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15/06/2023 | FRANCE | N°21/00170

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 15 juin 2023, 21/00170


N° de minute : 103/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 15 juin 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 21/00170 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SBK



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juillet 2020 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :18/538)



Saisine de la cour : 10 juin 2021





APPELANT



M. [H] [Y]

né le [Date naissance 3] 1963 à CHARTRES ([Localité 2])

demeurant [Adresse 8] - [Localité 6]<

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Représenté par Me Caroline PLAISANT membre de la SELARL CABINET PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



Société d'assurances GENERALI

Siège social : [Adresse 1] - [Localité 6]

Repré...

N° de minute : 103/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 15 juin 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 21/00170 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SBK

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 juillet 2020 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :18/538)

Saisine de la cour : 10 juin 2021

APPELANT

M. [H] [Y]

né le [Date naissance 3] 1963 à CHARTRES ([Localité 2])

demeurant [Adresse 8] - [Localité 6]

Représenté par Me Caroline PLAISANT membre de la SELARL CABINET PLAISANT, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

Société d'assurances GENERALI

Siège social : [Adresse 1] - [Localité 6]

Représentée par Me Servane GARRIDO-LUCAS, membre de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT SERVANE GARRIDO-LUCAS, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 9 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Zouaouïa MAGHERBI.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Procédure de première instance :

Le 5 octobre 2015, alors qu'il se rendait sur son lieu de travail en empruntant la [Adresse 7] à [Localité 6], avec sa moto BMW immatriculée [Immatriculation 4], M. [H] [Y] a été victime d'un accident de la circulation.

Un véhicule Citroën immatriculé 263 395 NC, conduit par Mr [K] [S], et assuré auprès de la compagnie GENERALI, s'engageait sur la [Adresse 7] sans respecter le panneau stop et était percuté par M [Y] sur sa portière arrière gauche.

La plainte de M. [Y] a fait l'objet d'un classement sans suite.

M. [Y] a été pris en charge par les premiers secours et évacué vers le CHT [5] où il a été hospitalisé deux jours les 5 et 6 octobre 2015.

Le certificat médical initial établi par le docteur [P], le 6 octobre 2015, fait état de :

- luxation coude droit,

- fracture tassement de L1,

- et un arrêt de travail jusqu'au 8 janvier 2016.

Selon courrier du 18 décembre 2015, la CAFAT a reconnu le caractère professionnel de l'accident survenu le 5 octobre 2015 à M. [Y].

En conséquence, M. [Y] a été pris en charge au titre de l'accident de travail (trajet) et a perçu des indemnités journalières à hauteur de 100 % de son salaire, outre la prise en charge à 100 % des frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques.

En complément, entre octobre 2015 et mars 2016, M. [Y] a perçu de son propre assureur, la compagnie GROUPAMA, cinq provisions à valoir sur son préjudice corporel pour un montant total de 1.600.000 FCP selon décompte suivant :

- 300.000 Fr FCP le 13 octobre 2015,

- 400.000 Fr FCP le 7 décembre 2015,

- 300.000 Fr FCP le 6 janvier 2016,

- 300.000 Fr FCP le 17 février 2016,

- 300.000 Fr FCP le 15 mars 2016.

Il a, en outre, perçu de son assureur la somme de 1.909.553 Fr FCP pour réparation de son préjudice matériel.

Le 12 octobre 2015, la compagnie GROUPAMA indiquait vouloir missionner le docteur [F] en vue d'une expertise médicale amiable.

Dès le 22 octobre 2015, et pour réponse au courriel adressé le 12 octobre, la compagnie GENERALI faisait part de son accord de prise en charge du préjudice corporel de M. [Y].

Par assignation délivrée le 7 novembre 2016, M. [Y] a demandé au juge des référés de :

- ordonner une mesure d'expertise médicale avec mission de déterminer l'ensemble de ses préjudices,

- et condamner la compagnie d'assurances GENERALI à lui verser une provision d'un montant de 500.000 Fr FCP.

Par conclusions déposées à l'audience des référés du 30 novembre 2016, la compagnie GENERALI a offert une provision d'un montant de 150.000 Fr FCFP.

Le 7 décembre 2016, le juge des référés a ordonné une expertise médicale judiciaire, désigné le docteur [D] et condamné la compagnie GENERALI à payer à M. [Y] 150 000 Fr CFP à titre de provision et 80 000 Fr CFP au titre des frais irrépétibles.

Aux termes de son rapport d'expertise du 15 juin 2017, le docteur [D] mentionnait :

- Consolidation acquise le 2 août 2016,

- Gêne temporaire totale : 2 jours,

- Gêne temporaire partielle à 50 % (classe III) : 105 jours,

- Gêne temporaire partielle à 10 % (classe I) : 196 jours,

- Arrêt de travail : 112 jours,

- Atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique : 8 %,

- Incidence professionnelle : non reconnue,

- Souffrances endurées : 3/7,

- Préjudice esthétique: 0/7 ,

- Présence d'une tierce personne à titre temporaire reconnu pendant 74 jours.

M. [Y] a saisi le tribunal de première instance de Nouméa d'une requête aux fins de liquidation définitive de son préjudice corporel.

Par jugement du 20 juillet 2020, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- fixé le préjudice corporel de M. [Y] à la somme de 1 233 640 Fr CFP,

- condamné la compagnie d'assurances GENERALI à lui payer une somme de 1 083 640 Fr CFP déduction faite de la provision de 150 000 Fr CFP,

- condamné la compagnie d'assurances GENERALI à payer à la CAFAT une somme de 2 500 552 Fr CFP, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2018 ;

- condamné la compagnie d'assurances GENERALI à payer à M. [Y] une somme de 220 000 Fr CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la compagnie d'assurances GENERALI aux dépens, en ce compris le coût du rapport d'expertise.

Par jugement rendu le 17 mai 2021, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- rejeté la requête en omissions de statuer,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande non omise mais rejetée.

Procédure d'appel :

Par requête et mémoire ampliatif déposés les 10 juin et 9 septembre 2021, M. [Y] a interjeté appel tant du jugement rendu le 20 juillet 2020 que de celui du 17 mai 2021.

Par mémoire en réponse déposé le 16 mai 2022 par RPVA, auquel il convient de se référer pour de plus amples développements, il a sollicité de la cour l'infirmation des deux jugements critiqués en toutes leurs dispositions et la condamnation de la compagnie d'assurances GENERALI à lui verser, outre une somme de 350 000 Fr CFP au titre de l'article 700 du CPCNC, les sommes suivantes :

- Perte de gains professionnels actuels : 804.351 Fr CFP,

- Gêne temporaire totale : 5.128 Fr CFP,

- Gêne temporaire partielle à 50 % (classe III) : 134.610 Fr CFP,

- Gêne temporaire partielle à 10 % (classe I) : 50.254 Fr CFP.

Par conclusions en réplique déposées le 30 septembre 2022 par RPVA, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, la compagnie d'assurances GENERALI, a demandé à la cour de :

- confirmer les jugements entrepris en toutes leurs dispositions,

- débouter M. [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- débouter M. [Y] de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner M. [Y] à payer à la compagnie d'assurances GENERALI PACIFIQUE la somme de 250.000 Fr CFP au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner M. [Y] aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL GARRIDO-LUCAS,

Le 5 octobre 2022, la clôture de la procédure a été ordonnée et l'affaire fixée à l'audience du 9 mars 2023.

Sur ce, la cour,

I - Les préjudices patrimoniaux :

A - Les préjudices patrimoniaux permanents (avant consolidation)

+ La perte de gains professionnels actuels

Ce poste recouvre les pertes actuelles de revenus éprouvées par la victime du fait de son dommage jusqu'au jour de sa consolidation, il s'agit là de compenser une invalidité temporaire spécifique qui concerne uniquement les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à sa consolidation.

En l'espèce, M.[Y] sollicite à ce titre une somme complémentaire de 804 351 Fr CFP reprochant au premier juge de ne pas avoir tenu compte de la perte de chance de gain professionnels qu'il a subie du fait de son accident qui l'a privé d'une augmentation substantielle de ses revenus escomptés en tant qu'agent immobilier durant son immobilisation.

A l'appui de ses allégations, il verse au débat deux bulletins de paie, celui de septembre et novembre 2016 ainsi que la convention de prestations de service conclut avec la SARL BEL AIR IMMOBILIER le 16 septembre 2015.

Il explique que la CAFAT a pris comme salaire mensuel de référence 300 000 Fr CFP alors que son salaire postérieur calculé sur la moyenne des deux salaires perçus dans son nouvel emploi d'agent immobilier, est de 485 000 Fr CFP, soit une différence moyenne de l'ordre de 6 000 Fr CFP par jour dont il sollicite le paiement.

La compagnie d'assurances GENERALI PACIFIQUE s'y oppose exposant que l'appelant a perçu 100 % de son salaire au titre de son accident de travail selon le salaire déclaré à la CAFAT.

En l'espèce, la cour relève que s'il est avéré que M.[Y] a subi un préjudice patrimonial temporaire au titre de la perte de gains professionnels actuels du fait de son accident, il n'en demeure pas moins que la perte de chance de gains professionnels actuels doit s'apprécier au moment de l'immobilisation de la victime.

Or, M. [Y] ne démontre pas qu'il aurait perçu le salaire prétendu de 485 000 Fr CFP dès lors qu'il venait de changer d'activité professionnelle au moment de l'accident, que cette activité ne lui procurait aucun revenu durant cette période transitoire, à l'exception de commissions prévisionnelles en cas de réalisation d'une vente immobilière, ce qui est tout à fait aléatoire, sa première vente ayant eu lieu en novembre 2016.

Ainsi, faute pour lui de démontrer la perte d'une chance de gains professionnels, la cour confirme la décision entreprise.

+ Assistance tierce personne temporaire

Ce poste recouvre les dépenses liées à l'assistance temporaire d'une tierce personne pour assister la victime handicapée dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

En l'espèce, les parties ne forment aucune demande à ce titre en appel, la décision de première instance sera confirmée.

II - Préjudices extra-patrimoniaux

Ces préjudices sont dépourvus de toute incidence patrimoniale ce qui exclut qu'ils soient pris en compte dans l'assiette du recours subrogatoire exercé par les tiers payeurs subrogés dans les droits de la victime directe.

A - Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

+ Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire jusqu'à sa consolidation. Elle traduit l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation et correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime, mais aussi à la 'perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante' que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique, etc.).

En l'espèce, l'expert a retenu une gène fonctionnelle totale de 2 jours, durant lesquels M. [Y] a été hospitalisé, puis une gène fonctionnelle partielle à 50 % de classe III de 105 jours d'immobilisation totale d'un membre supérieur et dorso lombaire nécessitant l'intervention d'une tierce personne et une gène fonctionnelle partielle à 10 % de classe I de 196 jours caractérisée par la poursuite des soins médicaux en kinésithérapie et prise d'antalgiques limitant les activités ludiques et professionnelles.

M. [Y] sollicite à ce titre les sommes de 5128 Fr CFP, 134 610 Fr CFP et 50 254 Fr CFP se fondant sur le salaire minimum garanti (SMG) en vigueur en 2017, et non celui en vigueur postérieurement à la consolidation au 2 août 2016, comme l'a retenu à juste titre le premier juge.

La décision sera par conséquent confirmée sur ce point.

+ Souffrances endurées temporaires

Ce poste indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est à dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation.

La cour confirme la décision sur ce point aucune des parties ne la conteste.

Etat récapitulatif :

En l'état de la fixation des postes ci-avant réalisée, la réparation des préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux de M. [Y] ainsi que l'assiette du recours de la CAFAT peuvent être récapitulés ainsi :

I - Préjudices de M. [Y]

A - Préjudices patrimoniaux

Préjudices patrimoniaux temporaires

Assistance tierce personne 329 760 Fr CFP

Total 329 760 Fr CFP

B - Préjudices extra-patrimoniaux

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire 5 098 Fr CFP

Déficit fonctionnel temporaire (105 j) 133 822 Fr CFP

Déficit fonctionnel temporaire (196 j) 49 960 Fr CFP

Souffrance endurées 715 000 Fr CFP

Total 903 880 Fr CFP

Total général 1 233 640 Fr CFP

La CAFAT n'étant pas intimée en la présente instance d'appel, les parties ne formant aucune demande la concernant en appel, la cour confirme la décision entreprise en ce qui la concerne.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

M. [Y] succombant en la présente instance sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Il devra payer à la compagnie d'assurances GENERALI la somme de 250 000 Fr CFP au titre des frais irrépétibles.

Par ces motifs

La cour,

Confirme les deux jugements déférés rendus les 20 juillet 2020 et 17 mai 2021 en toutes leurs dispositions ;

Et y ajoutant

Condamne M. [Y] à payer à la compagnie d'assurances GENERALI la somme de 250 000 Fr CFP au titre des frais irrépétibles ;

Le condamne aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00170
Date de la décision : 15/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-15;21.00170 ?
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