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13/05/2024 | FRANCE | N°23/00257

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 13 mai 2024, 23/00257


N° de minute : 2024/94



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 13 mai 2024



Chambre civile









N° RG 23/00257 - N° Portalis DBWF-V-B7H-UDN



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 juillet 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 22/2818)



Saisine de la cour : 10 août 2023





APPELANT



S.A.S. SOCALFI, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par

Me Louise CHAUCHAT, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



M. [N] [R]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4],

demeurant chez M. [E] [R] - [Adresse 3]





COMPOSITION DE LA COUR :



L'...

N° de minute : 2024/94

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 13 mai 2024

Chambre civile

N° RG 23/00257 - N° Portalis DBWF-V-B7H-UDN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 juillet 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 22/2818)

Saisine de la cour : 10 août 2023

APPELANT

S.A.S. SOCALFI, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Louise CHAUCHAT, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [N] [R]

né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4],

demeurant chez M. [E] [R] - [Adresse 3]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH.

13/05/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me CHAUCHAT ;

Expéditions - M. [R] (LS)

- Copie CA ; Copie TPI.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- Réputée contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Suivant offre préalable de crédit sous signature privée, acceptée le 29 juillet 2020, la société Socalfi a consenti à M. [R] un crédit personnel d'un montant de 1 800 000 francs pacifique au taux contractuel de 5,55 % l'an, d'une durée 60 mois.

Des impayés étant survenus, la société Socalfi a mis en demeure M. [R] de régulariser la situation, par lettre recommandée du 12 novembre 2021, pli revenu « avisé non réclamé ».

En l'absence de régularisation, la déchéance du terme a été prononcée par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à M. [R] le 4 janvier 2022, reçu le 6 janvier 2022.

Par requête signifiée le 19 octobre 2022 et déposée au greffe le 24 octobre 2022, la société Socalfi a saisi le tribunal de première instance de Nouméa aux fins de voir :

- constater la résiliation du contrat à la date du 4 janvier 2022,

- condamner M. [R] au paiement de la somme de 1 663 505 francs pacifique au titre du crédit personnel, outre les intérêts légaux,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner solidairement M. [R] à lui payer la somme de 120 000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] aux entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 24 juillet 2023, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- constaté que l'offre préalable de crédit litigieuse proposée par la société Socalfi et acceptée par M. [R] le 29 juillet 2020 était irrégulière,

- prononcé en conséquence la déchéance du droit aux intérêts de la société Socalfi au titre du contrat de crédit souscrit par M. [R] le 29 juillet 2020, à compter de cette date,

- débouté la société Socalfi de sa demande au titre de l'indemnité de 8%,

- condamné M. [R] à payer à la société Socalfi la seule différence entre les sommes débloquées à son profit par le prêteur et les versements par lui effectués avant et après la déchéance du terme, soit la somme de 1 443 417 francs pacifique,

- écarté l'application des articles 1153 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier,

- dit qu'en conséquence, cette somme ne porterait pas intérêts au taux légal,

- condamné M. [R] aux entiers dépens de la procédure,

- débouté la société Socalfi de sa demande d'indemnité formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

PROCÉDURE D'APPEL

La société Socalfi a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 10 août 2023.

Dans son mémoire ampliatif auquel il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Socalfi demande à la cour de :

- constater que son appel interjeté est recevable et bien fondé ;

en conséquence,

- confirmer le jugement en ce que M. [R] a été condamné à payer à la société Socalfi les sommes dues au titre du contrat de prêt sous seing privé en date du 29 juillet 2020, sous déduction des sommes versées avant et après la déchéance du terme intervenue le 4 janvier 2022 ;

- le réformer pour le surplus et, statuant à nouveau,

vu la production des notices d'assurances obligatoires,

- dire n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

- condamner M. [R] à payer à la société Socalfi la somme principale de 1.663.505 francs pacifique, au titre des échéances impayées, du capital restant dû et de l'indemnité de 8% à valoir sur le capital restant dû ;

- dire que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 12 novembre 2021, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil applicable à la Nouvelle-Calédonie ;

- condamner M. [R] à payer à la société Socalfi la somme de 250.000 francs pacifique sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie pour l'entière procédure,

- condamner M. [R] aux entiers dépens.

La requête d'appel et le mémoire ampliatif ont été signifiées à M. [R] par acte d'huissier du 11 octobre 2023 remis à sa personne.

M. [R] n'a pas constitué avocat dans le mois suivant cette signification.

L'ordonnance de clôture de la mise en état est intervenue le 22 décembre 2023 et l'examen de l'affaire a été fixée au 11 mars 2024 par ordonnance du magistrat en charge de la mise en état rendue le jour de la clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de la société Socalfi qui conteste la décision du tribunal l'ayant déchue de tout droit aux intérêts, tant contractuels que légaux et privée de toute indemnité légale au motif qu'elle n'avait pas été en mesure de prouver la remise à l'emprunteur d'un contrat répondant aux exigences imposées par la loi.

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en l'absence du défendeur, la cour, conformément aux dispositions de l'article 472 du code de procédure civile, ne fera droit aux prétentions de la société Socalfi que si elles sont régulières recevables et fondées.

Par ailleurs, M. [R] ayant été régulièrement attrait devant la cour, par acte signifié à sa personne, l'arrêt rendu sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 473 du code de procédure civile.

I. Sur la conformité du contrat de prêt et d'assurance aux exigences légales

Le tribunal a prononcé la déchéance du droit aux intérêts prévue par l'article L 311-48 du code de la consommation dans l'hypothèse d'un manquement du prêteur dans la communication à l'emprunteur des informations précontractuelles, motif pris que l'établissement prêteur, auquel incombe cette preuve, ne démontrait pas avoir remis à M. [R], la notice d'assurance obligatoire, bien que celui-ci ait adhéré à l'assurance.

La société Socalfi, après avoir rappelé tous les éléments l'ayant conduite à prononcer la déchéance du terme, dans les formes et délais légaux en raison du défaut caractérisé de paiement par M. [R] des mensualités dès la huitième échéance, indique avoir produit au tribunal l'ensemble des documents visés à l'article L 311-19 du code de la consommation, correspondant aux exigences réglementaires applicables en Nouvelle Calédonie, y compris la notice précontractuelle relative à l'assurance emprunteur remise à M. [R] le 20 juillet 2020, en même temps que l'offre de contrat de crédit, offre qu'il a acceptée le 29 juillet 2020, date à laquelle il a également adhéré à l'assurance.

Au cas d'espèce, le contrat de crédit litigieux entre dans le champ d'application des articles L 311-1 et suivants du code de la consommation de Nouvelle-Calédonie qui déterminent les opérations financières intéressées, réglementent les mesures de publicité dont elles peuvent faire l'objet, et fixent notamment les informations que le préteur doit communiquer à l'emprunteur lorsque l'offre de crédit est assortie d'une proposition d'assurance.

Ainsi, selon l'article L 311-19 de ce code, lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l'assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus. Si l'assurance est exigée par le prêteur pour obtenir le financement, la fiche d'informations mentionnée à l'article L. 311-6 et l'offre de contrat de crédit rappellent que l'emprunteur peut souscrire une assurance équivalente auprès de l'assureur de son choix. Si l'assurance est facultative, l'offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer.

La société Socalfi justifie avoir satisfait à son obligation de remise à M. [R], qui en a paraphé chaque page de la notice d'information visée par ce texte en la versant aux débats (pièce n° 1), et il ressort de l'examen de cette notice que son contenu est bien conforme aux exigences de ce texte, en ce qu'elle précise les conditions à remplir pour y adhérer, la définition des garanties, leur date d'effet et leur durée, ainsi que la date à laquelle les garanties cessent, la liste des exclusions, le délai de franchise, le calcul des cotisations leur paiement et les pièces à fournir en cas de sinistre.

La cour observe que la production par l'établissement de crédit de la notice, revêtue de la signature de l'emprunteur-assuré, sur chacune des six pages qu'elle comporte, ajoutée à la mention figurant sur le bulletin d'adhésion proprement dit, au terme de laquelle l'assuré reconnaît explicitement avoir pris connaissance des critères d'éligibilité, de la définition des risques, des exclusions et de l'âge de cessation des garanties précisés dans la notice d'information jointe à l'offre, constitue une preuve incontestable de la bonne exécution par la société Socalfi de son obligation.

Il convient dans ces conditions d'infirmer la décision du tribunal ayant à tort considéré que la preuve de cette remise n'était pas apportée, et prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en application des dispositions de l'article L 311-48 du code de la consommation de Nouvelle-Calédonie.

II. Sur le montant de la créance

Le tribunal, ayant prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux, et privé la société Socalfi de l'indemnité légale de 8 %, a condamné M. [R] à payer la somme de 1 4 443 417 francs pacifique.

La société Socalfi réitère devant la cour sa demande en paiement à hauteur de 1 663 505 francs pacifique, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 novembre 2021, correspondant à la date de la mise en demeure.

La cour observe que selon l'article L 311-24 du code de la consommation, le prêteur pourra exiger de l'emprunteur défaillant, le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés, le texte ajoutant que les sommes restant dues produisent des intérêts de retard jusqu'à la date du règlement effectif à un taux égal à celui du prêt.

Il en découle que la créance de la société Socalfi se décompose ainsi qu'il suit :

- échéances échues et impayées en capital et intérêts du mois de juin 2021 au mois de décembre 2021 (soit 6 x 36 287) ........................................217 722 francs pacifique

- capital restant dû au 20 janvier 2022 ................................1 366 466 francs pacifique

- indemnité légale de 8 % du capital restant dû......................109 371 francs pacifique

à déduire les règlements postérieurs .....................................- 30 000 francs pacifique

solde restant dû.............................................................1 663 505 francs pacifique, somme au paiement de laquelle il y a lieu de condamner M. [R].

En revanche, les dispositions des articles L 311-1 à L 311- 52 du code de la consommation qui sont d'ordre public, en ce qu'elles relèvent de la police économique, interdisent au prêteur de faire produire à la somme due par l'emprunteur défaillant des intérêts au taux légal, à compter de la mise en demeure, par préférence au taux conventionnel, alors surtout que ledit taux légal, qui est majoré de 5 points dans les deux mois suivant la signification de la décision judiciaire, est supérieur au taux conventionnel.

III. Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la position économique respective des parties, il convient d'exonérer M. [R] de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu par le tribunal de première instance de Nouméa en ce qu'il a :

- constaté que l'offre préalable de crédit litigieuse proposée par la société la société Salafi et acceptée par M. [R] le 29 juillet 2020 est irrégulière,

-prononcé en conséquence la déchéance du droit aux intérêts de la société Socalfi au titre du contrat de crédit souscrit par M. [R] le 29 juillet 2020, à compter de cette date,

- débouté la société Socalfi de sa demande au titre de l'indemnité de 8 %,

- condamné M. [R] à payer à la société Socalfi la seule différence entre les sommes débloquées à son profit par le prêteur et les versements par lui effectués avant et après la déchéance du terme, soit la somme de 1 443 417 francs pacifique,

- écarté l'application des articles 1153 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier et dit qu'en conséquence, cette somme ne portera pas intérêts au taux légal ;

Et, statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

Condamne M. [R] à verser à la société Socalfi, au titre du contrat de crédit souscrit le 29 juillet 2020, la somme de 1 663 505 francs pacifique au titre des échéances impayées, du capital restant dû et de l'indemnité légale de 8 %, majorée des intérêts au taux conventionnel de 5,41 % l'an, à compter de la date de la déchéance du terme intervenue le 4 janvier 2022 ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [R] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00257
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;23.00257 ?
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