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04/05/2023 | FRANCE | N°22/00016

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 04 mai 2023, 22/00016


N° de minute : 30/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 04 Mai 2023



Chambre sociale









Numéro R.G. : N° RG 22/00016 - N° Portalis DBWF-V-B7G-S67



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mars 2022 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :20/116)



Saisine de la cour : 07 Avril 2022





APPELANT



S.A.S. GORO MINES, représentée par ses dirigeants en exercice

Siège Social : [Adresse 1]

Représentée par Me Philippe

GILLARDIN membre de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



M. [Z] [U]

né le 30 Janvier 1983 à [Localité 3] (IRLANDE)

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Séver...

N° de minute : 30/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 04 Mai 2023

Chambre sociale

Numéro R.G. : N° RG 22/00016 - N° Portalis DBWF-V-B7G-S67

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Mars 2022 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :20/116)

Saisine de la cour : 07 Avril 2022

APPELANT

S.A.S. GORO MINES, représentée par ses dirigeants en exercice

Siège Social : [Adresse 1]

Représentée par Me Philippe GILLARDIN membre de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [Z] [U]

né le 30 Janvier 1983 à [Localité 3] (IRLANDE)

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Séverine LOSTE de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA et par Me Noémie KOZLOWSKI, avocat au barreau de NOUMEA, substituée par Maître Pierre-Henri LOUAULT, Avocat du même barreau

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseillère,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La société Goro mines, a été crée en 2003 pour regrouper plus de soixante dix sous traitants intervenant sur la mine de Goro et l'usine de [Localité 4], alors exploitée par la société Vale NC .

La société Goro mines a cette particularité, qu'elle représente au travers de son actionnariat les quatre tribus de la commune de [Localité 4]. Elle est un intermédiaire entre la société Vale qui est pratiquement son seul client et les entrepreneurs locaux.

Selon contrat de travail à durée déterminée daté du 24 février 2017, M. [Z] [U] était embauché à compter du 1er mars 2017 jusqu'au 31 mai 2017 inclus, en qualité de responsable HSE, AM7,T6 niveau IV, 3ème échelon, par la société Goro mines moyennant un salaire brut mensuel forfaitaire de 465.000 francs pacifique pour une moyenne de 45,52 heures de travail effectif hebdomadaire (accord professionnel territorial des industries extractives mines et carrières)

A compter du 1er juin 2017, il était confirmé dans ses fonctions par contrat de travail à durée indéterminée daté du 31 mai 2017. Son statut évoluait en cadre A et sa rémunération brute forfaitaire était portée à 500.000 francs pacifique .

L'ensemble des représentants du personnel de la société Goro mines était convié à une réunion extraordinaire du comité d'entreprise le 30 mai 2018, afin d'étudier la mise en place d'une procédure de restructuration de l'entreprise .

Le 8 juin 2018, une nouvelle réunion extraordinaire élargie du CE était organisée, afin d'évoquer la procédure de restructuration de la société .

Par note interne datée du 19 juillet 2018, les salariés étaient informés de nouvelles mesures salariales (révision des modalités de calcul et application de la prime d'ancienneté, révision de calcul des heures supplémentaires, révision de l'indemnisation de la maladie) suite à la restructuration interne de l'entreprise .

Par courrier du 23 juillet 2018, M. [U] était destinataire d'une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique motivée par des difficultés économiques sérieuses que connaît la sas Goro mines et de la nécessaire réorganisation interne liée à la sauvegarde des emplois et de la compétitivité de l'entreprise.

Il lui était proposé les changements suivants :

-la renonciation au 13ème mois ;

-l'acceptation d'un délai de 06 mois supplémentaires pour le versement de la gratification 2017

-la proratisation au temps de présence effective au poste pour le calcul de la gratification annuelle à partir de 2018 ;

-la prise en compte de 20 heures par mois d'heures supplémentaires compris dans un salaire forfaitaire identique au salaire actuel ;

-la suppression de prime d'ancienneté (pour tous les cadres).

Il lui était précisé qu'en cas d'acceptation de sa part, la modification de son contrat de travail prendra effet rétroactivement au 1er janvier 2018 s'agissant des dispositions qui concernent le 13ème mois et la gratification annuelle et au 1er août 2018 s'agissant des dispositions relatives à la mise en place d'une rémunération mensuelle forfaitaire incluant 20 heures supplémentaires par mois et la suppression de la prime d'ancienneté mais qu'en cas de refus, un licenciement pour motif économique en l'absence de reclassement possible serait envisagé.

Le 23 août 2018, M. [U] refusait la modification de son contrat de travail précisant que cette proposition comportait une erreur, les dispositions de modification du contrat ne correspondant pas à son contrat qui incluait notamment déjà un forfait horaire.

Par courrier daté du 15 octobre 2018, l'employeur reconnaissait qu'il avait commis une erreur lors de la proposition selon ses termes et qu'effectivement la forfaitisation des heures ne le concernait pas puisque suivant son contrat de travail initial avec la sas Goro mines , il disposait déjà de cette mesure tout en précisant que les autres points de modification de son contrat de travail restaient d'actualité, à savoir :

- Renonciation au 13ème mois ;

- Acceptation d'un délai de 06 mois supplémentaire pour le versement de la gratification 2017 - Proratisation au temps de présence effective au poste pour le calcul de la gratification annuelle à partir de 2018 ;

- Suppression de la prime d'ancienneté pour les Cadres.[...] ;

Par courrier remis par exploit d'huissier le 7 décembre 2018, il était convoqué à un entretien préalable à un licenciement économique fixé au 13 décembre 2018 et informé d'une proposition de reclassement suite à la suppression de son poste de responsable HSE.

Il lui était proposé le poste de superviseur du contrat C331 conclu entre la sas Goro mines et la société New Rest NC (livraison de repas et/ou de nourriture sur le site industriel de [Localité 4] par véhicule frigorifique-Gestion du sous-traitant Maki Transports, prestataire pour le compte de la sas Goro mines, ce poste étant basé sur Goro avec hébergement en base vie aux conditions suivantes :

-Rémunération mensuelle brute à hauteur de 350.000 francs pacifique pour 169 heures de travail effectif

-Classification : Agent de maîtrise AM4-T3 ;

-Véhicule de Service - téléphone - ordinateur portable.

Le 12 décembre 2018, les élus du personnel étaient consultés sur le projet de licenciement collectif pour motif économique.

Par courrier du 4 janvier 2019, M. [U] refusait la proposition de reclassement .

Selon la lettre datée du 3 janvier 2019 remise en mains propres, M. [U] était convoqué à un entretien préalable à un licenciement économique fixé au 25 janvier 2019.

Par courrier daté du 25 janvier 2019, l`employeur informait le salarié de la poursuite de la procédure de licenciement économique engagée à son encontre ainsi qu'à l'encontre de deux autres cadres et l'invitait à formaliser ses observations devant le CE élargi réuni le 31 janvier 201 9.

Selon la lettre datée du 11 février 2019, l' employeur informait la direction du travail et de l'emploi de son projet de licenciement économique de trois salariés cadres dont celui de M. [U] et d'un salarié protégé.

Par courrier en réponse du 14 février 2019, la Direction du Travail et de l'Emploi confirmait ne pas émettre d'observation concernant le licenciement des deux salariés non protégés rappelant le respect du délai de 30 jours à compter de l'envoi du projet de licenciement le 12 février 2019 etl'invitait à engager la procédure de licenciement du salarié protégé après l'autorisation de l'inspection du travail .

Par lettre remise en mains propres le 18 mars 2019 datée du même jour, la sas Goro mines notifiait au salarié son licenciement pour motif économique.

L'employeur justifiait son licenciement par le ralentissement continu de l'activité et la dégradation des marges depuis l'exercice 2017 qui ont amené l'entreprise à connaître de graves difficultés économiques et financières et à prendre des mesures sur les modalités de rémunération validées par les IRP, la réduction des coûts de fonctionnement ainsi que la réorganisation fonctionnelle de l'entreprise, tout en sauvegardant l'ensemble des emplois permanents de sorte qu'il était apparu nécessaire notamment de revoir l'organisation et la conduite des opérations sur site ce qui avait conduit dans le cadre des mesures de restructuration votées en CE extraordinaires et élargis, à faire des propositions amiables de révision des conditions de son contrat de travail ainsi qu'à ses autres collègues cadres jusqu'au retour à meilleure fortune, pour permettre de sauvegarder son emploi dans la société qu'il n`a pas acceptées et ultérieurement une proposition de reclassement qu'il avait refusée.

Le 21 juin 2019, M. [U] était destinataire de son solde de tout compte sur lequel il apposait la mention manuscrite 'pour solde de tout compte sous toutes réserves ".

Par requête introductive d'instance enregistrée le 25 juin 2020 complétée ultérieurement, M. [U] a fait convoquer la sas Goro mines devant le tribunal du travail aux fins suivantes:

- dire que son licenciement économique est sans cause et sérieuse et que la sas Goro Mines n'a pas respecté l'ordre des licenciements ;

En conséquence :

-condamner la société défenderesse à lui payer les sommes suivantes :

- 9.750.000 francs pacifique (représentant 15 mois de salaire) outre les intérêts au taux légal avec anatocisme, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 1.300.000 francs pacifique (2 mois de salaire soit 1.300.000 francs pacifique ) au titre du préjudice lié au non-respect de l'ordre des licenciements;

- condamner la sas Goro Mines à produire le contrat de travail et les 3 derniers bulletins de salaire de M. [C];

-condamner la sas Goro mines à payer à M. [U] la somme de 268.493 francs pacifique au titre de la gratification annuelle 2019;

- ordonner l'exécution provisoire sur l'ensemble des dommages et intérêts ;

- condamner la société défenderesse à lui payer la somme de 250.000 francs pacifique au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 29 mars 2022, le tribunal du travail de Nouméa a:

- dit que le licenciement économique de M. [Z] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- condamné la sas Goro mines à lui payer la somme de 3 774 000 francs pacifique à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse outre les intérêts au taux légal avec anatocisme à compter du jugement.

- débouté M. [Z] [U] du surplus de ces demandes;

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 50 % de la somme allouée au titre des dommages-intérêts ;

-condamné la société sas Goro mines à payer à M. [Z] [U] la somme de cent quatre-vingt mille (180.000) francs pacifique au titre des frais irrépétibles ;

-condamné la société sas Goro mines aux dépens ;

PROCÉDURE D'APPEL

La sas Goro mines a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 07 avril 2022.

Dans ses dernières conclusions , déposées sur le réseau privé virtuel des avocats le 24 juin 2022, oralement soutenues lors de l'audience du 27 mars 2023, la sas Goro mines demande à la cour de :

- réformer le jugement critiqué en ce qu'il condamne la sas Goro mines au paiement de la somme de 3.774.000 francs pacifique au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de M. [Z] [U] et des entiers dépens de l'instance.

Statuant à nouveau :

-juger que le licenciement pour raison économique de M. [Z] [U] est parfaitement régulier

- le débouter de l'ensemble de ses demandes.

En tout état de cause :

-condamner M. [Z] [U] aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'à la somme de 400.000 francs pacifique au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Maître Noémie Kozlowski, avocate au sein du cabinet Juriscal , s'est constituée au soutien des intérêts de M. [Z] [U] le 4 août 2022.

Il lui a été enjoint de conclure au plus tard le 31 août 2022, mais un délai supplémentaire lui a été accordé à deux reprises par le magistrat chargé de la mise en état , repoussant cette date au 15 septembre 2022 puis au 30 septembre 2022.

A défaut d'avoir déposé ses conclusions dans le délai ainsi imparti, l'affaire a été fixée par ordonnance rendue par le magistrat chargé de la mise en état le 1er décembre 2022 à l'audience de la chambre sociale du 23 mars 2023.

Maître Kozloski a été substituée à l'audience par son maître Louault qui n'a déposé aucune écriture .

Il sera néanmoins statué par arrêt contradictoire conformément aux dispositions de l'article 469 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie du seul appel principal de l'employeur qui conteste la décision de la juridiction du travail ayant déclaré le licenciement de M. [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse et l'ayant condamnée de ce chef à lui verser 3.774.000 francs pacifique à titre de dommages intérêts.

A titre liminaire, il convient d'observer que le moyen invoqué par M. [U] en première instance, tiré de la tardiveté de la notification du licenciement , écarté par le tribunal du travail, n'est pas discuté devant la cour, qui confirmera en conséquence purement et simplement le rejet de cet argument .

I Sur le bien fondé du licenciement.

Le tribunal du travail a considéré que le licenciement de M. [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, au motif que la matérialité des difficultés économiques alléguées par l'employeur dans la lettre de licenciement n'était pas établie. Le tribunal relevait notamment que les résultats de l'entreprise, certes déficitaires en 2017, étaient redevenus positifs dès le mois de décembre 2018, soit près de trois mois avant la décision de licenciement, et que, contrairement à ce qui était soutenu par la société Goro mines, celle ci ne démontrait pas avoir réduit la masse salariale, ( passée de 399 024 541 francs pacifique en 2017 à 409 192 505 francs pacifique ) alors que cet argument était invoqué pour rationaliser la rentabilité et justifier des propositions amiables de baisse des rémunérations. Il relevait encore que la sas Goro mines ne démentirait pas que la suppression du poste de M. [U] avait réduit le coût de production par la baisse de la masse salariale alors qu'elle avait du faire appel à des sous traitants, pour effectuer une partie de son travail, renchérissant ainsi au contraire , le coût du travail.

Le tribunal du travail, a également retenu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce que la sas Goro mines, ne justifiait pas avoir recherché des postes de reclassement pour M. [U], si ce n'est un poste de catégorie inférieure et ne démontrait pas non plus que son poste de travail avait été effectivement supprimé.

Enfin, la juridiction du travail a retenu l'absence de cause réelle et sérieuse, au titre du non respect des dispositions de l'article Lp 122-11 qui lui imposaient de définir des critères pour fixer l'ordre des licenciements après avoir consulté le comité d'entreprise , ou le fait qu'elle n'explicitait pas non plus le choix de M. [U] par rapport aux critères énumérés par la loi.

La sas Goro mines demande à la cour de débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes, et de réformer le jugement notamment en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 3 774 000 francs pacifique à titre de dommages intérêts au titre de son préjudice consécutif à son licenciement dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

Elle avance que la société a parfaitement suivi la procédure exigée par le code du travail et que le licenciement pour cause économique de M. [U] est parfaitement régulier. Sur le bien fondé de la rupture, elle expose que le licenciement était motivé, non seulement en considération des des difficultés économiques rencontrée en 2017 mais aussi au regard des prévisions sur les années à venir, qui excluaient toute embellie, projections qui ont été confirmées avec une diminution du chiffre d'affaires par trois entre 2017 et 2021.

La société Goro mines affirme par ailleurs avoir bien supprimé le poste de M. [U] en précisant cependant que deux personnes, qui occupent des postes subalternes, travaillent encore dans ce service,. Elle produit les registres du personnels des années 2019 et 2021 pour le démontrer.

M. [U], réprésenté par Maître Kozlowski n'a présenté aucune observation.

Comme l'a énoncé le tribunal du travail, les dispositions de l'article Lp 122-9 du Code du travail, précisent que tout licenciement économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Cela signifie qu'il doit être motivé soit par des difficultés suffisamment graves et durables soit par la réorganisation de l'entreprise rendue nécessaire pour la sauvegarde de sa compétitivité au moment du licenciement.

Il appartient en conséquence à la cour de vérifier la matérialité des difficultés économiques invoquées, et de s'assurer de la nécessité alléguée par l'employeur d'avoir à réorganiser l'entreprise pour la sauvegarde de sa compétitivité au moment du licenciement à partir de la lettre de licenciement fixant les termes du litige ainsi qu'il suit :

' le ralentissement continu de l'activité et la dégradation des marges depuis l'exercice 2017 ont amené l'entreprise à connaître de graves difficultés économiques et financières.

Le résultat net de l'entreprise au titre de l'activité 2017 a été dédicataire à hauteur de 63 millions de francs pacifique , induisant une situation nette au niveau des capitaux propres , négatives à hauteur de 46 millions de francs pacifique .

L'exercice 2018 dont les premiers résultats avant écritures d'inventaire ont confirmé la tendance , puisqu'au 25 janvier 2019 le tableau de bord de l'entreprise mettait en évidence un nouveau résultat déficitaire prévisionnel à hauteur de 14,4 millions de francs pacifique.

S'agissant de 2019, le compte simplifié d'exploitation au 28 février 2019 donné par une balance des comptes 6 et 7 , fait apparaître un résultat provisoire déficitaire de 35 130 014 francs pacifique.

Au sortir des travaux comptables de 2017 et de budget 2018 il est apparu que le résultat attendu pour l'exercice 2018 serait une perte de 60 millions de francs pacifiques.

Après un exercice 2017 fortement déficitaire et un prévisionnel de trésorerie montrant une impossibilité de faire face de faire face à nos engagement à partir du mois de juillet 2018, la direction a décidé de lancer une procédure de restructuration qu'elle a présenté puis faite voter par l'ensemble de la représentation des salariés, afin de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, sa pérennité et les emplois permanents.

L'objectif de rétablissement de la situation économique passait par la mise en place de mesures portant à la fois sur les modalités de rémunération validées par les IRP , la réduction des coûts de fonctionnement ainsi que la réorganisation fonctionnelle de l'entreprise, tout en sauvegardant l'ensemble des emplois permanents.

Compte tenu de la dégradation des marges et de la difficulté à mettre en oeuvre les contrats âprement négociés par la direction auprès du client, il est apparu nécessaire de revoir notamment l'organisation et la conduite des opérations sur site.

Dans le cadre des mesures de restructuration votées en CE extraordinaires et élargis , il vous a été fait des propositions amiables de révision des conditions de votre contrat de travail jusqu'à retour à meilleure fortune , pour permettre de sauvegarder votre emploi dans la société.

Sur l'ensemble des salariés permanents de la société seulement trois cadres ont refusé ces propositions.

Vous avez refusé cette proposition amiable de révision des conditions contractuelles de rémunération ce qui nous a amené à lancer à votre encontre une procédure de licenciement pour motif économique, après néanmoins un certain nombre d'entretiens individuels au cours desquels nous avons essayé de vous convaincre de rester dans l'entreprise.

En dépit des recherches que nous avons effectuées , la proposition de reclassement insérée dans votre convocation à l'entretien préalable du 13 décembre 2018 , complétée par une fiche de poste envoyée le 03 janvier 2019 ne vous a pas convenue.

La suppression du service HSE du fait de la réorganisation fonctionnelle de l'entreprise nous a conduit à vous proposer un poste sur site de superviseur de contrats, vous permettant de préparer, organiser et suivre le bon déroulemement des activités en s'assurant du respect de l'application des règles en matière d'hygiène, de sécurité et de protection de l'environnement.

Par courrier envoyé par mail en date du 4 janvier 2019, vous avez refusé cette proposition de reclassement.

A la suite de notre dernier entretien, qui s'est tenu le 25 janvier 2019 et à l'issue de la dernière réunion du Comité d'entreprise, vous étiez informé de notre décision de vous licencier pour motif économique.

La cour observe qu à l'époque où il a été décidé - au mois de mai 2018 après consultation et approbation des organisations représentatives du personnel-de prendre des mesures de restructuration , le société Goro mines, présentait un mauvais résultat financier , puisque l'exercice 2017, affichait une perte de plus de soixante trois millions de francs pacifique. Certes cette mauvaise performance , intervenait après deux années 2015 et 2016 bénéficiaires, qui avaient permis de reconstituer les capitaux propres, mais cette nouvelle perte avait de nouveau provoqué leur baisse avec un solde négatif de plus de 46 millions et cette embellie, sur deux années consécutives s'inscrivait dans un contexte plus ancien , de dégradation économique constante depuis l'année 2010. Aussi, la volonté d'entreprendre de telles mesures en vue de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, et sa pérennité était elle économiquement justifiée en dépit du léger rebond de l'activité constatée en fin d'année 2018. Force est au demeurant de constater qu'elles n'ont pas empêché la société Goro mines de décliner au cours des années suivantes, avec une baisse continue de son chiffre d'affaires , divisé par trois en 4 ans.

En revanche, il ressort des motifs énoncés dans la lettre de licenciement que la restructuration et la réorganisation décidées par l'entreprise dans le but d'en sauvegarder la compétitivité et à terme sa pérennité impliquaient la suppression du service HSE auprès duquel M. [U] exerçait ses fonctions. Or, il ressort de l'examen des registres du personnel édités au 31 décembre des années suivantes, 2019 et 2021, que le service HSE n'a pas été supprimé puisque M. [O] [N], employé en qualité de technicien qui y travaille depuis le 12 janvier 2015, fait toujours partie des effectifs et qu'un agent supplémentaire en la personne de M. [X] [D] a été recruté en qualité d'assistant pour 6 mois à compter du 1er avril 2019, lui même remplacé à compter du 14 avril 2021 par le recrutement en CDI d'une technicienne , Mme [S] [F]. Par ailleurs, comme l'a relevé à juste titre le tribunal du travail, il est établi que l'emploi occupé par M. [U] correspondait à un besoin réel qui a finalement motivé le recours à un prestataire extérieur, en la personne de Mme [G] [P] , le 03 décembre 2019, de sorte que l'économie réalisée au titre des charges de personnel ( ramenées de 289 937 065 francs pacifique en 2018 à 275 106 926 francs pacifique en 2019 )n'est pas réelle. En effet, dans le même temps les charges d'exploitation et charges externes ont en revanche augmenté en passant de 1 089 821 893 à 1 262 996 104 francs pacifique sans que la cour ne soit en mesure de s'assurer de la suppression effective de cette activité, à défaut de production par l'employeur de l'ensemble des contrats signés avec des prestataires extérieurs.

Ainsi en définitive, il n'est pas démontré que le licenciement de M. [U] s'inscrivait objectivement dans le cadre de la réorganisation souhaitée par la direction ce qui le prive à ce titre d'une cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, la cour, comme le premier juge relève qu'il incombe à l'employeur qui envisage de licencier un ou des salariés pour des causes économiques, de justifier préalablement des efforts réalisés en matière de formation et de réadaptation et de rechercher des possibilités de reclassement soit dans l'entreprise soit dans les entreprises du groupe auquel elle appartient.

Au cas d'espèce, force est de constater que la seule proposition faite à M. [U], qui n'a pas accepté la baisse de sa rémunération, envisagée en octobre 2018 , portait sur un poste de catégorie inférieure, avec une rémunération brute de 350 000 francs pacifique . Cependant, d'une part la société Goro mines ne justifie pas des recherches effectuées au sein même de l'entreprise, qui comptait plus de 70 salariés, pour vérifier l'existence d'autres postes disponibles dans sa catégorie - ce qui devait être préalable à toute proposition de reclassement sur des postes de catégories inférieures - et d'autre part, elle ne démontre pas , non plus avoir remis au salarié une fiche de poste détaillée, lui permettant de se positionner sur cette offre en toute connaissance de cause.

Son licenciement est également dépourvu de cause réelle et sérieuse pour cette raison.

Enfin, c'est aussi à juste titre que le tribunal du travail a relevé le manquement de l'employeur à l'obligation lui incombant sur le fondement de l'article Lp 122-11 du code du travail et la jurisprudence qui en découle. En effet, si la loi oblige l'employeur à déterminer , après consultation des organisations représentant le personnel , les critères devant être retenus pour fixer l'ordre des licenciements, ces critères sont nécessairement appréciés dans la catégorie professionnelle à laquelle appartient le salarié , la catégorie s'analysant comme l'ensemble des personnels exerçant dans l'entreprise des fonctions supposant une formation professionnelle commune. (selon qu'elles requièrent des compétences, techniques, juridiques, informatiques, etc... )

De ce point de vue , la référence choisie par la société Goro mines, qui évoque dans la lettre de licenciement, l'ensemble des salariés permanents et le refus de trois cadres d'accepter la modification de leur contrat de travail est inappropriée en ce qu'elle porte sur un statut et non sur une catégorie .

Par ailleurs, la société Goro mine s'est également abstenue de justifier des raisons pour lesquelles, elle a licencié M. [U] plutôt qu'une autre personne, y compris au regard des critères généraux définis par la loi comme les charges de famille, l'ancienneté et les qualités professionnelles.

En conséquence, son licenciement apparaît également dépourvu de cause réelle et sérieuse à ce titre.

Ainsi , il convient de confirmer la décision du tribunal de travail , qui a , au regard des trois moyens ci dessus repris, jugé que le licenciement de M. [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il en découle que l'ensemble des condamnations indemnitaires prononcées par la juridiction du travail , résultant de la qualification du licenciement seront purement et simplement confirmées la société Goro mines n'avançant aucun argument pour en critiquer le montant .

II Sur l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

La société Goro mines échouant en cause d'appel , il n'y a pas lieu de prononcer en sa faveur de condamnation sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

III Sur les dépens

Pour les mêmes raisons, tous les dépens de l 'instance d'appel resteront à sa charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi

- Confirme le jugement rendu par le tribunal du travail de Nouméa le 29 mars 2022 en toutes ses dispositions.

- Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

- Laisse les dépens de l'instance d'appel à la charge de la société Goro mines.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/00016
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;22.00016 ?
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