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06/06/2024 | FRANCE | N°23/00165

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 06 juin 2024, 23/00165


N° de minute : 2024/113



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 6 juin 2024



Chambre civile







N° RG 23/00165 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T6G



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 mai 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/2658)



Saisine de la cour : 2 juin 2023



APPELANT



S.A. GAN OUTREMER IARD, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Lionel C

HEVALIER de la SELARL CHEVALIER AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



Société d'assurances QBE INSURANCE INTERNATIONAL LIMITED, délégation de Nouvelle-Calédonie,

Siège s...

N° de minute : 2024/113

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 6 juin 2024

Chambre civile

N° RG 23/00165 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T6G

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 mai 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/2658)

Saisine de la cour : 2 juin 2023

APPELANT

S.A. GAN OUTREMER IARD, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Lionel CHEVALIER de la SELARL CHEVALIER AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

Société d'assurances QBE INSURANCE INTERNATIONAL LIMITED, délégation de Nouvelle-Calédonie,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Véronique LE THERY de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 avril 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH.

06/06/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me [C] ;

Expéditions - Me LE THERY ;

- Copie CA ; Copie TPI

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme [T] [W]

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 03 juin 2024 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 06 juin 2024 , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE , greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le 10 octobre 2011, survenait un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par Mme [R] [M], assurée auprès de la société d'assurances QBE, et M. [B] [G], conducteur d'un scooter avec comme passagère Mme [H] [E], assuré auprès de la société Gan Outre-mer.

Par requête enregistrée au greffe le 8 octobre 2021, signifiée par acte d'huissier de justice le même jour, la société Gan Outre-mer a fait citer la société QBE devant le tribunal de première instance de Nouméa au visa des articles L 121-12 du code des assurances, 1250 du code civil et des dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, aux fins de voir dire que Mme [M] avait commis une faute dans la survenance du sinistre et de d'entendre condamner en conséquence la défenderesse au paiement de la somme de 648.125 francs pacifique correspondant aux indemnités versées à M. [G], ou subsidiairement, à celle de 486.094 francs pacifique représentant 75 % des indemnités allouées, outre la somme de 498.125francs pacifique en remboursement des indemnités versées à Mme [E] et celle de 84.000 francs pacifique au titre des frais de l'expertise médicale.

Par jugement dont appel du 22 mai 2023, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- dit qu'aucune faute ne peut être retenue à l'encontre de Mme [M] dans la survenance de l'accident de la circulation du 10 octobre 2011,

- débouté la société Gan Outre-mer de ses demandes,

- condamné la société Gan Outre-mer au paiement de la somme de 80.000 francs pacifique en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Gan Outre-mer aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl Cabinet d'affaires calédonien

PROCÉDURE D'APPEL

La société d'assurances Gan Outre-mer a relevé appel de ce jugement par requête déposée au greffe le 2 juin 2023.

Dans ses dernières conclusions, déposées par voie électronique le 24 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Gan Outre-mer demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal de première instance de Nouméa en date du 22 mai 2023 ;

et statuant à nouveau,

- juger que Mme [M], assurée de la société QBE, a commis une faute en franchissant un stop manquant de visibilité et donc sans s'assurer de l'absence de danger en violation des dispositions du code de la route ;

- juger à titre principal, qu'il n'est pas démontré que le dépassement supposé par M. [G] des zébras, antérieurement à la survenance de l'accident, ait un lien de causalité avec la survenance du dommage ;

- condamner en conséquence la société d'assurances QBE, en sa qualité d'assureur de Mme [M] à verser à la société Gan Outre-mer la somme de 648.125 francs pacifique correspondant à l'intégralité des indemnités versées à M. [G], conducteur victime ;

- à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour considérait que M. [G] a commis une faute présentant un lien de causalité avec la survenance de l'accident, condamner en conséquence la société QBE, en sa qualité d'assureur de Mme [M], à verser à la société Gan Outre-mer la somme de 486 094 francs pacifique correspondant à 75 % des indemnités versées à M. [G], conducteur victime ;

- condamner la société d'assurances QBE, en sa qualité d'assureur de Mme [M], à verser à la société Gan Outre-mer la somme de 498.125 francs pacifique correspondant à l'intégralité des indemnités versées à Mme [E], passagère ;

- condamner la société d'assurances QBE à verser à la société d'assurances Gan Outre-mer la somme de 84.000 francs pacifique en remboursement des frais d'expertise médicale ;

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir ;

- condamner la société d'assurances QBE à payer la somme de 250.000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;

- condamner la société d'assurances QBE aux entiers dépens, avec distraction au profit de la selarl Lionel Chevalier.

Dans ses dernières conclusions déposées sur le réseau privé virtuel des avocats le 30 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société d'assurances QBE demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985 et des articles R 7 et suivants du code de la route de Nouvelle-Calédonie, de :

- constater que M. [G] a commis une faute de conduite ayant pour conséquence l'exclusion de son droit à indemnisation ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 22 mai 2023 ;

y ajoutant,

- condamner la société Gan Outre-mer à payer la somme de 300.000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

- condamner la société Gan Outre-mer aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Cabinet d'affaires calédonien.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 février 2024 et l'affaire a été fixée à l'audience du 15 avril 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de la société Gan Outre-mer à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa l'ayant déboutée de sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'une faute de conduite commise par Mme [M], ayant concouru à la production du dommage.

Il convient à titre préalable de constater qu'il n'existe aucune contestation sur la recevabilité de l'action engagée par la société Gan Outre-mer, fondée à se prévaloir de la subrogation légale de l'article L 121-12 du code des assurances, mais aussi de la subrogation conventionnelle prévue par l'article 1250 du code civil, dès lors qu'elle a justifié avoir procédé à l'indemnisation des préjudices subis par son assuré et son passager.

En conséquence, la cour ne réexaminera que la question des fautes commises par les conducteurs des véhicules impliqués et leur conséquence quant à l'indemnisation de leur préjudice.

De la même manière, la cour ne statuera pas sur la demande d'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir, cette prétention étant dépourvue d'objet devant la juridiction d'appel.

I. Sur l'imputabilité de l'accident

Le tribunal considérant qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à Mme [M] dans la production du dommage, a rejeté la demande de l'assureur de M. [G], victime, tendant à obtenir de l'assureur de cette dernière le remboursement des indemnités versées à son assuré et à sa passagère, Mme [E].

La société Gan Outre-mer réitère sa demande devant la cour en faisant valoir que le croquis représentant le scénario de l'accident, figurant sur le constat amiable dressé contradictoirement le 10 octobre 2011, met en évidence qu'au moment du choc le scooter piloté par son assuré circulait, non pas sur la partie zébrée de la chaussée, mais bien sur sa propre voie de circulation. Elle estime ainsi, que Mme [M] est bien seule à l'origine de l'accident dans la mesure où elle n'aurait pas dû franchir le stop dès lors que le camion qui s'engageait sur la droite la privait de toute visibilité. Enfin rappelant les termes de l'article 4 de la loi du juillet 1985 et la jurisprudence constante qui s'y attache, elle précise qu'aucune faute ne peut être reprochée à M. [G] au regard du croquis figurant sur le constat amiable, du témoignage de M. [A], et du rapport d'expertise amiable réalisé par le cabinet Avenir expertise en juin 2023.

La société QBE maintient que son assurée n'a commis aucune faute, que la partie adverse fait une mauvaise lecture du témoignage de M. [A], que M. [G] circulait sur la bande zébrée de la chaussée et entreprenait le dépassement dangereux du camion au moment de l'accident, que l'expertise de M. [L] réalisée plus de dix ans après les faits ne renseigne pas sur l'état de la chaussée au moment de l'accident. Elle affirme que la manouvre dangereuse de M. [G], qui constitue une violation manifeste de l'article R7 du code de la route justifie de l'exclusion de toute indemnisation.

Si la cour estime que les premiers juges ont à juste titre appliqué les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, relative à l'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, au présent litige qui oppose les assureurs de deux véhicules impliqués dans l'accident survenu le 10 octobre 2011, elle ne partage pas en revanche l'appréciation du tribunal sur les éléments lui ayant permis de conclure à l'entière responsabilité de M. [G] dans la production du dommage.

L'article 4 de la loi précitée énonce que lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice. Ainsi il appartient à la cour de vérifier si M. [G] d'une part et Mme [M] d'autre part n'ont pas commis de faute ayant contribué à la production de leur propre dommage.

Le croquis figurant la dynamique de l'accident et le positionnement sur la chaussée des deux véhicules impliqués après la collision permet d'affirmer qu'au moment du choc, le scooter de M. [G] évoluait non pas sur la partie centrale et zébrée de la chaussée mais sur sa propre voie de circulation. Rien ne permet en effet, d'établir qu'il était en action de dépassement du camion frigorique et par voie de conséquence en déport sur la voie de gauche dans les instants précédant le choc, et si tant est qu'elle fût avérée cette circonstance est sans lien démontré avec la survenance de l'accident, la collision s'étant manifestement produite sur sa voie de circulation. Le seul témoignage littéral de M. [A] non daté, qui évoque l'arrivée soudaine du scooter sur les lignes zébrées, est au demeurant contredit par sa propre illustration graphique de laquelle il ressort que le choc s'est produit en dehors de la partie zébrée et que le scooter occupait une place normale sur la chaussée. Cette analyse est également corroborée par la localisation des zones de contact relevées sur la moto, touchée uniquement sur la droite de sa roue arrière, alors que la collision, si elle était intervenue en amont, sur la partie zébrée, aurait été frontale.

La cour observe encore que l'attestation de M. [A] stigmatise au contraire le comportement dangereux de Mme [M], dès lors que ce témoin écrit que Mme [M] s'est engagée sur la [Adresse 3] en tournant à gauche alors même que la présence du camion réfrigéré qui s'apprêtait à tourner à droite, la privait de toute visibilité.

De la même manière, l'expertise confiée par la société Gan Outre-mer au cabinet Avenir Expertise, effectuée après la visite sur place de l'expert, et l'examen minutieux de la configuration du carrefour, confirme que, même si M. [G] avait commis une infraction, en circulant sur le zébra, ce qui n'est nullement démontré, le fait générateur se trouvait bien dans le refus de priorité de Mme [M], qui a franchi la ligne de stop et s'est engagée dans le carrefour, sans s'être assurée que la chaussée était libre.

Dans ces conditions, il n'est pas démontré que M. [G], conducteur du véhicule assuré par le Gan, ait commis une faute ayant contribué à la production de son propre dommage tandis qu'il est établi que Mme [M], conductrice du véhicule automobile assuré par la société QBE, a, en refusant la priorité, commis une faute, source exclusive des dommages subis.

II. Sur le recours subrogatoire

Il ressort des motifs ci-dessus exposés que M. [G], qui n'a commis aucune faute ayant contribué, ne fût-ce que partiellement, à la production de son propre dommage, disposait bien d'un droit à la réparation intégrale des préjudices indemnisés par son assureur à hauteur de 648 125 francs pacifiques.

Il est par ailleurs établi que sa passagère, Mme [E], à laquelle aucune faute ne peut être opposée, a été blessée à la jambe droite. Son préjudice corporel a été indemnisé par la société Gan Outre-mer à hauteur de 498 125 francs pacifique.

Le versement de ces indemnités au conducteur et à Mme [E], victime passagère, justifie les recours subrogatoires légal et conventionnel que la compagnie Gan Outre-mer tient de l'article L 121-12 du code des assurances et du procès-verbal de transaction en ce qui concerne Mme [E].

La matérialité des paiements n'étant ni discutée, ni discutable au regard des procès-verbaux de transaction versés aux débats, il convient de faire droit aux demandes tendant à la condamnation de la compagnie d'assurances QBE, assureur du véhicule conduit par Mme [M], au remboursement de ces sommes comme il sera dit au dispositif du présent arrêt. Pour les mêmes raisons, la compagnie QBE sera également condamnée à rembourser la société Gan Outre-mer le coût de l'expertise médicale confiée au docteur [N] qui se sont élevés à 84 000 francs pacifique.

III. Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la compagnie d'assurances Gan Outre-mer l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en première instance et en cause d'appel.

La compagnie QBE sera condamnée de ce chef à lui verser la somme de 150 000 francs pacifique.

IV. Sur les dépens

La compagnie d'assurances QBE, qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

Dit que Mme [M], assurée de la société QBE, a commis une faute en franchissement un stop, en manquant de visibilité et sans s'assurer de l'absence de danger, en violation des dispositions du code de la route ;

Dit qu'il n'est pas démontré que M. [G] a commis une faute ayant contribué à la production de son dommage ;

Condamne en conséquence la société QBE à rembourser à la société Gan Outre-Mer les sommes suivantes :

- 648 125 francs pacifique correspondant à l'intégralité des indemnités versées à M. [G],

- 498 125 francs pacifique correspondant à l'intégralité des indemnités versées à Mme [E], passagère,

- 84 000 francs pacifique représentant le coût de l'expertise médicale ;

Condamne la société QBE à verser à la société Gan Outre-Mer la somme de 150 000 francs pacifique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;

Condamne la société QBE aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00165
Date de la décision : 06/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-06;23.00165 ?
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