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28/03/2024 | FRANCE | N°23/00045

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 28 mars 2024, 23/00045


N° de minute : 2024/59



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 28 mars 2024



Chambre civile









N° RG 23/00045 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TVT



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 janvier 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 22/2481)



Saisine de la cour : 21 février 2023



APPELANT



S.A.R.L. AGENCE DE BUREAUTIQUE ET D'INFORMATION (ABI),

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Valérie LUCAS de la S

ELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat postulant au barreau de NOUMEA

Représentée par Me Benoît ROSEIRO de la SELAS SEBAN ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS





INTIMÉ



M. [...

N° de minute : 2024/59

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 28 mars 2024

Chambre civile

N° RG 23/00045 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TVT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 janvier 2023 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 22/2481)

Saisine de la cour : 21 février 2023

APPELANT

S.A.R.L. AGENCE DE BUREAUTIQUE ET D'INFORMATION (ABI),

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Valérie LUCAS de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat postulant au barreau de NOUMEA

Représentée par Me Benoît ROSEIRO de la SELAS SEBAN ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉ

M. [N] [I]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 4] (DROME),

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Nicolas RANSON de la SARL ZAOUCHE RANSON, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 novembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. SOUBEYRAN

28/03/2024 : Expéditions - Me LUCAS ; Me RANSON ;

- Copie CA ; Copie TPI

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le 25 janvier 2024 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 12 février 2024 puis le 11 mars 2024 puis le 28 mars 2024 après prorogation, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par jugement en date du 19 novembre 2019, le tribunal du travail de Nouméa a :

- condamné la société OCÉANIE LOCATIONS à payer à M. [N] [I] les sommes suivantes :

- 141 785 francs CFP au titre de rappel de salaire,

- 6 583 805 francs CFP au titre de rappel d'indemnité de congés payés,

- dit que la rupture de son contrat de travail s'analysait en un licenciement nul pour violation du statut protecteur,

- fixé le salaire moyen des douze derniers mois à la somme de 1 901 342 francs CFP,

en conséquence,

- condamné la société OCÉANIE LOCATIONS à payer à M. [N] [I] les sommes suivantes :

. 37 661 197 francs CFP au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur,

. 5 704 026 francs CFP au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 570 403 francs CFP au titre congés payés afférents au préavis,

. 3'802 684 francs CFP au titre de l'indemnité légale de licenciement

. 11'408 052 francs CFP au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que ces sommes porteraient intérêts au taux légal à compter de la requête sur les créances salariales et à compter du jugement sur les créances indemnitaires,

- fixé le salaire moyen des trois derniers mois pour l'application des règles de l'exécution provisoire à la somme de 1'805'097 francs CFP,

- rappelé que l'exécution provisoire était de plein droit sur les créances salariales dans la limite des dispositions de l'article 886-2 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 30 % des sommes octroyées à titre de dommages-intérêts,

- condamné la société OCÉANIE LOCATIONS au paiement de la somme 350'000 francs CFP au titre des frais irrépétibles,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Suivant l'arrêt du 23 septembre 2021, la cour d'appel de Nouméa a :

- dit que la Sarl ABI intervient aux droits de la Sarl OCEANIE LOCATIONS qu'elle substitue en toutes ses obligations,

- confirmé sur le fond la décision du tribunal du travail de Nouméa en ce que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement nul pour violation du statut protecteur et dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi qu'à régler les sommes suivantes':

. 141 785 francs CFP au titre de rappel de salaire,

. 6 583 805 francs CFP au titre de rappel d'indemnité de congés payés,

- infirmé sur le salaire moyen des douze derniers mois et statuant à nouveau, en conséquence,

- fixé le salaire moyen des douze derniers mois à la somme de 2'282'070 francs CFP,

- condamné en conséquence la société OCEANIE LOCATIONS à régler à [N] [I] les sommes suivantes':

. 44 956 779 francs CFP au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur,

. 6 846 210 francs CFP au titre de rappel d'indemnité de congés payés outre 684 621 francs CFP de rappel de congés payés sur indemnité de préavis,

. 4 564 140 francs CFP au titre de l'indemnité légale de licenciement,

. 13 692 420 francs CFP au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la requête sur les créances salariales et à compter de l'arrêt sur les créances indemnitaires,

- rappelé que l'exécution provisoire est de plein droit en appel,

- condamné la société OCEANIE LOCATIONS au paiement de la somme de 500 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles,

- condamné la société OCEANIE LOCATIONS aux dépens de l'instance,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

Cet arrêt n'a fait l'objet d'aucun pourvoi en cassation.

Par acte d'huissier du 23 août 2022, M. [N] [I] a fait procéder à une saisie-arrêt sur les comptes détenus par la société ABI dans les livres de la Banque Calédonienne d'Investissement pour une créance évaluée à 15'222'060 de francs CFP selon décompte détaillé dans l'acte.

Par acte d'huissier du 25 août 2022, la saisie-arrêt a été dénoncée à la société ABI, assignée à comparaître le 19 septembre 2022 devant le tribunal civil de Nouméa en validation de la saisie-arrêt et en condamnation, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, au paiement d'une somme de 15'184'493 francs CFP en principal, intérêts, frais et accessoires.

Par jugement contradictoire du 16 janvier 2023, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- débouté la société ABI de sa demande formulée du caractère abusif de la procédure de saisie-arrêt diligentée,

- validé la saisie-arrêt pratiquée le 23 août 2022 entre les mains de la Banque Calédonienne d'Investissement pour la somme de 11'759'293 de francs CFP en principal, intérêts et frais,

- dit que les sommes dont le tiers saisi se reconnaîtra débiteur à l'égard de la société ABI seront versées à M. [N] [I] en déduction ou jusqu'à concurrence du montant de sa créance en principal, frais et intérêts,

- dit que, par ce versement, le tiers saisi sera valablement libéré d'autant à l'égard du saisi,

- condamné la société ABI à verser à M. [N] [I] la somme de 40'000 francs CFP au titre de ses frais irrépétibles,

- condamné la société ABI aux dépens comprenant les frais de signification du jugement avec distraction,

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

PROCÉDURE D'APPEL :

Suivant requête adressée au greffe de la cour le 21 février 2023, la société ABI a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de son mémoire ampliatif communiqué le 22 mai 2023, elle demande à la cour d'infirmer le jugement critiqué et, statuant à nouveau, de :

- constater que la saisie attribution pratiquée pour le compte de M. [N] [I] repose sur des montants erronés et est disproportionnée, abusive et cause préjudice à la société ABI ;

- en conséquence, en ordonner la mainlevée et condamner M. [N] [I] à l'indemniser à hauteur de 1'200'000 francs CFP ;

- condamner M. [N] [I] à lui verser la somme de 500'000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ainsi qu'aux dépens.

En réplique, au terme de ses conclusions communiquées le 28 juillet 2023, M. [N] [I] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, y faisant droit, de :

- déclarer bonne et valable la saisie-arrêt pratiquée entre les mains de la BCI ;

- valider la saisie-arrêt pratiquée le 23 août 2022 entre les mains de la BCI pour la somme de 11'937'184 francs CFP en principal, intérêts et frais ;

- condamner la société ABI à lui payer la somme de 11'759'293 francs CFP en principal, intérêts et frais ;

- dire que les sommes dont le tiers saisi ce sera reconnu ou se reconnaîtra débiteur à l'égard de M. [N] [I] seront versées à ce dernier en déduction ou jusqu'à concurrence du montant de sa créance en principal, frais et intérêts ;

- rejeter l'ensemble des demandes de la société ABI ;

- condamner la société ABI à lui payer la somme de 350'000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie et à assumer la charge des dépens, dont distraction au profit de son conseil.

Pour un exposé complet des moyens développés par les parties, la cour se réfère expressément à leurs écritures respectives et aux développements ci-dessous.

SUR CE :

Vu les articles 557 et suivants du code de procédure civile ancien, demeurés en vigueur en Nouvelle-Calédonie.

Le caractère exécutoire de l'arrêt du 23 septembre 2021 portant confirmation partielle du jugement du tribunal du travail de Nouméa 19 novembre 2019 et condamnation de la société ABI au paiement de diverses sommes n'est pas discuté.

En revanche, les parties s'opposent sur le caractère salarial ou indemnitaire de la somme allouée au titre de la violation du statut protecteur, soit 44 956 779 francs CFP, qualification qui emporte notamment des conséquences quant au montant de la créance détenue par M. [N] [I] dès lors que la cour d'appel a fait courir les intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête, soit le 17 janvier 2017, sur les créances salariales, et à compter de l'arrêt, soit le 23 septembre 2021, sur les créances indemnitaires.

Il convient de relever que la cour d'appel a, aux termes de l'arrêt du 23 septembre 2021, précisé que l'indemnité pour violation du statut protecteur s'analysait en une sanction de la méconnaissance de ce statut consistant en l'allocation d'une somme forfaitaire égale à la rémunération qu'aurait perçue le salarié depuis la date de son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection en cours.

Il est constant que cette indemnité, même si elle présente un caractère forfaitaire, a pour objet d'indemniser le préjudice né, pour le salarié protégé, de la perte de son mandat (Soc., 8 juin 2011, pourvois n°10-11.933 et 10-13.663). Le montant de cette indemnité est d'ailleurs fixé par le juge en fonction de l'étendue du préjudice subi et non de manière forfaitaire lorsque la demande a été introduite après l'expiration du mandat, sauf motif légitime, ce qui confirme la nature indemnitaire et non salariale de cette créance.

La somme allouée à ce titre revêt dès lors, de par sa nature, un caractère indemnitaire et ne saurait constituer une créance salariale, sa soumission à cotisations sociales - sur la base des textes applicables en France métropolitaine - étant à cet égard indifférente.

L'arrêt du 23 septembre 2021 a ainsi considéré cette créance comme indemnitaire et non salariale et a entendu faire courrir les intérêts légaux sur la somme allouée à ce titre à compter du prononcé de la décision.

Il s'en déduit que c'est à tort que M. [N] [I] intègre dans le calcul de la créance dont il se prévaut au soutien de sa demande de validation de la saisie-arrêt le montant d'intérêts légaux dus antérieurement au 23 septembre 2021, date de l'arrêt d'appel.

Ainsi, le montant de la créance salariale de M. [N] [I], aux termes du jugement du 19 novembre 2019 et de l'arrêt du 21 décembre 2021, s'élève à :

141 785 + 6'583'805 + 6'846'210 + 684'621 = 14'256'421 francs CFP, outre intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2017

et le montant de la créance indemnitaire s'élève à :

44'956 779 + 4'564'140 + 13 692 420 = 63'213'339 francs CFP, outre intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2021,

outre 500'000 francs CFP au titre des frais irrépétibles non compris dans les dépens.

La société ABI soutient par ailleurs que les paiements partiels successifs qu'elle a réalisés au regard de l'exécution provisoire prononcée en première instance ont éteint sa dette salariale préalablement à l'arrêt d'appel et à la saisie attribution pratiquée.

Elle justifie par un relevé CARPA du 16 novembre 2021 de divers virements au profit de M. [N] [I] entre le 21 février 2020 et le 31 août 2020 à hauteur de :

5 200 000 x 4 + 10 400 00 = 31 200 000 francs CFP, soit une somme supérieure à la créance salariale augmentée des intérêts au taux légal depuis le 17 janvier 2017.

Il s'en déduit que les paiements opérés doivent nécessairement être imputés sur la créance salariale, et en premier lieu, avec l'accord du créancier et par dérogation à l'article 1254 du code civil, sur le capital dû, puis sur les intérêts, cette imputation prioritaire sur le capital étant nécessairement favorable à la société débitrice.

Le solde de ce paiement et les autres sommes versées par la suite se sont nécessairement imputées, à compter du 23 septembre 2021, sur la créance indemnitaire, en priorité, avec l'accord de M. [N] [I], sur le capital puis sur les intérêts.

Au regard de ces éléments, il convient d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter les parties à présenter leurs observations sur le montant des sommes restant dues par la société ABI après imputation des paiements partiels, l'ensemble des demandes présentées par les parties, notamment la reconnaissance du caractère disproportionné et abusif de la saisie pratiquée dépendant notamment de ce point, étant réservé.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement en ce qu'il a validé la saisie-arrêt pratiquée le 23 août 2022 pour la somme de 11 759 293 francs CFP en principal, intérêts et frais ;

ORDONNE la réouverture des débats ;

INVITE les parties à présenter leurs observations sur le montant de la créance de M. [N] [I] après imputation des paiements partiels successifs dans l'ordre suivant :

- sur le capital de la dette salariale à hauteur de 14'256'421 francs CFP,

- sur les intérêts au taux légal calculés sur cette somme à compter du 17 janvier 2017,

- sur le capital de la dette indemnitaire à hauteur de 63'213'339 francs CFP,

- sur les intérêts au taux légal calculés sur le capital restant du à compter du 23 septembre 2021,

et ce, avant le 15 juin 2024 ;

RESERVE pour l'heure l'examen de l'ensemble des autres chefs de demande ;

RENVOIE l'affaire à la mise en état.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00045
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Renvoi

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;23.00045 ?
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