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18/04/2024 | FRANCE | N°23/00079

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 18 avril 2024, 23/00079


N° de minute : 2024/32



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 18 avril 2024



Chambre commerciale











N° RG 23/00079 - N° Portalis DBWF-V-B7H-ULZ



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 novembre 2023 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 23/2056)



Saisine de la cour : 24 novembre 2023





APPELANT



S.A.R.L. AMBULANCES ALIZES, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse

1]

Représentée par Me Philippe O'CONNOR de la SELARL POC & ASSOCIES, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



S.E.L.A.R.L. MARY-LAURE GASTAUD

Siège social : [Adresse 2]



MINISTERE PUBLIC
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N° de minute : 2024/32

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 18 avril 2024

Chambre commerciale

N° RG 23/00079 - N° Portalis DBWF-V-B7H-ULZ

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 novembre 2023 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 23/2056)

Saisine de la cour : 24 novembre 2023

APPELANT

S.A.R.L. AMBULANCES ALIZES, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Philippe O'CONNOR de la SELARL POC & ASSOCIES, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.E.L.A.R.L. MARY-LAURE GASTAUD

Siège social : [Adresse 2]

MINISTERE PUBLIC

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 février 2024, en chambre du conseil, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

18/04/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me O'CONNOR ;

Expéditions - Me GASTAUD ; MP ;

- Copie CA ; Copie TMC

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par jugement du 04/11/2013, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SARL AMBULANCES ALIZES.

Par jugement du 25/08/2014, le même tribunal a arrêté le plan de redressement par voie de continuation de l'activité présenté par la SARL AMBULANCES ALIZES, lequel prévoyait le remboursement du passif définitivement admis dans un délai de 120 mois au moyen de 120 mensualités constantes de 305 630 Fcfp payables tous les 10 du mois à compter du 10/09/2014, a dit que les juges commissaires suppléant et titulaire resteraient en fonction jusqu'à la reddition des comptes et a désigné la Selarl MARY-LAURE GASTAUD en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par courrier reçu au greffe du tribunal mixte de commerce le 31/08/2023, la CAFAT a fait savoir que la SARL AMBULANCES ALIZES restait redevable au 22/08/2023 de la somme de 14 216 415 Fcfp au titre des cotisations et contributions pour les périodes postérieures à la date d'ouverture du jugement de redressement judiciaire et que la déclaration nominative trimestrielle relative au 2ème trimestre 2023 n'avait toujours pas été envoyée.

Le tribunal mixte de commerce de Nouméa a fait alors procéder au rappel du dossier sur le fondement des dispositions de l'article L 626-27 du code de commerce, afin que la débitrice s'explique sur l'existence d'un nouvel état de cessation des paiements.

L'affaire a été appelée à l'audience du 23/11/2023 où le commissaire à l'exécution du plan a indiqué que le passif postérieur s'élevait à 35 191 115 Fcfp, étant précisé que la SARL AMBULANCES ALIZES ne payait plus des cotisations CAFAT depuis le 3ème trimestre 2022 et qu'elle avait pris du retard dans l'exécution du plan dont une échéance n'avait pas été réglée.

La SARL AMBULANCES ALIZES convoquée par lettre recommandée non retirée n'a pas comparu.

Par jugement du 21/11/2023, le tribunal mixte de commerce, après avoir constaté la cessation des paiements en cours de plan, a prononcé la résolution de celui-ci et a ordonné la liquidation judiciaire de la SARL AMBULANCES ALIZES, désignant la Selarl MARY-LAURE GASTAUD en qualité de liquidateur judiciaire.

Pour se déterminer ainsi, le tribunal a estimé que la liquidation judiciaire se justifiait au regard des dispositions des articles L 631-20 et L626- 27 du code de commerce dès lors que la nouvelle dette envers la CAFAT démontrait que la SARL AMBULANCES ALIZES était dans l'incapacité de financer le redressement selon le plan qu'elle avait proposé tout en honorant les échéances du plan ; qu'elle était ainsi en état de cessation de paiement qui ne pouvait conduire qu'à la résolution du plan.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 24/11/2023, la SARL AMBULANCES ALIZES a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 07/02/2024 et ses dernières écritures du 08/02/2024, de réformer le jugement et statuant à nouveau de remettre les parties dans leur état antérieur.

Elle soulève, in limine litis, l'irrégularité de la procédure de saisine du tribunal mixte de commerce soutenant que l'article L 626-27 du code du commerce ne prévoit pas la possibilité pour le tribunal de s'auto-saisir et que cette auto-saisine a, au demeurant, été déclarée anticonstitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans ses deux décisions du 07/03/2014 ; qu'au surplus, la SARL AMBULANCES ALIZES n'a pas été appelée à s'expliquer en l'absence de convocation régulière.

Elle fait valoir d'autre part et sur le fond que la société n'est pas en état de cessation des paiements ayant signé un accord de rééchelonnement avec la CAFAT.

La Selarl MARY-LAURE GASTAUD a pris des conclusions orales développant la position prise dans sa note du 23/01/2024 tendant à la conversion du plan en liquidation judiciaire. Elle soutient que si la société a régularisé son retard sur l'exécution du plan, elle a en revanche aggravé son passif envers la CAFAT, postérieur à l'ouverture du redressement judiciaire à hauteur de 27 942 996 Fcfp concernant la période du 2ème trimestre 2015 au 3ème trimestre 2023 de sorte qu'elle se retrouve en état de cessation des paiements.

Le ministère public a conclu à la confirmation du jugement sauf à la débitrice à justifier qu'elle a payé l'intégralité des montants échus du plan ainsi que le passif postérieur et qu'elle est en mesure de respecter scrupuleusement le plan pour l'avenir sans aggraver le passif existant.

Vu l'ordonnance de fixation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article L 626-27 du code de commerce dispose que :

« I - En cas de défaut de paiement des dividendes par le débiteur, le commissaire à l'exécution du plan procède à leur recouvrement conformément aux dispositions arrêtées. Il y est seul habilité.

Le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan.

Lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et ouvre une procédure de redressement judiciaire ou, si le redressement est manifestement impossible, une procédure de liquidation judiciaire.

Le jugement qui prononce la résolution du plan met fin aux opérations et à la procédure lorsque celle-ci est toujours en cours. Sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 626-19, il fait recouvrer aux créanciers l'intégralité de leurs créances et sûretés, déduction faite des sommes perçues, et emporte déchéance de tout délai de paiement accordé.

II - Dans les cas mentionnés aux deuxième et troisième alinéas du I, le tribunal est saisi par un créancier, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public. Il peut également se saisir d'office.

III - Après résolution du plan et ouverture de la nouvelle procédure, les créanciers soumis à ce plan sont dispensés de déclarer leurs créances et sûretés. Les créances inscrites à ce plan sont admises de plein droit, déduction faite des sommes déjà perçues. »

En Nouvelle-Calédonie, les procédures collectives sont régies par la partie législative du code de commerce applicable à la Nouvelle-Calédonie et, pour la partie procédure, laquelle est de la compétence de la NC, par la délibération n° 352 du 18 janvier 2008 "portant mesures de procédures en matière de sauvegarde des entreprises."

L'article 159 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008 prévoit :

« En application du I de l'article L. 626-27 du code de commerce, le tribunal est saisi aux fins de résolution du plan par voie de requête ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévue aux articles 172 ou 173. Il statue dans les conditions de l'article L. 626-9 du même code, le commissaire à l'exécution du plan étant entendu ou dûment appelé et présentant son rapport en lieu et place de celui de l'administrateur. Lorsque le tribunal décide la résolution du plan en application du deuxième alinéa du I de l'article L. 626-27 du même code, il prononce, dans le même jugement, la liquidation judiciaire du débiteur. Le jugement est signifié à la diligence du greffier dans les huit jours de son prononcé aux personnes qui ont qualité pour interjeter appel, à l'exception du ministère public.

Il est communiqué aux personnes mentionnées à l'article 61.

Le jugement qui décide la résolution du plan fait l'objet des publicités prévues à l'article 63. »

L'article 172 de la délibération précise :

« En cas de saisine d'office, le président du tribunal fait convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par acte d'huissier de justice, à comparaître dans le délai qu'il fixe. A la convocation est jointe une note par laquelle le président expose les faits de nature à motiver la saisine d'office. Le greffier adresse copie de cette note au ministère public. »

L'article 173 ajoute : « Lorsque le ministère public demande l'ouverture de la procédure, il présente au tribunal une requête indiquant les faits de nature à motiver cette demande. Le président du tribunal, par les soins du greffier, fait convoquer le débiteur par acte d'huissier de justice à comparaître dans le délai qu'il fixe.

A cette convocation est jointe la requête du ministère public. »

En l'espèce, le tribunal mixte de commerce, au vu du courrier de la CAFAT en date du 31/08/2023, s'est auto-saisi en application de la possibilité qui lui est offerte par l'article L 626-27 du code du commerce afin que 'la débitrice s'explique sur l'existence d'un nouvel état de cessation des paiements'.

La cour relève d'une part que contrairement aux dispositions de l'article 172 susvisé, la note explicative n'a pas été jointe à la convocation du débiteur viciant ainsi la procédure.

D'autre part et surtout, par deux décisions en date du 07/03/2014 (n° 2013-368 QPCet 2013-372), le Conseil constitutionnel a censuré la possibilité pour le tribunal de commerce de se saisir d'office afin de prononcer la liquidation judiciaire ou la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire d'une entreprise en difficulté. Ces deux censures sont intervenues pour absence de garanties légales du principe d'impartialité garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC), le Conseil constitutionnel considérant que le tribunal qui se saisit d'office a déjà une idée préconçue de la décision qu'il va rendre ce qui est contraire au principe de l'impartialité du juge. L'article L 626-27 II du code du commerce, applicable localement, en ce qu'il prévoit que le tribunal « peut également se saisir d'office », est contraire à la Constitution.

Or, en l'espèce, il résulte des termes mêmes du jugement qu'il y a eu « saisine d'office du le tribunal mixte de commerce de Nouméa ».

Au vu de ces décisions, il y a lieu de réformer le jugement et de dire n'y avoir lieu à la résolution du plan et au prononcé de la liquidation judiciaire, puisque le tribunal mixte de commerce de Nouméa n'a pas été régulièrement saisi.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'une liquidation judiciaire,

Laisse les dépens à la charge de la SARL AMBULANCES ALIZES.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 23/00079
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;23.00079 ?
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