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24/06/2024 | FRANCE | N°23/00013

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 24 juin 2024, 23/00013


N° de minute : 2024/127



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 24 juin 2024



Chambre civile









N° RG 23/00013 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TTP



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 janvier 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 20/889)



Saisine de la cour : 18 janvier 2023





APPELANTS



SCI PLAZA B107, prise en la personne de son représentant légal,

Siège social : [Adresse 4]

Représentée par Me Raph

aële CHARLIER de la SELARL RAPHAËLE CHARLIER, avocat au barreau de NOUMEA

Représentée lors des débats par Me Pierre Henri CUENOT



SCP JACQUELINE CALVET-LEQUES, DOMINIQUE BAUDET, [H] [F] & CHARLE...

N° de minute : 2024/127

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 24 juin 2024

Chambre civile

N° RG 23/00013 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TTP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 janvier 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 20/889)

Saisine de la cour : 18 janvier 2023

APPELANTS

SCI PLAZA B107, prise en la personne de son représentant légal,

Siège social : [Adresse 4]

Représentée par Me Raphaële CHARLIER de la SELARL RAPHAËLE CHARLIER, avocat au barreau de NOUMEA

Représentée lors des débats par Me Pierre Henri CUENOT

SCP JACQUELINE CALVET-LEQUES, DOMINIQUE BAUDET, [H] [F] & CHARLES CALVET, représentée par ses co-gérants en exercice,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Philippe REUTER, avocat au barreau de NOUMEA

Représentée par Me Marcel PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

M. [H] [F],

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Philippe REUTER, avocat au barreau de NOUMEA

Représenté par Me Marcel PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

24/06/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me CHARLIER ; Me REUTER ; Me CALMET ;

Expéditions - Copie CA ; Copie TPI

INTIMÉS

Mme [P] [W]

née le 13 septembre 1986 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Martin CALMET de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

S.C.I. PLAZA B107, prise en la personne de son représentant légal,

Siège social : [Adresse 4]

Représentée par Me Raphaële CHARLIER de la SELARL RAPHAËLE CHARLIER, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 8 avril 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Selon « convention de vente immobilière » en date du 18 février 2019, la SCI Plaza B 107 a vendu à Mme [W] et à M. [I] « une parcelle de terrain nu sise à [Localité 5], section [Localité 8], morcellement [Localité 6] devant former le nouveau lot numéro 200, d'une superficie de 73a 37ca environ à distraire du lot numéro 169 », moyennant un prix de 17.000.000 FCFP, sous diverses conditions suspensives. Il a été convenu qu'en cas de réalisation des conditions suspensives, la signature de l'acte authentique de vente aurait lieu au plus tard le 18 juin 2019.

Par arrêté municipal n° 19/180/DBA du 19 juin 2019, la ville de [Localité 5] a autorisé « la division de la propriété foncière du lot n° 169 du morcellement [Localité 6] (...) en 2 lots numérotés 200 et 201 ».

Selon acte reçu le 31 juillet 2019 par Me [F], notaire associé à [Localité 9], la SCI Plaza B 107 a vendu à Mme [W] une parcelle de terrain nu sise à [Localité 5], section [Localité 8], formant le lot numéro 200, n° IC 444231-3462, moyennant un prix de 17.000.000 FCFP qui a été réglé au moyen d'un prêt de 17.000.000 FCFP obtenu auprès de la Banque calédonienne d'investissement.

Par requête introductive d'instance déposée le 20 avril 2020, Mme [W], affirmant que la parcelle n° [Cadastre 3] était inconstructible et que son consentement avait été vicié par les manoeuvres dolosives du vendeur et du notaire, a attrait la SCI Plaza B 107 ainsi que la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet devant le tribunal de première instance de Nouméa afin d'obtenir l'annulation de la vente et la réparation de son préjudice.

La SCI Plaza B 107 s'est opposée à cette demande en objectant que le terrain n'était pas inconstructible et qu'aucun dol n'avait été commis.

La SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet a rétorqué qu'elle n'avait commis ni faute dolosive, ni faute professionnelle.

Par jugement en date du 9 janvier 2023, la juridiction saisie a :

- dit n'y avoir lieu à saisir la juridiction administrative d'une question préjudicielle,

- constaté la nullité de la vente immobilière datée du 31 juillet 2019 passée entre Mme [W] et la SCI Plaza B 107 et portant sur le lot n° 200, section [Localité 8], morcellement [Localité 6] sur la commune de [Localité 5],

- ordonné la publication du jugement sur le registre de la publicité foncière,

- condamné in solidum la SCI Plaza B 107, Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet à payer à Mme [W] les sommes suivantes :

17 000 000 FCFP correspondant au prix de la vente,

2 558 400 FCFP « outre le montant des intérêts du prêt payé, ainsi que les échéances de l'assurance du prêt, à parfaire au moment de la décision à intervenir » (sic),

- condamné in solidum la SCI Plaza B 107, Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet à payer à Mme [W] la somme de 600.000 FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SCI Plaza B 107, Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet aux entiers dépens de l'instance, outre distraction au profit de la sarl Deswarte - Calmet.

Les premiers juges ont retenu en substance :

- que le projet de vente garantissait à l'acquéreur le bénéfice d'une condition suspensive tenant à la constructibilité du terrain ;

- que l'intégralité du lot acquis par Mme [W] était située en zone inondable d'aléas très forts de sorte que la condition suspensive tenant à la constructibilité n'était pas remplie ;

- que la vente ne pouvait pas être réalisée, en application des dispositions contractuelles et elle était nulle ;

- que la SCI Plaza B 107 avait commis un dol en occultant une caractéristique essentielle du bien vendu à l'acquéreur, préalablement à la réitération de la vente ;

- que le notaire avait gravement failli à son devoir de conseil.

Par requête déposée le 18 janvier 2023, la SCI Plaza B 107 a interjeté appel de cette décision.

Par requête déposée le 20 janvier 2023, Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet ont interjeté appel de cette décision.

La jonction des deux instances est intervenue le 3 avril 2023.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées le 11 septembre 2023, la SCI Plaza B 107 demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- débouter Mme [W] de toutes ses demandes ;

- condamner Mme [W] au paiement d'une somme de 400.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Selon conclusions transmises le 17 octobre 2023, Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le dol du notaire ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que le notaire avait manqué à son devoir de conseil et en ce qu'il a condamné in solidum la SCI Plaza B 107, Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet à payer à Mme [W] la somme de 17 000 000 FCFP correspondant au prix de la vente, celle de 2 558 400 FCFP, outre le montant des intérêts du prêt payé, ainsi que les échéances de l'assurance du prêt, à parfaire au moment de la décision à intervenir, celle de 600.000 FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de

l'instance ;

- débouter Mme [W] de l'intégralité de ses demandes dirigées à leur encontre ;

à titre subsidiaire, si la responsabilité du notaire était retenue,

- débouter en toute hypothèse Mme [W] de sa demande tendant à voir condamner les concluants au remboursement du prix de vente, auquel seul le vendeur peut être tenu ;

- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes accessoires, et notamment de sa réclamation nouvelle relative à un soi-disant préjudice moral par ailleurs inexistant comme, en cas d'annulation de la vente, de sa demande de remboursement des droits et taxes dont l'administration fiscale sera de facto instituée débitrice ;

en toute hypothèse,

- condamner Mme [W] ou tout succombant à payer à la SCP Jacqueline Calvet-Lèques - Dominique Baudet - [H] [F] & Charles Calvet et à Me [F] la somme de 600 000 FCFP au titre des frais irrépétibles ;

- la condamner aux entiers dépens.

Selon conclusions récapitulatives transmises le 25 août 2023, Mme [W] prie la cour de :

- recevoir Mme [W] en ses demandes et la dire bien fondée ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- débouter la SCI Plaza B 107 et Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet de l'ensemble de leurs demandes ;

à titre reconventionnel,

- condamner la SCI Plaza B 107 et Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet à verser à Mme [W] la somme de 1.000.000 FCFP au titre du préjudice moral subi ;

en tout état de cause,

- condamner solidairement la SCI Plaza B 107 et Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baudet, [H] [F] et Charles Calvet à verser à Mme [W] la somme de 1.000.000 FCFP au titre des frais irrépétibles d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la sarl Deswarte-Calmet.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 décembre 2023.

Sur ce, la cour,

1) La SCI Plaza B 107 sollicite dans le corps de ses conclusions l'annulation du jugement en reprochant au premier juge une violation du principe du contradictoire pour avoir retenu un moyen que n'avait pas invoqué Mme [W], tiré de l'absence de réalisation de la condition suspensive relative à la constructibilité de la parcelle.

Mme [W] ne disconvient pas qu'elle n'avait pas saisi le tribunal de première instance de Nouméa du moyen litigieux. N'ayant pas été en mesure de s'expliquer sur ce moyen, la SCI Plaza B 107 est fondée à se plaindre d'une méconnaissance du principe du contradictoire : il convient, en conséquence, de prononcer la nullité du jugement.

2) Mme [W] sollicite l'annulation de la vente au motif qu'elle avait été victime d'un vice du consentement. Elle fait valoir qu'elle entendait construire une habitation sur la parcelle litigieuse et que celle-ci s'était avérée inconstructible.

Le 30 juillet 2019, la ville de [Localité 5] a délivré une fiche de renseignements dont l'extrait suivant a été reproduit dans l'acte de vente :

« A - NATURE DES DISPOSITIONS D'URBANISME APPLICABLES AU TERRAIN

' Règles générales d'urbanisme (titre IV de la délibération modifiée n° 19 du 8 juin 1973 relatives au permis de construire dans la province Sud)

' Morcellement [Localité 6]

Autorisé le : 6 décembre 1963

' Plan d'urbanisme directeur (PUD)

Zone UR (zone résidentielle rurale) en zone inondable d'aléas moyens-faibles à très forts

Approuvé le 18 décembre 2012

' Risque naturel (d'inondation identifié). Possibilité d'application des dispositions de l'article 3 de la délibération n° 29 - 2006/APS du 27 juillet 2006 relatives aux règles de constructibilité en zones inondables dans la Province Sud et de l'article PS 221-20 de la réglementation relative au permis de construire et à la déclaration préalable et être opposé un refus ou un accord sous conditions spéciales pour tout projet de construction.

B - NATURE DES SERVITUDES D'UTILITE PUBLIQUE APPLICABLES AU TERRAIN

' Servitude de marche-pied de 4,00 mètres de largeur le long de la rivière : creek non dénommé

C - OPERATION CONCERNANT LE TERRAIN

' Arrêté municipal n° 19/180/DBA du 19 juin 2019 autorisant la division de propriété foncière du lot n° 169 du morcellement [Localité 6], section [Localité 8] commune de [Localité 5] en 2 lots numérotés 200 et 201.

D - DROIT DE PREEMPTION

Néant

6 - OBSERVATIONS ET PRESCRIPTIONS PARTICULIERES

NB En zone UR est interdite plus d'une maison individuelle par parcelle. Pour être constructible, toute parcelle totalement située en zone UR, ou toute partie de parcelle située en zone UR, doit avoir une superficie minimum de 30 ares.

Le terrain est situé en partie Sud en zone inondable d'alées moyens-faibles, déterminée par la méthode hydraulique de 2017, et, le reste de la parcelle en zone inondable d'aléas très forts, déterminés par méthode hydrogéomorphologique de juin 2003.

En zone inondable d'aléas moyens-faibles, toutes les constructions peuvent être autorisées. Toutefois, ces autorisations seront accompagnées d'une information du pétitionnaire l'invitant à prendre toutes les précautions pour limiter les dégâts à ses biens. Le plancher habitable sera toujours hors d'eau.

En zone d'aléas très forts, aucune nouvelle construction n'est autorisée sur une parcelle non bâtie. Pourront être autorisées les extensions limitées des logements existants, justifiées par le pétitionnaire en vue d'améliorer les conditions de vie, de sécurité et d'hygiène. »

Il ressort de ce document, dont une copie a été annexée à l'acte de vente, que le lot 169, dont une partie a été acquise par Mme [W], est situé dans une « zone inondable d'aléas moyens-faibles à très forts » et qu'il est soumis à des règles de constructibilité différentes selon que le terrain se trouve en zone inondable d'aléas moyens-faibles ou en zone inondable d'aléas très forts.

La constructibilité était, pour Mme [W], une qualité substantielle de la parcelle acquise ainsi que le démontrent la promesse de vente et l'acte de vente. En effet, dans la promesse de vente, avait été insérée une conditions suspensive tenant à l' « obtention d'une note d'urbanisme ne révélant aucune servitude ou contrainte foncière particulière (...) interdisant, en tout ou partie même minime, pour l'acquéreur, la destination ou l'usage normal de l'immeuble », Mme [W] précisant qu'elle « utilisera les biens vendus à la construction d'une maison d'habitation » ; ce projet spécifique a été rappelé dans l'acte du 31 juillet 2019 sous les dispositions relatives au prêt souscrit pour financer le bien dans les termes suivants :

« destination des fonds

Projet à financer : acquisition terrain - immobilier rural

Nature du bien : Habitation individuelle

A usage de : Résidence principale. »

Tant la société venderesse que le notaire instrumentaire connaissaient le caractère essentiel attaché par Mme [W] à la constructibilité du terrain.

La parcelle [Cadastre 3], acquise par Mme [W] n'étant pas située en partie sud et étant, selon l'acte de vente, une parcelle de terrain nu, il se déduisait de la fiche de renseignements d'une part que la parcelle se trouve dans la zone d'aléas très forts, d'autre part qu'aucune nouvelle construction n'y est autorisée. Ni la fiche de renseignements, ni l'acte de vente n'énoncent expressément qu'aucune habitation ne peut être édifiée sur le lot 200 et que seules des extensions d'une habitation existante sont autorisées. Cette conclusion est l'aboutissement d'un raisonnement déductif.

Aucun élément du dossier n'étaie l'assertion de la SCI Plaza B 107 selon laquelle Mme [W] a délibéremment renoncer à la condition suspensive tenant à la constructibilité du terrain avec le dessein de construire son habitation, conformément à une « pratique ancrée localement », sans permis de construire.

Mme [W] n'avait aucun intérêt à acquérir une parcelle qu'elle ne pourrait pas affecter à la construction d'une maison d'habitation moyennant un prix significatif au regard de ses ressources, puisque financé au moyen d'un emprunt qu'elle rembourserait sur vingt-cinq ans. A la différence de la SCI Plaza B 107, dont l'objet social était d'acquérir, de louer, d'administrer et d'exploiter tous immeubles bâtis ou non bâtis et de vendre tous immeubles devenus inutiles, et du notaire qui étaient des acteurs habituels du marché immobilier, Mme [W], qui exerçait la profession d'esthéticienne, était une profane.

La mésinterprétation commise par Mme [W] quant à la portée de la fiche de renseignements ne sera pas tenue pour inexcusable dans la mesure où l'acte de vente ne révèle pas qu'elle avait été informée clairement et précisément par le notaire instrumentaire sur la signification de la fiche de renseignements. S'il est mentionné dans l'acte de vente que « l'acquéreur déclare avoir une parfaite connaissance, par la lecture faite et les éclaircissements complémentaires que le notaire lui a fournis sur la portée des servitudes d'urbanisme et autres limitations administratives au droit de propriété dont fait état ce document », ces formules sont trop vagues pour établir que Mme [W] avait reçu une information lui permettant de comprendre qu'elle ne pourrait pas obtenir de permis de construire.

3) Mme [W] affirme que son erreur avait été provoquée par le dol de la venderesse. Elle reproche également au notaire de s'être rendu coupable d'une « dissimulation d'informations (...) qui auraient été de nature à (la) dissuader de procéder à cet achat ».

Si Me [F] ne démontre pas avoir exécuté son devoir de conseil, il n'est pas pour autant démontré qu'il avait été connivence avec la venderesse et qu'il avait entendu tromper Mme [W]. Aucun dol ne lui sera reproché.

Aucune réticence dolosive ne sera davantage reprochée à la SCI Plaza B 107 dès lors qu'un devoir de conseil reposait sur le notaire instrumentaire auquel il appartenait d'exposer à Mme [W] les obstacles qu'elle rencontrerait pour mener à bien son projet de construction.

4) Dans ces conditions, la cour retiendra que Mme [W] a été victime d'une erreur sur la substance qui l'autorise à obtenir l'annulation de la vente.

Les parties contractantes procèderont aux restitutions qu'implique l'annulation de la vente : le prix versé par Mme [W] lui sera restitué et la SCI Plaza B 107 recouvre la propriété du bien.

Me [F], qui a failli à son devoir de conseil, a manqué à son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte auquel il prêtait son concours : il a engagé sa responsabilité sur le fondement de l'article1382 du code civil.

Toutefois, dès lors que les restitutions réciproques ne constituent pas en elles-mêmes un préjudice indemnisable et qu'il n'est pas prétendu que la SCI Plaza B 107 serait dans l'incapacité de restituer le prix perçu, ni Me [F], ni la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baud, [H] [F] et Charles Calvet n'ont à rembourser le prix de vente. Mme [W] doit être déboutée de sa demande formulée à ce titre.

5) Mme [W] réclame le paiement des montants complémentaires suivants :

- frais relatifs aux aménagements du terrain :

frais de gyrobroyage : 21 200 FCFP

frais de travaux d'élagage : 240 000 FCFP

- frais relatifs au prêt bancaire :

montant des intérêts du prêt déjà versé : à parfaire au moment de la décision à intervenir selon le tableau d'amortissement

frais de dossier : 127.200 FCFP

assurance du prêt : 605.357 FCFP

- frais de notaire : 2.170.000 FCFP.

S'agissant des frais liés au prêt bancaire, il sera observé qu'il n'est pas prétendu que le contrat de prêt aurait été annulé. Mme [W] conservera le montant du prix de vente. Or, il est acquis que les frais litigieux, liés à la souscription de ce prêt, qui sont la contrepartie de la jouissance du capital emprunté par celle-ci, ne constituent pas un préjudice réparable pouvant être mis à la charge du vendeur ou du notaire fautif. Mme [W] ne peut prétendre à aucun montant.

Dès lors qu'il n'est pas démontré que les travaux d'élagage et de gyrobroyage ont entraîné une plus-value du terrain, aucune somme ne peut être réclamée par Mme [W] de ce chef à la SCI Plaza B 107. En revanche, le notaire, dont le manquement a fait perdre à Mme [W] une chance sérieuse de ne pas conclure la vente et de ne pas engager en vain des frais d'entretien, prendra en charge 80 % des frais litigieux, soit 193 696 FCFP.

En ce qui concerne la restitution des « frais de notaire » d'un montant de 2.170.000 FCFP (annexe n° 13 de Mme [W]), il sera observé que la SCI Plaza B 107 ne les a pas perçus : elle ne peut les restituer. La cour distinguera les droits d'enregistrement qui ont été perçus par le trésor (1 593 000 FCFP selon le relevé de compte dressé par l'office notarial annexé à l'acte de vente - annexe n° 7 de Mme [W]), dont il appartiendra à Mme [W] d'obtenir la restitution auprès de l'administration fiscale, du solde (577 000 FCFP) qui correspond aux émoluments perçus l'office notarial et que celui-ci restituera.

6) Mme [W] réclame une indemnité de 1 000 000 FCFP en réparation de son préjudice moral à la SCI Plaza B 107 et au notaire. Ce préjudice n'étant pas caractérisé, ce chef de demande sera rejeté.

Par ces motifs

La cour,

Annule le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité pour erreur de la vente conclue le 31 juillet 2019 entre la SCI Plaza B 107 et Mme [W], portant sur une parcelle de terrain sise à [Localité 5], section [Localité 8], formant le lot numéro 200, n° IC 444231-3462 ;

Ordonne la restitution du bien immobilier à la SCI Plaza B 107 ;

Condamne la SCI Plaza B 107 à rembourser à Mme [W] le prix de vente, soit 17 000 000 FCFP ;

Condamne Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baud, [H] [F] et Charles Calvet à payer à Mme [W] :

- 193 696 FCFP à titre de dommages et intérêts en compensation des frais d'entretien

- 577 000 FCFP en remboursement de ses émoluments ;

Déboute Mme [W] du surplus de ses demandes ;

Condamne in solidum la SCI Plaza B 107 et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baud, [H] [F] et Charles Calvet à payer à Mme [W] une somme de 600 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SCI Plaza B 107, Me [F] et la SCP Jacqueline Calvet-Lèques, Dominique Baud, [H] [F] et Charles Calvet aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00013
Date de la décision : 24/06/2024
Sens de l'arrêt : Annulation

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-24;23.00013 ?
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