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25/05/2023 | FRANCE | N°22/00043

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 25 mai 2023, 22/00043


N° de minute : 39/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 25 mai 2023



Chambre sociale









Numéro R.G. : N° RG 22/00043 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TDE



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 mai 2022 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG n° 20/188)



Saisine de la cour : 16 juin 2022





APPELANT



M. [B] [S]

né le 12 janvier 1979 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Myriam LAGUILLON, membre

de la SELARL LEXNEA, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



S.A. LE NICKEL - SLN, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Fabien CHA...

N° de minute : 39/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 25 mai 2023

Chambre sociale

Numéro R.G. : N° RG 22/00043 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TDE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 mai 2022 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG n° 20/188)

Saisine de la cour : 16 juin 2022

APPELANT

M. [B] [S]

né le 12 janvier 1979 à [Localité 2]

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Myriam LAGUILLON, membre de la SELARL LEXNEA, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. LE NICKEL - SLN, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Fabien CHAMBARLHAC, membre de la SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Selon « lettre d'engagement » en date du 26 février 2008, la société SLN a embauché M. [S] en qualité d'agent technique II, classification IV.1, moyennant un salaire de 324.666 FCFP par mois, à compter du 3 mars 2008.

Selon lettre recommandée datée du 5 mars 2020, présentée le 19 mars 2020, l'employeur a convoqué M. [S] à un entretien préalable à un « licenciement pour motif personnel » fixé au 24 mars 2020.

Le 9 avril 2020, à 12 heures 5, à la suite d'un entretien avec la directrice des relations et ressources humaines de la société SLN, M. [S] a été admis à l'infirmerie où sera constatée « une crise d'angoisse avec pleurs suite à l'annonce d'un possible licenciement sans argument le justifiant » et où le salarié sera orienté vers son médecin traitant.

Le 10 avril 2020, le docteur [G], médecin généraliste, a prescrit à M. [S] un arrêt de travail pour la période du 10 au 19 avril 2020 pour « stress post-traumatique ». Cet arrêt de travail sera successivement prorogé jusqu'au 30 novembre 2020.

Le 16 avril 2020, la société SLN a déposé à la CAFAT une déclaration d'accident du travail dans laquelle les circonstances de l'accident étaient décrites comme suit : « choc psychologique suite à un entretien disciplinaire ».

Par lettre datée du 5 mai 2020, l'employeur a informé M. [S] que l'entretien préalable à un éventuel licenciement prévu le 12 mai 2020, pour lequel il avait été convoqué par courrier du 30 avril 2020, était reporté au 15 mai 2020.

Par lettre datée du 11 mai 2020, l'employeur a informé M. [S] que l'entretien préalable à un éventuel licenciement était reporté au 22 mai 2020.

Par lettre datée du 14 mai 2020, la CAFAT a informé M. [S] que l'accident du 9 avril 2020 ne pouvait pas être pris en charge par l'assurance accidents du travail pour « absence de fait accidentel ».

Par lettre datée du 16 juin 2020, la société SLN a notifié à M. [S] son licenciement « pour insuffisance professionnelle » en lui reprochant d'avoir « retiré », « de (ses) liens étroits avec des sociétés sous-traitantes », « pour (lui-même) et son entourage, des bénéfices tels que des billets d'avion et de commissions en nature en échange de l'obtention de marchés avec la société Le Nickel - SLN ».

Par lettre datée du 15 septembre 2020, la CAFAT a informé M. [S] que la commission de conciliation et de recours gracieux qu'il avait saisie, avait décidé de « reconnaître le caractère professionnel de (son) accident, survenu le 09 avril 2020 ».

Par requête introductive d'instance déposée le 8 octobre 2020, la société SLN a saisi le tribunal du travail de Nouméa d'une demande d'annulation de la décision de la commission de conciliation et de recours gracieux en contestant le caractère professionnel de l'accident.

La CAFAT a conclu au caractère professionnel de l'accident.

M. [S] a répliqué que l'accident du travail était la conséquence d'une faute inexcusable et excipé de la nullité de son licenciement survenu durant la suspension du contrat de travail.

Par jugement en date du 16 mai 2022, la juridiction saisie a :

- dit que M. [S] avait été victime d'un accident de travail survenu le 9 avril 2020,

- dit que la faute inexcusable n'était pas caractérisée,

- débouté M. [S] de sa demande de majoration de la rente à son taux maximal,

- débouté M. [S] de sa demande d'expertise médicale,

- dit que le licenciement de M. [S] était nul,

- condamné la société SLN à payer à M. [S] la somme de 500.000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice,

- condamné la société SLN à payer à M. [S] la somme de 150.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire à concurrence de 50 % de la somme allouée au titre des dommages et intérêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société SLN aux dépens.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- que l'accident avait un caractère professionnel puisqu'il existait un lien de causalité entre l'entretien informel du 9 avril et le choc émotionnel survenu durant le temps et sur le lieu du travail ;

- que la réaction émotionnelle du salarié n'étant pas prévisible, la faute inexcusable n'était pas caractérisée ;

- que l'insuffisance professionnelle n'étant pas une faute grave, le licenciement était nul, en vertu de l'article L 127-3 du code du travail.

Selon requête déposée le 16 juin 2022, M. [S] a interjeté appel de cette décision. La société SLN a formé un appel incident.

Aux termes de son mémoire responsif et récapitulatif transmis le 15 décembre 2022, M. [S] demande à la cour de

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a limité le montant des dommages et intérêts alloués à M. [S] au titre de la nullité de son licenciement à la somme de 500.000 FCFP et ne lui a pas alloué de somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- à titre principal, dire et juger que l'accident subi par M. [S] le 9 avril 2020 présente un caractère professionnel ;

- à titre subsidiaire, dire et juger que l'éventuelle remise en cause du caractère professionnel de l'accident du travail subi par M. [S] le 9 avril 2020 lui est inopposable ;

- débouter la société SLN de l'intégralité de ses demandes ;

- à titre principal, dire et juger que le licenciement de M. [S] est nul ;

- à titre subsidiaire, dire et juger que le licenciement de M. [S] est sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société SLN à lui verser la somme de 15.000.000 FCFP à titre de dommages intérêts pour licenciement nul ;

- condamner l'employeur à verser la somme de 840.000 FCFP à M. [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon conclusions transmises le 19 novembre 2022, la société SLN prie la cour de :

- recevoir les appels principal et incident comme réguliers en la forme et comme recevables sur le fond ;

à titre principal,

- dire et juger que la contrariété manifestée par M. [S] le 9 avril 2020, au sortir d'un entretien professionnel informel, n'est pas un accident du travail ;

- dire et juger que le licenciement de M. [S] sur le fondement de l'insuffisance professionnelle est régulier autant que bien fondé ;

- dire et juger que les insuffisances professionnelles à raison desquelles M. [S] a été licencié constituent également une faute grave ;

- réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

à titre subsidiaire :

- dire et juger que M. [S] ne met pas la cour d'appel en position d'apprécier la consistance du préjudice que la perte de son emploi au sein de la société SLN lui aurait infligé ;

- confirmer purement et simplement décision entreprise en toutes ses dispositions ;

et en toutes hypothèses,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- le condamner aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'à payer à la société SLN une somme de 150.000 FCFP au titre de ses frais irrépétibles.

Sur ce, la cour,

1) La société SLN dénie tout caractère professionnel au « stress post-traumatique » diagnostiqué le 10 avril 2020 par le docteur [G].

Il résulte des témoignages concordants de MM. [Z], [O], [H] et [X] que M. [S] s'est effondré psychologiquement durant la réunion informelle du 9 avril 2020 avec la directrice des ressources humaines.

La cour n'a aucun motif de douter de la réalité de ce traumatisme psychologique puisqu'une rente pour incapacité permanente a été attribuée par l'organisme social : M. [S] a donc été victime de lésions médicalement constatées.

Ce traumatisme survenu à l'occasion du travail, sur les lieux et pendant le temps de travail, est un accident du travail ; il n'y a pas lieu de remettre la décision de la commission de conciliation et de recours gracieux de la caisse.

2) M. [S] ayant été victime d'un accident du travail, son contrat de travail était suspendu à la date de son licenciement en application de l'article L 127-2 du code du travail.

En application de l'article L 127-3, la société SLN ne pouvait rompre le contrat de travail que si elle justifiait d'une faute grave de M. [S]. La société SLN n'a pas engagé un licenciement disciplinaire puisqu'elle a fait le choix de licencier M. [S] pour « insuffisance professionnelle » selon les termes mêmes de la lettre de licenciement. Ce choix lui interdit de laisser entendre qu'elle aurait conduit un licenciement pour faute grave.

C'est donc à bon droit que les premiers juges ont, au visa de l'article L 127-8 du code du travail, déclaré nul le licenciement notifié le 16 juin 2020.

3) L'indemnité à laquelle M. [S] peut prétendre, doit être au moins égale à l'indemnité à laquelle il aurait pu prétendre si le licenciement avait été déclaré sans cause réelle et sérieuse, soit à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois (article L 122-35). Il en résulte que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a alloué une indemnité de 500.000 FCFP.

M. [S] était âgé de 41 ans à la date du licenciement et avait douze ans d'ancienneté dans l'entreprise. Il occupait alors un emploi de « technicien réalisations niveau 3 ».

Aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que ce technicien était « promis à une brillante carrière au sein de l'entreprise ».

Il résulte des bulletins de salaire produits que sur les six premiers mois de l'année 2020, le montant cumulé de son salaire brut s'est élevé à 3.003.524 FCFP.

Dès le 6 janvier 2021, soit moins de quatre mois après le terme du préavis, M. [S] a été embauché par la société Nes en qualité de « technicien des méthodes du BTP » pour un salaire brut mensuel de 514.000 FCFP, soit pour un salaire similaire à celui que lui versait la société SLN. Selon les propres explications de l'appelant, il a occupé ce poste jusqu'au 31 août 2022, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée conclue avec une société Coque service. Dans ses dernières conclusions, M. [S] est muet sur sa situation ultérieure, se contentant d'insister sur la précarité de sa situation.

En l'état de ces éléments, le préjudice occasionné par le licenciement sera évalué à 4.000.000 FCFP.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a limité à 500.000 FCFP le montant des dommages et intérêts qui ont été alloués à M. [S] ;

Statuant à nouveau de ce chef, condamne la société SLN à payer à M. [S] une somme de 4.000.000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice ;

Condamne la société SLN à payer à M. [S] une indemnité complémentaire de 300.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SLN aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00043
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;22.00043 ?
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