, à payer à la société Régina une somme de 600.000 FCFP à titre de frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- fixer enfin au passif de la société TPNC les entiers dépens de l'instance.

Dans des conclusions déposées le 27 mars 2024, la selarl Gastaud, ès qualités, prie la cour de :

- juger que le rapport d'expertise du 14 août 2023 ne constitue pas une circonstance nouvelle permettant le rapport de l'arrêt rendu le 5 août 2021 ;

- juger que le rapport d'expertise du 14 août 2023 ne constitue pas une circonstance nouvelle permettant le rapport de l'arrêt rendu le 20 février 2023 ;

- débouter la société Régina de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Régina à payer à la selarl Gastaud, ès qualités, la somme de 500.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la selarl D & S Légal.

Sur ce, la cour,

1) La société Régina sollicite, sur le fondement de l'article 488 du code de procédure civile, la modification de deux arrêts rendus les 5 août 2021 et 20 février 2023 par cette cour, l'ayant d'une part condamné à régler à son adversaire une provision de 214.000.000 FCFP à valoir sur l'indemnisation de son préjudice d'attente, et ayant, d'autre part, entériné une inscription hypothécaire provisoire sur les lots n° 16, 21, 22, 25, 42 et 100. Elle entend également remettre en cause une ordonnance rendue le 8 juillet 2022 par le président du tribunal de première instance de Nouméa ayant autorisé la selarl Gastaud, ès qualités, à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur divers lots.

2) L'article 488 du code de procédure civile dispose : 

« L'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.

Elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles. »

Ce recours, qui n'est ouvert qu'en cas de circonstances nouvelles, ne peut être porté que devant le juge qui a rendu la décision dont la modification ou la rétractation est sollicitée.

L'hypothèque judiciaire provisoire sur les lots 16, 21, 22, 25, 42 et 100 n'a pas été autorisée par la cour mais par le président du tribunal de première instance de Nouméa de sorte que la cour n'a, a priori, pas vocation à modifier ou rapporter cette décision.

Afin d'assurer le principe du contradictoire, les parties seront interrogées sur la recevabilité du recours en ce qu'il tend à la modification ou à la rétractation de cette ordonnance.

3) Il résulte des termes de l'assignation délivrée le 8 décembre 2023 que les circonstances nouvelles qui autoriseraient la cour à modifier ou rétracter les arrêts des 5 août 2021 et 20 février 2023, réside dans le rapport d'expertise daté du 14 août 2023, déposé par M. [O], expert judiciaire désigné selon ordonnances de référé des 7 mai 2021, 18 février 2022.

4) Pour remettre en cause le montant de la provision allouée le 5 août 2021 à la société TPNC, la société Régina fait valoir que M. [O] arbitre à 26.000.000 FCFP l'indemnité d'ajournement et que son travail permet de retenir que la requérante détient une créance de 321.032.965 FCFP.

En conclusion de son rapport, M. [O] propose d'apurer les comptes entre les parties comme suit :

travaux réalisés 224.217.747

désordres réseaux EP - 6.815.000

désordres réseaux EU - 3.875.000

désordres affectant les gabions en bordure mangrove - 13.885.740

pénalités - 93.973.688

suspension de chantier du 09/12/20 au 09/01/21 + 26.000.000

solde 131.668.319.

Pour évaluer à 214.000.000 FCFP la provision due au titre de l'indemnité d'ajournement instituée par l'article 47-1 du CCAP, la cour d'appel a retenu un préjudice journalier de 2.000.000 FCFP. Au paragraphe 4.4 de son rapport, l'expert judiciaire juge cette estimation « raisonnable ».

L'expert judiciaire ne retient une indemnisation que pour la seule période du 9 décembre 2020 au 9 janvier 2021, imputant la responsabilité de la période ultérieure d'arrêt du chantier et la résiliation du marché à la société TPNC. Toutefois, ainsi que le souligne la selarl Gastaud, ès qualités, cette appréciation d'ordre juridique n'entrait pas dans la mission de l'expert et les éléments factuels pris en compte par l'expert judiciaire pour étayer sa conclusion ont été examinés par la cour dans son arrêt du 5 août 2021 : le point de vue de M. [O] ne constitue pas une circonstance nouvelle justifiant que la cour revienne sur une analyse qui, au demeurant, n'a pas été remise en cause par la Cour de cassation (arrêt du 13 juillet 2023).

S'agissant de la contre-créance au titre de malfaçons et d'un indu, la selarl Gastaud, ès qualités, observe qu'aucune créance n'a été déclarée à ce titre par la société Régina. Bien plus, le juge-commissaire a rejeté la créance déclarée par la société Régina dans une ordonnance du 26 septembre 2022.

En l'état de ces éléments, il n'existe aucun motif de tenir la créance consacrée par l'arrêt du 5 août 2021 pour sérieusement contestable au sens de l'article 809 du code de procédure civile, ni en conséquence de rétracter cet arrêt.

5) Dans son arrêt du 20 février 2023, la cour a cantonné une inscription hypothécaire provisoire autorisée par le président du tribunal de première instance de Nouméa pour garantir une créance paraissant fondée en son principe de 282.548.295 FCFP HT, soit 299.501.193 FCFP TGC incluse au titre des travaux réalisés. Elle n'est pas intervenue comme juridiction des référés mais a usé des pouvoirs dévolus par les articles 48 et suivants du code de procédure.

Dès lors que le recours ouvert par l'article 488 alinéa 2 du code de procédure civile ne tend qu'à la modification ou à la rétractation d'une ordonnance en référé, la recevabilité du recours introduit par la société Régina est incertaine en ce qu'il a pour objet l'arrêt du 20 février 2023.

Par ces motifs

La cour,

Déboute la société Régina de son recours en rétractation dirigé contre l'arrêt du 5 août 2021 ;

Sursoit à statuer sur les autres prétentions de la société Régina ;

Ordonne la réouverture des débats et enjoint aux parties de s'expliquer sur la recevabilité du recours introduit par la société Régina à l'encontre de l'arrêt du 20 février 2023 et de l'ordonnance n° 22/560 du 8 juillet 2022 ;

Renvoie l'affaire à l'audience du jeudi 1er août 2024 à 8 heures ;

Réserve les dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00377
Date de la décision : 24/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;23.00377 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award