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27/04/2023 | FRANCE | N°21/00063

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 27 avril 2023, 21/00063


N° de minute : 36/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 27 avril 2023



Chambre commerciale









Numéro R.G. : N° RG 21/00063 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SEH



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 18/151)



Saisine de la cour : 8 juillet 2021





APPELANT



M. [R] [E]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me

Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉ



S.A. BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE - B.N.C.,

Siège social : [Adresse 1]

Représenté par Me Philippe REUTER ...

N° de minute : 36/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 27 avril 2023

Chambre commerciale

Numéro R.G. : N° RG 21/00063 - N° Portalis DBWF-V-B7F-SEH

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 juin 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° 18/151)

Saisine de la cour : 8 juillet 2021

APPELANT

M. [R] [E]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Frédéric DESCOMBES de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. BANQUE DE NOUVELLE-CALEDONIE - B.N.C.,

Siège social : [Adresse 1]

Représenté par Me Philippe REUTER de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 16/02/2023, ayant été prorogé au 02/03/2023, au 16/03/2023, 30/03/2023, 13/04/2023 et 27/03/2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

*******************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Suivant acte sous seing privé du 10 décembre 2014, la société BANQUE DE NOUVELLE CALEDONIE (la BNC) a conclu avec la SARL TECHNIC BETON une convention de compte courant pour un montant total de 10 000 000 francs CFP, se décomposant en une somme de 2 500 000 francs CFP au titre d'un découvert autorisé moyennant intérêts de 3,074 % l'an et une commission de 2 % sur le plus fort découvert ainsi qu'en une ligne de cession de créances Dailly d'un montant de 7 500 000 francs CFP avec intérêts au taux variable IEOM de 0,15% l'an, majoré de 3,074 % TTC.

Aux termes de cet acte, M. [M] [O] et M. [R] [E] se sont portés caution solidaires de la société TECHNIC BETON au profit de la BNC au titre des sommes dues à ce titre dans la limite, chacun, de 10 000 000 francs CFP outre intérêts, commission, frais et accessoires.

Par jugement du 2 novembre 2015, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a ouvert une procédure collective à l'égard de la société TECHNIC BETON.

Par jugement du 4 septembre 2017, cette juridiction a prononcé la résolution du plan de continuation arrêté le 24 octobre 2016 et a ordonné la liquidation judiciaire de la société.

Par requête déposée au greffe de la juridiction le 2 mai 2019, la BNC a agi à l'encontre de M. [M] [O] et M. [R] [E] aux fins notamment de les voir condamnés solidairement et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui régler la somme de 3 362 808 francs CFP avec intérêts au taux contractuel à compter du 4 septembre 2017.

Par jugement contradictoire du 8 juin 2021, le tribunal a notamment :

- débouté M. [R] [E] de toutes ses défenses et demandes reconventionnelles au titre de son cautionnement ;

- condamné M. [R] [E] et M. [M] [O], ès qualités de cautions solidaires de la société en liquidation judiciaire TECHNIC BETON, à payer solidairement entre eux à la BNC au titre de la convention de compte courant la somme de 3 362 808 francs CFP avec intérêts au taux contractuel de 3,074% l'an sur la seule somme de 3 292 819 francs CFP à compter du 4 septembre 2017 ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

- condamné M. [R] [E] et M. [M] [O] solidairement entre eux aux dépens, dont distraction au profit du conseil de la BNC.

PROCEDURE D'APPEL :

Par requête déposée au greffe de la cour le 8 juillet 2021, M. [R] [E] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières écritures communiquées par RPVA le 13 juillet 2022, il sollicite l'infirmation du jugement entrepris et, à titre principal, le rejet des demandes formées par la BNC au motif que la banque a manqué à son devoir de mise en garde 'à raison du caractère disproportionné de son engagement'.

A titre subsidiaire, soutenant que la banque ne rapportait pas la preuve du respect de son obligation d'information annuelle, il sollicite qu'elle soit déchue du droit aux intérêts contractuels et demande que lui soient octroyés des délais de paiement sur 24 mois au visa de l'article 1244-1 du code civil.

Il entend enfin voir la banque condamnée à lui régler la somme de 350 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.

En réplique, la BNC conclut, aux termes de ses écritures du 14 mars 2022, à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant à lui verser la somme de 350 000 francs CFP au titre de ses frais irrépétibles.

La banque soutient en substance n'avoir manqué à aucune de ses obligations de conseil et d'information dès lors que M. [R] [E] était une caution avertie, qu'il disposait d'un patrimoine et de revenus proportionnés à son engagement et qu'elle justifie de son information annuelle. Elle s'oppose par ailleurs aux délais de paiement sollicités.

Pour un exposé détaillé des moyens invoqués par les parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions respectives et aux développement ci-dessous.

SUR CE :

Les parties ne contestent pas en cause d'appel le montant, au principal, de la créance cautionnée par M. [R] [E], telle que fixée par le premier juge à 3 362 808 francs CFP, correspondant au solde débiteur du compte courant au 12 novembre 2015, date de la résiliation de la garantie, augmentée des agios débiteurs et de la commission de plus fort découvert.

Sur la disproportion du cautionnement invoquée par M. [R] [E]

Vu les articles 1134, 1147 et 2288 et suivants du code civil dans leur rédaction applicable en Nouvelle Calédonie ;

M. [R] [E] soutient qu'il doit être regardé comme une caution non avertie, de sorte qu'il était, au jour de son engagement, créancier à l'égard de la banque d'une obligation de mise en garde.

Il résulte toutefois des pièces produites aux débats que M. [R] [E], en sa qualité d'associé gérant de la société TECHNIC BETON, dont le chiffre d'affaire pour 2014 s'élevait à 74 311 260 francs CFP et qui bénéficiait de nombreux concours bancaires, certains dans le cadre de dispositifs complexes de défiscalisation, était, au jour de son engagement, impliqué dans la gestion financière et dans la vie commerciale de la société, qu'il était au fait de sa situation, qu'il avait déjà cautionné un premier emprunt de cette société le 5 septembre 2013 et qu'il était d'autant plus à même de comprendre et de mesurer la portée de son engagement qu'il était par ailleurs associé gérant d'une société de promotion immobilière (LBE), d'une société civile immobilière (la SCI EIFFEL 1) et associé de la société SMDP (50 %) et de la société DEMOLITION DESAMIANTAGE NC (32 %), au profit desquelles il avait déjà cautionné deux prêts le 23 octobre 2013.

Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que M. [R] [E] devait être regardé comme une caution avertie et que la banque n'était pas tenue à son égard à une obligation de mise en garde et de vérification de la proportionnalité de son engagement en qualité de caution au regard de ses revenus et patrimoine, lequel s'avérait au surplus, à la lecture du bilan de la société cautionnée et de la fiche patrimoniale renseignée par M. [R] [E], largement suffisant pour faire face à son engagement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] [E] de son moyen fondé sur le manquement de la banque à son devoir de mise en garde quant à la disproportion de son engagement à ses revenus et à son patrimoine.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Vu l'article L313-22 du code monétaire et financier ;

M. [R] [E] soutient que la banque a manqué à son obligation d'information annuelle, faute de justifier lui avoir adressé les courriers dont elle se prévaut à l'instance.

La BNC soutient que la production de ces courriers, adressés en lettre simple, est suffisante pour établir qu'elle a respecté son obligation.

En l'espèce, la BNC produit aux débats la copie de courriers datés des 24 mars 2015, 29 mars 2016, 14 mars 2017 et 27 février 2018, sans justifier que ces courriers ont été effectivement envoyés à la caution de sorte que, faute d'établir qu'elle a respecté son obligation d'information, elle n'est pas fondée à se prévaloir des intérêts contractuels échus.

Au regard de ce qui précède, la décision sera confirmée en ce qu'elle a condamné M. [R] [E] à payer à la BNC la somme de 3 362 808 francs CFP mais infirmée en ce qu'elle a condamné M. [R] [E] à payer en outre les intérêts contractuels à compter du 4 septembre 2017.

Sur les délais de paiement

Vu les dispositions de l'article 1244-1 du code civil de Nouvelle-Calédonie ;

M. [R] [E] sollicite que des délais de paiement lui soient octroyés pour s'acquitter de sa dette.

Toutefois, le jugement mérite également confirmation en ce qu'il l'a débouté de cette demande dès lors d'une part que la dette est ancienne, M. [R] [E] ayant de facto déjà bénéficié d'importants délais de paiement, d'autre part qu'il ne justifie pas que ses revenus actuels et que sa situation patrimoniale ne lui permettent pas de s'acquitter de sa dette.

Sur les demandes annexes

M. [R] [E], qui a pris l'initiative de l'appel et échoue à titre principal à faire valoir ses droits, sera condamné à payer à la banque intimée la somme de 250 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie et à prendre en charge les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement frappé d'appel, sauf en ce qu'il a condamné M. [R] [E] à payer à la société BANQUE DE NOUVELLE CALEDONIE la somme de 3 362 808 francs CFP avec intérêts au taux contractuel de 3,074 % l'an sur la seule somme de 3 292 819 francs CFP à compter du 4 septembre 2017 ;

Statuant à nouveau de ce chef,

CONDAMNE M. [R] [E] à payer à la BNC la somme de 3 362 808 francs CFP ;

DIT que la société BANQUE DE NOUVELLE CALEDONIE sera déchue du droit aux intérêts contractuels ;

DIT que la créance portera intérêts au taux légal à compter du jour de signification du présent arrêt ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [R] [E] à payer à la BNC la somme de 250 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure de Nouvelle Calédonie ;

CONDAMNE M. [R] [E] aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL REUTER - RAISSAC-PATET.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00063
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;21.00063 ?
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