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04/05/2023 | FRANCE | N°21/00055

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 04 mai 2023, 21/00055


N° de minute : 38/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 4 mai 2023



Chambre commerciale









Numéro R.G. : N° RG 21/00055 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SC4



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 avril 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 2017/01168)



Saisine de la cour : 29 juin 2021





APPELANTS



M. [L] [Z] [U]

né le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 6] (POLYNÉSIE FRANÇAISE),

demeurant [Adress

e 4] (POLYNESIE FRANCAISE)

Représenté par Me François QUINQUIS de la SELARL JURISPOL, avocat au barreau de PAPEETE, et par Me Nicolas MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

M. [P] [U]

né le [Date ...

N° de minute : 38/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 4 mai 2023

Chambre commerciale

Numéro R.G. : N° RG 21/00055 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SC4

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 avril 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 2017/01168)

Saisine de la cour : 29 juin 2021

APPELANTS

M. [L] [Z] [U]

né le [Date naissance 3] 1945 à [Localité 6] (POLYNÉSIE FRANÇAISE),

demeurant [Adresse 4] (POLYNESIE FRANCAISE)

Représenté par Me François QUINQUIS de la SELARL JURISPOL, avocat au barreau de PAPEETE, et par Me Nicolas MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

M. [P] [U]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 7],

demeurant [Adresse 5] (POLYNESIE FRANCAISE)

Représenté par Me François QUINQUIS de la SELARL JURISPOL, avocat au barreau de PAPEETE, et par Me Nicolas MILLION, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.E.L.A.R.L. [H] [K] ès qualités de mandataire liquidateur de la société INTEROUTE NC

, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Anne-Laure VERKEYN de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA

AUTRE INTERVENANT

MINISTERE PUBLIC

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 mars 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. Philippe DORCET, Président de chambre,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Le 14 août 2007, il a été procédé à l'immatriculation d'une société par actions simplifiée, dénommée Interoute N.C. et ayant une activité de constructions de chaussées.

M. [L] [U], le président du conseil d'administration de la société Interoute, associé unique, a été nommé président de la société.

Lors d'une assemblée générale tenue le 9 février 2011, M. [P] [U] a été nommé directeur général.

Lors de l'assemblée générale du 9 mai 2012, l'actionnaire unique a accepté la démission de M. [P] [U] de ses fonctions de directeur général avec effet au 9 mai 2012.

Par jugement du 4 juin 2012, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, sur dépôt par la débitrice d'une déclaration de cessation de paiements, a ouvert une procédure de redressement judiciaire à 1'égard de la société Interoute N.C. et fixé la date provisoire de cessation des paiements au 22 mai 2012.

Par jugement du 17 juin 2013, cette juridiction a arrêté un plan de redressement de la société Interoute N.C. prévoyant un apurement du passif en cent-vingt mensualités de 4.213.496 FCFP.

Par jugement du 16 février 2015, le tribunal mixte de commerce de Nouméa, sur la requête du commissaire à l'exécution du plan qui faisait état d'un arriéré de 8.426.992 FCFP, a :

- prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société Interoute N.C.,

- fixé la date de cessation des paiements au 10 décembre 2014,

- désigné la selarl [K] en qualité de liquidateur.

Par jugement du 25 avril 2016, la date de cessation des paiements de la société Interoute N.C., fixée initialement au 10 décembre 2014 a été reportée au 16 août 2013.

Selon requête introductive d'instance déposée le 5 juillet 2017, la selarl [K], ès qualités, a recherché la responsabilité de M. [L] [U] et M. [P] [U] pour insuffisance d'actif et sollicité le prononcé de sanctions personnelles.

Les défendeurs ont excipé de la nullité et de l'irrecevabilité de l'action du mandataire liquidateur et contesté tant l'insuffisance d'actif que les fautes alléguées.

Par jugement en date du 30 avril 2021, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a:

- rejeté comme infondées les exception de procédure et fin de non recevoir soulevées par les défendeurs,

- dit recevable la selarl [K], ès qualités de liquidatrice de la société Interoute NC, en ses action et demandes,

- condamné M. [L] [U] et M. [P] [U], solidairement entre eux, à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société Interoute N.C. à hauteur de la somme de 350.000.000 FCFP,

- dit que cette somme était payable entre les mains de la selarl [K], ès qualités,

- dit n'y avoir lieu à interdiction de gérer et débouté la selarl [K], ès qualités, de sa demande de ce chef tant à l'encontre de M. [L] [U] qu'à l'encontre de M. [P] [U],

- dit que le jugement devrait faire l'objet de la publicité prévue à l'article 220 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008,

- débouté chacune des parties du surplus de ses demandes,

- condamné M. [L] [U] et M. [P] [U], solidairement entre eux, aux dépens de l'instance.

Les premiers juges ont principalement retenu :

- que le tribunal mixte de commerce de Nouméa avait été régulièrement saisi par le dépôt d'une requête introductive d'instance dans les trois années qui avaient suivi l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Interoute N.C. ;

- que les dirigeants avaient été convoqués et entendus ;

- que l'insuffisance d'actif était supérieure à 780.000.000 FCFP ;

- que les défendeurs avaient commis des fautes de gestion graves (dilettantisme des dirigeants, dépôt tardif du bilan, poursuite abusive d'une exploitation restée déficitaire après l'adoption du plan) qui avaient contribué à l'insuffisance d'actif ;

- qu'il convenait de dispenser les défendeurs d'une interdiction de gérer puisque leurs centres d'intérêt étaient situés en Polynésie française et qu'il n'était pas démontré que leurs affaires étaient mal gérées.

Selon requête déposée le 29 juin 2021, M. [L] [U] et M. [P] [U] ont interjeté appel de cette décision. La selarl [K], ès qualités, a formé un appel incident.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives transmises le 30 septembre 2022, M. [L] [U] et M. [P] [U] demandent à la cour de :

- infirmer parte in qua le jugement entrepris ;

- dire et juger que le tribunal de commerce de Nouméa n'était pas valablement saisi, les actes introductifs d'instance ne respectant pas les mentions exigées par les articles 317-1 et 324 de la délibération n° 352 du 8 janvier 2001, à savoir la convocation en personne des dirigeants ;

- constater que cette situation n'est plus régularisable, la prescription de trois ans étant acquise depuis le 16 février 2018 ;

- constater que les actes introductifs ne respectent pas le délai de comparution, en ce compris le délai de distance ;

- annuler les actes introductifs d'instance ;

en toute hypothèse,

- constater que M. [P] [U] n'était plus directeur général de la société Interoute N.C. depuis 2012 ;

- débouter la selarl [K] de toutes ses demandes à son encontre, aucune faute de gestion n'étant ni alléguée, ni prouvée pendant la période antérieure à sa démission d'une part et preuve n'étant pas rapportée que l'insuffisance d'actif préexistât à celle-ci d'autre part ;

- débouter Me [K] de sa demande de condamnation solidaire entre M. [L] [U] et M. [P] [U] ;

- débouter Me [K] de toutes ses prétentions, aucune faute de gestion querellée n'étant caractérisée ni a fortiori constituée ;

- constater encore que ni le jugement dont appel, ni Me [K], ès qualités, n'identifient le préjudice né de chacune des fautes reprochées, ni leur auteur, ni le lien de causalité entre chacune de ces fautes et le préjudice invoqué ;

- débouter Me [K], ès qualités, de toutes ses prétentions ;

- condamner Me [K], ès qualités, au versement d'une somme de 3.500.000 FCFP au titre des frais irrépétibles ;

très subsidiairement sur l'appel incident,

- dire n'y avoir lieu à augmentation de la condamnation pour insuffisance d'actif mais à l'inverse en ramener le quantum à de plus justes proportions au regard de chacune des fautes reprochées à les supposer démontrées et de lien de causalité entre celles-ci et la constitution du passif ;

- dire n'y avoir lieu à prononcer l'interdiction de gérer contre les dirigeants ;

- débouter Me [K], ès qualités, de son appel incident ;

- la condamner aux dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises le 29 juillet 2022, la selarl [K], ès qualités, prie la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a relevé les fautes de gestion commises par M. [L] [U] et M. [P] [U] ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [L] [U] et M. [P] [U] solidairement entre eux à supporter le comblement de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société Interoute N.C. à hauteur uniquement de 350.000.000 FCFP ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'interdiction de gérer à l'encontre de M. [L] [U] et M. [P] [U] ;

- condamner solidairement M. [L] [U] et M. [P] [U] à supporter le comblement de la totalité de l'insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire de la société Interoute N.C. ;

- condamner solidairement M. [L] [U] et M. [P] [U] à verser à la selarl [K], ès qualités, la somme de 730.602.439 FCFP au titre de l'insuffisance d'actif ;

- prononcer à l'encontre de M. [L] [U] et M. [P] [U] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale ayant une activité économique pour une durée de quinze ans ;

- condamner solidairement M. [L] [U] et M. [P] [U] à payer à la selarl [K], ès qualités, la somme de 600.000 FCFP au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la selarl d'avocat Boissery - Di Luccio -Verkeyn.

Dans des conclusions datées du 29 août 2022, le ministère public sollicite la confirmation du jugement entrepris.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 octobre 2022.

SUR CE, LA COUR,

Les appelants soutiennent que le tribunal mixte de commerce de Nouméa n'a pas été régulièrement saisi en raison d'une « non convocation régulière des dirigeants », ceux-ci affirmant :

« Or, les exposants ont été convoqués pour la dernière fois par actes du 29 janvier 2020 pour une audience du 17 février 2020, sans aucune indication de la convocation du dirigeant pour être entendu personnellement par le Tribunal (PJ 18).

Les convocations délivrées antérieurement sont affectées de la même irrégularité. »

Le tribunal mixte de commerce de Nouméa a écarté les moyens soulevés par M. [L] [U] et M. [P] [U] et tenu la procédure pour régulière en observant qu'il avait été régulièrement saisi par le dépôt de la requête du mandataire liquidateur dans les trois années qui ont suivi l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Interoute N.C., ce dépôt valant saisine de la juridiction, et que les dirigeants avaient été convoqués par le greffe « plus de deux mois avant leur comparution personnelle respective du 9 décembre 2020. »

L'intimée reprend cette argumentation.

L'article 317-1 de la délibération n° 352 du 8 janvier 2008 portant mesures de procédures en matière de sauvegarde de justice, relatif à l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, prévoit : « Pour l'application de l'article L. 651-2 du code du commerce, le ou les dirigeants mis en cause sont convoqués, à la diligence du greffier, un mois au moins avant leur audition, par acte d'huissier de justice ou dans les formes prévues à l'article 173. »

L'article 324 de cette même délibération, relatif à la faillite personnelle et aux autres mesures d'interdiction, dispose : « Pour l'application de l'article L. 653-7 du code du commerce, le ou les dirigeants mis en cause sont convoqués dans les formes prévues à l'article 317-1. »

Ainsi que l'ont noté les premiers juges, ces dispositions n'exigent nullement que la requête introductive d'instance, par laquelle le tribunal mixte de commerce est saisi, contienne une convocation des dirigeants pour audition ou leur rappelle qu'ils seront entendus : la convocation du dirigeant aux fins d'audition peut intervenir ultérieurement.

Dans leurs conclusions, les appelants évoquent une audience tenue le 17 février 2020, à laquelle ils auraient vainement comparu. Il résulte du dossier que des citations à comparaître à cette audience avaient été délivrées aux deux dirigeants le 29 janvier 2020 (exploits de Me [X]). Ces convocations n'étaient pas régulières puisque le délai d'un mois au moins prescrit par les articles précités n'était pas respecté.

Au dossier de première instance, figure une note d'audience du 9 décembre 2020 qui établit que M. [L] [U] et M. [P] [U] ont été entendus en visio-conférence à cette date par le tribunal mixte de commerce de Nouméa sur les fautes que leur reprochait le liquidateur judiciaire. Le dossier démontre également que le greffier a saisi Me [N], huissier de justice, le 20 mai 2020 aux fins de citation à une audience du 24 août 2020. Toutefois, il ne contient aucune citation délivrée aux intéressés, un mois au moins avant leur audition.

La circonstance que M. [L] [U] et M. [P] [U] aient comparu le 9 décembre 2020 est insuffisante pour inférer que les formalités instituées par les articles précités ont été respectées.

Or, il est acquis que la convocation du dirigeant pour être entendu personnellement par le tribunal est un préalable obligatoire aux débats en ce qu'elle constitue une mesure de protection : l'omission de cette formalité, qui fait obstacle à toute condamnation, constitue une fin de non-recevoir.

Dès lors qu'aucune pièce de la procédure n'établit que les appelants ont été convoqués en temps utile pour leur audition par le tribunal mixte de commerce de Nouméa à l'audience du 9 décembre 2020, les demandes de sanctions formulées par le mandataire liquidateur sont irrecevables.

Par ces motifs

La cour,

Infirme le jugement entrepris ;

Statuant à [U],

Déclare irrecevables l'action en comblement de l'insuffisance d'actif et l'action en interdiction de gérer dirigées contre M. [L] [U] et M. [P] [U] ;

Déboute M. [L] [U] et M. [P] [U] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la selarl [K], ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00055
Date de la décision : 04/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-04;21.00055 ?
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