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28/03/2024 | FRANCE | N°22/00086

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 28 mars 2024, 22/00086


N° de minute : 2024/25



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 28 mars 2024



Chambre commerciale









N° RG 22/00086 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TLP



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 20/176)



Saisine de la cour : 11 octobre 2022





APPELANT



S.C.I. PIPOU, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée p

ar Me Nicolas MILLION de la SARL NICOLAS MILLION, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉ



S.A.R.L. BRINORD, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 2]...

N° de minute : 2024/25

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 28 mars 2024

Chambre commerciale

N° RG 22/00086 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TLP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 20/176)

Saisine de la cour : 11 octobre 2022

APPELANT

S.C.I. PIPOU, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas MILLION de la SARL NICOLAS MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.R.L. BRINORD, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Laure CHATAIN de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 26 février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

28/03/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me CHATAIN ;

Expéditions - Me MILLION ;

- Copie CA ; Copie TMC

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Selon contrat préliminaire de réservation en date du 23 juillet 2015, la société Brinord a réservé à M. [P] un appartement et deux emplacements de stationnement, constituant les lots n° 4, 5 et 26 d'un ensemble immobilier dénommé « [Adresse 3] » que la société Brinord entendait édifier et pour lequel un permis de construire avait été délivré.

Selon acte authentique reçu le 24 décembre 2015, la société Brinord a vendu à la SCI Pipou, dont M. [P] était le gérant, en l'état futur d'achèvement les lots n° 4, 5 et 26 d'un ensemble immobilier dénommé « [Adresse 3] » en cours de construction, moyennant un prix de 18.700.000 FCFP, payable comptant à due concurrence de 14.025.000 FCFP « compte tenu du stade d'avancement des travaux », le solde étant payable au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

Par requête introductive d'instance déposée le 8 juillet 2020, la SCI Pipou, faisant valoir qu'il avait été victime d'un retard de livraison de vingt-sept mois qui lui avait fait perdre le bénéfice de la réduction d'impôt prévue par l'article Lp 136 II 2° du code des impôts, a saisi le tribunal mixte de commerce de Nouméa d'une demande de résolution de la vente.

La société Brinord s'est opposée à cette demande en soutenant que le retard dans l'achèvement du chantier était indépendant de sa volonté et en dénonçant la négligence de l'acquéreur dans la gestion de ses droits à défiscalisation.

Par jugement en date du 29 juillet 2022, la juridiction saisie a :

- débouté la SCI Pipou de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Brinord,

- débouté la société Brinord de sa demande au titre des frais de radiation d'une inscription d'hypothèque judiciaire,

- condamné la SCI Pipou aux dépens.

Les premiers juges ont retenu :

- qu'il résulte des mentions des actes de réservation et de vente que la SCI Pipou avait fait du bénéfice de la défiscalisation une condition substantielle de son achat ;

- que la privation de la défiscalisation résultait de la propre faute de la SCI Pipou qui n'avait pas sollicité la prorogation du délai d'achèvement des travaux dans le but de profiter de la réduction d'impôt dès 2016.

Par requête déposée le 11 octobre 2022, la SCI Pipou a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives transmises le 13 juillet 2023, la SCI Pipou demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- prononcer la résolution de la vente du 24 décembre 2015 liant les parties aux torts exclusifs de la société Brinord ;

- dire et juger que cette résolution sera transcrite sur les états conservés par les services de la publicité foncière aux frais de la société Brinord ;

- condamner en conséquence la société Brinord à payer à la société Pipou la somme de 25.920.593 FCFP, majorée des intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête ;

subsidiairement,

- dire et juger que la société Brinord a engagé sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de la SCI Pipou ;

- condamner la société Brinord à payer à la SCI Pipou la somme de 6.375.000 FCFP à titre de dommages et intérêts ;

- condamner la société Brinord à payer à la SCI Pipou la somme de 300.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la sarl Nicolas Million.

Selon conclusions transmises le 12 avril 2023, la société Brinord prie la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter la SCI Pipou de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SCI Pipou à payer à la société Brinord la somme de 350.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SCI Pipou aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 novembre 2023.

Sur ce, la cour,

La SCI Pipou poursuit la résolution de la vente au motif que les biens avaient été livrés tardivement et que cette livraison tardive l'avait empêchée de bénéficier de l'avantage fiscal escompté. A titre subsidiaire, elle sollicite l'indemnisation de son préjudice financier.

a) Alors que l'acte de réservation prévoyait que les « locaux faisant l'objet du présent contrat (seraient) achevés au plus à la fin du 4ème trimestre 2015 » et que l'acte de vente prévoyait un achèvement de l'ouvrage « au plus tard le 31 mars 2016 », il n'est pas contesté que la livraison n'a eu lieu que le 11 juillet 2018. La SCI Pipou est fondée à se plaindre d'une retard de livraison de près de vingt-sept mois.

Aucune clause résolutoire sanctionnant la défaillance du vendeur dans l'exécution de son obligation de livraison ne figure dans l'acte. En revanche, les parties ont décidé que la société Brinord devrait verser à l'acquéreur « une indemnité calculée à raison de un/cinq millièmes (1/5.000 èmes) du prix » convenu par « jour ouvré de retard » (page 35).

En l'absence de clause résolutoire, il importe de rechercher si l'inexécution partielle est d'une gravité suffisante pour que la résolution doive être prononcée.

La cour observe que :

- S'appuyant sur un courriel de l'agence Immo'nord, la société Brinord précise, sans être démentie par l'appelante, que l'appartement est loué depuis le 1er mars 2019, soit désormais depuis cinq ans.

- Certes, le retard de livraison heurtait les prescriptions de l'article 136 II 2° du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie qui instituait une « réduction d'impôt en faveur de l'investissement dans le secteur du logement intermédiaire » dans la mesure où cette réduction supposait que l'achèvement du logement intervînt « pour les logements collectifs, dans les trente-six mois qui suivent la date de déclaration d'ouverture des travaux » et où la déclaration d'ouverture de chantier était intervenue le 1er janvier 2015.

- Toutefois, le retard n'entraînait pas inexorablement la perte de l'avantage fiscal puisque l'article 136 prévoit que l'acquéreur puisse solliciter de l'administration fiscale « une prolongation de délai, qui ne peut excéder un an, renouvelable une fois pour les logements collectifs ».

- Cette faculté est rappelée tant dans l'acte de réservation (page 5) que dans l'acte de vente (page 12).

- Autrement dit, ainsi que l'ont noté les premiers juges, la SCI Pipou pouvait continuer, en dépit du retard, à bénéficier du régime de défiscalisation, si elle saisissait l'administration fiscale d'une demande de prolongation.

- La SCI Pipou ne peut sérieusement soutenir que la déclaration d'achèvement de travaux établie le 25 octobre 2016 par la société Brinord l'avait trompée et lui avait fait perdre la possibilité de solliciter une prolongation de délai puisqu'elle n'avait pas pris possession des lieux à cette date, ni dans les mois qui avaient suivi, les clés ne lui ayant pas été remises, et puisqu'il était exposé dans l'acte de vente (page 31) que cette déclaration était la première étape d'un processus qui aboutissait à un état contradictoire des lieux et à la remise des clés.

Il résulte de ce qui précède que l'inexécution dont répond la société Brinord ne justifie pas la résolution de la vente.

b) L'indemnité de 6.375.000 FCFP, dont la SCI Pipou réclame le paiement à titre subsidiaire, correspond à un chiffre qui figure sur une « feuille de calcul de l'avantage fiscal 2016 de messieurs [V] », selon l'intitulé de la pièce 1A donné par l'appelante, est destinée à compenser la perte de l'avantage fiscal.

La cour observe que, curieusement, le nom de M. [P] ne figure pas sur ce document, les bénéficiaires concernés par l'opération étant « [E] [V] et » « [N] [V] ».

Indépendamment même de la problématique du chiffrage de l'avantage prétendument perdu, la cour a précédemment retenu qu'il n'était pas démontré que le retard de livraison avait provoqué la perte de l'avantage fiscal escompté.

En outre, il n'est pas contesté que, conformément à la clause précitée, la société Brinord a supporté des indemnités de retard d'un montant de 2.349.965 FCFP. Or, la stipulation, par laquelle les contractants ont évalué

forfaitairement et par avance le préjudice occasionné par une livraison tardive constituant une clause pénale, la société Brinord est fondée à soutenir que son « obligation contractuelle (...) a été purgée dans le cadre de la signature de la vente par le notaire, le retard dans la livraison ayant été indemnisé ».

Dans ces conditions, ce chef de demande ne peut qu'être rejeté.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne la SCI Pipou à payer à la société Brinord une somme de 200.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SCI Pipou aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/00086
Date de la décision : 28/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-28;22.00086 ?
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