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18/03/2024 | FRANCE | N°22/00199

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 18 mars 2024, 22/00199


N° de minute : 2024/46



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 18 mars 2024



Chambre civile









N° RG 22/00199 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TFE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 juin 2022 par la commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction de NOUMEA (RG n° 20/1355)



Saisine de la cour : 11 juillet 2022





APPELANT



M. [O] [N]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 3],

demeurant [Ad

resse 4]

Représenté par Me Gustave TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS,

Siège so...

N° de minute : 2024/46

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 18 mars 2024

Chambre civile

N° RG 22/00199 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TFE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 juin 2022 par la commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction de NOUMEA (RG n° 20/1355)

Saisine de la cour : 11 juillet 2022

APPELANT

M. [O] [N]

né le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Gustave TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS,

Siège social : [Adresse 2]

Représenté par Me Anne-Laure VERKEYN de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA

AUTRE INTERVENANT

MINISTERE PUBLIC

18/03/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire : - Me TEHIO ;

Expéditions : - Me VERKEYN ; MP

- Copie CA ; Copie TPI

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 août 2023, en chambre du conseil, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le 26/10/2023 date à laquelle le délibéré a été prorogé au 20/11/2023 puis le 30/11/2023 puis le 28/12/2023 puis le 25/01/2024 puis le 12/02/2024 puis le 26/02/2024 puis le 11/03/2024 puis le 18/03/2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

*************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par jugement du 5 mai 2017, le tribunal correctionnel de Nouméa a déclaré MM. [X] [A], [K] [A], [U] [A] et [Z] [A] coupables d'avoir le 1er mai 2015 volontairement dégradé la maison et les voitures appartenant à M. [O] [N], Mme [J] [C] et M. [L] [N] en réunion et en causant un dommage grave en l'espèce 'avoir effectué un saccage'. Après s'être prononcé sur la peine, le tribunal a déclaré recevable la constitution de partie civile de M. [O] [N], Mme [J] [C] et M. [L] [N] et a renvoyé la cause pour être jugée sur intérêts civils devant la formation coutumière.

Par jugement du 22 août 2019, le tribunal de première instance de Nouméa, statuant en formation coutumière, après avoir retenu un partage de responsabilité par moitié, a condamné solidairement 'Messieurs [U], [K], [I], [Z], [X] [A] et Messieurs [M] et [Y] [D]' à payer à M. [O] [N] la somme de 10 000'000 de francs CFP et à Mme [J] [C] la somme de 1 000 000 francs CFP.

Par requête reçue au greffe civil du tribunal de première instance de Nouméa le 4 juin 2020, le conseil de M. [O] [N] a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions de la Nouvelle-Calédonie aux fins de la voir fixer à la somme de 10 000 000 francs CFP le préjudice subi par son client, de juger que le Fonds de garantie devra lui payer cette somme et dire que le jugement lui sera opposable.

Par jugement du 16 juin 2022, la commission d'indemnisation des victimes d'infractions a :

- constaté que M. [O] [N] avait saisi la commission dans les délais légaux,

- déclaré sa demande d'indemnisation irrecevable,

- condamné M. [O] [N] aux dépens de l'instance,

- dit n'y avoir lieu à fixation des unités de valeur.

Pour statuer en ce sens, la commission a retenu que le requérant ne justifiait pas de sa qualité de propriétaire de l'habitation, qu'il ne justifiait pas davantage du lien de causalité entre les faits et l'accident vasculaire cérébral survenu en 2017, qu'il ne produisait aucun justificatif du préjudice matériel dont il se prévalait, qu'il n'établissait pas se trouver dans l'impossibilité d'obtenir par une indemnisation par une autre voie.

Par requête déposé au greffe de la cour le 11 juillet 2022, M. [O] [N] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures communiquées le 7 mars 2023, il demande à la cour de :

- juger son appel recevable ;

- réformer l'intégralité du jugement attaqué ;

- constater que tous les biens immobiliers et mobiliers de M. [O] [N] ont été incendiés ;

- constater l'existence du jugement du 22 août 2019 du tribunal de première instance de Nouméa composé d'assesseurs coutumiers devenu définitif qui a fixé le montant du préjudice de M. [O] [N] à la somme de 10 000 000 francs CFP ;

- fixer à la somme de 10 000 000 francs CFP le préjudice subi par M. [O] [N] ;

- juger que le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions doit lui payer la somme de 10 000 000 francs CFP ;

- juger que le jugement est opposable au Fonds de garantie ;

- statuer sur les dépens ;

- fixer les unités d'aide judiciaire de Me TEHIO pour la procédure suivie devant la cour.

Aux termes de ses conclusions communiquées le 6 janvier 2023, le Fonds de garantie conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de M. [O] [N] à lui régler la somme de 150'000 francs CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de réquisitions écrites du 5 avril 2023, le procureur général a sollicité la confirmation de la décision entreprise.

Pour un exposé des moyens respectifs invoqués par les parties, la cour renvoie expressément à leurs écritures et aux développements ci-dessous.

SUR CE :

Sur la recevabilité de la demande

Vu l'article 706-3 du code de procédure pénale ;

Il résulte du jugement du tribunal correctionnel en date du 5 mai 2017 que les faits dont se prévaut M. [O] [N] au soutien de sa demande d'indemnisation ne sont pas prévus par les articles du code pénal visés au 2° de ce texte. M. [O] [N] ne produit aucune pièce d'ordre médical permettant d'établir que les faits dont il se prévaut lui ont causé une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail personnel égale ou supérieure à un mois.

Il s'en déduit qu'il n'est pas fondé à solliciter une indemnisation sur le fondement de l'article 706-3 précité.

Vu les articles 706-14 et R. 50-10 du code de procédure pénale ;

Il résulte des pièces de la procédure et en particulier des jugements du tribunal correctionnel de Nouméa du 5 mai 2017 et du jugement civil coutumier du 22 août 2019 que l'habitation occupée par M. [O] [N] a été saccagée puis incendiée dans le cadre d'un conflit coutumier, en représailles à des violences commises par le fils de M. [O] [N] à l'encontre d'un membre du clan [A]. L'ensemble des personnes mises en cause et témoins ont confirmé que l'habitation détruite avait été bâtie par M. [O] [N] sur les terres coutumières, que ce dernier y vivait de manière habituelle, de sorte qu'elle doit être considérée comme lui appartenant au titre de l'article 706-14, même sans acte de propriété, cette formalité étant incompatible avec la coutume kanak en Nouvelle Calédonie.

L'affirmation de M. [O] [N] selon laquelle les biens immobiliers construits sur des terres coutumières ne sont jamais couverts par une assurance habitation n'est pas contestée par le Fonds de garantie.

M. [O] [N] produit en cause d'appel une attestation de pension de retraite mensuelle datée du 24 juin 2016, selon laquelle l'intéressé perçoit une pension de 124'654 francs CFP depuis le 1er mars 2015, ce que corroborent les avis et déclaration sur les revenus 2014, 2016, 2018 et 2019 versés aux débats. Ce revenu est inférieur au plafond prévu par la loi pour bénéficier de l'aide juridictionnelle partielle.

Il résulte enfin des éléments de la procédure que suite à la destruction totale de son habitation, de tous les meubles entreposés et de tous ses effets personnels, M. [O] [N] a été contraint de quitter la tribu, qu'il s'est trouvé dans une situation de précarité et a dû être hébergé par son père, ce qui caractérise manifestement une situation matérielle grave.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de déclarer recevable la saisine de la CIVI sur le fondement de l'article 706-14 précité.

Sur l'indemnisation

Aux termes de l'article 706-14, l'indemnité est au maximum égale au triple du montant mensuel du plafond de ressources prévu par l'article 4 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 (plafond 2024), soit la somme de 2 275 183/12 x 3 = 568 796 francs CFP.

En l'espèce, indépendamment des meubles détruits lors des faits, la valeur des matériaux de construction de l'habitation, telle que décrite aux termes des pièces de la procédure et la réparation du préjudice moral dépassent chacune sensiblement le montant de l'indemnité maximale prévue par l'article 706-14, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande dans la limite légale de 568 796 francs CFP, le Fonds de garantie n'opposant par ailleurs aucun partage de responsabilité à M. [O] [N].

Sur les demandes annexes

Il convient de débouter le Fonds de garantie de sa demande formée au titre de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens et de le condamner à assumer la charge des dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

DECLARE l'appel recevable,

DECLARE recevable la demande d'indemnisation adressée à la CIVI sur le fondement de l'article 706-14 du code de procédure pénale ;

CONDAMNE le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS à payer à M. [O] [N] la somme de 568 796 francs CFP en indemnisation des faits de dégradation de son habitation subis le 1er mai 2015 à [Localité 3] (Nouvelle Calédonie) ;

DEBOUTE le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

FIXE à quatre le nombre d'unités de valeur revenant à Me Gustave TEHIO au titre de son intervention à l'aide judiciaire ;

CONDAMNE le FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS aux dépens de première instance et d'appel .

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00199
Date de la décision : 18/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-18;22.00199 ?
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