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17/04/2023 | FRANCE | N°22/00002

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 17 avril 2023, 22/00002


N° de minute : 69/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 17 avril 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 22/00002 - N° Portalis DBWF-V-B7G-SWN



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 décembre 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 19/2412)



Saisine de la cour : 5 janvier 2022





APPELANT



M. [G] [U]

né le 3 mars 1958 à [Localité 7] ([Localité 7])

demeurant [Adresse 1]

ReprésentÃ

© par Me Laure CHATAIN, membre de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉ



M. [H] [D]

né le 1er juin 1984 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 2]

Repr...

N° de minute : 69/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 17 avril 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 22/00002 - N° Portalis DBWF-V-B7G-SWN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 décembre 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 19/2412)

Saisine de la cour : 5 janvier 2022

APPELANT

M. [G] [U]

né le 3 mars 1958 à [Localité 7] ([Localité 7])

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Laure CHATAIN, membre de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [H] [D]

né le 1er juin 1984 à [Localité 5] ([Localité 5])

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Martin CALMET, membre de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseillère,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 27/03/2023 ayant été prorogé au 17/04/2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Selon acte notarié en date du 12/12/2016, passé devant Me BERNIGAUD, notaire à [Localité 6], M. [D] a acquis de M. [U] une propriété bâtie située à [Localité 3], lot 45 de la section [Adresse 4], moyennant un prix de 37 000 000 Fcfp.

Se plaignant d'infiltrations d'eau, d'un défaut d'évacuation des canalisations et de graves problèmes d'étanchéité, M. [D] a saisi la juridiction des référés, et, par ordonnance du 06/09/2017, le président du tribunal de première instance de Nouméa a ordonné une mesure d'expertise et à désigné M. [Z] pour y procéder. L'expert a déposé son rapport le 31/10/2018. Il conclut que le mode d'assemblage de la couverture (toiture et bardage) au niveau de la lucarne en chien couché présente des non-conformités qui sont de nature à provoquer des infiltrations. Le remontage des vis retirées lors d'une tentative de réparation n'ont pas été replacées correctement (montage non conforme, vissage en biais probablement en raison d'une moindre résistance du bois) ; l'expert a également relevé d'autres désordres consistant en :

- des fuites sur un raccord en PVC en partie basse du bac à graisse au niveau de l'évacuation des eaux usées, au niveau de l'évacuation du WC de la salle d'eau ; sur le circuit de vidange de la baignoire

- des désordres de la fosse septique qui fonctionne mal (obstruction)

- charpente non conforme au niveau de la lucarne mais le reste paraît sain.

L'expert estime que les désordres sont la conséquence d'une mise en oeuvre bâclée des travaux de couverture, celle-ci ne remplissant plus son rôle de couvert et vraisemblablement de l'absence ou du défaut d'entretien avant la vente du système d'assainissement. Il estime à 2 500 000 Fcfp la reprise des désordres.

Selon requête déposée le 05/08/2019, M. [D], venant en lecture de rapport, a fait assigner M. [U] devant le tribunal de première instance de Nouméa sur le fondement de la garantie des vices cachés aux fins de le voir condamner à rembourser le coût des travaux de reprise, soit la somme de 2 500 000 Fcfp, outre paiement d'une somme de 880 000 Fcfp à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, une somme de 411 500 Fcfp en réparation du préjudice financier et une somme de 2 000 000 Fcfp au titre du préjudice moral. Il sollicitait, également, une indemnité de 500.000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le défendeur concluait au débouté des demandes se retranchant derrière la clause de non-garantie insérée à l'acte de vente et le défaut d'antériorité du vice.

Par jugement du 20/12/2021, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- condamné M. [U] à payer à M. [D] la somme de 2 388 081 Fcfp représentant le coût de reprise des travaux au titre des conséquences dommageables du vice caché constitué par le défaut d'étanchéité de la toiture, la somme de 350 000 Fcfp à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et celle de 250 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a considéré que le vice était connu du vendeur et avait été dissimulé.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 05/01/2022, M. [U] a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 16/03/2022 d'infirmer la décision rendue et, statuant à nouveau, de débouter M. [D] de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer une indemnité de 500 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que l'acquéreur a visité les lieux à plusieurs reprises et que son attention a été attirée sur les bandes de goudron de la toiture au niveau du chien assis ainsi qu'en justifie l'attestation de M. [E], agent immobilier qui a fait procéder aux visites ; qu'une fuite étant apparue au niveau du toit après la signature du compromis de vente, l'acquéreur en a été immédiatement avisé par courriel versé au dossier ; qu'un artisan a été trouvé en la personne de M. [F] pour réparer la fuite ; que celui-ci dont le numéro de Ridet est faux, fait aujourd'hui une attestation de complaisance non accompagnée de sa carte d'identité pour couvrir sa responsabilité ; que ce témoignage doit être écarté. Au vu de ces éléments, M. [U] considère que la preuve de l'existence d'un vice caché et de sa dissimulation n'est pas rapportée, puisqu'à aucun moment, il n'a tenté de maquiller les désordres.

Dans ses écritures responsives du 01/02/2023, M. [D] demande de confirmer la décision rendue en ce qu'elle a jugé que l'action en garantie des vices cachés était bien fondée mais de l' infirmer sur le montant de la condamnation mise à la charge de M. [U] au titre de reprise des désordres et sur celui des dommages et intérêts ; statuant à nouveau de ces chefs, M. [D] réclame condamnation de M. [U] à lui payer les sommes de :

- 2.500 000 FCFP au titre des travaux de remise en état

- 880 000 Fcfp au titre du préjudice de jouissance

- 657 400 Fcfp au titre du préjudice financier

- 2 000 000 Fcfp au titre du préjudice moral,

outre une indemnité de 500 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en ce compris les frais de constat d'huissier et les frais d'expertise.

Il réplique que postérieurement à la signature du compromis de vente, M. [U] l'a informé de l'existence d'une ancienne fuite réapparue et lors de la réitération de l'acte, le vendeur lui a indiqué avoir fait procéder à de menues réparations concernant ce qui était présenté comme un simple défaut d'étanchéité, l'acte comportant la clause suivante : « le vendeur déclare qu'il a fait réparer ces jours ci un défaut d'étanchéité apparu au niveau du chien assis et que la maison est cédée en l'état de cette réparation ». M. [D] fait grief à son vendeur que ce qui était présenté comme simple fuite s'est avéré un défaut affectant la toiture dans son ensemble (toiture Est et Ouest).

Le plombier, M. [F], mandaté par M. [U] pour réparer a attesté que le vendeur lui avait demandé de faire des réparations a minima « pour vendre vite la maison » alors même que l'artisan aurait attiré l'attention de son client sur la nécessité de procéder à des travaux plus importants en expliquant à M. [U] « qu'il était inutile de mettre une rustine sur un bois pourri et que l'étanchéité n'était pas assurée. »

M. [D] soutient encore que la maison est également affectée d'autres désordres : fuites d'eau dans la salle de bain et difficultés d'évacuation de la fosse septique ; que l'expert a constaté l'ensemble des non-conformités et a conclu, au vu de l'attestation de M. [F], que les désordres affectant le toit ont été masqués, les vendeurs donnant une apparence de normalité. M. [D] estime que le vendeur qui connaissait les vices ne peut se retrancher derrière la clause de non-garantie pour s'exonérer de sa responsabilité.

Vu l'ordonnance de clôture

Vu l'ordonnance de fixation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 1641 du code civil définit le vice caché comme un défaut qui rend impossible l'utilisation de l'objet dans des conditions normales, ou en diminue les qualités au point que l'acheteur ne l'aurait pas acquis, ou à moindre prix.

Pour qu'un acheteur puisse revendiquer le bénéfice de la garantie des vices cachés, le vice doit être caché, antérieur à la vente et rendre la chose affectée impropre à sa destination.

L'article 1643 du code civil dispose également que le vendeur « est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie. »

L'acte notarié signé entre les parties prévoit que l'acquéreur prendra le bien vendu en l'état où il se trouvera le jour de l'entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur en raison de l'état des constructions et de leurs vices cachés.

La cour approuve le premier juge d'avoir dit que cette clause valable entre particuliers doit recevoir application, sauf si l'acquéreur établit que le vendeur avait connaissance au jour de la vente des vices cachés pour lesquels il sollicite la garantie légale.

Il faut citer encore l'article 1642 du code civil qui dispose que le vendeur n'est pas tenu des vices dont l'acquéreur à pu se convaincre.

En l'espèce, il résulte de l'attestation de l'expert immobilier non utilement combattue que lors de la visite du bien (et il y en a eu au moins trois reconnues), l'attention de M. [D] a été attirée sur la présence de bandes de goudron au niveau du chien assis de la toiture, ce qui induisait l'existence de réparations effectuées antérieurement à la vente. Il n'est pas contesté qu'entre la signature du compromis de vente et sa réitération devant notaire, une fuite est apparue au niveau du toit qui a été immédiatement signalée à l'acquéreur et qui a été réparée par l'artisan [F] choisi par le vendeur. Cependant, lors des fortes pluies de février 2017, des infiltrations d'eau sont apparues dans la maison nouvellement acquise provenant de la toiture. Les déclarations de M. [D] sur ce point sont conformes aux constations de l'expert qui a constaté des traces de coulure et après examen de la toiture a relevé que la charpente au niveau de la lucarne n'était pas conforme en ce qui concerne son mode de fixation (vis auto-perceuse pour métal ; étanchéité du chien couché non assurée : bande en aluminium / goudron endommagée ou mastic souple non conforme et absence de solin). L'expert précisait que si la charpente paraissait saine, il fallait revoir la fixation des tôles et l'étanchéité. Il notait que arêtier, noues, solin et les accessoires de toiture manquaient et avaient été remplacés par des produits inadaptés.

Il concluait que les désordres affectant le toit étaient la conséquence d'une mise en oeuvre bâclée des travaux de couverture et plus vraisemblablement de l'absence ou du défaut d'entretien du système d'assainissement. Enfin, il précisait que la facture des travaux qui portaient sur l'étanchéité du chien couché d'un montant de 157 500 Fcfp étaient cohérente avec les travaux qu'il avait observés et qu'il qualifiait de palliatif superficiel. Se fondant sur l'attestation de l'artisan [F], l'expert en tirait la conséquence que le vendeur connaissait les vices affectant la toiture et les avait volontairement dissimulés.

La cour relève de première part que l'attestation de M. [F], non accompagnée d'un justificatif d'identité, ne peut être retenue en application de l'article 202 du code de procédure civile sur les exigences requises pour la validité d'un témoignage écrit qui exigent également de porter la mention « attestation en vu d'être produite en justice » ; elle relève également de deuxième part que le devis portait la mention « étanchéité » et que les travaux ont coûté la somme de 157 500 Fcfp, somme non dérisoire de sorte qu'il est difficile de parler de réparations superficielles. Certes, elles étaient insuffisantes à rendre l'ensemble de la toiture étanche mais il ne pouvait être demandé au vendeur qui cèdait sa propriété en l'état de la remettre à neuf. Ainsi, quand bien même l'attestation serait retenue, la cour constate qu'aux termes de l'acte notarié de vente, M. [D] a acquis un bien en l'état qui n'avait fait l'objet d'aucuns travaux d'importance depuis la construction du chalet. La fuite de la toiture n'a pas été dissimulée à l'acquéreur. Au contraire, l'attention de celui-ci a été attirée sur les réparations de fortune de la toiture au niveau de la lucarne (bande de goudron recouvrant le chien assis au niveau du toit), ce qui aurait dû conduire M. [D] à s'interroger sur l'existence d'un problème éventuel d'étanchéité et en tout état de cause sur l'état de la couverture. Celle-ci était ancienne et M. [D] pouvait aisément se convaincre au besoin en montant sur le toit ou en mandatant un professionnel pour ce faire, que la toiture n'avait pas fait l'objet d'une rénovation depuis la construction de la maison hormis quelques travaux ponctuels de reprise que l'expert qualifie de superficiels .

Il convient de rappeler que la clause de non garantie insérée à l'acte est souvent le pendant d'une acquisition ancienne faite en l'état.

M. [D] a été avisé de la survenance d'une fuite apparue entre la signature du compromis de vente et sa réitération. Il pouvait demander la facture pour connaître l'étendue des travaux entrepris. L'erreur du vendeur qui n'a pas volontairement caché le défaut d'étanchéité de la couverture de l'immeuble a été de ne pas associer l'acquéreur aux réparations. Il a fait seul le choix de travaux succincts puisqu'ils n'ont pas suffi à assurer une étanchéité pérenne de la toiture eu égard aux nouvelles fuites survenues moins de deux ans après la vente, mais il ne peut lui être reproché d'avoir pris cette option dès lors qu'il ne renégociait pas le prix. L'acte notarié de réitération précisait bien que le bien était vendu en l'état des réparations entreprises. M. [D] n'a pas acquis une maison avec lucarne refaite à neuf . Il ne peut prétendre à sa réfection telle que préconisée par l'expert. Il n'y a pas eu tromperie sur ce point, M. [U] n'ayant pas induit en erreur son acquéreur. Il en est de même pour les autres désordres qui n'ont été relevés que dans le cadre des opérations d'expertise et qui n'avaient pas été signalés par l'acquéreur avant la mesure d'expertise et qui ne consistent pas en des vices cachés que le vendeur a dissimulés.

La clause de non-garantie représente la volonté des parties qui ont négocié le prix d'achat en fonction de l'état du bien. Les vices allégués ne sont pas rédhibitoires et se trouvent couverts par la clause exonératoire insérée à l'acte.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et M. [D] sera débouté de ses demandes.

Sur l'article 700

Eu égard à la nature du litige, il n'est pas inéquitable de débouter M. [U] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

M. [D] succombant supportera les dépens d'appel et de première instance, en ce compris les frais d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision en toutes ses dispositions ;

Et statuant à nouveau,

Dit valable la clause de non-garantie ;

Déboute M. [D] de toutes ses demandes sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Déboute M. [U] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00002
Date de la décision : 17/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-17;22.00002 ?
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