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19/06/2023 | FRANCE | N°21/00271

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 19 juin 2023, 21/00271


N° de minute : 117/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 19 juin 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 21/00271 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SJ5



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 juillet 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 19/2616)



Saisine de la cour : 25 août 2021





APPELANT



M. [L] [Y]

né le 26 janvier 1996 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d'une aide j

uridictionnelle totale numéro 2021/1874 du 03/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa)

Représenté par Me Nicolas MILLION, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



E.U.R.L. MECAN...

N° de minute : 117/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 19 juin 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 21/00271 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SJ5

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 juillet 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 19/2616)

Saisine de la cour : 25 août 2021

APPELANT

M. [L] [Y]

né le 26 janvier 1996 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/1874 du 03/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa)

Représenté par Me Nicolas MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

E.U.R.L. MECANOCEAN, prise en la personne de son représentant légal en exercice,

Siège : [Adresse 3]

Représentée par Me Stéphane LENTIGNAC de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 05/06/2023 a été prorogé au 19/06/2029, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

M. [Y] a acquis en juillet 2016 un jet-ski de marque Seadoo modèle GTX 255 IS, immatriculé [Immatriculation 1]. Constatant une perte d'huile, il a amené son jet-ski à la société EIM qui a diagnostiqué une fuite au niveau du carter en raison de la présence d'un trou dans celui-ci. Ce technicien l'a orienté vers l'Eurl MECANOCEAN, représentant exclusif en Nouvelle-Calédonie de la marque Seadoo.

Selon devis en date du 29 novembre 2016, l'Eurl MECANOCEAN mentionnait les travaux suivants à réaliser : démontage de la partie supérieure + extraction du bloc moteur et échange du carter d'huile + remontage de l'ensemble.

L'Eurl MECANOCEAN a effectué cette réparation et a facturé les travaux le 15 mars 2017 pour la somme de 283 970 FCFP.

Se plaignant de dysfonctionnement du moteur dès les premiers essais de l'engin, M. [Y] a ramené celui-ci au garage et le 3 juillet 2017, un devis était établi par l'Eurl MECANOCEAN aux fins de remise en état du bloc moteur pour la somme de 1 022 070 FCFP.

Par courrier en date du 10 mai 2019, M. [Y] a tenté d'obtenir à l'amiabIe, par le biais de son conseil, une indemnisation de la part de l'Eurl MECANOCEAN suite à la casse du moteur du jet-ski.

Par courriel en date du 14 juin 2019, le conseil de l'Eurl MECANOCEAN a contesté toute responsabilité dans le défaut relevé et a refusé toute indemnisation à I'amiab|e.

Par requête déposée le 26 août 2019, M. [Y], complétée par conclusions ultérieures, a saisi le tribunal de première instance de Nouméa aux fins de voir condamner l'Eurl MECANOCEAN à lui restituer son jet-ski en parfait état de fonctionnement dans le délai d'un mois et, à défaut, de lui rembourser le coût du jet-ski, soit la somme de 700 000 FCFP, et celui des réparations réglées par ses soins, soit la somme de 267 470 FCFP, outre une indemnisation à hauteur de 500 000 FCFP pour le préjudice subi du fait de l'immobilisation du véhicule.

Sur saisine de M. [Y], le juge de la mise en état a, par ordonnance en date du 24 février 2020, rejeté la demande d'expertise judiciaire formée par ce dernier.

Par ordonnance en date du 18 août 2020, le président du tribunal de première instance de Nouméa a autorisé Me [I], huissier de justice, à se rendre dans les locaux de l'Eurl MECANOCEAN, où était entreposé le jet-ski, à I'effet de procéder au relevé du nombre d'heures d'utiIisation du jet-ski.

M. [Y] faisait valoir que le devis de remplacement du moteur ne mentionnait pas le nombre d'heures d'utilisation de la motomarine et que pour une telle prestation l'Eurl MECANOCEAN lui avait offert la main d'oeuvre, ce qui pouvait s'analyser comme une reconnaissance de culpabilité de la part de l'entreprise. Il en déduisait que la casse du moteur était manifestement la conséquence d'une erreur commise par l'Eurl MECANOCEAN dans l'exécution de ses obligations au regard de la faible utilisation de la motomarine entre la réparation intervenue et les nouveaux dysfonctionnement survenus ultérieurement (1 heure 52).

Dans ses dernières écritures, l'Eurl MECANOCEAN sollicitait, au visa de I'article 1787 du code civil, de :

- débouter M. [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner M. [Y] au paiement de la somme de 346 620 FCFP au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.

L'Eurl MECANOCEAN considérait qu'aucun manquement fautif ne pouvait lui être reproché, Ie jet-ski ayant été restitué au client en parfait état de fonctionnement à l'issue des réparations en mars 2017. Elle indiquait par ailleurs que M. [Y] n'établissait pas le lien de causalité entre la présence d'eau dans les cylindres en juillet 2017 et un éventuel manquement de l'Eurl MECANOCEAN à son obligation de résultat lors des réparations.

Par jugement du 26 juillet 2021, le tribunal de première instance de Nouméa a débouté M. [Y] de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à l'Eurl MECANOCEAN la somme de 120 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a considéré que faisait défaut la preuve du lien de causalité entre la réparation faite par l'Eurl MECANOCEAN et les nouveaux désordres apparus postérieurement.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 25 août 2021, M. [Y] a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 8 décembre 2021 et ses dernières écritures du 3 octobre 2022 (récapitulatives n° 2) d'infirmer la décision en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- ordonner à l'Eurl MECANOCEAN de lui restituer son jet-ski en parfait état de fonctionnement, dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir,

à défaut de respecter cette obligation dans le délai d'un mois,

- condamner l'Eurl MECANOCEAN à payer à M. [Y] la somme de 1.022.070 FCFP au titre du coût de la remise en état du jet-ski,

- condamner l'Eurl MECANOCEAN à payer à M. [Y] la somme de 267.470 FCFP au titre des réparations payées par M. [Y],

en tout état de cause,

- condamner l'Eurl MECANOCEAN à payer à M. [Y] la somme de 500.000 FCFP en réparation du préjudice subi du fait de l'immobilisation du jet-ski,

- déclarer irrecevable la demande en dommages et intérêts présentée par l'Eurl MECANOCEAN, comme étant nouvelle en cause d'appel et à défaut l'en débouter ;

- fixer les unités de valeurs revenant à Me MILLION agissant au titre de l'aide judiciaire ;

- condamner l'Eurl MECANOCEAN aux entiers dépens, dont distraction au profit de la Selarl MILLIARD-MILLION.

Il fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande d'expertise motif pris non pas parce qu'il se serait agi de pallier une carence dans l'administration de la faute mais parce que le devis fourni à l'appui de la demande ne faisait pas référence au même jet-ski (ce qui est parfaitement inexact).

Sur le fond, il estime que si l'Eurl MECANOCEAN avait extrait le bloc moteur, elle aurait dû constater soit la dégradation des cylindres, soit la présence d'eau ; qu'en réalité, ces travaux n'ont pas été réalisés, cette absence ayant directement causé la casse du moteur.

Par conclusions en réponse (récapitulatives n° 3), l'Eurl MECANOCEAN conclut à la confirmation du jugement et sollicite reconventionnellement de voir condamner M. [Y] à lui payer la somme de 567.000 FCFP à titre de dommages et intérêts et celle de 346.620 FCFP au titre des frais irrépétibles de première instance et 400 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Elle soutient qu'elle a procédé au remplacement du carter d'huile lequel était percé avec changement de différentes pièces en lien avec cette opération ; que M. [Y] confond 'extraction du bloc de la coque' avec 'ouverture du bloc moteur' alors qu'il s'agit de deux prestations différentes ; que cette réparation n'a donné lieu à aucune doléance et que ce n'est qu'en juillet 2017 que la motomarine a été ramenée en raison d'un problème de puissance et d'eau salée dans les cylindres ; qu'il a été proposé le changement de moteur ; que M. [Y] a indiqué qu'il s'équiperait lui-même d'un bloc moteur ; qu'il ne s'est plus présenté de sorte que le scooter est toujours dans l'atelier.

L'Eurl MECANOCEAN considère que la présence d'eau peut avoir plusieurs causes de sorte que M. [Y] ne rapporte pas la preuve que la nouvelle panne trouverait son origine dans les réparations effectuées par elle-même. Preuve en est que le constat d'huissier dressé le 2 septembre 2020 fait état d'un code panne « P1506 apparue ECM 103H50 circuit ouvert au niveau de l'interrupteur du TOPS » mention qui fait référence à un code 'défaut anti chavirage' laissant penser que la motomarine avait chaviré et s'était retournée dans l'eau, et non d'un code 'Défaut d'huile'.

Vu l'ordonnance de clôture

Vu l'ordonnance de fixation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

C'est à juste titre que le premier juge a rappelé qu'en application combinée des articles 1147 et 1779 du code civil, le réparateur, lié à son client par un contrat de louage d'ouvrage, est tenu d'une obligation de résultat dont il ne peut s'exonérer en rapportant la preuve de l'absence de faute ou la preuve que la cause de la panne est inconnue. Il peut seulement se voir décharger de sa responsabilité en établissant l'existence d'une cause étrangère présentant un caractère imprévisible, irrésistible et extérieur, ou en prouvant qu'iI n'y a pas de lien entre la réparation assurée et les nouveaux désordres apparus, le client devant seulement démontrer que le dommage subi par son véhicule trouve son origine dans l'éIément sur lequel le garagiste devait intervenir.

En l'espèce, le devis de novembre 2016 portait sur une extraction du bloc-moteur avec changement du carter d'huile avec remontage de l'ensemble. L'Eurl MECANOCEAN a effectué les réparations et a restitué l'engin en mars 2017. Il est admis qu'après utilisation pendant moins de 1h 50 mm, le moteur a cassé et le scooter a été ramené le 3 juillet 2017à l'atelier. M. [Y] se plaignant d'un manque de puissance et de présence d'eau dans les cylindres, l'Eurl MECANOCEAN a établi un devis le jour même pour remise en état du bloc moteur.

Il ressort du constat dressé le 2 septembre 2020 que la motomarine était stockée dans l'atelier, moteur démonté, faisceau électrique débranché et batterie non rechargée depuis trois ans. L'Eurl MECANOCEAN a indiqué qu'elle avait procédé à l'enlèvement et à l'ouverture du moteur lorsque la machine lui avait été confiée et qu'elle avait constaté la présence d'eau dans les cylindres. Après remise en service du système électrique et électronique (connexion du calculateur et du compteur de la motomarine sur une autre machine pour accéder aux données), l'huissier a pu interroger le calculateur de l'engin à l'aide du banc de diagnostic et constater que le nombre d'heures de fonctionnement était de 103 heures 52 ; en cliquant sur l'onglet « panne », l'indication suivante est apparue « P1506 Apparue ECM 103h50 circuit ouvert au niveau de l'interrupteur du TOPS ».

Il ressort de ces constatations que la panne survenue en juillet 2017 est consécutive a priori à la présence d'eau dans le moteur et non à l'absence d'huile. Or, l'intervention de l'Eurl MECANOCEAN en novembre 2016 portait sur un remplacement du carter d'huile lequel ne nécessitait pas l'ouverture du moteur mais juste l'enlèvement de celui-ci de sa coque. L'échange de mails entre les parties montre par ailleurs que le réparateur a bien procédé au test de compression des cylindres permettant de vérifier que ces derniers étaient en bon état (courriels des 29 novembre 2016).

En l'état des éléments qui lui sont fournis, la cour considère que M. [Y] n'établit pas que dommage subi par la motomarine (casse du moteur) trouve son origine dans l'éIément sur lequel la société était intervenue précédemment de sorte que la présomption de responsabilité pesant sur l'Eurl MECANOCEAN, tenue à une obligation de résultat, doit être écartée. L'appelant ne démontrant pas que la casse du moteur est imputable à une erreur de l'Eurl MECANOCEAN, le jugement qui a débouté M. [Y] de ses demandes sera confirmé en toutes ses dispositions.

Sur la demande reconventionnelle de l'Eurl MECANOCEAN

L'Eurl MECANOCEAN sollicite la somme de 567 000 FCFP au titre des indemnités de gardiennage et de stockage du scooter des mers entreposé dans ses locaux depuis le 3 juillet 2017, soit pendant 1890 jours à raison de 300 FCFP par jour.

Bien que cette demande n'ait pas été formulée en première instance, elle se rattache par un lien suffisant à la demande principale. Elle sera par conséquent déclarée recevable en la forme.

Au fond, l'Eurl MECANOCEAN en sera déboutée. La cour relève en effet, que l'Eurl MECANOCEAN qui stocke le scooter depuis plus de cinq ans ne s'en est jamais plaint et n'a jamais mis en demeure M. [Y] de procéder à son enlèvement. Elle a seulement invité l'intéressé à y procéder par courriel du 30 juillet 2021, envoyé d'avocat à avocat. Aucune demande d'enlèvement n'a au demeurant été formulée devant le premier juge et n'est toujours pas formulée en appel de sorte que le trouble de jouissance dont se plaint la société n'est pas établi.

De surcroît, pour que des frais de gardiennage puissent être décomptés, il faut qu'une mise en demeure indiquant le tarif ait été délivrée au débiteur. Tel n'est pas le cas en l'espèce de la demande adressée par Me LENTIGNAC, avocat de l'Eurl MECANOCEAN, à Me MILLION, avocat de M. [Y], tendant à la récupération du jet-ski, sous peine, à défaut, de s'y voir contraint judiciairement sous astreinte.

Sur l'article 700

Il est équitable d'allouer à l'Eurl MECANOCEAN qui a dû se défendre en appel la somme de 150 000 FCFP au titre des frais irréptibles exposés devant la cour. L'indemnité de 120 000 Fcfp allouée en première instance sera confirmée comme étant satisfactoire.

Sur les dépens

M. [Y] succombant supportera les dépens de la présente instance

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts de l'EURL MECANOCEAN,

Au fond, l'en déboute,

Condamne M. [Y] à payer à l'Eurl MECANOCEAN la somme de 150 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne M. [Y] aux dépens d'appel,

Fixe à six le nombre d'unités de valeur revenant à Me MILLION, intervenant au titre de l'aide judiciaire pour le compte de M. [Y].

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00271
Date de la décision : 19/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-19;21.00271 ?
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