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26/06/2023 | FRANCE | N°20/00057

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 26 juin 2023, 20/00057


N° de minute : 44/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 26 juin 2023



Chambre commerciale









Numéro R.G. : N° RG 20/00057 - N° Portalis DBWF-V-B7E-RCQ



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2020 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° :19/455)



Saisine de la cour : 22 juin 2020





APPELANT



S.N.C. SOCIETE DE SERVICES PETROLIERS, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Siège social :

[Adresse 1]

Représentée par Me Fabien MARIE membre de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉ



S.A. SOCIETE MOBIL INTERNATIONAL PETROLEUM CORPORATION

Siège so...

N° de minute : 44/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 26 juin 2023

Chambre commerciale

Numéro R.G. : N° RG 20/00057 - N° Portalis DBWF-V-B7E-RCQ

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 juin 2020 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° :19/455)

Saisine de la cour : 22 juin 2020

APPELANT

S.N.C. SOCIETE DE SERVICES PETROLIERS, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Fabien MARIE membre de la SELARL D'AVOCATS CALEXIS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. SOCIETE MOBIL INTERNATIONAL PETROLEUM CORPORATION

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric DESCOMBES, membre de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

M. François BILLON, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

La délibération n° 173 du 29 mars 2006 relative à la structure du prix de l'essence et du gazole a posé le principe d'un prix unique de l'essence et du gazole en Nouvelle-Calédonie. Son titre II a défini la structure du « prix maximum de cession aux revendeurs ».

Cette délibération a été modifiée par la délibération n° 98/CP du 5 septembre 2018 portant modification de la délibération modifiée n° 173 du 29 mars 2006 relative à la structure des prix de l'essence et du gazole. Cette délibération a modifié la structure du « prix maximum de cession aux revendeurs » en ajoutant au « produit d'activité grossiste » deux nouvelles composantes :

- « le revenu au titre des investissements » fixé en fonction du montant global des investissements réalisés par les sociétés pétrolières au titre de l'activité d'importation et de stockage en dépôt et en stations-service (article 5-1)

- « le revenu forfaitaire au titre de l'exploitation », actualisé chaque mois et fixé sur la base des coûts d'exploitation des sociétés pétrolières (article 5-2).

L'article 5-1 de la délibération n° 173 du 29 mars 2006, dans sa rédaction issue de la délibération n° 98/CP du 5 septembre 2018, intitulé « le revenu au titre des investissements »; dispose :

« Le revenu au titre des investissements est fixé en fonction du montant global des investissements réalisés par les opérateurs pétroliers importateurs au titre de l'activité d'importation et de stockage en dépôt et en station-service de l'essence et du gazole, et des volumes d'essence et de gazole sortis des dépôts principaux de stockage. La nature des investissements visés est précisée par arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Est défini comme dépôt principal de stockage, un dépôt pétrolier régulièrement approvisionné en produits pétroliers directement importés.

Ce revenu comporte une part liée à l'amortissement, une part liée à la rémunération financière du capital immobilisé et une part liée au niveau de stock de produits pétroliers.

La part d'amortissement est égale au montant des amortissements sur les immobilisations qui sont en service sur l'exercice concerné.

La part de rémunération du capital immobilisé s'obtient par l'application d'un taux de rémunération appliqué aux immobilisations nettes des investissements. Ce taux de rémunération appliqué à cette assiette sur toute la durée d'amortissement est celui en vigueur pour la période tarifaire à laquelle l'investissement est entré en service.

La part de rémunération liée au stock s'obtient par l'application d'un taux de rémunération appliqué aux stocks moyens de l'année écoulé et tient compte des obligations de constitution de stocks stratégiques.

Ce revenu est actualisé chaque année sur la base des données comptables des opérateurs pétroliers certifiés par leur commissaire aux comptes et de l'évolution des volumes de produits pétroliers sortis des dépôts principaux de stockage.

Le revenu global autorisé se répartit entre chacune des sociétés pétrolières en fonction des investissements respectifs réalisés sur chaque exercice et des niveaux de stocks respectifs constatés. Le gouvernement fixe par arrêté les formules nécessaires à la répartition du revenu global autorisé entre les sociétés pétrolières, ainsi que les modalités et les échéances de paiement. »

Un arrêté n° 2018-2365/GNC du 25 septembre 2018 portant modification de l'arrêté modifié n° 2006-1339/GNC du 10 avril 2006 relatif aux modalités de calcul des tarifs applicables à la vente au détail de l'essence et du gazole, pris par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie au visa de la délibération modifiée n° 173 du 29 mars 2006 relative à la structure du prix de l'essence et du gazole, a fixé les modalités de calcul du produit d'activité grossiste, du revenu au titre de l'investissement octroyé aux opérateurs pétroliers.

Son article 6 dispose :

« Après l'article 3-1 ci-dessus de l'arrêté modifié n° 2006-1339/GNC du 10 avril 2006 susvisé, il est inséré un article 3-2 rédigé comme suit :

« Article 3-2 : Flux de péréquation au titre des investissements 

Conformément à l'article 5-1 de la délibération modifiée n° 173 du 29 mars 2006 susvisée, le revenu octroyé à la profession pétrolière est réparti entre opérateur pétrolier au travers de flux de péréquation calculés comme suit pour chaque opérateur pétrolier i :

Fluxi (N - l) = RCapex (N-1) x Fi (N- 1) ' Rcapexi (N- 1) x ' '1(N- 1)

Avec :                                                                          

RCapex         le revenu forfaitaire au titre de l'investissement ;

RCapexi         le revenu forfaitaire au titre de l'investissement octroyé à l'opérateur pétrolier i ;

Vi (N-1)         les volumes d'essence et de gazole vendus à partir des dépôts principaux de stockage par l'opérateur pétrolier i sur l'exercice comptable N-1.

Si le flux est positif, l'opérateur pétrolier i verse tout ou partie de ce montant à un ou aux autres opérateurs pétroliers dont le flux est négatif.

Les flux financiers à opérer au titre de l'année écoulée sont publiés au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie et sont opérés dans un délai d'un mois après leur publication. ».

Un « avis relatif à la structure des prix de l'essence et du gazole » a été publié dans le Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie du 30 avril 2019 (page 8524), fixant les valeurs des divers éléments de la structure des prix pour la période du 1er au 31 mai 2019 et disposant :

« Flux de péréquation au titre des investissements pour la période allant du 1er octobre 2018 au 31 mars 2019 :

- Le flux de péréquation au titre des investissements versé par la Société de Services Pétroliers (SSP) à la société Total Pacifique est de 2 462 513 F CFP. Le versement est à opérer dans un délai d'un mois après la publication du présent avis. 

- Le flux de péréquation au titre des investissements versé par la Société de Services Pétroliers (SSP) à la société International Petroleum Corporation est de 59 101 365 F CFP. Le versement est à opérer dans un délai d'un mois après la publication du présent avis. »

Selon la requête introductive d'instance déposée le 7 octobre 2019, la société Mobil international petroleum corporation a attrait la Société de services pétroliers devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 59 101 365 FCFP au titre du flux de péréquation.

Par jugement réputé contradictoire en date du 12 juin 2020, la juridiction saisie a :

- condamné la Société de services pétroliers à payer à la société Mobil international petroleum corporation la somme de 59.101.365 FCFP avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 juillet 2019,

- dit que les intérêts pourraient être capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions, hors celles ayant trait aux dépens,

- condamné la Société de services pétroliers au paiement d'une somme de 100.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de la selarl D & S légal.

Selon requête déposée le 22 juin 2020, la Société de services pétroliers a interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 30 août 2021, cette cour a sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pendante devant le juge administratif sur la légalité de l'arrêté n° 2018-2365/GNC.

Aux termes de ses conclusions transmises le 16 août 2022, la Société de services pétroliers demande à la cour :

à titre principal,

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir du Conseil d'Etat sur le recours engagé par la Société de services pétroliers en demande d'annulation de l'arrêté de la Nouvelle-Calédonie du 25 septembre 2018 portant modification de l'arrêté modifié n° 2006-1339/GNC du 10 avril 2006 relatif aux modalités de calcul des tarifs appliqués à la vente au détail de 1'essence et du gazole ;

sur le fond,

- constater que la société international petroleum corporation ne justifie pas du bien fondé du quantum de sa créance ;

- infirmer le jugement dont appel en l'ensemble de ses dispositions ;

- condamner la société international petroleum corporation à payer à la société de services pétroliers la somme de 500.000 FCFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux

entiers dépens dont distraction au profit de la selarl Calexis.

Selon conclusions transmises le 13 septembre 2022, la société international petroleum corporation prie la cour de :

- débouter la Société de services pétroliers de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner la Société de services pétroliers au versement de la somme de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la selarl D&S Légal.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 novembre 2022.

Sur ce, la cour,

1) Par arrêt du 21 mars 2022, la cour administrative d'appel de Paris, devant laquelle la Société de services pétroliers contestait la légalité de l'arrêté n° 2018-2365/GNC du 25 septembre 2018 portant modification de l'arrêté modifié n° 2006-1339/GNC du 10 avril 2006 relatif aux modalités de calcul des tarifs applicables à la vente au détail de l'essence et du gazole, a rejeté la requête de l'appelante.

En cours de délibéré, la société international petroleum a adressé à la cour l'arrêt rendu le 24 mai 2023 par lequel le Conseil d'Etat a déclaré non admis le pourvoi de la Société de services pétroliers formé contre l'arrêt du 21 mars 2022. Par suite, le débat initié par l'appelante sur la légalité de l'arrêté n° 2018-2365/GNC du 25 septembre 2018 est clos et la légalité de l'arrêté litigieux définitivement acquise. Il n'y a pas lieu d'ordonner un nouveau sursis à statuer dans l'attente d'une décision qui a été rendue.

2) L'article 5-1 de la délibération n° 173 du 29 mars 2006, dans sa rédaction issue de la délibération n° 98/CP du 5 septembre 2018, institue un « revenu au titre des investissements » qui a vocation à être réparti entre les opérateurs pétroliers, que sont les parties au litige, chaque année. Les formules de calcul et de répartition de ce revenu entre les opérateurs ont été fixées par les articles 3-1 et 3-2 de l'arrêté modifié n° 2006-1339/GNC du 10 avril 2006 dont la légalité a été vainement contestée par la Société de services pétroliers devant les juridictions administratives. L'appelante est mal fondée à soutenir que ces formules seraient incomplètes en ce que la « rémunération Capex » (définie par l'article 3 de l'arrêté modifié n° 2006-1339/GNC comme le revenu au titre de l'investissement, exprimé en franc CFP) n'aurait jamais été fixée par les pouvoirs publics mais simplement définie dans ses grands principes par l'arrêté 2018-2365/GNC, puisque les formules de calcul sont fournies par l'article 3-1.

Les dispositions de l'arrêté modifié n° 2006-1339/GNC étant entrées en vigueur le 1er octobre 2018 et l'article 3-1 précité faisant référence au revenu au titre d'investissement applicable au 1er avril de l'année N au 30 mars de l'année N+1, la période d'application du mécanisme court du 1er octobre 2018 au 31 mars 2019.

Il résulte d'un jugement rendu le 13 février 2020 par le tribunal administratif de Nouméa (annexe n° 5 de l'appelante) que la Société de services pétroliers avait sollicité l'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de retrait de l'avis du 30 avril 2019 et relatif à la structure des prix de l'essence et du gazole mais que sa requête a été rejetée.

Dans son jugement du 13 février 2020, le tribunal administratif de Nouméa a écarté le moyen, repris dans la présente instance, tenant à ce que la Société de services pétroliers ne disposerait pas des informations chiffrées nécessaires au calcul, en observant que les volumes globaux d'essence et de gazole vendus par ses concurrents avaient « la nature d'information protégées par le secret des affaires » et qu'il lui appartenait de « saisir la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) pour obtenir la communication de documents qui lui paraissent nécessaires à la compréhension de la détermination du flux de péréquation ». En dépit de l'ancienneté de ce jugement, la Société de services pétroliers n'a toujours pas jugé utile de saisir la CADA, se contentant de faire part dans ses conclusions de son intention de le faire.

Les données agrégées prises en compte par les pouvoirs publics pour chiffrer le flux de péréquation ont été transmises le 3 juin 2019 par le chef du service de l'énergie à la Société de services pétroliers. La Société de services pétroliers, dont la carence vient d'être observée, ne démontre pas que les données agrégées qui lui ont été communiquées sont inexactes.

Enfin, dans sa « note de structure des prix », qui constitue son annexe n° 7, la Société de services pétroliers élabore une critique du système de péréquation dont elle dénonce « l'effet pervers » mais elle ne propose aucune analyse précise et vérifiable du calcul proprement dit qui démontrerait une erreur faite par l'administration.

Dans ces conditions, la cour retiendra que la Société de services pétroliers est redevable de la somme de 59 101 365 FCFP au titre des investissements réalisés par sa concurrente, telle que calculée dans l'avis publié le 30 avril 2019.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne la Société de services pétroliers à payer à la société Mobil international petroleum une indemnité complémentaire de 350.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Société de services pétroliers aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la selarl D & S Légal.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/00057
Date de la décision : 26/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-26;20.00057 ?
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