La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/06/2023 | FRANCE | N°21/00411

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 19 juin 2023, 21/00411


N° de minute : 119/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 19 juin 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 21/00411 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SVS



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 novembre 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 19/1364)



Saisine de la cour : 27 décembre 2021





APPELANT



M. [K] [T]

né le 16 août 1942 à [Localité 5] - [Localité 6],

demeurant [Adresse 2]

Repré

senté par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



S.A.R.L. TUMAT,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Denis MILLIAR...

N° de minute : 119/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 19 juin 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 21/00411 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SVS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 novembre 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 19/1364)

Saisine de la cour : 27 décembre 2021

APPELANT

M. [K] [T]

né le 16 août 1942 à [Localité 5] - [Localité 6],

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.R.L. TUMAT,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Denis MILLIARD de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS MILLIARD, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 3 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 15/06/2023 a été prorogé au 19/06/2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Par requête introductive d'instance en date du 7 mai 2019, M. [T], qui affirmait avoir déposé, avec l'accord de M. [V], son navire immatriculé [Immatriculation 3] monté sur une remorque dans un dock loué par la société Tumat à la province Sud et n'avoir pu le récupérer en raison de l'opposition de la société Timide, a saisi le tribunal de première instance de Nouméa d'une demande en paiement d'une somme de 10.000.000 FCFP correspondant à « la valeur du navire » dirigée contre la société Tumat.

La société Tumat a appelé M. [V] en intervention forcée.

La société Tumat s'est opposée à la demande de M. [T] en soutenant qu'elle n'avait commis aucune faute en refusant de restituer le navire à M. [T] puisque ce navire lui avait été confié par M. [V].

Par jugement en date du 22 novembre 2021, la juridiction saisie a :

- débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes,

- dit que chaque partie conserverait la charge des frais irrépétibles qu'elle aurait exposés.

Le premier juge a principalement retenu :

- qu'un contrat de dépôt s'était formé entre M. [T] et la société Tumat ;

- que la société Tumat avait engagé sa responsabilité en refusant de restituer le navire à M. [T] qui justifiait en être propriétaire ;

- que toutefois, le demandeur ne démontrait pas avoir perdu une chance de vendre son navire à M. [G] en lien avec la faute de la société Tumat.

Selon requête d'appel déposée le 27 décembre 2021, M. [T] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives transmises le 15 juillet 2022, M. [T] demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- dire et juger la demande de M. [T] recevable et bien fondée ;

- condamner la société Tumat à payer à M. [T] la somme de 6 500.000 FCFP correspondant à la perte subie ;

- condamner la société Tumat à payer à M [T] la somme de 500.000 FCFP au titre du préjudice moral subi ;

- débouter la société Tumat de toutes ses demandes ;

- condamner la société Tumat à payer à M. [T] la somme de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et la somme de 500 000 FCFP au titre de ceux de l'appel ;

- condamner la société Tumat aux entiers dépens.

Selon conclusions déposées le 29 avril 2022, la société Tumat prie la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'un contrat de dépôt s'est formé entre M. [T] et la concluante ;

- dire que le contrat de dépôt s'est formé entre la société Tumat et M. [V], ès qualités de gérant de la société Hellivanu ;

- dire que le refus de la société Tumat de remettre le bateau entre les mains de M. [T] sans décision judiciaire n'est pas fautif ;

- constater que M. [T] ne justifie d'aucune perte de chance ;

- débouter M. [T] de toutes ses demandes ;

- condamner M. [T] à lui payer la somme de 300.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2022.

Sur ce, la cour,

Il résulte du dossier que :

- Le navire a été entreposé dans les locaux loués par la société Tumat, dans le courant de l'année 2016, voire en 2015, selon la déposition faite le 4 mai 2017 par M. [T] au commissariat de police de [Localité 4]. Le gérant de la société Tumat était alors M. [V] avec lequel M. [T] était par ailleurs en négociation pour la vente du navire.

- Par lettre recommandée distribuée le 7 avril 2017, le conseil de M. [T] a mis en demeure, M. [H], en sa qualité de gérant de la société Tumat, de restituer le navire « à réception de la présente ».

- Le 20 avril 2017, M. [T] et M. [H] se sont rencontrés dans le dock mais que M. [H] a refusé de restituer le navire au motif qu'il « n'en était pas le déposant », selon les termes des conclusions de la société Tumat. M. [N], neveu de M. [T], atteste que certains équipements du navire avaient disparu.

- Selon ordonnance réputée contradictoire en date du 10 mai 2017, le juge des référés, qui avait été saisi par M. [T], a enjoint à la société Tumat de restituer le navire litigieux, dès la signification de la décision. Cette décision n'a pas pu être exécutée dans la mesure où dès le 3 mai 2017, M. [H] avait avisé M. [T] que le navire et la remorque avaient été retirés du dock.

- Le navire et sa remorque ont été retrouvés le 7 juin 2017 dans les locaux d'un transitaire alors qu'ils étaient sur le point d'être exportés en Australie, à la demande de M. [V].

M. [T] recherche la responsabilité de la société Tumat en lui reprochant d'avoir failli à ses obligations de dépositaire en retenant de façon injustifiée la chose (article 1937 du code civil) et en ne la surveillant pas (article 1927).

La société Tumat s'oppose à la demande de M. [T] en contestant avoir contacté avec ce dernier. Elle soutient que M. [T] a conclu un contrat de dépôt avec la société Hellivanu, qui avait conclu un second contrat de dépôt avec la société Tumat, qui n'était qu'un sous-dépositaire.

En acceptant en sa qualité de gérant de la société Tumat que le navire et la remorque fussent remisées dans les locaux de la société Tumat, M. [V] a engagé la société Tumat envers M. [T]. C'est à bon droit que le premier juge a conclu que le contrat de dépôt s'était formé entre M. [T] et la société Tumat.

En sa qualité de dépositaire, la société Tumat était tenue envers M. [T] d'une obligation de garde et d'une obligation de restitution. Dès lors que M. [V] a pu entrer sur le site le 3 mai 2027, s'emparer de la chose remise et la sortir des locaux et que la société Tumat n'établit pas que la disparition de la chose résulterait d'un cas de force majeure, la société Tumat a manqué à ses obligations et a engagé sa responsabilité contractuelle envers M. [T]. Il sera observé qu'elle aurait engagé sa responsabilité délictuelle envers M. [T] dans l'hypothèse où elle aurait été un sous-dépositaire.

M. [T] sollicite, au titre de l'indemnisation de son préjudice :

- 6.500.000 FCFP au titre de son préjudice matériel, ce montant correspondant à la différence entre le prix qu'il escomptait tirer de la vente de la chose à M. [G] et le prix tiré de la vente effectivement conclue (3.500.000 FCFP),

- 500.000 FCFP au titre de son préjudice moral.

M. [T] justifie avoir vendu son navire à M. [M] le 21 novembre 2020, moyennant un prix de 3.500.000 FCFP.

Dans un rapport daté du 21 novembre 2016, M. [C], expert maritime, avait évalué l'ensemble constitué par le navire et la remorque à 10.000.000 FCFP, cette valeur se décomposant comme suit :

- coque, aménagements, accastillage et motorisation : 8.900.000 FCFP

- armement de navigation et de sécurité : 650.000 FCFP

- remorque : 450.000 FCFP.

Dans une attestation du 21 avril 20017, M. [G] a exposé qu'il avait donné son accord pour acheter le navire de M. [T] dans le dessein de s'installer comme pêcheur professionnel et « commencé les démarches auprès des banques et de la province Sud » ; il fait état d'une suspension de son projet depuis qu'il a su que M. [T] « n'avait plus accès au dock de Numbo ».

Il est démontré que le refus de restituer le navire puis sa soustraction n'ont pas permis au projet de vente à M. [G] d'aboutir. Les fautes de la société Tumat se sont traduites par une perte de chance de vendre le navire à M. [G]. Dès lors qu'il n'est pas démontré que M. [G] avait obtenu le financement souhaité, il ne peut pas être affirmé que M. [T] était certain de vendre le navire moyennant un prix de 10.000.000 FCFP. Dans ces conditions, la perte de chance sera évaluée à 1.000.000 FCFP.

Les tracas occasionnés par l'affaire justifient l'octroi à M. [T] d'une indemnité de 120.000 FCFP en réparation de son préjudice moral.

Par ces motifs

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

Condamne la société Tumat à payer à M. [T] les sommes suivantes :

- 1.000.000 FCFP en réparation de son préjudice matériel,

- 120.000 FCFP en réparation de son préjudice moral,

- 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Tumat aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00411
Date de la décision : 19/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-19;21.00411 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award