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30/05/2024 | FRANCE | N°23/00022

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 30 mai 2024, 23/00022


N° de minute : 2024/18



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 30 Mai 2024



Chambre sociale









N° RG 23/00022 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TZN



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2023 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :20/228)



Saisine de la cour : 24 Mars 2023





APPELANT



Mme [E] [P]

née le 12 Avril 1991 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Marie-katell KAIGRE, avocat au b

arreau de NOUMEA, substituée par Maître Virginie BOITEAU, du même barreau





INTIMÉ



PROVINCE DES ILES LOYAUTE, représentée par son Directeur en exercice

Siège social : [Adresse 2]







COMPOSITIO...

N° de minute : 2024/18

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 30 Mai 2024

Chambre sociale

N° RG 23/00022 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TZN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Février 2023 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :20/228)

Saisine de la cour : 24 Mars 2023

APPELANT

Mme [E] [P]

née le 12 Avril 1991 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Marie-katell KAIGRE, avocat au barreau de NOUMEA, substituée par Maître Virginie BOITEAU, du même barreau

INTIMÉ

PROVINCE DES ILES LOYAUTE, représentée par son Directeur en exercice

Siège social : [Adresse 2]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

30/05/2024 : Expéditions: - Me KAIGRE ;

- PIL , Mme [P] (LR/AR)

- Copie CA ; Copie TT

ARRÊT :

- réputé contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Selon contrat de travail à durée déterminée en date du 15 mai 2020 Mme [E] [P] a été embauchée par la province des îles Loyauté en qualité d'infirmière diplômée d'état de catégorie B pour servir à la direction de l'action communautaire et de l'action sanitaire de la province (centre médical »[3] » et centre médico-social de [Localité 4]) à compter du 15 mai 2020 jusqu'au 15 juillet 2020 sans motif particulier.

Ce contrat était renouvelé jusqu'au 29 juillet 2020 pour nécessités de service.

Un nouveau contrat de travail à durée déterminée en date du 29 juillet 2020 était souscrit entre les parties pour exercer les mêmes fonctions dans le même service et aux mêmes conditions de rémunération du 1er septembre 2020 jusqu'au 02 novembre 2020 sans motif particulier ainsi que du 1er septembre 2020 jusqu'au 02 novembre 2020 pour surcroît d'activité.

La relation contractuelle prenait fin le 02 novembre 2020.

Le tribunal du travail de Nouméa, statuant sur les demandes de Mme [E] [P] a par jugement dont appel du 21 février 2023 :

- débouté Mme [E] [P] de sa demande de production de plannings ;

- débouté Mme [E] [P] de sa demande de reclassification et des rappels de salaires afférents ;

- requalifié les relations contractuelles entre les parties en contrat à durée indéterminée ;

-dit que Mme [E] [P] a fait l'objet d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

-condamné la province des îles Loyauté à lui payer les sommes suivantes :

*cinq cent vingt mille francs (520.000) francs pacifique au titre de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

*cent quatre-vingt-trois mille trois cent six (183.306) francs pacifique au titre de l'indemnité de préavis ;

*dix-huit mille trois cent trente (18.330) francs pacifique au titre de congés-payés sur l'indemnité compensatrice de préavis ;

-dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la requête en ce qui concerne les créances salariales et à compter du présent jugement s'agissant des créances indemnitaires avec capitalisation ;

-condamné la province des îles Loyauté à régulariser sa situation auprès de la Cafat et à remettre à Mme [E] [P] son bulletin de salaire de novembre 2020 rectifié avec la mention de l'indemnité de préavis et de congés-payés sur préavis ;

-dit n'y avoir lieu à astreinte ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit sur les créances salariales dans les conditions prévues par l'article 886-2 du code de procédure civile de la Nouvelle Calédonie ;

-ordonné l'exécution provisoire à hauteur de la somme allouée au titre des dommages-intérêts

-fixé à la somme de trois cent soixante-six mille six cent treize (366.613) francs pacifique le salaire moyen des trois derniers mois ;

- débouté Mme [E] [P] du surplus de ses demandes ;

-condamné la province des îles Loyauté à lui payer la somme de cent cinquante mille (150.000) francs pacifique au titre des frais irrépétibles ;

-condamné la province des îles Loyauté aux dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Mme [E] [P] a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe de la cour le 24 mars 2023. Elle critique la décision des premiers juges en ce qu'elle l'a déboutée d'une part, de sa demande visant à obtenir la communication des plannings portant sur les heures de service et d'autre part de sa demande visant à obtenir la reconnaissance de la classification respectant son diplôme d'infirmière.

Dans ses dernières conclusions figurant dans son mémoire ampliatif d'appel, déposé au greffe le 24 juin 2023, qui ont été oralement développées lors de l'audience, elle demande à la cour de :

- dire et juger l'appel recevable en ses formes et délais, le dire bien fondé sur les seuls points contestés et le confirmer sur le surplus,

- à défaut de communication spontanée en cours de procédure, faire injonction de communiquer les plannings de mai 2020 à novembre 2020 pour les infirmières travaillant au centre médical de [3] ' centre médico-social de [Localité 4],

-renvoyer les parties devant la présente juridiction après communication des relevés d'heures,

Au titre de la classification,

-dire que Mme [E] [P] était en droit de bénéficier de la même grille salariale que les titulaires,

-constater que Mme [E] [P] avait le droit à la classification de catégorie A échelon 1, avec un INM 359,

-dire que le salaire de référence de Mme [E] [P] est de 476 953 francs pacifiques

-condamner la province des Iles à verser à Mme [E] [P] les sommes provisionnelles suivantes :

- 471 558 francs pacifique au titre du rappel de salaire sur la classification ;

- 47 155 francs pacifique au titre du rappel d'indemnité de congés payés

- 476 953 francs pacifique au titre du préavis ;

- 47 695 francs pacifique au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis

- 1 430 859 francs pacifique au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1 430 859 francs pacifique au titre de l'indemnisation du préjudice moral ;

-condamner la province des îles Loyauté à effectuer les régularisations correspondantes auprès de la Cafat, et de remettre des attestations de perte de salaire rectificatives,

-dire que cette obligation devra être réalisées dans le mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte de 5 000 francs pacifique par jour de retard,

-dire que les sommes indemnitaires et à nature de salaire seront augmentées des intérêts à taux légal à compter de la requête introductive d'instance du 12 octobre 2020,

-rappeler l'article 886 du code civil,

-dire que les intérêts échus produiront intérêts en application de l'article 1154 du code civil,

-ordonner l'exécution provisoire sur les dommages et intérêts dans le mois suivant la notification de la décision à intervenir, sou peine, passé ce délai, d'une astreinte de 10 000 francs pacifique par jour de retard,

-condamner la province des îles Loyauté à verser la somme de 350 000francs pacifique au titre des frais irrépétibles.

La requête d'appel a été signifiée à l'établissement public de la province des îles Loyauté par acte d'huissier remis le 30 mars 2023 à Mme [M], qui a déclaré être habilitée pour le recevoir.

Le mémoire ampliatif a été notifié à la province des îles Loyauté par le greffe, au moyen d'un courrier électronique.

L'affaire a été fixée à l'audience du 21 mars 2024 par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état datée du 10 novembre 2023.

Lors de cette audience, le conseil de Mme [P], Maître Kaigre, était substitué par Maître Boiteau, qui s'en est remis aux écritures de sa cons'ur.

La collectivité territoriale de la'province des îles Loyauté' qui avait été convoquée par le greffe pour cette audience au moyen d'une lettre recommandée remise à son destinataire le 14 novembre 2023 n'était ni présente ni représentée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul principal de Mme [E] [P] qui critique la décision du tribunal du travail ayant rejeté sa demande tendant à obtenir la communication des plannings de ses heures de service ainsi que celle visant à obtenir la reconnaissance de la classification respectant son diplôme d'infirmière. Elle demande à la cour d'y faire droit et de revaloriser en conséquence toutes les indemnités qui lui ont été allouées en tenant compte d'un salaire de référence de 476 953 francs pacifique et non de 366 613 francs pacifiques.

Il convient à titre liminaire de relever que la province des îles Loyauté, a été avisée de la procédure d'appel et de la date de l'audience, de sorte qu'il sera statué à son égard par arrêt contradictoire en application des dispositions de l'article 473 du Code de procédure civile.

Par ailleurs, l'intimée n'ayant pas comparu, la cour statuera conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, en ne faisant droit qu'aux seules demandes, régulières, recevables et fondées.

I Sur la demande de communication de plannings.

Mme [P] a été déboutée en première instance de cette demande sur le fondement des articles 138 et 142 du code de procédure civile, dès lors, qu'elle avait nécessairement eu le document qu'elle réclame en sa possession ou à sa disposition.

Mme [P] réitère cette demande devant la cour, mais ne développe aucun moyen.

La cour, comme le premier juge considère n'y avoir lieu d'enjoindre à la province des îles de produire le planning des heures de service de Mme [P] des lors qu'elle est ou a été elle-même, nécessairement en possession de ces documents et qu'elle n'allègue aucune circonstance particulière pour expliquer leur perte.

II Sur la demande de reclassification et rappels de salaire afférents.

Le tribunal du travail a débouté Mme [P] de sa demande de reclassification en considérant, qu'elle ne remplissait pas les conditions définies par la délibération n° 352 du 7 mars 2014 pour bénéficier de la grille indiciaire des infirmiers et du statut de cadre A dans la mesure où elle n'était pas encore diplômée en 2013 et n'avait pas le statut de fonctionnaire, étant simplement engagée comme agent contractuel.

Mme [P] soutient qu'elle appartient à la quatrième catégorie du personnel infirmier visée par l 'article 20 de la délibération n° 352 , à savoir celle des infirmiers diplômés d'état , étant observé qu' au terme de l'article suivant, le corps des infirmiers diplômés d'Etat , sont recrutés soit par concours avec épreuve, soit sur titre aux candidats déjà titulaire du diplôme d'infirmer d'Etat délivré avant le 1er juillet 2013.

En tout état de cause, elle fait valoir que l'égalité salariale qu'elle revendique, n'implique pas nécessairement, ni la reconnaissance d'un statut de cadre, ni celle de sa titularisation.

Elle soutient que le statut de la fonction publique ne peut justifier en soi, des différences de traitement entre agents contractuels de droit public, et fonctionnaires, à qualification et diplôme identiques et ne sollicite qu'un traitement égal à celui des infirmiers du 4ème corps qui est le premier niveau au plan salarial, en s'appuyant sur une jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation.

Ainsi, elle aurait dû, selon elle, percevoir un salaire de 387 175 francs pacifique francs pacifique. Son salaire de référence au cours des trois derniers mois était de 476 953 francs pacifiques, ce qui justifie la revalorisation des indemnités qui lui ont été accordées au titre de la rupture abusive de son contrat de travail ainsi que sa demande en rappel de salaire.

La province des îles Loyauté, non comparante , n'a présenté aucune observation ainsi que cela a déjà été ci avant énoncé.

La cour confirme l'analyse du tribunal du travail qui, à juste titre, a jugé que Mme [P], qui n'a pas le statut de fonctionnaire, ne pouvait revendiquer l'application de la grille indiciaire prévue par la délibération 352 du 07 mars 2014. Il convient en effet, de relever d'une part, que le recrutement sur titre, dont elle entend se prévaloir, visé à l'article 21 de cette délibération, est un recrutement par concours, précisément en vue d'une intégration au corps des fonctionnaires, et non un recrutement temporaire et contractualisé correspondant à sa situation. Il est en effet reconnu à chaque administration le pouvoir réglementaire de définir librement les conditions de rémunération, en choisissant par exemple l'indice sur la base duquel l'agent sera rémunéré, dans le cadre d'échanges et de relations gouvernés par la seule volonté commune des parties.

Certes, ce cadre ne prive pas l'agent contractuel du droit à l'égalité de traitement, qui s'impose à tous les employeurs privés et publics ainsi que cela ressort de la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation ( arrêt du 11 juillet 2007 06-41-742 ) mais aussi de l'évolution récente de la jurisprudence du conseil d'état, ( arrêt du 12 avril 2022 N) 45 2547 ) qui subordonne la légalité de la différence de traitement instituée par le pouvoir réglementaire à l'objet de la partie de rémunération concernée. Cependant, il appartient au salarié, agent non titulaire d'un grade de la fonction publique, qui se prétend lésé à raison d'une discrimination dans sa rémunération de démontrer d'une part, que d'autres personnes réalisant le même travail ou un travail de même valeur ont une rémunération plus élevée en précisant les éléments de la rémunération concernée, et à l'administration de démontrer, une fois ce fait établi, que cette différence est justifiée au regard d'éléments objectifs.

Au cas d'espèce, force est de constater que Mme [P] allègue une rupture d'égalité dans les éléments composant sa rémunération sans apporter le moindre élément de comparaison, avec la situation d'autres collègues fonctionnaires occupant la même fonction ou une fonction équivalente, dans un contexte identique ou voisin, mais revendique en réalité l'application de la grille indiciaire des infirmiers, relevant de la fonction publique hospitalière, avec un indice de 359 correspondant à un emploi d'infirmier catégorie A, échelon 1, depuis le début de sa relation de travail ; ce qui qu'elle n'est pas en droit d'exiger, au regard de son statut d 'agent contractuel (, étant observé que la référence faite dans le contrat de travail du 10 décembre 2018 à l'indice INM 313 pour fixer le montant de sa rémunération ne peut être critiqué en tant que tel, des lors que celui-ci a été retenu au terme du processus de recrutement contractuel, en fonction d'un ensemble d'éléments relevant de la situation personnelle de la salariée.

Dans ces conditions, il y a lieu de confirmer la décision du tribunal du travail qui a débouté Mme [P] de cette demande de reclassification et par voie de conséquence de l'ensemble des prétentions en rappel de salaires et de congés payés, et indemnités y afférents, ainsi que de l'ensemble des demandes accessoires à cette reclassification.

III Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'issue du procès, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [P] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer devant la cour.

IV Sur les dépens.

Pour les mêmes raisons, les dépens de l'instance d'appel resteront à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Confirme le jugement rendu par le tribunal du travail de Nouméa en toutes ses dispositions critiquées

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile

- Condamne Mme [E] [P] aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 23/00022
Date de la décision : 30/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-30;23.00022 ?
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