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13/05/2024 | FRANCE | N°20/00299

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 13 mai 2024, 20/00299


N° de minute : 2024/105



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 13 mai 2024



Chambre civile







N° RG 20/00299 - N° Portalis DBWF-V-B7E-RHV



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juillet 2020 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 17/856)



Saisine de la cour : 10 août 2020



APPELANT



Société BANQUE NATIONALE DE PARIS NOUVELLE CALEDONIE,

Siège social : [Adresse 8]

Représentée par Me Pierre-Louis VILLAUME, avocat au

barreau de NOUMEA



INTIMÉS



S.C.I. BBL , représentée par ses gérants en exercice,

Siège social : [Adresse 5]

Représentée par Me Nathalie LEPAPE, avocat au barreau de NOUMEA



Mme...

N° de minute : 2024/105

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 13 mai 2024

Chambre civile

N° RG 20/00299 - N° Portalis DBWF-V-B7E-RHV

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juillet 2020 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 17/856)

Saisine de la cour : 10 août 2020

APPELANT

Société BANQUE NATIONALE DE PARIS NOUVELLE CALEDONIE,

Siège social : [Adresse 8]

Représentée par Me Pierre-Louis VILLAUME, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

S.C.I. BBL , représentée par ses gérants en exercice,

Siège social : [Adresse 5]

Représentée par Me Nathalie LEPAPE, avocat au barreau de NOUMEA

Mme [N] [V]

née le [Date naissance 7] 1975 à [Localité 11],

demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Nathalie LEPAPE, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 mars 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

13/05/2024 : Expéditions - Me VILLAUME ; Me LEPAPE ;

- Copie CA ; Copie TPI

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Selon acte authentique reçu le 11 décembre 2008, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie a consenti à la SCI BBL un prêt d'un montant de 90.500.000 FCFP remboursable en 168 mensualités constantes de 773.617 FCFP du 11 janvier 2010 au 11 décembre 2023, destiné à « parfaire le refinancement partiel de l'acquisition d'un terrain sis commune de Païta ».

Le remboursement de ce prêt a été garanti par une inscription hypothécaire et le cautionnement personnel et solidaire de Mme [V], gérante statutaire de la débitrice, à hauteur de 117.650.000 FCFP.

Selon acte authentique reçu le 6 septembre 2011, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie a consenti à la SCI BBL un prêt d'un montant de 10.285.000 FCFP remboursable en 96 mensualités constantes de 133.384 FCFP du 6 octobre 2011 au 6 septembre 2019, destiné au « refinancement des travaux d'aménagement du local professionnel sis commune de Païta, lot 7 du lotissement Zico ».

Le remboursement de ce prêt a été garanti par une inscription hypothécaire et le cautionnement personnel et solidaire de Mme [V] à hauteur de 13.370.000 FCFP.

Selon requête introductive d'instance déposée le 20 mars 2017, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie, qui se prévalait de l'exigibilité anticipée des prêts en raison d'impayés, a poursuivi la SCI BBL et Mme [V] devant le tribunal de première instance de Nouméa en exécution de leurs engagements respectifs.

Les défenderesses ont excipé de l'irrégularité de la déchéance du terme alléguée en reprochant à la banque d'avoir adressé les mises en demeure à une adresse erronée et en contestant toute défaillance et soutenu que la banque était déchue du droit aux intérêts conventionnels et qu'elle avait engagé sa responsabilité envers Mme [V].

Par jugement en date du 20 juillet 2020, la juridiction saisie a :

- dit et jugé que la déchéance du terme des prêts n° 08002866 du 11 décembre 2008 et n° 11002022 du 6 septembre 2011 n'était pas acquise,

- débouté en conséquence la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie de ses demandes en paiement de la totalité, non exigible, des deux prêts,

- dit et juge de nul effet la clôture juridique du compte BNP Paribas n° [XXXXXXXXXX04] ouvert au nom de la SCI BBL,

- débouté la SCI BBL de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la résiliation fautive de chacun des contrats de prêt, au titre de la clôture abusive du compte bancaire et au titre du préjudice moral,

- condamné la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie à payer à la SCI BBL une somme de 500.000 FCFP, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie aux entiers dépens.

Le premier juge a retenu en substance :

- que la déchéance du terme n'était pas acquise dès lors que les mises en demeure avaient été envoyées à une mauvaise adresse ;

- qu'en l'absence de déchéance du terme des prêts, la clôture du compte n0 [XXXXXXXXXX01] était sans effet ;

- que la mauvaise foi de la banque n'étant pas caractérisée, la SCI BBL devait être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Par requête déposée le 10 août 2020, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie a interjeté appel à l'encontre de cette décision.

La SCI BBL et Mme [V] ont formé un appel incident.

Aux termes de ses conclusions déposées le 26 février 2023, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré ;

- débouter la SCI BBL et Mme [V] de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner la SCI BBL à verser à la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie la somme de 59.872 FCFP au titre du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX03] ;

- condamner la SCI BBL solidairement avec Mme [V], ès qualités de caution personnelle et solidaire de la SCI BBL, à lui verser la somme de 13.154.882 FCFP en principal, frais et intérêts au titre du contrat de prêt souscrit le 11 décembre 2008 ;

- dire que la somme de 5.573.999 FCFP correspondant aux impayés du prêt du 11 décembre 2008 portera intérêts contractuels au taux de 5,50 % l'an à compter du 12 mars 2014, date de la déchéance du terme et ce jusqu'à parfait paiement ;

- dire que la somme de 7.580.883 FCFP au titre de l'indemnité de défaillance prévue par le contrat de prêt souscrit le 11 décembre 2008 portera intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2014, date de la déchéance du terme ;

- condamner la SCI BBL solidairement avec Mme [V], ès qualités de caution personnelle et solidaire de la SCI BBL, à lui verser la somme de 1.851.737 FCFP en principal, frais et intérêts au titre du contrat de prêt souscrit le 6 septembre 2011 en deniers et quittances ;

- dire que la somme de 1.043.095 FCFP correspondant aux impayés du prêt du 6 septembre 2011 portera intérêts contractuel au taux de 4,90 % l'an à compter du 12 mars 2014, date de la déchéance du terme et ce jusqu'à parfait paiement ;

- dire que la somme de 808.642 FCFP au titre de l'indemnité de défaillance prévue par le contrat de prêt souscrit le 6 septembre 2011 portera intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2014, date de la déchéance du terme ;

- condamner solidairement la SCI BBL et Mme [V] à lui verser la somme de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la SCI BBL et Mme [V] aux dépens, dont distraction au profit de Me Villaume.

Selon conclusions transmises le 14 avril 2023, la SCI BBL et Mme [V] prient la cour de :

à titre principal,

- dire et juger que la demande de la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie de condamner les intimées solidairement à lui verser la somme de 59 872 FCFP est une demande nouvelle et la déclarer en conséquence irrecevable ;

- dire et juger que la demande de la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie de condamner les intimées solidairement à lui verser la somme de 59 872 FCFP est prescrite et la déclarer en conséquence irrecevable ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie est fautive dans la gestion des deux contrats de prêts consentis à la SCI BBL, notamment en prononçant abusivement la déchéance desdits emprunts et en adressant l'ensemble des courriers à des adresses qu'elle savait erronées ;

- dire et juger que les clauses de déchéance sont abusives ;

- dire et juger que la déchéance du terme est nulle et non avenue,

- dire et juger que les mises en demeures sont nulles et non avenues ;

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie a agi de mauvaise foi ;

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie ne démontre pas avoir apprécié la proportionnalité de l'engagement de la caution ;

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie a failli à son devoir de mise en garde de la caution ;

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie a engagé sa responsabilité à l'égard de la SCI BBL et de Mme [V], ès qualités de caution personnelle et solidaire de celle-ci ;

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie a manqué à son devoir d'information et de conseil ;

- dire et juger que la SCI BBL a versé la somme globale de 118 307 912 FCFP ;

- condamner la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie à lui rembourser la somme de 17 522 912 FCFP au titre du trop perçu avec intérêts au taux légal ;

- condamner la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie à payer à la SCI BBL les sommes de :

. 715.468 FCFP au titre de la résiliation fautive du contrat de prêt souscrit le 6 septembre 2011 avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la requête introductive d'instance,

. 7.132.563 FCFP au titre de la résiliation fautive du contrat de prêt souscrit le 11 décembre 2008 avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la requête introductive d'instance,

. 5.000.000 FCFP au titre de la clôture abusive du compte de la SCI BBL avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir,

- 5.000.000 FCFP au titre du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir,

- 20.000.000 FCFP au titre de la perte de chance ;

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie est déchue de son droit aux intérêts conventionnels au titre des deux contrats de prêts des 6 septembre 2011 et 11 décembre 2008 ;

- enjoindre la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie de recalculer sa créance en appliquant le taux d'intérêt légal à compter de la conclusion de chacun des deux contrats de prêt ;

- dire et juger que la déchéance du droit aux intérêts entraînera également l'inéligibilité des intérêts de retard et autres clauses pénales ;

- ordonner le remboursement des intérêts illégalement perçus ;

- condamner la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie à verser à la SCI BBL et à Mme [V] la somme de 500 000 FCFP au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie à payer à la SCI BBL la somme de 700 000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- condamner la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie aux entiers dépens d'appel ;

à titre subsidiaire,

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie ne produit pas les preuves de rigueur attestant de sa créance exacte ;

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie faillit à démontrer une créance certaine liquide et exigible ;

- enjoindre la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie de produire l'état de sa créance avec les preuves de rigueur ;

- enjoindre la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie de recalculer sa créance en appliquant le taux d'intérêt légal à compter de la conclusion, de chacun des deux contrats de prêt ;

- dire et juger que la déchéance du droit aux intérêts entraînera également l'inéligibilité des intérêts de retard et autres clauses pénales ;

- enjoindre la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie de produire un état de sommes versées par la SCI BBL depuis le mois de mars 2014 ainsi que les extraits de compte y afférents ainsi que depuis l'année 2009 au titre des deux emprunts ;

- dire et juger que le compte n° [XXXXXXXXXX06] n'a pas été clôturé ;

- dire et juger que la SCI BBL s'est acquittée du versement de la somme de 118 307 912 FCFP ;

- dire et juger que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie est déchue de tous les accessoires de la dette, frais et pénalités à l'égard de Mme [V], ès qualités de caution ;

- condamner la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

à titre encore plus subsidiaire,

- dire et juger que la SCI BBL s'est acquittée du versement de la somme de 118 307 912 FCFP ;

- ramener les indemnités de défaillance à hauteur de 1 FCFP ;

- ordonner la compensation des sommes dues avec celles déjà versées ;

- condamner la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 juillet 2023.

Sur ce, la cour,

1) La société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie poursuit, pour la première fois en cause d'appel, le remboursement du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX03].

Les intimées soulèvent l'irrecevabilité de cette demande.

Cette demande en paiement n'explicite, ni ne développe les prétentions originaires de la banque, qui ont toutes tendu au remboursement des deux prêts. Elle n'était pas davantage virtuellement comprise dans les demandes et défenses soumises au premier juge et elle ne peut pas être tenue pour l'accessoire, la conséquence ou le complément des demandes soumises à celui-ci. Dès lors, elle est irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.

2) A l'appui de sa demande en paiement, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie se prévaut de la déchéance de la terme notifiée à la SCI BBL, selon lettre recommandée datée du 12 mars 2014. Selon le timbre humide apposé sur l'enveloppée, cette lettre a été adressée le 3 avril 2014.

L'acte du 11 décembre 2008 dispose :

« La totalité des sommes restant dues en principal, intérêts, frais et accessoires deviendrait immédiatement et de plein droit exigible, et aucune autre utilisation ne pourra à l'avenir être réclamée à la banque, en vertu des causes légales d'exigibilité et venant du chef de l'emprunteur et, en outre, si bon semble à la banque, dans l'un des cas suivants :

- à défaut d'exécution d'un seul des engagements pris dans le présent acte par l'emprunteur, et notamment en cas de non-paiement à bonne date d'une somme devenue exigible ;

- en cas de vente amiable ou judiciaire des biens sur lesquels une sûreté réelle est consentie à la banque ;

- dans le cas où l'emprunteur consentirait de nouvelles sûretés réelles sur les biens ci-après donnés en garantie, en contravention avec l'engagement pris par lui ;

- en cas de fausses déclarations faites à la compagnie d'assurances en vue de l'inscription de la personne ci-après nommée au bénéfice de l'assurance groupe contractée par la banque ;

- en cas d'exclusion par l'[10] ([10]) de la signature de l'emprunteur et/ou du représentant de l'emprunteur si ce dernier est une société ;

- en cas de décès, déconfiture, faillite personnelle, liquidation de biens, redressement judiciaire, liquidation judiciaire ou cessation de paiement de l'emprunteur si ce dernier est une personne physique ou en cas de dissolution, déconfiture, liquidation de biens, redressement judiciaire ou cessation de paiement de l'emprunteur si ce dernier est une société.

Si l'une de ces hypothèses venait à se réaliser, la banque pourrait exiger le paiement de toutes les sommes à elle dues et ce, quinze jours après un simple avis par lettre recommandée, adressée à l'emprunteur au domicile ci-après élu dans lequel la banque mentionnerait son intention de se prévaloir de la présente clause.

La banque n'aurait à remplir aucune autre formalité, ni à faire prononcer en justice la déchéance du terme.

Les paiements et les régularisations ultérieurs ne feront pas obstacle à cette exigibilité.

En cas d'exigibilité anticipée, pour quelque cause que ce soit, les sommes ainsi devenues exigibles seront productives d'intérêts au taux du présent prêt.

Lesdits intérêts échus et non payés en produiront eux-mêmes de nouveaux, au taux du présent crédit et ce, à compter du jour où il sera dû une année entière d'intérêts.

Les intérêts de retard seront majorés des taxes en vigueur.

Cette stipulation ne pourra nuire à l'exigibilité survenue et par suite valoir accord de délai de règlement. »

Cette clause a été reprise dans l'acte du 6 septembre 2011.

La banque justifie que la lettre portant notification de la déchéance du terme avait été précédée de plusieurs mises en demeure adressées à la débitrice principale :

- lettre recommandée datée du 29 novembre 2013 et postée le 3 décembre 2013, tendant à la régularisation de l'arriéré au titre du prêt du 11 décembre 2008,

- lettre recommandée datée du 17 décembre 2013 et postée le 19 décembre 2013, tendant à la régularisation de l'arriéré au titre du prêt du 6 septembre 2011,

- lettre recommandée datée du 31 décembre 2013 et postée le 3 janvier 2014, tendant à la régularisation de l'arriéré au titre du prêt du 11 décembre 2008,

- lettre recommandée datée du 9 janvier 2014 et postée le 13 janvier 2014, tendant à la régularisation de l'arriéré au titre du prêt du 6 septembre 2011,

- lettre recommandée datée du 11 février 2014 et postée le 14 février 2014, tendant à la régularisation de l'arriéré au titre du prêt du 6 septembre 2011,

- lettre recommandée datée du 3 mars 2014 et postée le 5 mars 2014, tendant à la régularisation de l'arriéré au titre du prêt du 11 décembre 2008,

dans lesquelles la banque avait fait part de son intention de se prévaloir de la déchéance du terme en l'absence de régularisation dans les quinze jours.

3) La SCI BBL et Mme [V] soutiennent que les clauses de déchéance sont abusives au motif qu'elles créent « un déséquilibre significatif au détriment des intimées ».

Les clauses litigieuses n'ont à aucun moment dispensé la banque de mettre préalablement en demeure la SCI BBL de remplir ses obligations. Leur rédaction, similaire à celles des clauses d'exigibilité anticipée habituellement mises en oeuvre, n'a aucun caractère abusif.

Ce moyen sera rejeté.

4) La SCI BBL et Mme [V] soutiennent que les clauses de déchéance n'ont pas été régulièrement mises en oeuvre puisque :

- d'une part, les mises en demeure et la lettre de notification de la déchéance du terme ont été adressées au [Adresse 5] à [Localité 11] alors que la banque avait connaissance de la nouvelle adresse de la SCI BBL,

- d'autre part, la lettre de notification de la déchéance du terme a été postée prématurément, dès le 15 mars 2014, avant même l'expiration du délai de régularisation,

- enfin, la SCI BBL avait régularisé sa situation grâce à un virement effectué par la société Sherd X.

5) Chacun des actes de prêts (respectivement page16 et page 14) contient une clause d'élection de domicile ainsi rédigée :

« Pour l'exécution des présentes et de leurs suites, domicile est élu pour le prêteur en sa succursale à [Localité 11] et pour l'emprunteur en son siège social à [Localité 11] et la caution en sa demeure, comme il est indiqué en tête des présentes.

Pour la validité de l'inscription à prendre en vertu des présentes, domicile est élu pour le prêteur en sa succursale à [Localité 11], dans le ressort de la conservation des hypothèques de la situation des immeubles ci-dessus désignés.

Il est expressément fait attribution de compétence aux tribunaux de Nouméa, pour toutes les instances et procédures autres que les actions réelles et ce, même en cas de pluralité d'instances ou de parties ou même d'appel en garantie. »

Les lettres recommandées et la lettre de notification de la déchéance du terme ont été expédiées à l'adresse mentionnée dans l'en-tête des actes, à savoir [Adresse 5] à [Localité 11]. La circonstance que Mme [V] ait déposé, le 6 novembre 2013, dans une agence de la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie un document dans lequel elle « certifie que tout courrier concernant la SARL SHRED-X NC est la suivante

Ainsi que la SCI BBL et personnel

[Adresse 9] »,

n'a pas eu pour effet de rendre inefficaces des notifications faites aux adresses définies dans un accord bilatéral, une modification unilatérale étant impossible. Il appartenait à la SCI BBL et Mme [V] d'assurer le suivi de leur courrier, si le siège social de la débitrice principale et le domicile de la caution n'étaient plus localisés à l'adresse initialement communiquée.

6) Si la lettre ayant pour objet la déchéance du terme est datée du 12 mars 2014, la déchéance du terme a été notifiée le 3 avril 2014, plus de quinze jours après l'envoi de la dernière mise en demeure : elle n'a pas été prématurément notifiée.

7) Les intimées justifient avoir été destinataires le 18 mars 2014 du message suivant, émanant du chargé d'affaires en charge des comptes :

« Ci joint l'ordre de virement, à compléter et signer

compte shred [XXXXXXXXXX02]

compte bbl [XXXXXXXXXX01]

Vos deux échéances de crédits + assurance emprunteur 924.180xpf, mais vous avez également un débit en compte de 83.732xpf, il faudrait donc effectuer un virement de 1.007.912xpf. »

Ce message [U], qui démontre que la débitrice était en contact avec le chargé d'affaires, laissait à penser qu'un virement de 1.007.912 FCFP était suffisant pour régulariser l'arriéré et couvrir le débit du compte à vue. Les intimées justifient avoir immédiatement donné suite à la directive du chargé d'affaires en virant le jour même sur le compte de la SCI BBL la somme sollicitée. L'exécution de l'opération est confirmée par les décomptes versés par la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie puisque les sommes de 780.913 FCFP et 143.267 FCFP ont été portés au crédit des deux prêts le 19 mars 2014.

Selon les états des impayés des prêts établis par la banque, ce virement a permis de couvrir la totalité de l'arriéré au 18 mars 2014 lié au prêt du 11 décembre 2008 (régularisation à hauteur de 2.435.601 FCFP, soit pour un montant nettement supérieur à l'arriéré de 2.320.851 FCFP) mais non l'arriéré lié au second prêt (solde en faveur de la banque de 255.677 FCFP).

Il s'en déduit que la SCI BBL avait dans le délai accordé dans la lettre datée du 3 mars 2014, régularisé sa situation au regard du prêt du 11 décembre 2008 et qu'en conséquence, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie ne pouvait plus notifier la déchéance du terme pour ce prêt, le 3 avril suivant.

Par ailleurs, dès lors que la SCI BBL a été induite en erreur par un chargé d'affaires de la banque quant à l'étendue de la régularisation qu'elle devait effectuer et qu'elle avait suivi les recommandations de ce chargé d'affaires, la cour retiendra que la banque n'a pas mis de bonne foi la clause de déchéance contenue dans le prêt du 6 septembre 2011.

En conséquence, la cour retiendra que les prêts ne sont pas devenus exigibles avec l'envoi de la lettre datée du 12 mars 2014.

8) Les intimées sollicitent la déchéance du droit aux intérêts conventionnels en reprochant à la banque d'avoir calculé les intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours. La société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie réplique que cette demande est atteinte par la prescription et qu'elle n'est pas fondée en l'absence de preuve « d'une erreur importante » au détriment de l'emprunteur.

La demande a été formulée pour la première fois dans des conclusions déposées le 15 septembre 2017.

Les pièces versées aux débats ne permettent pas à la cour d'affirmer que la SCI BBL avait été en mesure de procéder au calcul simple proposé dans ses conclusions (page 33) avant le 15 septembre 2012 dans la mesure où les tableaux d'amortissement annexés aux actes de prêt ne fournissaient aucune ventilation entre les intérêts et la prime d'assurance. L'exception de prescription soulevée par la banque sera écartée.

Toutefois, la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne sera pas prononcée. En effet, à supposer même que la SCI BBL, qui a emprunté pour « parfaire le refinancement partiel de l'acquisition d'un terrain (...) et la construction de locaux professionnels sur ledit terrain » (page 3 de l'acte du 11 décembre 2008) ou pour assurer le « refinancement des travaux d'aménagement du local professionnel » (page 3 de l'acte du 6 septembre 2011), puisse être considérée comme un consommateur au sens du code de la consommation, il est admis que le calcul des intérêts conventionnels sur une autre base que celle de l'année civile n'entraîne la déchéance du droit aux intérêts conventionnels que si ce calcul a généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur au dixième de point. Or, la SCI BBL ne propose aucun chiffrage de l'incidence du recours de l'année lombarde sur le TEG et ne rapporte donc pas la preuve du préjudice qui lui incombe.

La SCI BBL sera en conséquence déboutée de sa demande en déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

9) Les deux prêts étant arrivés à échéance le 11 décembre 2023 en ce qui concerne le prêt du 11 décembre 2008, et le 6 septembre 2019 en ce qui concerne le 6 septembre 2011, tous les montants prêtés sont devenus exigibles.

Affirmant avoir réglé un montant global de 118.307.912 FCFP, la SCI BBL soutient que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie a été remplie de ses droits.

Pour honorer ses engagements, la SCI BBL devait régler 773.617 x 168 = 129.967.656 FCFP en principal, intérêts et primes d'assurance au titre du premier prêt et 133.384 x 96 = 12.804.864 FCFP au titre du second, soit une somme globale de 142.772.520 FCFP supérieure au montant que la débitrice admet avoir effectivement payé : la simple comparaison entre les montants attendus et le montant réglé par la débitrice principale montre que la banque demeure créancière de la SCI BBL.

La cour n'étant pas en mesure de chiffrer, en l'état des éléments produits, la créance de la banque, il sera sursis à statuer sur la liquidation de cette créance et demandé à la banque de produire un décompte rectifié.

Par ces motifs

La cour,

Déclare irrecevable la demande de la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie tendant au remboursement du solde débiteur du compte n° [XXXXXXXXXX03] ;

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déclare que la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie ne peut pas se prévaloir de la déchéance du terme pour l'un ou l'autre prêt ;

Déboute la SCI BBL et Mme [V] de leur demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;

Avant dire droit sur la demande en paiement présentée par la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie, enjoint à celle-ci de produire un décompte rectifié pour chaque prêt, excluant toute déchéance du terme, et ce avant le 30 juin 2024 ;

Sursoit à statuer sur la demande en paiement de la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie et sur les autres demandes ;

Renvoie l'affaire à la mise en état ;

Réserve les dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00299
Date de la décision : 13/05/2024
Sens de l'arrêt : Renvoi

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-13;20.00299 ?
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