La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2023 | FRANCE | N°21/00039

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 29 juin 2023, 21/00039


N° de minute : 42/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 29 Juin 2023



Chambre sociale









Numéro R.G. : N° RG 21/00039 - N° Portalis DBWF-V-B7F-R7G



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Avril 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :20/38)



Saisine de la cour : 19 Mai 2021





APPELANT



S.A.R.L. [3], représentée par son gérant en exercice

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric DE GRES

LAN membre de la SELARL SOCIÉTÉ D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA, substitué par Maître CALMET, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉ



M. [N] [J]

né le 14 Décembre 1969 à [...

N° de minute : 42/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 29 Juin 2023

Chambre sociale

Numéro R.G. : N° RG 21/00039 - N° Portalis DBWF-V-B7F-R7G

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Avril 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :20/38)

Saisine de la cour : 19 Mai 2021

APPELANT

S.A.R.L. [3], représentée par son gérant en exercice

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric DE GRESLAN membre de la SELARL SOCIÉTÉ D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA, substitué par Maître CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [N] [J]

né le 14 Décembre 1969 à [Localité 4]

demeurant [Adresse 5]

Représenté par Me Denis CASIES membre de la SELARL D'AVOCAT DENIS CASIES, avocat au barreau de NOUMEA

AUTRE INTERVENANT

CAFAT

Siège social : [Adresse 2]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Le 26 mai 2016, M. [N] [J] , qui venait d'être embauché le jour même par la société sarl [3], spécialisée dans la démolition de constructions, exécutait un travail d'évacuation des gravas sur un chantier se trouvant à N'Géa, lorsqu'il s'est appuyé sur une barrière de protection, qui s 'est détachée de son support provoquant sa chute d'une hauteur de plus de trois mètres. Grièvement blessé, il était transporté à l'hôpital et faisait l'objet d'une ITT initiale de 120 jours .

Suite à l' enquête diligentée par l'inspection du travail, un procès- verbal d'infraction était dressé à l'encontre des deux gérants de la société [3] , Mrs [F] et [V] [C] pour ne pas avoir respecté les mesures destinées à garantir la sécurité des salariés.

Dans le cadre de la procédure pénale qui a été engagée à l'encontre des gérants de la société sarl [3], ces derniers ont contesté leur responsabilité et ont considéré qu'il appartenait à la société [6] pour le compte de laquelle la société [3] intervenait, de sécuriser le chantier sur lequel M. [N] [J] est intervenu.

Ils ont été néanmoins déclarés coupables du chef de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité et de prudence dans le cadre du travail et ont été condamnés à une peine d'amende de 500.000 francs pacifique chacun par jugement du tribunal correctionnel de Nouméa du 29 mars 2019. .

En ce qui concerne la constitution de partie civile de M. [N] [J] , le tribunal correctionnel s'est déclaré incompétent pour statuer sur la liquidation du préjudice corporel de ce dernier et a renvoyé l'affaire devant le tribunal du travail .

Cette décision est devenue définitive, Mrs [F] et [V] [C] s'étant désistés de leur appel devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Nouméa, le 1er octobre 2019.

Cet accident était pris en charge par la CAFAT au titre du régime des accidents de travail et des maladies professionnelles .

M. [N] [J] a perçu des indemnités journalières de la CAFAT jusqu'au mois de février 2019.

Le médecin de la CAFAT a fixé la consolidation au 28 février 201 9 avec un taux d'lPP de 71% incluant le coefficient professionnel. Une rente lui est versée par la CAFAT depuis cette date.

Selon requête enregistrée le 14 février 2020, complétée par conclusions postérieures, M. [N] [J] a fait convoquer la société [3] et la CAFAT devant le tribunal du travail aux fins suivantes :

- reconnaître l'existence d'une faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail;

- fixer la majoration de rente servie par la CAFAT au taux maximum ;

- ordonner une expertise médico-psychologique afin de déterminer son préjudice corporel et psychologique aux frais de la CAFAT ;

- condamner la société [3] à lui verser la somme de 300.000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles et aux dépens de l'instance.

Par jugement daté du 27 avril 2021, le tribunal du travail a:

- dit que monsieur [N] [J] a été victime d'un accident du travail le 26 mai 2016 dû à la faute inexcusable de la société [3] , son employeur.

- dit que la majoration de la rente doit être fixée au maximum.

- sursis sur les demandes de la CAFAT concernant le capital constitutif de majoration de la rente et la cotisation supplémentaire de la défenderesse;

- condamné la société [3] à payer la CAFAT la somme de douze millions cent cinquante et un mille huit cent quatre- vingt-dix-neuf (12.151.899) francs pacifique, au titre de ses débours arrêtés à la date du premier septembre 2020.

- ordonné une expertise médicale de M. [N] [J] et commis le docteur [L] pour y procéder

- renvoyé l'affaire à I'audience de la mise en état du vendredi 03 septembre 2021.

-condamné la société [3] à verser à M. [J] la somme de cent cinquante mille (150.000) francs pacifique au titre des frais irrépétibles.

- condamné la société [3] aux dépens.

PROCÉDURE D'APPEL

La société [3] a relevé appel de ce jugement par requête déposée au greffe enregistrée le 19 mai 2021.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 novembre 2022, la société [3] demande à la cour de :

A titre principal

- constater in limine litis la prescription de l'action en reconnaissance de faute inexcusable

- en conséquence, débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes :

A titre subsidiaire, constater l'absence de faute inexcusable de la société [3] dans l'accident du travail du 26 mai 2016

- en conséquence , débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes

-condamner M. [J] au paiement de la somme de 536.000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile , outre les entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 février 2022, M. [J] demande à la cour de :

-confirmer purement et simplement le jugement du tribunal du travail du 27 avril 2021,

Y ajoutant,

- renvoyer les parties devant le tribunal du travail

- condamner la société [3] à verser à M. [J] la somme de 300 000 francs pacifique au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle- Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la Selarl d'Avocat Denis Casies.

La CAFAT , intervenant volontairement en cause d'appel a déposé ses conclusions le 7 octobre 2022 au terme desquelles elle demande à la cour de :

- de constater qu'elle a fourni sa créance et en demande le règlement

- de confirmer en tout point le jugement frappé d'appel , et de valider les calculs du capital de majoration de rente pour faute inexcusable et cotisation supplémentaire semestrielle .

L'affaire a été fixée à l'audience du 27 avril 2023 par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état en date du 10 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de la société [3], qui conteste la décision ayant reconnu l'existence d'une faute inexcusable lui étant imputable en sa qualité d'employeur.

Bien que non explicite l'appel tend ainsi à l'infirmation de l'ensemble des demandes formées par M. [J], découlant de cette reconnaissance à savoir, la majoration de la rente qui lui est allouée à son maximum, et la désignation d'un médecin expert pour obtenir tout élément utile à la détermination des préjudices subis.

Aucun appel n'est formé à l'encontre de la CAFAT de sorte que les dispositions du jugement la concernant ne seront pas débattues devant la cour.

I Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action.

Le tribunal du travail n' a pas statué sur ce point, cette fin de non recevoir n'ayant pas été soulevée.

La société [3] soutient que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur qui doit être engagée dans un délai de deux ans, était prescrite depuis le 16 août 2018, des lors que le caractère professionnel de l'accident du travail était reconnu par tous les protagonistes (victime ,employeur , services administratifs, et CAFAT) depuis le procès verbal du 16 août 2016 concluant l'enquête réalisée par l'inspection du travail. La société '[3]' affirme en effet que M. [J], n'avait pas à attendre l'issue de la procédure pénale et le jugement du tribunal correctionnel du 29 mars 2019 pour engager l'action en reconnaissance de la faute inexcusable.

Elle rappelle en effet que l'existence de l'instance pénale n'a pas d'effet interruptif en cette matière, de sorte que le délai a commencé à courir dès la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident par l'organisme de sécurité sociale en se référant à un arrêt rendu le 27 avril 2000 par la chambre sociale de la cour de cassation et en soutenant que seule l'enquête diligentée par l'inspection du travail peut éventuellement suspendre ce délai.

M. [N] [J] prétend que son action n'est pas prescrite .Il fait valoir que le moyen soulevé par l'employeur selon lequel le délai de deux ans, fixé par l'article 51 du décret 57-245 du 24 février 1957 applicable en Nouvelle-Calédonie, pour réclamer les droits aux prestations et indemnités aurait un point de départ glissant selon les cas, de la date du jour de l'accident, à celle de la clôture de l'enquête ou de la cessation de paiement des indemnités journalières n'est pas pertinent. Il expose que les jurisprudences invoquées par la société [3] pour en justifier ne sont pas transposables au cas d'espèce . Il rappelle que les indemnités journalières lui ont été versées par la CAFAT jusqu'au mois de février 2019, ce qui doit marquer le point de départ du délai biennal , qui n'était pas encore expiré au 14 février 2020, date à laquelle il a saisi le tribunal du travail

La cour rappelle qu'au terme de l'article 51 du décret n° 57 6245 du 24 février 1957, applicable en Nouvelle Calédonie, la prescription biennale en matière de maladie professionnelle et d'accident de travail court à dater du jour de l'accident, ou de la clôture de l'enquête ou de la cessation de paiement de l'indemnité journalière , la date de l'accident étant la date de la première constatation selon les dispositions de l'article 42 du décret précité.

Cependant, le délai de deux ans s'impose au salarié , qui n'a pas la liberté de choisir parmi l'ensemble des événements énumérés par ce texte, celui à compter duquel il entend faire débuter ce délai, dont le point de départ est nécessairement fixé à la date à laquelle à l'accident du travail a été reconnu officiellement par l'organisme de sécurité sociale.

Au cas d'espèce, l'accident dont M. [J] a été victime a immédiatement déclaré comme accident du travail le lendemain des faits, et l'enquête de prévention, qui décrit son déroulement, les modalités de prise en charge de la victime et les premières conséquences de la chute, a été réalisée le 26 juin 2016. L'enquête de l'inspection du Travail s'est achevée le 16 août 2016, et a été transmise au parquet le 1er septembre 2016, avec le procès verbal précisant les infractions relevées à l 'encontre de l'employeur pour manquement aux règles de sécurité .

Il en découle que le caractère professionnel de l'accident a été officiellement et définitivement reconnu par la CAFAT au terme de l'enquête réalisée par l'inspection du Travail , dès le 16 août 2016 date qui constitue le point de départ du délai lequel a ainsi expiré le 26 août 2018 .

La cour relève que la convocation remise à l'employeur , M. [V] [C], le 15 juin 2018 , d'avoir à comparaître devant le tribunal correctionnel de Nouméa le 4 septembre 2018, n'est pas une cause d'interruption de la prescription au sens de l'article 2241 du code de procédure civile, dans la mesure où l'action en majoration de rente pour faute inexcusable de l'employeur et l'action pénale intentée à la suite d'un accident de travail poursuivent un but différent. Il en résulte que la seconde ne peut ni suspendre ni interrompre le cours de la prescription applicable à la première, étant rappelé que l'instance pénale n'interdisait nullement à M. [J] de saisir la juridiction du travail.

En conséquence, force est de constater qu'à défaut pour ce dernier de rapporter la preuve d'une quelconque cause de suspension ou d'interruption de la prescription, son action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur se trouve prescrite.

Dans ces conditions, la cour infirmera la décision des premiers juges pour déclarer M. [J] irrecevable en son action, les autres points de droit étant désormais privés de tout objet.

II Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de la position économique respective des parties, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de la société [3] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a du exposer.

III Sur les dépens,

Pour les mêmes raisons, le dépens de l'instance d'appel resteront à la charge de la société [3].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré conformément à la loi,

- Vu la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur soulevée devant la cour,

- Infirme le jugement rendu le 27 avril 2021 par le tribunal du Travail en toutes ses dispositions exception faite dela disposition ayant condamné la société '[3]' à payer la CAFAT la somme de douze millions cent cinquante et un mille huit cent quatre- vingt-dix-neuf (12.151.899) francs pacifique, au titre de ses débours arrêtés à la date du premier septembre 2020.

Statuant à nouveau,

- Déclare M. [N] [J], irrecevable en son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, éteinte par prescription

- Rappelle que le présent arrêt est opposable à la CAFAT

-Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile

- Laisse les dépens à la charge de la société [3]

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00039
Date de la décision : 29/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-29;21.00039 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award