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26/06/2023 | FRANCE | N°21/00099

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 26 juin 2023, 21/00099


N° de minute : 40b/2023





COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 26 juin 2023



Chambre sociale









Numéro R.G. : N° RG 21/00099 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SU7



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG n° 20/23)



Saisine de la cour : 22 décembre 2021





APPELANT



Mme [P] [J]

née le 15 mai 1973 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Myr

iam LAGUILLON de la SELARL LEXNEA, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



S.A. LE NICKEL, représentée par son Directeur en exercice,

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Fabien CHAMBARLHAC de la...

N° de minute : 40b/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 26 juin 2023

Chambre sociale

Numéro R.G. : N° RG 21/00099 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SU7

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 novembre 2021 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG n° 20/23)

Saisine de la cour : 22 décembre 2021

APPELANT

Mme [P] [J]

née le 15 mai 1973 à [Localité 2],

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Myriam LAGUILLON de la SELARL LEXNEA, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. LE NICKEL, représentée par son Directeur en exercice,

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Fabien CHAMBARLHAC de la SELARL SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 novembre 2007, Mme [J] a été engagée par la société SLN en qualité de « technicien études », niveau IV.1, avec reprise d'ancienneté à compter du 29 mai 2007, pour tenir compte de l'exécution d'un précédent contrat de travail à durée déterminée.

Mme [J] a été élue délégué du personnel suppléant du collège AATAM pour la période du 21 juillet 2018 au 20 juillet 2020.

Le 3 avril 2017, Mme [J], qui avait consulté l'infirmerie, a été déclarée « inapte temporaire » par le médecin du travail de la société SLN.

Le jour même, elle a été placée en arrêt de travail par le docteur [Y], médecin généraliste, jusqu'au 18 avril 2017, pour « anxiété aiguë majeure sur conflit au travail » et « sentiment d'épuisement psychologique ». Cet arrêt de travail sera successivement prolongé jusqu'au 7 janvier 2018.

Le 4 avril 2017, elle a déposé une déclaration d'accident du travail à la CAFAT pour un accident survenu le 3 avril 2017 à 8 heures 15.

Par lettre datée du 26 septembre 2017, la CAFAT a informé Mme [J] que la commission de conciliation et de recours gracieux avait accepté de reconnaître le caractère professionnel de l'accident survenu le 3 avril 2017.

Le 8 janvier 2018, le médecin du travail a déclaré Mme [J] « apte à la reprise à mi-temps thérapeutique pour une durée initiale de 3 mois » avec « horaires journaliers souhaitables de 07h00 à 10h45. »

Mme [J] a été placée par le docteur [B], psychiatre, en arrêt de travail du 25 mai 2018 au 10 juin 2018, pour « hyperactivation neurovégétative, anxiété, (mot illisible), altération thymique », arrêt prolongé jusqu'au 10 juillet 2018, la salariée reprenant le travail le 11 juillet 2018.

Elle a été placée en arrêt de travail par le docteur [L], médecin généraliste, du 18 septembre 2018 au 8 octobre 2018 pour « récidive de manifestations anxieuses dans un contexte de harcèlement moral ».

Dans le cadre d'une réorganisation de l'entreprise, l'employeur lui a, par lettre datée du 11 juillet 2018, proposé de « se positionner », dans un délai de sept jours, sur les emplois suivants :

« 1- Poste de technicien bureau technique à la direction usine (poste pérenne)

2- Accompagner le projet 'Mettre en place une méthode standard de consignation' (projet temporaire de minimum 12 mois) ».

L'employeur a renouvelé sa proposition dans une lettre datée du 23 juillet 2019.

Par lettre datée du 16 août 2019, Mme [J] a notifié son refus de changer de poste et sollicité sa « réintégration à (son) poste de travail. »

Par requête introductive d'instance déposée le 30 janvier 2020, Mme [J], qui affirmait être victime d'un harcèlement moral, tenant au comportement de ses supérieurs hiérarchiques, à la suppression de son poste et à sa mise à l'écart, a poursuivi la société SLN devant le tribunal du travail de Nouméa pour obtenir la réparation de son préjudice.

Parallèlement, selon ordonnance de référé en date du 26 mai 2020, le président du tribunal du travail, retenant qu'aucune procédure de licenciement n'avait été engagée à l'encontre de Mme [J] et que celle-ci avait été victime d'une modification unilatérale de son contrat de travail puisque son poste avait été supprimé, a ordonné la réintégration de Mme [J] à son poste et dans ses fonctions de technicien supérieur études DETI classification 5-2, sous astreinte de 10.000 FCFP par jour de retard et condamné la société SLN à payer une somme de 100.000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.

Par jugement en date du 23 novembre 2021, le tribunal du travail de Nouméa a :

- débouté Mme [J] de toutes ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à paiement de frais irrépétibles,

- condamné Mme [J] aux dépens.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- qu'il n'était pas démontré que la salariée avait été dénigrée, agressée ou fait été victime d'une discrimination de la part de la hiérarchie ;

- que la salariée avait été invitée à solliciter sa mutation dans le cadre d'un plan de restructuration des emplois motivé par des difficultés économiques ;

- que Mme [J] avait refusé de s'inscrire dans ce processus de mutation alors que la modification de son contrat de travail était licite ;

- que si l'employeur n'avait pas suivi la procédure justifiée par la situation de la salariée, celle-ci n'avait pas été « mise au placard » ;

- que Mme [J] ne démontrait pas que son état dépressif et son anxiété avaient pour origine la dégradation de ses conditions de travail.

Par requête déposée le 22 décembre 2021, Mme [J] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives transmises le 23 août 2022, Mme [J] demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- dire et juger que Mme [J] a été victime d'une situation de harcèlement moral au sein de la société SLN ;

- condamner la société SLN à payer à Mme [J] la somme de 5.000.000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et résultant du harcèlement moral ;

- condamner la société SLN à payer à Mme [J] la somme de 500.000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat caractérisé notamment par l'absence de prévention par l'employeur des faits de harcèlement moral ;

- dire et juger qu'en application de l'article 1153-1 du code civil, l'ensemble des sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;

- prononcer la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil ;

- condamner l'employeur à lui verser la somme de 840.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'employeur aux dépens.

Selon conclusions transmises le 28 juillet 2022, la société SLN prie la cour de :

- rejeter l'appel interjeté par Mme [J] comme irrecevable en la forme s'il y a lieu, et en toute hypothèse comme mal-fondé ;

- la débouter de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- condamner Mme [J] à payer à la société SLN une somme de 500.000 FCFP au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

- la condamner enfin aux entiers dépens d'appel.

Sur ce, la cour,

1) Mme [J] affirme avoir été victime d'un harcèlement moral ayant résidé dans :

- les propos dénigrants tenus par M. [X], son supérieur hiérarchique, en 2016,

- la violente verbale et la gestuelle menaçante de M. [X] lors d'une réunion improvisée du 3 avril 2017,

- le comportement de ses supérieurs en 2018,

- le retrait de son poste et sa mise au placard,

- les erreurs de calcul d'éléments de rémunération,

- la suppression des astreintes.

2) L'article Lp 114-1 du code du travail applicable en Nouvelle-Calédonie dispose : « Sont constitutifs de harcèlement moral et interdits, les agissements répétés à rencontre d'une personne, ayant pour objet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale, de compromettre son avenir professionnel. »

Cette définition est plus restrictive que celle adoptée par le code du travail métropolitain. L'article L 1154-1 de ce même code n'est pas davantage applicable en Nouvelle-Calédonie de sorte que les règles sur la charge de la preuve posées par ce texte, auxquelles Mme [J] se réfère, n'ont pas vocation à régir le présent litige. La cour doit, selon les termes de l'article Lp 114-7 du code du travail local, « former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. »

3) Mme [J] expose que dès 2016, M. [X], récemment nommé chef du département DETI dans lequel elle travaillait, avait tenu des propos dénigrants à son égard.

A l'instar des premiers juges, et pour des motifs identiques, la cour retiendra que le dossier ne permet pas d'affirmer que M. [X] aurait tenu de tels propos.

4) Il résulte du dossier qu'à la suite du départ d'un de ses collègues ([R]), Mme [J] s'est, de sa propre autorité, installée dans le bureau laissé vacant, en profitant de son astreinte de week-end. Le lundi 3 avril 2017, en début de matinée, M. [X], en présence de M. [T], supérieur hiérarchique immédiat de la salariée (N + 1), qui souhaitait réorganiser les bureaux compte tenu de tensions au sein des membres du service, a intimé à Mme [J] de libérer ce bureau.

Mme [J] reproche à M. [X] (N+2) de l'avoir violemment prise à partie, sans que M. [T] n'intervînt. Elle affirme que M. [X] avait lancé la discussion « avec un ton déjà très soutenu sur le fait (qu'elle avait) déménagé (son) bureau », avait ensuite « intensifié le ton dans ses réprimandes », eu des « gestes brusques » et lui avait fait « signe du doigt » de quitter le bureau.

Dans le rapport d'accident établi le 3 avril 2017 par l'employeur (annexe n° 4), M. [T] fait état d'une « altercation » entre Mme [J] et son chef de service à propos de « l'organisation des bureaux ». Le vocable « altercation » renvoie à une querelle brève mais vive, voire « violente » selon la définition donnée par le dictionnaire Larousse, émaillée de « répliques désobligeantes » selon le dictionnaire Le Robert. L'usage de ce terme permet d'induire que M. [X] n'a pas su conserver son sang froid.

En l'état de ces éléments, la cour retiendra qu'il est établi que le supérieur hiérarchique a eu un comportement inapproprié en tentant de réaffirmer son autorité lors de l'entretien du 3 avril 2017.

5) Dans un mail adressé le 2 octobre 2018 au CHSCT, Mme [J] a exposé que « la hiérarchie (n'avait) cessé de s'acharner sur (elle) avec intimidations, médisances et mépris » en dénonçant les faits suivants :

- « Traitement uniquement réservé à ma personne. Lorsque je recevais une demande orale mon N+1, dans le cas d'un oubli, aussitôt mon N+1 me le rappelait de façon malveillante pour courrier électronique. J'ai ressenti cette différence de traitement, comme de la discrimination. Alors que nous étions 7 techniciens dont 6 hommes, qu'à aucun moment ces 6 collègues techniciens ont été inquiétés ou relancés par mail, pour des tâches non réalisées ou autres. »

- « Début mai, cette même hiérarchie a voulu me sanctionner pour des faits non avérés qui d'ailleurs, n'a pas abouti car GRH a demandé un complément d'information qui n'a pas pu être justifié. »

- « Puis le 25 mai 2018 dans la matinée, M. [X] a encore abusé de son autorité, ce qui m'a valu une incapacité à reprendre mon travail de plus de 45 jours.

- « Le 08 août 2018 au matin, M. [X] m'a tenu des propos que j'ai ressenti comme vexatoires en présence de M. [E], dans le couloir au rez de chaussée Deti, encore une fois je me suis sentie rabaissée et humiliée. »

En dépit des remarques faites sur ces point par le tribunal du travail, la cour ignore toujours en quoi M. [X] avait abusé de son autorité le 25 mai 2018, ni ne connaît les propos vexatoires qu'aurait tenus ce supérieur le 8 août 2018.

Il n'est pas démontré que la salariée ferait l'objet d'un traitement discriminatoire en cas d'oublis. En effet, dans une attestation du 8 décembre 2020, M. [C] explique qu'en cas d'oublis dans les relevés de détecteurs CaC2, « on a pas été convoqué par [K] [E], au bureau comme [U] '' » ; or, Mme [J] ne se plaint pas d'avoir été convoquée par son supérieur mais d'avoir reçu un mail de rappel. Ainsi que l'ont observé les premiers juges, le mail adressé le 3 mai 2018 par M. [T] à la suite d'un oubli dans le « suivi multijet » (annexe n° 17 de l'employeur), ne contient ni termes désobligeants, ni termes agressifs.

La cour ne retiendra pas davantage que Mme [J] avait été victime de pratiques persécutrices tirées de menaces de sanction pour des faits non avérés, en l'absence de preuve de ces pratiques.

6) Mme [J] reproche à son employeur de lui avoir retiré son poste de travail et tâches afférentes d'avril 2019 jusqu'au 25 juin 2020, date de sa réintégration.

Dans le cadre d'une réorganisation des emplois des cadres et des agents de maîtrise, baptisée « Plan SLN 2020 », l'employeur, après plusieurs entretiens, a proposé à Mme [J] d'occuper un « poste de technicien bureau technique à la direction usine (poste pérenne) » ou de « chargé de projet » pour la mise en place d'une méthode standard de consignation' (projet temporaire de minimum 12 mois) » (lettre du 11 juillet 2019). Après plusieurs relances, la salariée a indiqué « réitérer (son) refus pour ces deux propositions de changement de poste » et réclamer « le respect du droit de (son) contrat de travail et (sa) réintégration à (son) poste de travail ». Après lui avoir rappelé qu'elle conserverait sa classification actuelle (lettre du 27 août 2019), la société SLN lui a proposé un poste de « technicien de gestion de l'énergie », puis un poste de « technicien de sûreté » (lettres des 13 et 26 septembre 2019).

En dépit du refus de la salariée d'intégrer la nouvelle organisation, aucune procédure de licenciement n'a été engagée.

Selon décision du 26 mai 2020, le juge des référés a ordonné la réintégration de Mme [J] « à son poste et dans ses fonctions de technicien supérieur études DETI », sous astreinte.

Si l'employeur insiste sur « le refus systématique de toutes les offres » faites à la salariée et le « mépris » de cette dernière pour les intérêts de l'entreprise, il ne décrit pas les tâches réalisées par Mme [J] durant la période litigieuse, ni ne justifie lui avoir confié le moindre travail. Le « tableau de suivi des entretiens réalisé par le cabinet CDEC » (annexe n° 27 de l'intimée) laisse entendre que Mme [J] n'avait plus d'activité puisque celle-ci était au 3 mai 2019 « en attente de missions ».

Dans ces conditions, la cour tiendra que Mme [J] est fondée à se plaindre d'un retrait de ses tâches, soit d'une pratique tenue pour prohibée. Dans une attestation du 8 décembre 2020, M. [C] ajoute même qu'un responsable nouvellement arrivé, M. [E] « les » avait « tous convoqués pour (leur) dire de ne plus solliciter [U] au niveau travail ».

7) Mme [J] dénonce des erreurs de calcul de sa prime d'intéressement pour les années 2017 et 2018, des erreurs relatives au salaire servant d'assiette aux indemnités CAFAT et d'une erreur concernant la « prime VL ».

En l'état des éléments fort succincts soumis à la cour sur ces erreurs, l'erreur sur la « prime VL » n'étant même pas illustrée, à l'instar des premiers juges, la cour ne retiendra pas ce grief

8) Mme [J] verse au débat le planning d'astreinte pour la période du 14 août 2019 au 7 avril 2020, diffusée le 12 août 2019 par M. [A]. A aucun moment, le nom de Mme [J] n'apparaissait pas sur ce planning.

Il n'est pas contesté que Mme [J] avait participé jusqu'alors au service d'astreinte.

Selon une remarque non contestée de la salariée, la participation au service d'astreinte lui assurait un revenu de 598.220 à 658.042 FCFP par an.

Pour dénier à la suppression des astreintes toute dimension punitive, la société SLN observe que l'astreinte n'était « absolument par liée au poste de travail » de Mme [J] puisque ni son contrat de travail, ni la fiche de poste n'en faisaient mention et que l'établissement du planning des astreintes relevait « uniquement de l'exercice du pouvoir de direction de l'employeur ». Cette argumentation est insuffisante pour emporter la conviction de la cour en ce que l'employeur n'expose pas le motif pour lequel Mme [J] avait été retirée d'un service auquel elle participait.

La période concernée par le tableau litigieux est celle pendant laquelle Mme [J] a été privée d'activité. Il existe une corrélation entre la suppression de toute astreinte, dont l'impact financier n'était pas neutre pour la salariée, et le conflit sur le repositionnement de Mme [J].

La cour reconnaîtra à l'exclusion de la salariée du service des astreintes le caractère de pratique persécutrice.

9) Le dossier démontre que l'employeur n'a pas su gérer les comportements opposants de Mme [J], salariée susceptible qui pouvait être agressive (témoignages de M. [I] ou de Mme [S]), qu'il s'agisse de sa décision unilatérale d'occuper un bureau vacant ou de son refus de participer au plan de restructuration des emplois. La salariée a été visée par des pratiques managériales pathogènes qui tendaient à l'humilier (comportement violent de son supérieur hiérarchique), à la rendre invisible dans l'entreprise (suppression des tâches qui lui avaient été jusqu'alors confiées, disparition de l'organigramme), à la persécuter (perte des revenus attachés aux astreintes), voire à l'isoler (témoignage de M. [C]). En raison de leur accumulation et de leur persistance dans le temps, ces pratiques ont été constitutives d'un harcèlement moral au sens de l'article Lp 114-1 du code du travail.

Ces pratiques ont eu une incidence sur la santé de Mme [J] (état de stress, syndrome anxio-dépressif), comme en attestent les pièces médicales versées par Mme [J].

En l'état de ces éléments, le préjudice occasionné par le harcèlement moral sera évalué à 2.500.000 FCFP.

10) Mme [J], qui a été indemnisée pour le préjudice occasionné par le harcèlement moral, ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct résultant du défaut de prévention de ce harcèlement moral. En conséquence, elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société SLN à payer à Mme [J] les sommes suivantes :

- 2.500.000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice occasionné par le harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- 450.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1154 du code du code civil ;

Déboute Mme [J] du surplus de ses demandes ;

Condamne la société SLN aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00099
Date de la décision : 26/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-26;21.00099 ?
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