La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/03/2024 | FRANCE | N°23/00094

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 11 mars 2024, 23/00094


N° de minute : 2024/39



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 11 mars 2024



Chambre civile









N° RG 23/00094 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TY2



Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 3 mars 2023 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 22/591)



Saisine de la cour : 20 mars 2023





APPELANTS



S.C.O.P. SYNDEX, prise en la personne de ses représentants légaux,

Siège social : [Adresse 1] - [Localité 3]
<

br>Représentée par Me Patrice TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA



C.E. SOCALOG,

Siège social : [Adresse 2] - [Localité 5]

Représentée par Me Patrice TEHIO de la SELARL TEHIO...

N° de minute : 2024/39

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 11 mars 2024

Chambre civile

N° RG 23/00094 - N° Portalis DBWF-V-B7H-TY2

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 3 mars 2023 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 22/591)

Saisine de la cour : 20 mars 2023

APPELANTS

S.C.O.P. SYNDEX, prise en la personne de ses représentants légaux,

Siège social : [Adresse 1] - [Localité 3]

Représentée par Me Patrice TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA

C.E. SOCALOG,

Siège social : [Adresse 2] - [Localité 5]

Représentée par Me Patrice TEHIO de la SELARL TEHIO, avocat au barreau de NOUMEA

Représentée par Me Pierrick TRICOT, avocat au barreau de MOULINS

INTIMÉ

S.A.S. SOCALOG

Siège social : [Adresse 2] - [Localité 4]

Représentée par Me Christelle MARTINEZ de la SARL CHRISTELLE MARTINEZ, avocat au barreau de NOUMEA

11/03/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me TEHIO ;

Expéditions - Me MARTINEZ ;

- Copie TPI ; Copie CA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 novembre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le cabinet d'expertise comptable Syndex exerce une activité d'assistance des comités d'entreprise (CE) dans le cadre de leurs attributions économiques pour l'examen des comptes annuels et prévisionnels des sociétés.

Lors d'une réunion en date du 31 mars 2022, ce cabinet a été désigné par le comité d'entreprise Socalog pour l'assister sur l'analyse de la situation économique et sociale de l'exercice 2021 (comptes clos au 31 décembre 2021) et les comptes prévisionnels 2022.

Suite à cette désignation, le cabinet Syndex a fait parvenir sa lettre de mission en date du 4 juillet 2022 au comité d'entreprise accompagnée d'une liste de documents qu'il juge nécessaires à la réalisation de sa mission.

Exposant n'avoir pas obtenu l'ensemble des documents sollicités, la société Syndex et le comité d'entreprise Socalog ont fait assigner, par acte d'huissier du 2 décembre 2022, la société Socalog devant le président du tribunal de première instance de Nouméa statuant en référé afin d'obtenir sa condamnation à communiquer un certain nombre de documents manquants sur l'exercice au 31 décembre 2020, les documents relatifs à l'aspect social de l'exercice 2020 ainsi que ceux relatifs à l'exercice au 31 décembre 2021 et prévisionnel 2022, dans un délai de trois jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir et ce, sous astreinte de 100 000 francs pacifique par jour de retard à compter de cette date.

Ils sollicitent, en outre, la condamnation de la Socalog à verser au comité d'entreprise une provision de 300 000 francs pacifique à valoir sur l'indemnisation du préjudice lié à la rétention de documents, ainsi que la somme de 250 000 francs pacifique à chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, et aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Tehio.

Par ordonnance de référé en date du 3 mars 2023, le président du tribunal de première instance de Nouméa, statuant en référé a :

- condamné la société Socalog à communiquer au cabinet Syndex les pièces visées dans l'assignation (conventions, accords de partenariat et accord commerciaux : société Rabot, société du groupe Lafleur) au titre des documents manquants sur l'exercice au 31 décembre 2021 et prévisionnel 2022, dans un délai de cinq jours à compter de la signification de la présente ordonnance et ce, sous astreinte de 10 000 francs pacifique par jour de retard passé ce délai,

- condamné la société Socalog à verser au cabinet Svndex et au comité d'entreprise Socalog la somme de 150 000 francs pacifique à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- rappelé que la présente décision est exécutoire à titre provisoire,

- condamnés la société Socalog aux dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

Le cabinet Syndex et le CE de la société Socalog ont relevé appel de cette ordonnance par requête enregistrée au greffe le 20 mars 2023.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 juillet 2023 oralement soutenues à l'audience du 27 novembre 2023, les appelantes demandent à la cour de :

- juger l'appel partiel de l'ordonnance déférée recevable, uniquement en ce qu'elle a rejeté la demande du cabinet Syndex de communication des documents portant sur l'exercice 2020 et une partie des documents portant sur l'exercice 2021, ainsi que la demande de provision sur dommages-intérêts de 300.000 francs pacifiques formulée par le comité d'entreprise Socalog ;

- réformer l'ordonnance entreprise ;

- ordonner la communication par la société Socalog au cabinet d'expert-comptable près le comité d'entreprise, la société Syndex des documents portant sur l'exercice au 31 décembre 2020 suivants :

sur l'aspect comptable et financier :

. bilan social 2020 et compte de résultat

. l'accord d 'entreprise en vigueur

. les liasses fiscales complètes et ses annexes associées 2020

. les données récapitulatives des honoraires versés par la société Socalog

. l 'état des provisions détaillées par nature, avec tableau des dotations et reprises

. le tableau mensuel de trésorerie 2020

. l'évolution mensuelle des dépenses de personnel extérieur : niveau d'effectif catégorie socio-professionnelle (CSP) et coût

. le détail de la constitution du prix de la prestation facturée par client

. le compte de résultat détaillé par entrepôt, service et client

. le détail de la démarque par entrepôt (casse, discount, périmé, écarts inventaires)

. le détail par entrepôt et par service des indicateurs de productivité

. le tableau de bord qualité transmis aux clients, et le détail des gains nets partagés entre Socalog et ses clients

. le rapport du commissaire aux comptes sur l'exercice 2020

sur l'aspect social de l'exercice 2020 :

. l'évolution de l'effectif au 31 décembre et en ETP (équivalent en temps plein) moyens annuels : effectifs globaux, puis effectifs par sites, services, CSP, types de contrats

. le récapitulatif du livre de paie 2020 par matricule

. le bilan de la formation 2020

. l'extraction de la base du personnel non nominative sur un cahier Excel qui regroupe les champs suivants au 31 décembre 2020 :

* numéro de matricule, sexe, âge

* type de contrat de travail (CDI, CDD, autres)

* nombre d'heures contractuelles, nombre d'heures travaillées, nombre d'heures payées, nombre d'heures supplémentaires, nombre d'heures d'absences par motif

* date d'entrée dans l'entreprise et de sortie le cas échéant et son motif

* classification, coefficient issu de la convention collective

* service et entrepôt d'appartenance

* fonction (libellé de l 'emploi),

* ancienneté dans le poste

* ancienneté prise en compte pour le calcul de la prime d'ancienneté

* rémunération annuelle de base et rémunération mensuelle de base au 31/12

* majoration heures supplémentaires

* rémunération variable détaillée par nature (indemnités, prime de fin d'année, autres primes (astreinte, performance, bonus...) et autres éléments de rémunération ;

- ordonner la communication de l'ensemble de ces documents dans le délai de trois jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, et ce, sous astreinte de 100.000 francs pacifique par jour de retard à compter de cette date ;

- juger que le blocage de la société Socalog dans la remise des documents à l'expert-comptable du comité d'entreprise est une entrave au fonctionnement de ce dernier, et lui cause un préjudice certain ;

- condamner la société Socalog au paiement de la somme de 300.000 francs pacifique au comité d'entreprise de la société Socalog à titre de provision sur dommages-intérêts ;

- confirmer l'ordonnance entreprise sur le surplus ;

- condamner la société Socalog à payer à la société Syndex et au comité d'entreprise de la société Socalog la somme de 250.000 francs pacifique chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

- la condamner aux dépens avec distraction au profit de la Selarl Tehio, avocat à la cour, aux offres de droit ;

Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 31 mai 2023, oralement développées lors de l'audience du 27 novembre 2023, la société Socalog demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise ;

en conséquence :

à titre principal,

- dire n'y avoir lieu à référé sur les demandes qui lui sont soumises ;

- inviter le cabinet Syndex et le comité d'entreprise de la société Socalog à mieux se pourvoir ;

à titre subsidiaire,

- juger les demandes formulées par le cabinet Syndex et le comité d'entreprise infondées en tout état de cause ;

- juger l'absence d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise et l'absence de préjudice subi par ce dernier ;

- débouter le cabinet Syndex et le comité d`entreprise de la société Socalog de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamner solidairement le cabinet Syndex et le comité d'entreprise de la société Socalog au paiement de la somme de 400.000 francs pacifique sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie ;

- condamner solidairement le cabinet Syndex et le comité d'entreprise de la société Socalog aux entiers dépens.

L'examen de l'affaire a été fixé à l'audience du 27 novembre 2023, par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état en date du 25 août 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie de l'appel principal du comité d'entreprise et du cabinet Syndex qui contestent la décision du premier juge, ayant rejeté leurs demandes tendant à la communication de l'ensemble des documents comptables portant sur l'exercice 2020.

Elle est également saisie de l'appel incident de la société Socalog, qui soutient que le premier juge aurait dû débouter le cabinet Syndex et le comité d'entreprise, en faisant valoir que leurs demandes ne relèvent pas de la compétence et des pouvoirs du juge des référés telle que définies aux articles 808 et 809 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie. Subsidiairement elle estime que les demandes ne sont pas fondées.

I. Sur les moyens tirés de l'incompétence du juge des référés et l'absence de fondement à la demande

La juridiction des référés a ordonné à la société Socalog de communiquer à son comité d'entreprise et à son cabinet d'expertise certains documents comptables, sociaux et financiers afférents à l'exercice social 2021 et prévisionnel 2022, mais a rejeté la demande portant sur la communication des documents afférents à l'année 2020, en considérant que ces derniers n'étaient pas dans le champ de la mission qui était confiée à l'expert.

Devant la cour, le cabinet Syndex et le comité d'entreprise font valoir que la loi, et plus précisément l'article Lp 342-96 du code du travail, énonce que l'expert-comptable a accès à toutes les pièces qu'il estime utiles à l'exercice de sa mission, pour soutenir que ni l'employeur ni même le juge ne peuvent déterminer à sa place les documents utiles à l'accomplissement de sa mission. Ils font valoir que l'analyse suivie par le juge des référés qui a rejeté la communication de certaines pièces au motif qu'elles n'entraient pas dans le champ de la mission du cabinet Syndex méconnait les termes de la loi et la jurisprudence.

Reprenant les termes de la lettre de mission, le comité d'entreprise et le cabinet Syndex font valoir qu'il était notamment demandé une étude de l'évolution de l'emploi en 2021 et prévisionnel 2022, ce qui implique nécessairement la possibilité d'observer par comparaison la situation sur les exercices sociaux antérieurs.

La société Socalog oppose à titre principal l'incompétence du juge des référés dès lors que la communication des documents réclamés ne présente aucune urgence, qu'il n'existe aucune trouble manifestement illicite, et que s'ajoute une contestation sérieuse sur le bien-fondé de la demande dans la mesure où elle a déjà communiqué, dès le 22 juillet 2022, tous les documents demandés par le cabinet Syndex en précisant que de nouvelles pièces complémentaires ont été ajoutées et communiquées par courriel officiel le 4 mai 2023 (pièce n° 6, de sorte que la demande est dépourvue d'objet), notamment la demande portant sur la base du personnel non nominative regroupant les données du nombre d'heures payées, des heures supplémentaires payées, des heures d'absence par motif de coefficient du personnel issu de la convention collective et de leurs rémunérations mensuelles de base au 31 décembre 2021. S'agissant des documents afférents à l'année 2020, elle considère qu'il n'entre pas dans la mission de l'expert d'analyser la situation économique et financière de la société sur cette période de sorte qu'elle n'a pas à remettre au technicien les documents comptables afférents à cet exercice, tout en observant lui avoir néanmoins remis un certain nombre de données, portant sur cette période.

La société Socalog rappelle par ailleurs, que, contrairement à ce qui est soutenu par la partie adverse, il appartient bien au juge, en cas de litige d'apprécier la nécessité des informations réclamées par l'expert pour accomplir sa mission.

En définitive, elle aspire au rejet de l'ensemble des prétentions adverses, en affirmant avoir d'ores et déjà communiqué tous les documents utiles au cabinet Syndex pour l'accomplissement de sa mission, et ne pas avoir à remettre les documents relatifs à l'année 2020 qui n'auraient pas été déjà remis, au motif qu'ils ne sont pas utiles au travail de l'expert mandaté par le comité d'entreprise.

La cour répondra à l'ensemble des moyens opposés par la société Socalog pour faire échec aux prétentions du comité d'entreprise et du cabinet Syndex.

A. Sur les moyens tirés de l'incompétence du juge des référés et l'absence de fondement à la demande

La cour rappelle qu'en vertu de l'article 809 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé, les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le second alinéa de ce texte autorise par ailleurs le juge des référés à accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable , ou d'ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il en découle que l'intervention du juge des référés, en présence d'un trouble manifestement illicite ou d'un péril imminent n'est pas subordonnée à l'urgence ni à l'absence de contestations sérieuses.

Selon l'article Lp 342-94 du code du travail, le comité d'entreprise peut se faire assister par un expert-comptable de son choix, agréé par le gouvernement de la Nouvelle Calédonie, ou inscrit à l'ordre national des experts-comptables :

1- en vue de l'examen annuel des comptes prévus à l'article Lp 342 -33

2- en vue de l'examen des documents mentionnés aux articles L 232-2 à L 232-4 du code du commerce, dans la limite de deux fois par exercice

3- dans les conditions prévues aux articles Lp 342-25 et suivants

4- lorsque la procédure de consultation prévue aux articles Lp 122-14 et Lp 122-15 pour licenciement d'ordre économique d'ordre structurel ou conjoncturel doit être mise en 'uvre.

Au cas d'espèce, le cabinet Syndex a bien été désigné par le comité d'entreprise lors de sa réunion le 31 mars 2022, en vue d'obtenir une analyse sur la situation économique et sociale de l'entreprise, sur l'exercice clos au 31 décembre 2021 et sur le prévisionnel 2022.

Les articles suivants, Lp 342 95 et Lp 342 96, précisent que la mission de l'expert porte sur tous les éléments d'ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l'appréciation de la situation de l'entreprise, et prévoient un droit d'accès de l'expert missionné, aux fins de vérification ou contrôle, aux mêmes documents que le commissaire aux comptes.

Il en découle qu'il appartient à l'expert et à lui seul d'apprécier les documents dont il a besoin pour accomplir sa mission, même si ces derniers ont été établis au cours des exercices antérieurs en ce sens que l'exploitation de documents plus anciens peut tout à fait s'avérer indispensable à la compréhension de la période définie par la mission s'agissant d'une analyse dynamique de la situation sur plusieurs exercices en vue de tracer son évolution au cours des exercices antérieurs et de renseigner les membres du comité d'entreprise sur ses perspectives.

Dans ses conditions, le refus qu'oppose la société d'avoir à communiquer certains d'entre eux, portant sur l'exercice 2020, sur la base d'une appréciation nécessairement subjective constitue un trouble manifestement illicite, comme contraire à l'obligation légale prévue par le code du travail. Cette atteinte autorise le comité d'entreprise et l'expert désigné par lui, à saisir le juge des référés pour obtenir, au besoin sous astreinte la communication de l'ensemble des documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission, étant observé que les documents réclamés par le cabinet Syndex, portant sur l'exercice 2020 qu'il s'agisse de documents comptables, ou à caractère social, comme les données touchant au personnel présentent un intérêt majeur pour l'étude des exercices 2021 et 2022.

Il convient en conséquence d'écarter le moyen tiré de ce chef.

B. Sur le bien-fondé de la demande de communication de pièces

1. Sur les documents relatifs à l'exercice 2020

Le juge des référés, ainsi que cela a déjà été précisé ci-avant, a considéré que le cabinet d'expertise Syndex n'était pas fondé à réclamer la communication des documents afférents à l'année 2020, dès lors qu'il portait sur une période qui n'était pas visée dans sa mission. La juridiction des référés a cependant constaté que, sans y être tenue, la société Socalog avait néanmoins remis à l'expert-comptable 65 documents sur les 71 documents qui étaient réclamés au titre de cet exercice 2020.

Il ressort des motifs ci-dessus exposés que le premier juge, en se prononçant ainsi a méconnu les pouvoirs d'investigation de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise, dans le cadre des dispositions légales précitées.

Force est de constater que la société Socalog à laquelle incombe la charge de justifier de l'exécution de cette obligation de communication, ne démontre pas en appel y avoir satisfait, ne fût ce que partiellement. En effet, la cour ne saisit pas en quoi le fait, au demeurant non démontré en procédure, d'avoir communiqué à deux reprises, en juillet 2022 et le 6 avril 2023, comme elle le soutient en page 13 de ses dernières conclusions, le livre de paie 2021, le bilan de formation 2021, le bilan des dispositifs de primes d'exploitation et le détail des modalités de calcul des primes, répond à l'attente du technicien expert portant sur des documents afférents à l'année 2020.

Dans ces conditions, il convient d'enjoindre à la société Socalog de communiquer l'ensemble des documents réclamés au titre de l'exercice 2020, selon la liste définie au dispositif du présent arrêt.

2- Sur les documents relatifs à l'exercice 2021

Il ressort de l'examen de l'assignation portée devant la juridiction des référés que les seuls documents réclamés par l'expert-comptable et le comité d'entreprise au titre de cet exercice 2021, étaient ainsi énumérés au dispositif de l'acte de saisine de la juridiction :

'2/ autres documents manquants sur l'exercice au 31 décembre 2021 et prévisionnel 2022 :

- les conventions, accords de partenariats et accords commerciaux : société Rabot, société du groupe Lafleur)

- l'extraction de la base du personnel non nominative sur fichier Excel au 31 décembre 2021 qui regroupe les données suivantes :

* Nombre d'heures payées, d'heures supplémentaires, d'heures d'absences par motif

* Coefficient issu de la convention collective

*rémunération mensuelle de base au 31 décembre 2021

- le prévisionnel d'effectifs en 2022 ainsi que l'évolution prévisionnelle de la masse salariale en 2022'.

Le juge des référés a effectivement ordonné à la société Socalog de communiquer sous astreinte les pièces suivantes ainsi que cela ressort du dispositif de l'ordonnance critiquée ainsi rédigé :

'condamnons la société Socalog à communiquer au cabinet Syndex les pièces visées dans l'assignation (conventions, accords de partenariat et accords commerciaux : société Rabot, société du groupe Lafleur)au titre des documents manquants sur l'exercice au 31 décembre 2021 et prévisionnel 2022'.

Dans ses dernières conclusions et pièces du 31 mai 2023, la société Socalog justifie effectivement avoir communiqué par l'intermédiaire d'un courrier officiel de son conseil, Me Froment-Meurice, adressé par mail du 4 mai 2023 à la selarl Tehio, conseil des appelants, sous format Excel l'extraction base du personnel regroupant les données afférentes aux :

* Nombre d'heures payées, d'heures supplémentaires, d'heures d'absences par motif

* coefficient issu de la convention collective

* rémunération mensuelle de base au 31 décembre 2021.

Le cabinet d'expertise comptable et le comité d'entreprise considèrent en page 12 de leurs dernières conclusions déposées le 17 juillet 2023, que la société Socalog a finalement exécuté son obligation de transmission par courriel du 4 mai 2023 et sollicitent in fine de la cour qu'elle déclare cette demande sans objet.

La cour prend acte de cette communication tardive mais constate que la société Socalog n'a toujours pas justifié, en dépit du caractère exécutoire de l'ordonnance déférée, de la communication des conventions, accords de partenariat et accords commerciaux avec la société Rabot, société du groupe Lafleur.

Il convient en conséquence de confirmer la décision prononcée de ce chef, en faisant injonction à la société Socalog de communiquer ces documents dans les cinq jours suivants la signification du présent arrêt, étant rappelé, au regard des motifs ci-dessus exposés, qu'elle ne saurait se prévaloir de la nature confidentielle de certains documents, tels les accords de partenariats pour se soustraire à cette obligation dès lors qu'il ressort de l'article Lp 342 -98 que l'expert-comptable qui a un libre accès à l'entreprise est tenu aux obligations de secret et de discrétion.

En définitive, au regard des motifs ci-dessus exposés, il y a lieu de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné à la société Socalog de communiquer au cabinet Syndex, les conventions, accords de partenariat et accord commerciaux avec la société Rabot, société du groupe Lafleur et, y ajoutant, de l'enjoindre également à communiquer l'ensemble des documents réclamés au titre de l'exercice 2020 selon la liste définie au dispositif du présent arrêt.

II. Sur le prononcé de l'astreinte

La juridiction des référés a assorti l'injonction faite à la société Socalog d'avoir à communiquer les pièces visées dans l'assignation, d'une astreinte de 10 000 francs pacifique par jour de retard, passé un délai de cinq jours à compter de la signification de la décision.

La société Socalog s'oppose à cette prétention en faisant valoir qu'elle doit être nécessairement rejetée en l'absence de trouble manifestement illicite et de tout élément concret démontrant une quelconque rétention infondée de la part de la société Socalog. Elle affirme avoir régulièrement transmis à l'expert-comptable tous les documents nécessaires à l'accomplissement de sa mission dès le 22 juillet 2022, puis de nouveau le 6 mai 2023.

Le cabinet Syndex et le comité d'entreprise exposent que même si la mission d'expertise n'est pas contrainte dans un délai précis en droit local, le cabinet Syndex a été missionné le 4 juillet 2022 et n'a toujours pas finaliser sa mission, plus d'un an plus tard à défaut de transmission par l'employeur des documents utiles à sa mission. Ils demandent en conséquence à ce que la production des documents manquants soit encadrée dans un délai court et réclament, eu égard à la résistance infondée de la direction et à l'urgence de la situation le prononcé d'une astreinte de 100 000 francs par jour de retard.

La cour rappelle à titre préalable que la communication des documents afférents aux exercices 2021 et 2022 (à l'exception des accords de partenariat et des accords commerciaux) n'est pas discutée par les appelants qui ne contestent nullement les avoir reçus.

Pour le surplus, il convient d'observer que le cabinet Syndex désigné par le comité d'entreprise le 31 mars 2022, a transmis sa lettre de mission et demandé communication d'un certain nombre de documents et informations nécessaires à l'exercice de sa mission à la direction de l'entreprise dès le 4 juillet 2022. Si une partie des documents réclamés, relatifs à l'exercice 2021, étaient effectivement transmis, la société Socalog refusait formellement de remettre les éléments attenants à l'exercice 2020 par courriel du 25 juillet 2022 puis refusait le 20 septembre 2022 la communication des conventions et accords commerciaux sur l'exercice 2021. La société Socalog a maintenu ce refus en dépit de la mise en demeure adressée par l'expert-comptable le 22 septembre 2022, et persisté dans ce positionnement jusqu'à ce jour sans aucun motif sérieux, empêchant ainsi l'expert-comptable de poursuivre l'accomplissement de sa mission.

La cour retient que cette résistance n'a pas cédé, malgré la force exécutoire de l'ordonnance déférée, au moins en ce qui concerne les documents relatifs aux conventions, accords de partenariat et accords commerciaux, ce qui justifie le prononcé de l'astreinte, à hauteur de 10 000 francs par jours de retard selon les modalités fixées au dispositif du présente arrêt, en vue de garantir son exécution en temps utile.

III. Sur la demande de provision

Le juge des référés a débouté le cabinet Syndex et le comité d'entreprise de la société Socalog de leur demande de provision au titre du préjudice né de l'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise lié à l'impossibilité pour l'expert-comptable de réaliser sa mission.

Le cabinet Syndex et le comité d'entreprise de la société Socalog réitèrent leur demande de provision à hauteur de 300 000 francs pacifique à valoir sur l'indemnisation du préjudice. Ils rappellent qu'ils ont subi un trouble manifestement illicite au regard des dispositions de l'article Lp 342-33 du code du travail en raison de la rétention des documents sollicités de sorte qu'ils disposent d'une créance indemnitaire non sérieusement contestable, sur laquelle ils fondent la demande de provision.

La société Socalog s'oppose à cette demande en invoquant à nouveau l'existence de contestations sérieuses. Ils soutiennent par ailleurs que la situation n'a engendré aucun préjudice à la partie adverse, puisque le cabinet Syndex a bien été en capacité de réaliser sa mission, ce qui s'est concrétisé par la remise d'un rapport de 75 pages.

Selon le dernier alinéa de l'article 809 du code de procédure civile, le juge des référés peut accorder une provision au créancier d'une obligation d'une obligation qui n'est pas sérieusement contestable.

Au cas d'espèce, si le manquement de la société Socalog à l'obligation légale d'avoir à communiquer à l'expert-comptable missionné par le comité d'entreprise est bien constitutive d'un trouble manifestement illicite justifiant dans les limites ci-dessus exposées, l'injonction d'avoir à s'exécuter, en revanche, l'obligation à réparation découlant de son inexécution ou de son exécution tardive, même si elle n'est pas sérieusement contestable en son principe, reste subordonnée à la preuve d'un préjudice, dont la charge incombe au cabinet Syndex et au comité d'entreprise de la société Socalog.

Or, l'existence d'un tel préjudice n'est pas démontré.

Le cabinet Syndex et le comité d'entreprise seront en conséquence déboutés de leur demande de provision.

IV. Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge du cabinet d'expertise-comptable Syndex et du comité d'entreprise de la société Socalog l'intégralité des frais irrépétibles qu'ils ont dû exposer pour assurer la représentation de leurs intérêts légitimes en justice.

La société Socalog sera condamné de ce chef à leur verser la somme de 250 000 francs sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

V. Sur les dépens

La société Socalog, qui succombe en cause d'appel sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a limité l'obligation pesant sur la société Socalog à la communication aux pièces visées dans l'assignation (conventions, accords de partenariat et accord commerciaux : société Rabot, société du groupe Lafleur), au titre des documents manquants sur l'exercice au 31 décembre 2021 et prévisionnel 2022, dans un délai de cinq jours à compter de la signification de l'ordonnance et ce, sous astreinte de 10 000 francs pacifique par jour de retard passé ce délai ;

Statuant à nouveau, de ce chef,

Condamne la société Socalog à communiquer au cabinet Syndex dans un délai de cinq jours à compter de la signification du présent arrêt et ce, sous astreinte de 10 000 francs par jours de retard passé ce délai, les pièces suivantes :

sur l'aspect comptable et financier :

. bilan social 2020 et compte de résultat

. l'accord d 'entreprise en vigueur

. les liasses fiscales complètes et ses annexes associées 2020

. les données récapitulatives des honoraires versés par la société Socalog

. l 'état des provisions détaillées par nature, avec tableau des dotations et reprises

. le tableau mensuel de trésorerie 2020

. l'évolution mensuelle des dépenses de personnel extérieur : niveau d'effectif catégorie socio-professionnelle (CSP) et coût

. le détail de la constitution du prix de la prestation facturée par client

. le compte de résultat détaillé par entrepôt, service et client

. le détail de la démarque par entrepôt (casse, discount, périmé, écarts inventaires)

. le détail par entrepôt et par service des indicateurs de productivité

. le tableau de bord qualité transmis aux clients, et le détail des gains nets partagés entre Socalog et ses clients

. le rapport du commissaire aux comptes sur l'exercice 2020

sur l'aspect social de l'exercice 2020 :

. l'évolution de l'effectif au 31 décembre et en ETP (équivalent en temps plein) moyens annuels : effectifs globaux, puis effectifs par sites, services, CSP, types de contrats

. le récapitulatif du livre de paie 2020 par matricule

. le bilan de la formation 2020

. l'extraction de la base du personnel non nominative sur un cahier Excel qui regroupe les champs suivants au 31 décembre 2020 :

* numéro de matricule, sexe, âge

* type de contrat de travail (CDI, CDD, autres)

* nombre d'heures contractuelles, nombre d'heures travaillées, nombre d'heures payées, nombre d'heures supplémentaires, nombre d'heures d'absences par motif

* date d'entrée dans l'entreprise et de sortie le cas échéant et son motif

* classification, coefficient issu de la convention collective

* service et entrepôt d'appartenance

* fonction (libellé de l 'emploi),

* ancienneté dans le poste

* ancienneté prise en compte pour le calcul de la prime d'ancienneté

* rémunération annuelle de base et rémunération mensuelle de base au 31/12

* majoration heures supplémentaires

* rémunération variable détaillée par nature (indemnités, prime de fin d'année, autres primes (astreinte, performance, bonus...) et autres éléments de rémunération ;

Dit que l'astreinte ainsi prononcée est provisoire et courra pendant un délai de cent quatre-vingt jours après quoi, il sera de nouveau statué, le cas échéant ;

Déboute le cabinet Syndex et le comité d'entreprise de la société Socalog de leur demande d'indemnité provisionnelle ;

Condamne la société Socalog à verser aux appelantes la somme globale de 250 000 francs pacifique à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Socalog aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00094
Date de la décision : 11/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-11;23.00094 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award