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13/05/2024 | FRANCE | N°23/00009

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 13 mai 2024, 23/00009


N° de minute : 2024/106



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 13 mai 2024



Chambre civile









N° RG 23/00009 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TTJ



Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 9 décembre 2022 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 22/506)



Saisine de la cour : 13 janvier 2023





APPELANTS



Mme [B] [J] épouse [K]

née le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 4]
r>Représentée par Me Fabien MARIE de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA



M. [L] [K]

né le [Date naissance 2] 1981 en URUGAY,

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Fabien MARI...

N° de minute : 2024/106

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 13 mai 2024

Chambre civile

N° RG 23/00009 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TTJ

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 9 décembre 2022 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 22/506)

Saisine de la cour : 13 janvier 2023

APPELANTS

Mme [B] [J] épouse [K]

née le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 6],

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Fabien MARIE de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA

M. [L] [K]

né le [Date naissance 2] 1981 en URUGAY,

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Fabien MARIE de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

E.U.R.L. AGENCEMENT ET CONSTRUCTION, prise en la personne de ses représentants légaux,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Vanessa ZAOUCHE de la SARL ZAOUCHE RANSON, avocat au barreau de NOUMEA

S.A. BANQUE CALEDONIENNE D'INVESTISSEMENT, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 5]

13/05/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me MARIE ;

Expéditions - Me ZAOUCHE ;BCI (LR/AR)

- Copie CA ; Copie TPI

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Selon devis accepté le 7 décembre 2021, M. et Mme [K] ont confié à l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION les travaux de rénovation de leur villa moyennant le prix de 7 472 725 francs CFP, qu'ils ont intégralement réglé.

M. et Mme [K] ont exposé que le bureau d'études SOCOTEC avait constaté l'existence de malfaçons affectant les travaux réalisés par l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION, que celle-ci avait émis le 7 décembre 2021 un chèque de 1 700 000 FCFP au profit des époux [K] au titre d'une retenue de garantie, qu'ils avaient remis ce chèque à l'encaissement le 2 juin 2022 mais que le paiement avait été rejeté par la BCI au motif de « perte », ce qui constituait un motif erroné car le chèque avait été émis et signé par le gérant de l'EURL, M. [T], et que celui-ci avait fait une fausse déclaration de perte pour s'opposer au règlement du chèque.

Estimant que les conditions légales de l'opposition n'étaient pas remplies, par actes d'huissier en date des 12 et 13 octobre 2022, les époux [K] ont fait assigner l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION et la BANQUE CALÉDONIENNE D'LNVESTISSEMENT (BCI) devant le président du tribunal de première instance de Nouméa statuant en référé aux fins de voir :

- ordonner la mainlevée de l'opposltion formulée par l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION sur le chèque n° 8478762 d'un montant de 1 700 000 FCFP établi à l'ordre de M. [K],

- ordonner le paiement du chèque n° 8478762 d'un montant de 1 700 000 FCFP émis par le tireur, l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION, tiré sur le compte de la BCI,

- condamner l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION à payer à M. et Mme [K] la somme de 150 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl CALEXIS.

Par ordonnance rendue le 9 décembre 2022, le président du tribunal de première instance de Nouméa, statuant en référé, a débouté les époux [K] de leur demande en mainlevée de l'opposition au paiement du chèque litigieux, écarté l'application de l'article 700 et dit que chaque partie supporterait ses propres dépens.

Pour se déterminer ainsi, le juge des référés a estimé que M. [T] avait pu légitiment croire que son client avait perdu le chèque de sorte que l'opposition pour perte faite par précaution constituait un motif légal d'opposition rendant la mainlevée non nécessaire.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 13 janvier 2023, M. et Mme [K] ont déclaré faire appel de la décision et demandent à la cour dans leur mémoire ampliatif du 24 janvier 2023, complété par écritures des 21 avril 2023 et 11 juillet 2023 d'infirmer la décision et, statuant à nouveau, d'ordonner la mainlevée de l'opposition formée par l'EURL AGENCE ET CONSTRUCTION et de condamner celle-ci au paiement du chèque frappé d'opposition. Ils sollicitent en outre la condamnation de l'EURL AGENCE ET CONSTRUCTION à leur payer la somme de 300 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils développent les moyens pris en première instance.

Par écritures en réplique des 1er mars et 5 juin 2023, l'EURL AGENCE ET CONSTRUCTION demande, à titre principal, la confirmation de la décision en toutes ses dispositions, subsidiairement, la confirmation en ce qu'elle a débouté M. et Mme [K] de leur demande de mainlevée du fait de l'obtention et de l'utilisation du chèque à la suite de manoeuvres frauduleuses, à titre infiniment subsidiaire, si la cour prononçait la mainlevée de l'opposition, d'ordonner à M. et Mme [K] de restituer le chèque dans in délai de 48 heures suivant le prononcé de la décision et ce, sous astreinte de 50 000 FCFP par jour de retard pendant six mois. Elle sollicite en tout état de cause la somme de 350 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle explique, qu'en décembre 2021, M. et Mme [K] ont demandé aux différentes entreprises travaillant sur la chantier de facturer l'intégralité de leur marché, car à la date du 19 décembre 2021, l'ensemble des sommes prêtées par leur établissement bancaire au titre d'un prêt travaux devait être débloqué, qu'à leur demande, elle a, comme les autres entreprises, facturé le solde de ses travaux alors que ceux-ci n'étaient pas achevés ; que les époux [K] ont demandé de leur fournir un chèque de confiance d'un montant correspondant aux travaux restant à terminer en décembre ; que M. [T] leur a remis un chèque d'un montant de 1 700 000 FCFP ; que les travaux se sont poursuivis jusqu'à son départ en congé en mars /avril 2022 ; qu'à ce moment, le montant des travaux restant à finir était bien moindre de sorte qu'il a sollicité la restitution du chèque mais que M. [K] lui a indiqué qu'il I'avait égaré et qu'il a alors immédiatement fait opposition au paiement de celui-ci auprès de son établissement bancaire, la BCI, le 7 mars 2022. Il précise que les relations avec les époux [K] se sont dégradées à son retour de congé en avril 2022, que M. [K] lui a sommé de quitter le chantier alors que le marché n'était pas résilié et que les travaux n'étaient pas terminés ; que c'est à ce moment-là que M. et Mme [K] ont tenté d'encaisser le chèque sans l'avertir, puis qu'ils ont refusé qu'il vienne achever les travaux.

L'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION fait valoir que l'opposition au paiement du chèque est fondée sur un motif légal prévu à l'article L. 131-35 du code monétaire et financier, à savoir la perte du chèque, comme cela a été indiqué par M. [T] comme mentionné sur le mail adressé à la banque le 4 mars 2022.

La BCI n'a pas constitué avocat et ne s'est pas présentée à l'audience. Elle a écrit à la cour par lettre du 26 octobre 2023 reçue le 31 octobre 2023 pour rappeler que M. [T], gérant de l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION, a bien effectué une opposition au paiement du chèque au motif de « perte du chèque ou du chéquier par l'émetteur ». Elle indique, si la cour ordonne la mainlevée, qu'il conviendra de fixer la date à laquelle le délai pour encaisser le chèque a été interrompu de sorte qu'elle puisse elle même déterminer la date de prescription du chèque.

Vu l'ordonnance de fixation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera rappelé que les conclusions écrites formulées par une partie non représentée par un avocat, doivent lorsque la procédure n'exige pas une représentation obligatoire comme c'est le cas en l'espèce, s'agissant de l'appel d'une procédure de référé, être formulées oralement à l'audience. A défaut, elle ne sont pas recevables. Il s'en suit que les écritures de la BCI ne seront pas prises en compte.

1. Sur la mainlevée

L'article L. 131-35 du code monétaire et financier, tel qu'applicable en Nouvelle - Calédonie), dispose :

« Le tiré doit payer même après l'expiration du délai de présentation. ll doit aussi payer même si le chèque a été émis en violation de l'injonction prévue à l'article L. 131-73 ou de l'interdiction prévue au deuxième alinéa de l'article L.7 63-6.

Il n'est admis d'opposition au paiement par chèque qu'en cas de perte, de vol ou d'utilisation frauduleuse du chèque, de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires du porteur. Le tireur doit immédiatement confirmer son opposition par écrit, quel que soit le support de cet écrit.

Tout banquier doit informer par écrit les titulaires de compte des sanctions encourues en cas d'opposition fondée sur une autre cause que celles prévues au présent article.

Si, malgré cette défense, le tireur fait une opposition pour d'autres causes, le juge des référés, même dans le cas où une instance au principal est engagée, doit, sur la demande du porteur, ordonner la mainlevée de l'opposition. »

En l'espèce, l'EURL AGENCE ET CONSTRUCTION a fait opposition le 14 mars 2022 pour le motif de « perte du chèque par l'émetteur » et non pour perte du chèque par le bénéficiaire, alors qu'elle reconnait elle-même ou prétend que M. [K] l'aurait informée qu'il avait égaré la formule. Si l'EURL AGENCE ET CONSTRUCTION avait dû déclarer la perte de chèque par le bénéficiaire, elle aurait dû joindre nécessairement la lettre de désistement de ce dernier ce qu'elle n'aurait pas obtenu, compte tenu de la dégradation des relations entre les parties. A cet égard, la cour relève que les époux [K], qui souhaitaient à l'évidence encaisser le chèque, n'avaient aucune raison de le déclarer perdu. Au demeurant, M. [T] ne rapporte pas la preuve ni d'avoir demandé la restitution du chèque à ses clients, ni de la réalité de la réponse apportée pas ces derniers. De fait, l'assertion selon laquelle le maître de l'ouvrage aurait répondu ne pouvoir retrouver le chèque car il l'aurait probablement égaré ressort des seules affirmations de M. [T].

La déclaration du 14 mars 2022 de perte erronée du chèque par l'émetteur et non par le bénéficiaire, pour s'opposer au règlement, étant mensongère, les conditions légales de l'opposition n'étaient pas remplies de sorte que la mainlevée sera ordonnée. Aucune manoeuvre frauduleuse ne peut être imputée aux bénéficiaires du chèque pour avoir mis la formule à encaissement, dès lors que le chèque de garantie n'existant pas en droit cambiaire, tout chèque émis peut et doit être payé par le tiré sous réserve de la provision.

En conséquence, la décision sera infirmée en toutes ses dispositions.

2. Sur le paiement du chèque

L'opposition au paiement d'un chèque n'est admise que pour des motifs très précis (perte, vol utilisation frauduleuse du chèque ou mise en redressement judiciaire ou liquidation judiciaire du porteur). En dehors de ces cas, le juge des référés ne peut invoquer l'existence de contestations sérieuse pour refuser la mainlevée. Dès lors, le débat au fond échappe à la présente juridiction qui doit seulement constater la réalité du motif de l'opposition. En l'espèce, le motif donné étant erroné, la déclaration faite par M. [T] n'est pas valable.

L'EURL AGENCE ET CONSTRUCTION doit être considérée comme un tireur n'ayant pas fait provision ou ayant retiré la provision avant paiement. Elle sera, par conséquent, condamnée à payer le montant du chèque soit la somme de 1.700 000 FCFP.

3. Sur l'article 700

Il est équitable d'allouer à M. et Mme [K] qui ont dû se défendre en justice la somme de 250 000 FCFP.

4. Sur les dépens

L'EURL AGENCE ET CONSTRUCTION succombant supporteront les dépens de la présente instance et de la procédure devant le premier juge.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme, en toutes ses dispositions, l'ordonnance entreprise ;

Et statuant à nouveau,

Ordonne la mainlevée de l'opposition formée par l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION sur le chèque n° 8478762 d'un montant de 1 700 000 FCFP établi à l'ordre de M. [K] ;

Condamne l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION à payer à M. [K], la somme de 1 700 000 FCFP, outre celle de 250 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'EURL AGENCEMENT & CONSTRUCTION aux dépens des procédures d'appel et de première instance.

Le greffier, le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00009
Date de la décision : 13/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;23.00009 ?
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