La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2024 | FRANCE | N°22/00070

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 25 mars 2024, 22/00070


N° de minute : 2024/23



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 25 mars 2024



Chambre commerciale









N° RG 22/00070 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TIJ



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 juin 2022 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 21/1585)



Saisine de la cour : 25 août 2022





APPELANT



M. [U] [B]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 3]),

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Fabien MARIE

de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉ



S.E.L.A.R.L. MARY LAURE GASTAUD, ès qualités de mandataire liquidateur des sociétés NORD CAOUTCHOUC et SUD NORD TRAVAUX [B],

Si...

N° de minute : 2024/23

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 25 mars 2024

Chambre commerciale

N° RG 22/00070 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TIJ

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 juin 2022 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 21/1585)

Saisine de la cour : 25 août 2022

APPELANT

M. [U] [B]

né le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 3]),

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Fabien MARIE de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.E.L.A.R.L. MARY LAURE GASTAUD, ès qualités de mandataire liquidateur des sociétés NORD CAOUTCHOUC et SUD NORD TRAVAUX [B],

Siège social : [Adresse 1]

AUTRE INTERVENANT

MINISTERE PUBLIC

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 février 2024, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. [P] [O].

25/03/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me GASTAUD ;

Expéditions - Me MARIE ; MP ;

- Copie CA ; Copie TMC

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : M. [H] [V]

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE

DE PREMIÈRE INSTANCE

La S.A.R.L. NORD CAOUTCHOUC a été enregistrée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Nouméa, le 15 juin 2007 pour une activité de commerce de détail de pneumatiques et accessoires. Elle avait pour gérant de droit M. [U] [B], son capital social se répartissant entre celui-ci et Mme [T] [X].

Par jugement du 3 septembre 2018, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, à la demande du payeur de la Nouvelle-Calédonie, a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société NORD CAOUTCHOUC, a fixé la date de cessation des paiements au 3 mars 2017 et a désigné la SELARL ML GASTAUD en qualité de mandataire judiciaire

Par arrêt du 9 mai 2019, sur appel de M. [B], la cour d'appel de Nouméa, a infirmé cette liquidation et a ouvert en lieu et place une procédure de redressement judiciaire.

La débitrice a proposé un plan de continuation que le tribunal a décidé de soumettre pour avis aux créanciers déclarés ; cependant en retour des réponses, par jugement du 29 juin 2020, le même tribunal, au constat des incertitudes persistantes quant à la réelle activité de la société, a rejeté ce plan et a converti le redressement en liquidation judiciaire en désignant à nouveau la SELARL ML GASTAUD en qualité de liquidateur.

La SARL SUD NORD TRAVAUX [B] (SNTC), également gérée par M. [B], qui avait une activité de travaux publics, assainissement et réseaux, a été assignée également en liquidation judiciaire le 12 novembre 2020, par le receveur des services fiscaux qui faisait état d'une dette de plus de 3 200 000 F CFP.

Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société SNTC, a fixé la date de cessation des paiement au 7 juin 2019 et a désigné la SELARL ML GASTAUD en qualité de mandataire liquidateur.

' La SELARL ML GASTAUD, ès qualités de liquidateur à la fois de la société NORD CAOUTCHOUC et de la société SNTC, par requête déposée au greffe le 19 août 2021, a fait appeler M. [U] [B] devant le tribunal a l'effet de voir :

- condamner ce dernier à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif :

** de la S.A.R.L. NORD CAOUTCHOUC, soit la somme de 30 454 044 F CFP,

** de la S.A.R.L. SNTC, soit la somme de 72 375 515 F CFP,

- prononcer à l'encontre de M. [B] une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 15 ans,

- ordonner du jugement à venir l'exécution provisoire,

- condamner le défendeur aux entiers dépens.

A ces fins, elle a fait valoir pour l'essentiel :

- que sur le fond, l'insuffisance d'actif de chacune des dites sociétés, dont le défendeur était le gérant, est établie par les états des créances et des actifs recouvrés,

- et que la totalité de ces deux insuffisances d'actif était le résultat direct et certain des fautes de gestion de M. [U] [B], à savoir :

** la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements, dans le seul intérêt de M. [B] puisque :

*** dès 2016, il n'était plus en mesure de faire face aux dettes de la société, sociales et fiscales et accumulait les dettes fournisseurs,

*** il a utilisé les comptes sociaux pour remettre 60 000 000 F CFP à un tiers qui prétendait pouvoir les faire fructifier dans des conditions qui constituaient en réalité une escroquerie, et ce sans rapport avec les objets sociaux des entreprises

*** il n'a pris aucune mesure de redressement, notamment pas la seule qui s'imposait, à savoir la saisine du tribunal de commerce de l'état de cessation des paiements pourtant rapidement évident,

*** et plus grave encore, il a fait passer son compte courant d'associé dans la société NORD CAOUTCHOUC de 12 092 111 F CFP à seulement 981 061 F CFP entre la date de la cessation des paiements et 2019,

** l'absence de comptabilité pour l'exercice 2020,

** l'omission de déposer le bilan dans les 45 jours de la cessation des paiements.

Le juge-commissaire a déposé son rapport le 16 février 2022, par lequel il a déclaré s'en rapporter à justice sur les sanctions sollicitées.

' M. [B], tardivement assisté d'un avocat, lequel n'a pas conclu par écrit et a sollicité oralement, lors des débats, un sursis à statuer dans l'attente de la vente de divers matériels que les sociétés possédaient encore pour une valeur de l'ordre de 42 000 000 F CFP. Il a en outre précisé :

- qu'il y avait un problème relatif à l'estimation de l'insuffisance d'actif réelle au regard de l'absence de liquidation de ces actifs mobiliers,

- que les deux sociétés avaient bien fonctionné jusqu'a ce que deux de ses employés aient été victimes de deux accidents du travail qui ont entraîné des condamnations pour faute inexcusable et, pénalement, pour homicide involontaire,

- qu'il avait été escroqué par M. [K] pour environ 35 000 000 F CFP à son propre préjudice, 30 000 000 F CFP au préjudice de la société SNTC et 12 000 000 F CFP au préjudice de la société NORD CAOUTCHOUC,

- qu'il n'a pas profité de ces sommes et a été reconnu en qualité de victime dans cette affaire.

' Par jugement du 28 juin 2022, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a statué ainsi qu'il suit :

REJETTE l'exception dilatoire de M. [U] [B],

CONDAMNE M. [U] [B] à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif des liquidations judiciaires de la S.A.R.L. NORD CAOUTCHOUC et de la S.A.R.L. NORD TRAVAUX [B] (SNTC) à hauteur de la somme respective de 30 454 044 F CFP (pour NORD CAOUTCHOUC) et de 72 375 515 F CFP (pour SNTC),

DIT que ces sommes sont payables entre les mains de la SELARL ML GASTAUD, ès qualités de liquidatrice desdites sociétés,

PRONONCE à l'encontre de M. [U] [B] une mesure d'interdiction de gérer d'une durée de 15 années, laquelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale,

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire,

DIT que le présent jugement devra faire l'objet de la publicité prévue a l'article 220 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008,

CONDAMNE M. [U] [B] aux entiers dépens de l'instance.

PROCÉDURE D'APPEL

' M. [B] a interjeté appel de la décision, par requête déposée au greffe le 24 août 2022.

Le mémoire ampliatif d'appel a été enregistré au greffe le 5 octobre 2022.

Par conclusions récapitulatives enregistrées au RPVA le 24 janvier 2023, il fait valoir pour l'essentiel :

- qu'il conteste le montant de l'insuffisance d'actif retenu pour la SARL NORD CAOUTCHOUC à hauteur de 30 454 044 F CFP en faisant valoir que :

* à la liquidation judiciaire de la Société NORD CAOUTCHOUC finalement prononcée le 29 juin 2020, il existait des pneus qui existent toujours dans des containers stockés, s'agissant de produits non périssables enregistrées en comptabilité pour une valeur de 47 005 543 F CFP,

* le commissaire-priseur, lors d'une visite en juin 2022, a pu dresser la liste d'inventaire de matériels qu'il a évalués à une valeur de revente de 15 000 000 F CFP ;

- qu'il conteste le montant de l'insuffisance d'actif retenu pour la SARL SNTC à hauteur de 72 375 515 F CFP en faisant valoir que cette société dispose de matériels de chantier qu'il évalue à une somme de 42 000 000 F CFP ;

- qu'il en déduit que l'insuffisance d'actif pourrait être rapportée sur la liquidation des Sociétés SNTC et NORD CAOUTCHOUC à un montant de l'ordre de 55 000 000 F CFP ;

- que les sociétés ont été victimes d'une escroquerie ce qui est de nature à expliquer les insuffisances d'actifs.

' En conséquence, M. [B] demande qu'il soit statué ainsi :

INFIRMER le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions.

' La SELARL Mary Laure GASTAUD, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL NORD CAOUTCHOUC et de la SARL SNTC, par conclusions récapitulatives déposées au greffe le 30 mars 2023 demande à la cour de statuer ainsi :

CONFIRMER le jugement du 28 Juin 2022 en ce qu'il a constaté des fautes de gestion particulièrement graves à l'encontre de M. [B] ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a prononcé des sanctions pécuniaires à l'encontre de M. [B] pour la totalité des insuffisances d'actif constatées dans les liquidations judiciaires des sociétés NORD CAOUTCHOUC et SNTC ;

Et par conséquent,

CONDAMNER M. [B] à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif de la société NORD CAOUTCHOUC, soit la somme actualisée de 30 433 267 F CFP ;

CONDAMNER M. [B] à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif de la société SNTC, soit la somme actualisée de 76 761 228 F CFP ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [B] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de quinze ans ;

DEBOUTER M. [B] en sa qualité d'ancien gérant de la société NORD CAOUTCHOUC et SNTC de toutes ses demandes ;

CONDAMNER M. [B] aux frais de la procédure et aux entiers dépens.

' Le ministère public, par conclusions datées des 2 août 2023, sollicite la confirmation du jugement entrepris.

' Les ordonnances de clôture et de fixation de la date de l'audience ont été rendues le 4 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De la demande en comblement de l'insuffisance d'actif

Attendu que les dispositions de l'article L 651-2 du code de commerce prévoient pour l'essentiel que :

'Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables (...)' ;

1- Du montant de l'insuffisance d'actif de la société NORD CAOUTCHOUC

Attendu que M. [B] conteste le montant de l'insuffisance d'actif retenu pour la SARL NORD CAOUTCHOUC à hauteur de 30 454 044 F CFP, en faisant valoir qu'il convient de prendre en compte la valeur du stock de pneus stockés dans des containers (47 005 543 F CFP), ainsi que la valeur des matériels de la société (15 000 000 F CFP) ;

Attendu cependant que la valeur des actifs est tout autre compte-tenu de l'ancienneté du stock de pneus et du matériel ; qu'ainsi, l'inventaire des actifs qui a été dressé par le commissaire-priseur le 24 juin 2022 fait état d'une valeur de réalisation des actifs de 14 765 000 F CFP comportant principalement le stock de pneus ; que la vente aux enchères n'a pas encore eu lieu et sera prise en compte par le mandataire judiciaire ; que le premier juge a justement relevé que 'si l'inventaire des actifs sociaux a été retardé jusqu'à tout récemment, il est démontré que ce fut à raison des défaillances du dirigeant à cet égard ; qu'en effet, un procès-verbal de difficultés a dû être établi par le commissaire-priseur s'agissant de sa tentative d'évaluation du stock de pneus de NORD CAOUTCHOUC à raison du refus de M. [B] de répondre à ses sollicitations légitimes, ce pourquoi ce dernier est derechef infondé à exciper aujourd'hui d'une valeur de ce stock de l'ordre de 40 000 000 XPF dont il a, par ses fautes, empêché la liquidation ' ;

Attendu en conséquence, qu'au regard des pièces produites, le montant de l'insuffisance d'actif a été justement retenu par le premier juge à la somme de 30 433 267 F CFP à parfaire notamment au regard de la vente des actifs ;

2- Du montant de l'insuffisance d'actif de la société SNTC

Attendu que M. [B] conteste le montant de l'insuffisance d'actif retenu pour la SARL SNTC à hauteur de 76 761 228 F CFP, en faisant valoir que la société dispose de matériels de chantier qu'il évalue à une somme de 42 000 000 F CFP qui doivent être pris en compte ;

Attendu cependant que la valeur des actifs telle que présentée par M. [B] est là encore tout autre et, en tout état de cause, pas de nature à compenser l'insuffisance d'actif ; que le montant qui lui sera demandé, in fine, tiendra compte de la réalisation de ces actifs dont les opérations sont toujours en cours par la commissaire priseur ;

Attendu en conséquence, qu'au regard des pièces produites, le montant de l'insuffisance d'actif a été justement retenu par le premier juge à la somme de 76 761 228 F CFP à parfaire notamment au regard de la vente des actifs ;

3- Des fautes de gestion en lien avec l'insuffisance d'actif

3.1 - Commises au préjudice de la société NORD CAOUTCHOUC

3.1.1- De la poursuite d'une activité déficitaire qui ne pouvait que conduire à la cessation de paiement

Attendu qu'il est établi que le fait d'avoir laissé s'accumuler des dettes fiscales et sociales sur plusieurs années, ce qui n'est pas contesté par M. [B], constitue en soi une faute de gestion ; que si M. [B] fait valoir qu'espérant obtenir des gains financiers rapides, il a été victime d'une escroquerie ce qui explique les difficultés rencontrées par l'entreprise, force est de constater que le fait d'avoir remis à un tiers de l'entreprise des sommes de l'ordre de 60 000 000 F CFP, outre que de telles pratiques pourraient relever de poursuites pénales pour abus de biens sociaux, n'est aucunement de nature à exonérer M. [B] ; qu'il appartenait en effet au gérant, face à cette impossibilité de s'acquitter des dettes sociales et fiscales, de déclarer l'état de cessation des paiements de la société ; que son inaction constitue une faute de gestion qui a participé à l'augmentation du passif ;

3.1.2 - La poursuite de l'activité déficitaire dans un intérêt personnel

Attendu que le déficit de la société, qui était de 3 063 688 F CFP au 31 mars 2017, a atteint la somme de 18 292 828 F CFP en 2019, privant la société NORD CAOUTCHOUC d'une trésorerie nécessaire pour faire face à ses charges ; que ce déficit s'explique notamment par des flux financiers entre les deux sociétés NORD CAOUTCHOUC et SNTC dont M. [B] était le gérant, au préjudice de la société NORD CAOUTCHOUC ; qu'en outre, entre 2017, année au cours de laquelle la société s'est retrouvée en état de cessation des paiements et 2019, le compte courant de M. [B] est passé de 12 092 111 F CFP à 981 061 F CFP, ce qui constitue un prélèvement préférentiel au détriment des créanciers de l'entreprise ; que la faute de gestion est ainsi caractérisée ;

3.1.3- Du caractère incomplet de la comptabilité

Attendu qu'il est établi qu'aucun document comptable ou bilan quelconque n'a été fourni pour l'exercice 2020, qui est la dernière année d'activité de la société ; que cette faute est donc constituée ;

3.1.4 - Du non-respect du délai de quarante-cinq jours pour déclarer l'état de cessation de paiements

Attendu enfin, qu'il est également constant que la date de cessation de paiement ayant été fixée au 3 mars 2017, M. [B] n'a pas satisfait à l'obligation prévue à l'article L.631-4 du code de commerce selon laquelle l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; que cette faute de gestion est ainsi caractérisée ;

3-2 - Des fautes de gestion commises au préjudice de la société SNTC

Attendu que différentes fautes, qui ne sont pas combattues par M. [B], ont été justement établies par le mandataire judiciaire et retenues par le premier juge, sensiblement identiques à celles commises au préjudice de la société NORD CAOUTCHOUC qui peuvent être ainsi détaillées :

- poursuite d'une activité déficitaire avec une accumulation des dettes sociales et fiscales depuis 2016,

- absence de comptabilité,

- omission de solliciter l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de quarante-cinq jours : la date de cessation des paiements ayant été fixée au 7 juin 2019 et la procédure ouverte le 7 décembre 2020 avec une liquidation judiciaire directe, à l'initiative des services fiscaux.

Attendu que ces différentes fautes de gestion, qui ont contribué à l'insuffisance d'actif des deux sociétés, justifient la confirmation du jugement querellé ;

De l'interdiction de gérer

Attendu qu'il résulte de la combinaison des articles L. 653-4 et L. 653-8 du code de commerce que la juridiction peut prononcer une interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale à l'encontre du dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale contre lequel a été relevé l'un des faits suivants :

Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale ;

Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Attendu qu'il résulte des développements qui précèdent que M. [B], ancien gérant de la société NORD CAOUTCHOUC et de la société SNTC, a ainsi notamment :

fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé ;

poursuivi abusivement une exploitation fictive et déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements ;

Attendu que M. [B] fait valoir que le prononcé d'une interdiction de gérer, qui s'ajouterait à une condamnation pour comblement de l'insuffisance d'actif des liquidations judiciaires des deux sociétés, reviendrait à lui infliger une double peine ;

Attendu cependant qu'il résulte des précédents constats que M. [B], né le [Date naissance 2] 1966, gérant expérimenté dans le domaine des affaires pour gérer diverses sociétés depuis de nombreuses années, a manqué de manière grave et répétée à ses obligations traduites par les fautes de gestion précédemment retenues, qu'il est donc nécessaire de prononcer à son égard une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale pour une durée de 15 années, ainsi que le premier juge l'a prévu ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu par le tribunal mixte de commerce de Nouméa le 28 juin 2022 (n° 2021 001585, minute 712 bis) en toutes ses dispositions ;

Déboute M. [B] de toutes ses demandes ;

Condamne M. [B] aux entiers dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 22/00070
Date de la décision : 25/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-25;22.00070 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award