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06/06/2024 | FRANCE | N°23/00171

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 06 juin 2024, 23/00171


N° de minute : 2024/114



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 6 juin 2024



Chambre civile









N° RG 23/00171 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T6S



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 mai 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/1515)



Saisine de la cour : 13 juin 2023





APPELANT



Mme [G] [N]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Loïc PIEUX de

la SELARL LOÏC PIEUX, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



S.A. BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE - B.N.C.,

Siège social : [Adresse 1]

Représenté par Me Marie-Astrid CAZALI de la SELARL M.A.C AVOCAT,...

N° de minute : 2024/114

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 6 juin 2024

Chambre civile

N° RG 23/00171 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T6S

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 mai 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/1515)

Saisine de la cour : 13 juin 2023

APPELANT

Mme [G] [N]

née le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Loïc PIEUX de la SELARL LOÏC PIEUX, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE - B.N.C.,

Siège social : [Adresse 1]

Représenté par Me Marie-Astrid CAZALI de la SELARL M.A.C AVOCAT, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH.

06/06/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me CAZALI ;

Expéditions - Me PIEUX ;

- Copie CA ; Copie TPI

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 03 juin 2024 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 06 juin 2024 , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par actes notariés en date des 18 décembre 2009 et 02 mars 2012, la Banque de Nouvelle-Calédonie a consenti à la SCI My Way deux prêts immobiliers de 13 800 000 francs pour le premier et de 6 400 000 francs pour le second, amortissables respectivement en 19 ans et 20 ans.

Mme [G] [N] s'est portée caution personnelle et solidaire de la SCI My Way, aux côtés d'autres personnes physiques, à hauteur de 3 450 000 francs pour le premier prêt et de 9 712 500 francs pacifique pour le second.

La SCI My Way ayant cessé de régler les mensualités aux échéances convenues à compter du 16 août 2012, et aucune régularisation n'étant intervenue au terme des différentes lettres de mises en demeure adressées à la débitrice principale et aux cautions, dont Mme [N], la BNC a prononcé la déchéance du terme et saisi le tribunal de première instance de Nouméa, lequel a, par jugement du 31 août 2015, condamné notamment Mme [N], en sa qualité de caution de la SCI My Way au paiement de la somme de 13 162 500 francs pacifique.

Ce jugement a été signifié à Mme [N] par acte remis à sa personne le 16 septembre 2015.

Par arrêt du 26 août 2019, la cour d'appel a déclaré Mme [H] irrecevable en son appel principal (formé hors délai) et par conséquent la juridiction d'appel a également déclaré les appels incidents des autres cautions, dont Mme [N] irrecevables.

La cour de cassation a rejeté le pourvoi introduit par Mme [Y] [H] par arrêt du 15 avril 2021.

Quelques jours plus tard, et par requête enregistrée au greffe de la juridiction le 18 juin 2021, préalablement signifiée par exploit d'huissier de justice le 14 juin 2021, Mme [N] a attrait la Banque de Nouvelle-Calédonie (dite B.N.C) devant le tribunal de première instance de Nouméa, au visa de l'article 1147 du code civil, aux fins de voir dire que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde et de conseil à son encontre et d'ordonner la réparation des préjudices subis de ce ces chefs.

Par jugement dont appel du 22 mai 2023, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- dit l'action en responsabilité engagée par Mme [N] à l'encontre de la Banque de Nouvelle-Calédonie irrecevable en raison de la prescription de l'action,

- condamné Mme [N] à régler à la Banque de Nouvelle-Calédonie la somme de 60.000 francs pacifique par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [N] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Cazali.

PROCÉDURE D'APPEL

Mme [N] a relevé appel de ce jugement par requête déposée au greffe le 13 juin 2023.

Dans ses dernières récapitulatives notifiées par voie électronique le 29 novembre 2023, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [N] demande à la cour de :

- la déclarer recevable en son appel à l'encontre du jugement n° 23/230 rendu le 22 mai 2023 et signifié le 8 juin 2023 ;

- infirmer le jugement entrepris et statuant de nouveau,

à titre principal,

- constater que les engagements de caution Mme [N] ne contiennent pas les mentions manuscrites prévues par l'article L.313-8 du code de la consommation ;

- dire et juger que les engagements de caution de Mme [N] sont nuls ;

- dire que la responsabilité de la Banque de Nouvelle-Calédonie est engagée à l'égard de Mme [N] du fait de cette nullité ;

à titre subsidiaire,

- constater la faute de la BNC dans son devoir de mise en garde et de conseil à l'égard de Mme [N], caution non avertie ;

- dire et juger que les engagements de caution de Mme [N] sont nuls ;

- dire que la responsabilité de la Banque de Nouvelle-Calédonie est engagée à l'égard de Mme [N] du fait de ses fautes ;

en tout état de cause,

- condamner la Banque de Nouvelle-Calédonie à indemniser Mme [N] de la somme de 22.258.678 francs pacifique correspondant au préjudice subi du fait de sa perte de chance de ne pas contracter un engagement de caution disproportionné ;

- condamner la Banque de Nouvelle-Calédonie à indemniser Mme [N] de la somme de 5.000.000 francs pacifique au titre du préjudice moral subi ;

- condamner la Banque de Nouvelle-Calédonie à payer la somme de 500.000 francs pacifique à Mme [N] en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la selarl Loïc Pieux, société d'avocats sur offre de droit.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la banque de Nouvelle-Calédonie demande à la cour de :

à titre principal,

- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions ;

en conséquence,

- juger irrecevables les demandes de Mme [N] à l'encontre de la Banque de Nouvelle-Calédonie au titre de la responsabilité civile, comme prescrites ;

- juger irrecevable la demande de nullité de l'engagement de caution présentée par Mme [N] irrecevable, celle-ci étant une prétention nouvelle en appel, qui se heurte au surplus à l'autorité de chose jugée ;

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [N] au paiement d'une somme de 400.000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Cazali ;

à titre subisidiare, si le moyen de la prescription n'était pas retenu,

- débouter Mme [N] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner Mme [N] au paiement d'une somme de 400 000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Cazali.

La clôture de l'instruction est intervenue le 13 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de Mme [N], qui conteste la décision du tribunal l'ayant déclaré irrecevable en son action en responsabilité civile.

Devant la cour, Mme [N] présente un argumentaire aux fins de voir son action en responsabilité contractuelle déclarée recevable (I) et bien fondée, et y ajoute une action en nullité de son engagement de caution (II).

I. Sur l'action en responsabilité contractuelle

Le tribunal a déclaré l'action en responsabilité contractuelle engagée par Mme [N] irrecevable car atteinte par la prescription, sur le fondement des articles 122 du code de procédure civile et 2224 du code civil, dès lors qu'elle n'a pas été introduite dans les cinq ans à compter du jour où elle a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer. La juridiction retient en effet que Mme [N], qui considère que la banque a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil, aurait dû agir dans les cinq ans suivant le jour où elle a su que les obligations résultant de son engagement de caution allaient être mises à exécution du fait de la défaillance de la débitrice principale, soit à compter de la mise en demeure du 27 août 2013, distribuée le 3 septembre 2013.

Mme [N] reprend les arguments déjà développés devant les premiers juges, non sans rappeler le contexte dans lequel elle a été amenée à se porter caution de la SCI My Way. Elle soutient avoir été manipulée par son beau-frère, M. [S], actuellement en détention pour des fait d'escroquerie de grande ampleur, en ce sens qu'il lui a demandé d'entrer dans la SCI My Way, à sa place ne pouvant lui-même y jouer aucun rôle, étant à ce moment-là impliqué dans une procédure de liquidation de sa propre société.

Elle précise que c'est dans ce contexte d'emprise psychologique qu'elle a pu signer tous les actes que l'huissier lui signifiait, étant constamment rassurée par M. [S] qui lui disait avoir mis toutes ces affaires entre les mains d'un avocat et affirme que ce n'est qu'à partir du moment où il a été placé en garde à vue qu'elle a pris réellement connaissance des procédures engagées à son encontre.

Elle soutient en premier lieu que le tribunal a fixé à tort le point de départ du délai de forclusion à la date du 3 septembre 2013, comme étant la date de la mise en demeure adressée par la banque, en faisant valoir que l'avis de réception n'est pas signé de sa main mais de celle de M. [S]. Elle ajoute qu'ainsi le délai n'a pas pu commencer à courir ni à cette date ni à celle de la requête introductive de l'instance en paiement de la banque en 2015. Elle estime que le délai quinquennal a en réalité commencé à courir à compter de l'arrêt de rejet de la cour de cassation du 15 avril 2021.

La banque de la Nouvelle Calédonie fait valoir que l'action en responsabilité de Mme [N] est prescrite, que l'on fasse courir le délai dès la mise en demeure du 3 septembre 2013 ou de la signification de la requête introductive d'instance du 10 décembre 2013, qui elle, a bien été signifiée à sa personne.

C'est par des motifs pertinents adoptés par la cour que les premiers juges ont constaté, au visa des articles 2224 et 1147 du code civil, l'irrecevabilité de l'action en responsabilité civile engagée par Mme [N], à l'encontre de la banque, comme étant atteinte par la prescription pour avoir été introduite le 14 juin 2021, soit plus de cinq ans après la mise en jeu de ses engagements de caution par l'établissement financier , la cour retenant comme le tribunal que cette irrecevabilité s'impose, dès lors qu'il ressort de la requête introductive d'instance qui lui a été signifiée par acte d'huissier remis en main propre le 10 décembre 2013 à la demande de la Banque de Nouvelle Calédonie, qu'elle a nécessairement été informée des prétentions nourries par l'établissement bancaire à son encontre à ce moment-là.

Elle ne saurait en effet utilement opposer l'ignorance dans laquelle elle se trouvait pour apprécier la portée et les enjeux de cet acte (qu'elle ne conteste cependant pas avoir signé) en raison du comportement de M. [S], gérant de fait de la SCI My Way, sous l'emprise duquel elle prétend s'être alors trouvée. La cour observe en effet que ses affirmations sont de simples allégations insuffisantes pour démontrer la moindre pression, menace ou contrainte, qu'aurait exercée M. [S] à son égard pour la convaincre de ne pas prendre connaissance de cet acte et la dissuader de se présenter à l'audience.

Il convient en conséquence d'écarter ce moyen et de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable en raison de la prescription l'action en responsabilité engagée par Mme [N].

II. Sur l'action en nullité de l'engagement de caution

Mme [N] demande également à la cour, au dispositif de ses dernières conclusions, de sanctionner les manquements allégués de la banque résultant soit de la violation des dispositions de l'article L 313-8 du code de la consommation (en l'absence de toute mention manuscrite de son engagement de caution), par la nullité de ses engagements de caution.

La Banque de la Nouvelle-Calédonie soulève l'irrecevabilité de cette prétention à un double titre, s'agissant d'une part d'une demande nouvelle au sens de l'article 564 du code de procédure civile, qui interdit aux parties de soumettre à la cour des prétentions sur lesquelles les premiers juges n'auraient pas été invités à statuer. D'autre part, elle rappelle qu'en vertu de l'article 122 du code de procédure civile le principe de l'autorité de la chose jugée interdit à une partie de saisir à nouveau une juridiction pour revenir sur un litige déjà définitivement tranché.

La cour relève que Mme [N] fonde désormais ses prétentions au paiement de dommages et intérêts, sur une autre faute, qu'elle n'avait pas invoquée en première instance, consistant dans le fait que la banque se serait abstenue de lui faire porter, sur son engagement de caution, la mention manuscrite exigée à peine de nullité par l'article L 313 - 8 du code de la consommation.

Cependant, il convient de rappeler que si la nullité des conventions est perpétuelle par voie d'exception, elle est en revanche soumise au délai de prescription quinquennal, lorsqu'elle est sollicitée par la caution elle-même, par voie d'action. En application de l'article 2224 du code civil, ce délai commence à courir à compter du jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, c'est-à-dire s'agissant de la contestation portant sur la régularité d'un acte sous seing privé à compter du jour où l'acte a été passé, comme étant la date à laquelle le contractant était en mesure de connaitre la cause de sa nullité. L'engagement de caution de Mme [N] en garantie du prêt souscrit par la SCI My Way le 18 décembre 2009 résulte d'un avenant qu'elle a signé le 2 mars 2012, de sorte que le droit d'agir en nullité est prescrit depuis le 2 mars 2017. Cette prescription s'ajoutant par ailleurs à la fin de non-recevoir de l'action tirée de l'autorité de la chose jugée, au regard du jugement maintenant définitif rendu par le tribunal de première instance de Nouméa le 31 aout 2015 l'ayant condamnée en qualité de caution au paiement de la somme de 13 162 500 francs pacifique.

Il convient en conséquence de déclarer Mme [N] irrecevable en cette action.

III. Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Banque de Nouvelle-Calédonie, l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer pour assurer la représentation de ses intérêts devant la cour. Mme [N] sera condamnée de ce chef à lui verser une indemnité de 100 000 francs pacifique.

IV. Sur les dépens

Mme [N] qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déclare Mme [N] irrecevable en son action tendant à la nullité de ses engagements de caution ;

Condamne Mme [N] à verser à la Banque de Nouvelle-Calédonie une somme complémentaire de 100 000 francs pacifique au titre des frais exposés en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [N] aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00171
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.00171 ?
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