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30/05/2024 | FRANCE | N°23/00047

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 30 mai 2024, 23/00047


N° de minute : 2024/22



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 30 Mai 2024



Chambre sociale









N° RG 23/00047 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T6X



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2023 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :21/140)



Saisine de la cour : 14 Juin 2023





APPELANT



AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT, ès qualité de détenteur du mandat légal de représentation de l'Etat

Siège social : [Adresse 3]

Représe

nté par Me Alexe-sandra VU membre de la SELARL ALEXE-SANDRA VU, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



M. [D] [H]

né le 19 Novembre 1961 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d'une a...

N° de minute : 2024/22

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 30 Mai 2024

Chambre sociale

N° RG 23/00047 - N° Portalis DBWF-V-B7H-T6X

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Mai 2023 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :21/140)

Saisine de la cour : 14 Juin 2023

APPELANT

AGENT JUDICIAIRE DE L'ÉTAT, ès qualité de détenteur du mandat légal de représentation de l'Etat

Siège social : [Adresse 3]

Représenté par Me Alexe-sandra VU membre de la SELARL ALEXE-SANDRA VU, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [D] [H]

né le 19 Novembre 1961 à [Localité 1]

demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/0001702 du 05/11/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMEA)

Représenté par Me Valérie LUCAS membre de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Avril 2024, en audience publique, devant la cour composée de Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseillère, Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.

Greffier lors des débats: Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

30/05/2024 : Copie revêtue de la forme exécutoire : - Me LUCAS ;

Expéditions : - Me [Y] ; AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT, M. [H] (LR/AR)

- Copie CA ; Copie TT

ARRÊT

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 mai 2024 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 30 mai 2024 , les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

M. [D] [H], professeur d'anglais, est employé depuis le 1er mars 1991 dans un établissement d'enseignement privé sous contrat de la Direction diocésaine de l'enseignement catholique (DDEC). Le 9 novembre 2020, il a fait valoir ses droits à la retraite et a cessé ses fonctions le 1er juillet 2021. Il a demandé à bénéficier d'une indemnité de départ à la retraite prévue pour les enseignants ayant exercé en Nouvelle-Calédonie.

Par courrier du 27 novembre 2020, la DDEC l'a informé ne pas avoir la qualité d'employeur, l'indemnité de départ à la retraite étant traditionnellement versée par la Province Sud.

Par requête du 16 juillet 2021 complétée par des écritures du 24 février 2022, M. [H] a cité l'État et le Conseil d'administration de la mission religieuse de l'enseignement catholique (CAEC) représenté par la DDEC devant le tribunal du travail de Nouméa aux fins de condamner le Ministère de l'éducation nationale représenté par l'Agent judiciaire de l'État (AJE) à lui verser 2'540'457 XPF d'indemnité de départ à la retraite outre 154.275 XPF à titre de dommages et intérêts.

A cet effet, il soutient que les dispositions de l'article 3 de la loi N° 2005-5 du 5 janvier 2005 invoquées par la DDEC et l'AJE justifiant le non versement de l'indemnité de départ à la retraite ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie dans leur intégralité, seul l'alinéa 3 de l'article 1 de ladite loi étant applicable disposant ' L'article L 914-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé' le code de l'éducation est ainsi modifié : les maîtres titulaires d'un contrat définitif dont le service est supprimé ou réduit, les maîtres titulaires d'un contrat provisoire préalable à l'obtention d'un contrat définitif ainsi que les lauréats de concours bénéficient d'une priorité d'accès aux services vacants d'enseignement ou de documentation des classes sous contrat d'association dans des conditions déterminées par décret en conseil d'État', ces dernières dispositions ne privant pas les salariés du règlement de l'indemnité de départ.

De la même manière, les dispositions de la loi de pays n° 2007-5 du 13 avril 2007 ne privent pas les enseignants du règlement de l'indemnité de départ en retraite, aucune loi de pays n'ayant été prise en ce sens, comme le confirme le courrier en date du 10 décembre 2019 adressé au président du gouvernement, la Province Sud s'étant engagée à régler ces indemnités dans l'attente d'une étude pour évaluer la pertinence du maintien de cette indemnité dans un délai de 5 ans.

En réponse, le CAEC représenté par la DDEC fait valoir':

que l'indemnité de départ à la retraite du requérant n'est pas due au motif que la loi du pays N°2007-5 du 13 avril 2007 (article 3) dite loi Censi n'avait prévu le versement de l'indemnité de retraite que pendant une période transitoire (5 ans) et qu'aucune convention n'a été négociée avec les partenaires sociaux pour définir les modalités de versement de cette indemnité de départ en retraite, les Province-Sud et des Îles qui s'étaient substituées au gouvernement pour verser celle-ci après cette période ayant décidé par courrier daté du 10 décembre 2019 de cesser de verser cette indemnité ;

que le requérant, rémunéré depuis 14 ans par l'État a cotisé au régime de retraite additionnel depuis 2007 et bénéficie de droits identiques aux enseignants du public de sorte qu'il ne pouvait solliciter un régime plus favorable que ceux-ci.

L'AJE soutient quant à lui pour l'essentiel que l'affiliation au régime additionnel de retraite depuis le 22 février 2006 du requérant faisait obstacle au versement de l'indemnité légale de retraite prévue à l'article R 122-9 du CTNC et que M. [H] âgé de moins de 62 ans au jour de sa mise à la retraite ne satisfaisait pas aux deux conditions requises de l'article 3 de la loi N°2005-5 du 5 janvier 2005 pour bénéficier de ce régime additionnel de retraite' que sont 1°) affiliation à ce régime pendant 17 années et 2°) être âgé de 62 ans au jour sa retraite.

Le versement de cette indemnité enfreindrait le principe d'égalité de traitement et serait discriminatoire pour les fonctionnaires, les contractuels bénéficiant d'un régime plus favorable.

Par jugement du 23 mai 2023, le tribunal du travail a jugé que l'employeur de M. [H] était l'État et a mis hors de cause le CAEC représenté par la DDEC. Il a fixé à cinq cent vingt-huit mille cinq cent cinquante-trois (528'553) XPF la moyenne des trois derniers mois de salaire et a par suite condamné l'AJE, à verser à M. [H] les sommes d'un million sept cent cinquante-huit mille sept cent soixante-dix-sept (1'758'777) XPF au titre de l'indemnité de départ à la retraite outre cent mille (100'000) XPF de dommages et intérêts fixant à 4 (quatre) les unités de valeurs attribuées à son conseil, Maître Grégory MARCHAIS agissant au titre l'aide judiciaire.

Par requête du 13 juin 2023, l'agent judiciaire de l'État a relevé appel de cette décision.

SUR QUOI,

Sur l'application du code du travail et la compétence du tribunal du travail

L'article Lp. 111- 1 du code du travail dispose qu'il s'applique à tous les « salariés » de Nouvelle-Calédonie et aux personnes qui les emploient, l'article Lp. 111-2 définissant le salarié "'. toute personne physique qui s'est engagée à mettre son activité professionnelle, moyennant rémunération, sous l'autorité d'une autre personne physique ou morale publique ou privée'».

Par ailleurs, ne sont exclues du champ d'application du code du travail de Nouvelle-Calédonie, aux termes de son article Lp. 111-3, que les «'personnes relevant d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public', le tribunal des conflits rappelant encore récemment (TC 14 mai 2018, C4121) qu'un enseignant de droit privé exerçant en Nouvelle-Calédonie, serait-t-il employé et rémunéré par l'État et non lié par un contrat de travail à l'établissement d'enseignement privé au sein duquel l'enseignement lui est confié par application des dispositions de l'article Lp1 de la loi du pays n°2007-5 du 13 avril 2007, reste un agent contractuel de l'État et ne relève pas, au sens et pour l'application de ces dispositions, d'un statut de fonction publique ou d'un statut public.

Il est constant que le requérant a été employé et rémunéré sous contrat par l'État en qualité d'adjoint d'enseignement pour enseigner en Nouvelle-Calédonie et qu'à ce titre il est soumis au code du travail, le contentieux l'opposant à l'État relevant de la compétence de la juridiction du travail.

Sur la mise hors de cause du CAEC représenté par la DDEC

Aux termes de l'article Lp1 de la loi du pays n°2007-5 du 13 avril 2007, les personnels enseignants des établissements d'enseignement privé sous contrat d'association ne sont pas au titre des fonctions pour lesquelles ils sont employés et rémunérés par l'État, liés par un contrat de travail à l'établissement d'enseignement privé au sein duquel l'enseignement lui est confié.

En conséquence, seul l'État doit être considéré comme employeur du requérant, le CAEC étant mis hors de cause.

Sur l'indemnité de départ à la retraite

L'article Lp 3 de la loi de pays précitée dispose que "les modalités selon lesquelles les personnels enseignants et de documentation des établissements d'enseignement privés liés à l'État par un contrat d'association admis à la retraite ou au bénéfice d'un avantage temporaire de retraite servi par l'État, perçoivent une indemnité de départ en retraite, sont déterminées par convention entre les organisations syndicales représentatives de ces personnels et les établissements d'enseignement privés sous contrat d'association. Cette convention est étendue parle gouvernement de la Nouvelle-Calédonie."

L'article Lp 6 de cette loi précise que ces personnels enseignants et de documentation sont affiliés au régime de retraite additionnel institué par l'article Lp 3 de la loi N°2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres les personnels enseignants et de documentation des établissements d'enseignement privé sous contrat d'association. À la différence du texte applicable en métropole, l'objet de cet article est d'accorder aux maîtres contractuels une indemnité de départ à la retraite en sus de leur affiliation au régime additionnel.

En l'absence de convention signée avec les organisations syndicales représentatives de ces personnels concernés malgré un projet de protocole (Cf pièce n° 3 CAEC), la PROVINCE SUD s'est substituée jusqu'au 1er janvier 2020 aux obligations de l'État-employeur, en versant l'indemnité de départ à la retraite selon les modalités prévues par le code du travail.

L'absence de toute convention signée d'une part et la fin du versement par la Province Sud en lieu et place de l'État d'autre part ne sauraient priver le salarié de son droit à indemnité de retraite en sus, de son affiliation au régime additionnel, tel que prévue par l'article 3 de la loi, l'AJE échouant à démontrer que le régime serait discriminatoire puisque plus favorable que pour les enseignants de droit public et alors que les deux catégories de personnel ne sont pas dans la même situation et n'ont pas le même statut, l'égalité de traitement s'appréciant pour des salariés dans la même situation statutaire et de rémunération, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, les agents contractuels n'étant pas régis par les mêmes règles statutaires que les fonctionnaires.

De ce point de vue, la décision du 1er février 2023, (N°21-10546) dont se prévaut le défendeur ne correspond pas au cas de l'espèce puisqu'il concernait un instituteur agréé exerçant dans un institut médico-éducatif, établissement d'enseignement privé géré par l'association pour la réadaptation et le traitement des enfants et adultes inadaptés, elle-même liée à l'état par un contrat simple et est fondé sur un texte métropolitain (article 3, I, IVe 4 de la loi n°2005 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d'enseignement privés sous contrat et les dispositions de l'article L914-1 du code de l'éducation qui prévoient expressément que les maîtres exerçant dans les établissements privés liés à l'État par contrat bénéficient des mêmes mesures de formation, promotion et d'avancement que ceux qui exercent leur fonction dans l'enseignement public, qui ne sont pas applicables en Nouvelle-Calédonie.

M. [H] est ainsi fondé à solliciter l'indemnité de départ à la retraite prévue par les dispositions de l'article Lp122-46 du code du travail qui dispose que "sous réserve de stipulations conventionnelles ou contractuelles plus favorables, tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse ou dont le départ à la retraite résulte d'une décision de l'employeur a droit a une indemnité de départ en retraite. Le taux de cette indemnité, qui peut varier en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise, et ses modalités de calcul, en fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail, sont fixés par délibération du congrès."

Il résulte des dispositions de l'article R122-9 du code du travail que "lorsque le salarié quitte volontairement l'entreprise pour bénéficier du droit à la pension de vieillesse, le montant de l'indemnité de départ à la retraite mentionnée à l'article Lp. 122-46 est égal à un dixième de mois par année de service chez l'employeur. "

S'agissant de l'article R 122-10, M. [H] ne saurait en bénéficier puisqu'il traite du cas des salariés mis à la retraite suite à la décision de l'employeur alors qu'en ce qui le concerne, il a volontairement décidé de faire valoir ses droits à la retraite.

Enfin, le salaire mensuel servant de base au calcul de l'indemnité de départ a la retraite est égal au douzième de la rémunération totale annuelle brute incluant toute prime et gratification ou la moyenne brute des trois derniers mois incluant les mêmes éléments au prorata selon la formule la plus avantageuse pour le salarié': au vu des bulletins de salaire du requérant, le salaire moyen des 3 derniers mois d'un montant de 586'259 XPF est le plus avantageux.

Pour une ancienneté de 30 ans, il peut dès lors prétendre à la somme de 1'758'777 XPF que L'AJE sera condamné à lui régler conformément à la décision du premier juge.

Sur les dommages et intérêts

L'abstention fautive de l'administration dans le versement de l'indemnité a indéniablement causé un préjudice matériel et moral distinct à M. [H] qu'il convient d'indemniser sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

Une somme de 100'000 XPF lui sera accordée à ce titre.

Sur l'exécution provisoire

L'exécution provisoire est de droit en cause d'appel

Sur les dépens

L'agent judiciaire de l'État qui succombe, sera condamné aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant contradictoirement, publiquement et en dernier ressort,

DIT l'appel de l'Agent judiciaire de l'État recevable,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal du travail du 23 mai 2023

CONDAMNE l'Agent judiciaire de l'État aux dépens

FIXE à 4 (quatre) les unités de valeur attribuées à Maître Valérie LUCAS agissant au titre de l'Aide judiciaire

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00047
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.00047 ?
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