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11/03/2024 | FRANCE | N°22/00111

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 11 mars 2024, 22/00111


N° de minute : 2024/42



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 11 mars 2024



Chambre civile









N° RG 22/00111 - N° Portalis DBWF-V-B7G-S74



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 avril 2022 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/3356)



Saisine de la cour : 21 avril 2022





APPELANT



E.U.R.L. SUD TERRASSEMENT, représentée par ses dirigeants en exercice,

Siège social : [Adresse 2] - [Localité 3]

Représ

entée par Me Philippe GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



S.A. SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE (SGCB),

Siège social : [Adresse 1] - [Localit...

N° de minute : 2024/42

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 11 mars 2024

Chambre civile

N° RG 22/00111 - N° Portalis DBWF-V-B7G-S74

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 avril 2022 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/3356)

Saisine de la cour : 21 avril 2022

APPELANT

E.U.R.L. SUD TERRASSEMENT, représentée par ses dirigeants en exercice,

Siège social : [Adresse 2] - [Localité 3]

Représentée par Me Philippe GILLARDIN de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE (SGCB),

Siège social : [Adresse 1] - [Localité 3]

Représentée par Me Céline DI LUCCIO de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 9 octobre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

11/03/2024 : Copie revêtue de la formule exécutoire - Me GILLARDIN ; Me DI LUCCIO ;

Expéditions - Copie TPI ; Copie CA

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, le délibéré fixé au 18/12/2023 ayant été prorogé au 25/01/2024, au 12/02/2024 puis au 11/03/2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par ordonnance du 21/10/2009, le juge des saisies des rémunérations a autorisé la saisie-arrêt des rémunérations de M. [Z] auprès du tiers saisi, l'EURL Sud terrassement, et a évalué la créance de la Société générale calédonienne de banque (SGCB) à hauteur de 892 171 Fcfp.

Par ordonnance du 18/17/2017, ce même juge a déclaré la société Sud terrassement personnellement débitrice des retenues qui auraient dû être opérées et l'a condamnée à payer au mandataire de la Société générale calédonienne de banque la somme de 903 233 Fcfp. Cette ordonnance a été signifiée le 25/01/2018 à la société Sud terrassement.

Le 30/11/2021, la Société générale calédonienne de banque a fait citer la société Sud Terrassement devant le tribunal de première instance de Nouméa à l'effet de voir valider la saisie-arrêt pratiquée le 26/11/2021 entre les mains de la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie et être autorisée à se faire payer sur les fonds détenus pour le compte du débiteur.

Par ordonnance du 08/12/2021, le juge des référés, saisi par la société Sud Terrassement, a cantonné la saisie-arrêt à la somme de 1 192 584 Fcfp.

Par jugement du 11 avril 2022, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- débouté la société Sud Terrassement de sa demande de rectification d'erreur matérielle relative au montant mentionné dans l'ordonnance du 18/12/2017,

- débouté la société Sud Terrassement de sa demande en nullité de l'ordonnance de contrainte en date du 18/12/2017,

- rejeté la fin de non-recevoir opposée par la société Sud Terrassement et, en conséquence, déclaré recevable la demande en exécution forcée initiée par la Société générale calédonienne de banque,

- validé la saisie-arrêt pratiquée le 26/11/2021 entre les mains de la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie pour la somme de 1 156 532 Fcfp en principal, intérêts et frais,

- dit que les sommes dont le tiers-saisi se serait reconnu ou se reconnaîtrait débiteur à l'égard de la la société Sud Terrassement seraient versées à la Société générale calédonienne de banque en déduction ou jusqu'à concurrence du montant de sa créance en principal, frais et intérêts,

- débouté la société Sud Terrassement de sa demande formée au titre du caractère abusif de la procédure de saisie-arrêt,

- condamné la société Sud Terrassement à verser à la Société générale calédonienne de banque la somme de 40 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge, sur la validité de la saisie-arrêt, a considéré que la Société générale calédonienne de banque disposait d'un titre définitif constitué par la contrainte du 18/12/2018 valablement signifiée le 25/01/2018 et qui n'avait donné lieu à aucune opposition de sorte qu'elle constituait un titre exécutoire permettant de fonder la saisie pratiquée.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 21/04/2022, la société Sud Terrassement a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 22/11/2022 et ses dernières écritures du 22/11/2022 d'infirmer la décision et, statuant à nouveau, de :

- dire que Société générale calédonienne de banque ne dispose d'aucune créance liquide certaine et exigible contre elle,

- fixer le montant de la somme due par la société Sud Terrassement à la somme de 590 064 Fcfp et rappeler que cette somme est due au greffe exclusivement pour le compte de tous les créanciers saisissants,

- ordonner le versement par le séquestre, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie de cette somme au greffe des saisies sur salaire et restituer le surplus à la société Sud Terrassement,

- subsidiairement, dire que la créance de la Société générale calédonienne de banque, fondée uniquement sur l'ordonnance de contrainte du 18/12/2017, ne repose sur aucune cause à l'égard de la société Sud Terrassement ;

- condamner en conséquence Société générale calédonienne de banque au remboursement de cette somme indûment perçue par exécution forcée de la contrainte,

- à titre infiniment subsidiaire, réformer le jugement en ce qu'il a ordonné le règlement des sommes entre les mains du mandataire de la Société générale calédonienne de banque au lieu de rappeler que l'exécution est faite au profit du greffe pour répartition entre les mains des créanciers de M. [Z] ;

- condamner la Société générale calédonienne de banque aux dépens.

Elle expose que le tribunal de première instance a validé la saisie-arrêt sur le constat de l'existence d'une contrainte non frappée d'opposition alors que la concluante n'était nullement débitrice des sommes mentionnées dans la contrainte ; qu'en effet, la Société générale calédonienne de banque n'est pas le créancier personnel de l'employeur fautif puisque c'est le greffe des saisies qui répartit les rémunérations opérées pour le compte de l'ensemble des créanciers ; que l'employeur fautif n'est pas tenu de l'ensemble des dettes de son salarié mais uniquement des sommes qu'elle a omis de verser au greffe ; que Société générale calédonienne de banque exécute à son seul avantage la décision alors que celle-ci est totalement erronée puisque le système judiciaire ne peut mettre à la charge de quiconque plus de droit que ce à quoi le Droit l'astreint ; qu'il y a ici erreur manifeste du juge des saisies qui a délivré une contrainte pour la totalité de la créance de la banque et non pour le montant des retenues qui n'ont pas été opérées par l'employeur et que le titre a été exécuté pour le seul compte de la banque alors que les sommes doivent être remises au greffe pour répartition entre les différents créanciers.

La la société Sud Terrassement estime que le tribunal de la validité qui est aussi tribunal de l'exécution devra répondre à la difficulté tenant à ce que l'ordonnance de contrainte énonce que le tiers saisi est personnellement débiteur des retenues qui auraient dû être opérées mais retient un montant erroné ; qu'il devra également se prononcer sur le fait que la répartition des sommes encaissées doit être faite par le greffe de sorte que la société intimée ne pouvait pas recouvrrer pour son compte exclusif.

Par conclusions du 25/10/2022, l'intimée conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation de la la société Sud Terrassement à lui payer la somme de 250 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir qu'elle dispose d'un titre définitif puisque l'appelante n'a pas fait opposition à la contrainte de sorte que la saisie-arrêt pratiquée en vertu de ce titre est bien fondée ; que la contrainte qui a été délivrée ne comporte pas d'erreur matérielle ; que la répétition de l'indu aujourd'hui soulevée par la la société Sud Terrassement est un moyen nouveau formé pour la première fois en cause d'appel et comme tel irrecevable.

Vu l'ordonnance de clôture,

Vu l'ordonnance de fixation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le quantum de la saisie

L'article 41 de la délibération n° 284 du 24/02/1988 relative aux salaires dispose que « lorsque le tiers saisi n'a pas effectué son versement à l'époque fixée (...), il peut y être contraint en vertu d'une ordonnance qui est rendue d'office par le juge et dans laquelle le montant de la somme à verser est énoncée. »

Ce dispositif relatif à la saisie des rémunérations a été codifié dans le code du travail local.

L'article Lp 144-20 prévoit en effet que « le tiers saisi qui, dans le cas d'une procédure de saisie-arrêt, refuse de faire connaître la situation de droit existant entre lui-même et le débiteur saisi ou fait une déclaration mensongère, est déclaré débiteur pur et simple des retenues qui n'ont pas été opérées et est condamné aux frais par lui occasionnés. »

L'article R144-16 énonce :

«  Lorsque le tiers saisi n'a pas effectué son versement dans les quinze jours mentionnés à l'article R. 144-15, il peut y être contraint en vertu d'une ordonnance qui est rendue d'office par le juge compétent et dans laquelle le montant de la somme à verser est énoncé (...)

L'ordonnance du juge compétent non frappée d'opposition dans le délai de quinze jours devient définitive. Elle est exécutée à la requête du débiteur saisi ou du créancier le plus diligent sur une expédition délivrée par le greffier et revêtue de la formule exécutoire. »

Il résulte de ces textes que l'employeur fautif ne devient pas débiteur pour la totalité de la dette due par le salarié au créancier poursuivant ; il n'est débiteur qu'à due concurrence des saisies qu'il n'a pas opérées.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la contrainte a été rendue contre la société Sud Terrassement pour la totalité de la créance détenue par la Société générale calédonienne de banque à l'encontre du salarié. Pour autant, il ne s'agit pas d'une erreur susceptible de correction. Ainsi que l'a justement apprécié le premier juge, il ne s'agit pas d'une erreur matérielle mais bien d'une erreur intellectuelle d'appréciation qui ne pouvait être simplement réparée par la voie de la rectification.

En revanche, le juge de la validité qui agit en tant que juge de l'exécution a compétence pour apprécier la portée du titre.

En l'espèce, la contrainte comporte une contrariété de motifs : d'un côté, elle reprend les dispositions de l'article Lp 144-20 qui ne met à la charge de l'employeur fautif que le montant des saisies qui auraient dû être retenues, d'un autre côté, elle condamne le même pour la totalité de la créance de la banque, ce qui n'est pas possible au regard des textes concrétisant la saisie des rémunérations.

Par conséquent, il convient de ne valider la saisie qu'à concurrence des retenues qui n'ont pas été opérées soit à la somme de 590 064 Fcfp comme calculée par la la société Sud Terrassement sur la base des retenues opérées antérieurement sur le salaire de M. [Z] et en tenant compte du barème de calcul du greffe outre les intérêts au taux légal courus de la date de signification de la contrainte à la date de la saisie et les frais de 60 575 Fcfp.

Sur les modalités de l'exécution

L'article R144-12 prévoit :

« Le jugement qui prononce la validité de la saisie-arrêt ne confère au saisissant sur les sommes saisies aucun droit exclusif au préjudice des intervenants. L'attribution des sommes saisies aux saisissants ou intervenants résulte des répartitions prévues à l'article R. 144-17 ci-après, à concurrence de la somme répartie. »

L'article R144-17 précise que « La répartition des sommes encaissées dans les conditions prévues aux articles R. 144-15 et R. 144-16 est faite au greffe par le juge assisté du greffier, après convocation des parties intéressées. »

Dès lors que la saisie du compte bancaire de la la société Sud Terrassement a été effectuée au visa des textes régissant la saisie-arrêt des rémunération et sur la base d'une contrainte délivrée par le juge des saisies, les sommes ainsi arrêtées doivent faire l'objet d'une répartition entre les différents créanciers du salarié.

Le jugement entrepris qui prévoit que les sommes seront versées à la Société générale calédonienne de banque en déduction ou jusqu'à concurrence du montant de sa créance, sera infirmé et il sera statué conformément aux dispositions sus-visées.

Sur l'article 700

Il n'est pas inéquitable de débouter les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

La société Sud Terrassement succombant au principal supportera les dépens d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision en toutes ses dispositions,

Et, statuant à nouveau,

Vu les articles Lp 144 - 10 et suivants du code du travail,

Fixe le montant de la somme due par la la société Sud Terrassement à Société générale calédonienne de banque à 590 064 Fcfp en principal outre les frais de 60 575 Fcfp et les intérêts au taux légal échus du 25/01/2018 (date de signification de la contrainte) à la date de la saisie, soit le 26/11/2021,

Valide la saisie-arrêt pratiquée par la Société générale calédonienne de banque le 26/11/2021 entre les mains de la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie pour la somme de 590 064 Fcfp en principal, outre les frais et intérêts comme sus-indiqués,

Rappelle que cette somme devra être versée au greffe des saisies-arrêts sur rémunération pour le compte de tous les créanciers saisissants ;

Ordonne le versement par le tiers-saisi, la société BNP Paribas Nouvelle-Calédonie, des sommes saisies au greffe des saisies sur rémunérations ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Sud Terrassement aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00111
Date de la décision : 11/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-11;22.00111 ?
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