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17/04/2023 | FRANCE | N°21/00098

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 17 avril 2023, 21/00098


N° de minute :73/2023





COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 17 avril 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 21/00098 - N° Portalis DBWF-V-B7F-R32



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 mars 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :18/1284)



Saisine de la cour : 9 avril 2021





APPELANT



M. [I] [D]

né le 10 juillet 1939 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide

juridictionnelle totale numéro 2021/001108 du 06/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa)

Représenté par Me Thérèse PELLETIER, membre de la SELARL T. PELLETIER CONSULTANTS, avocat au ...

N° de minute :73/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 17 avril 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 21/00098 - N° Portalis DBWF-V-B7F-R32

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 8 mars 2021 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :18/1284)

Saisine de la cour : 9 avril 2021

APPELANT

M. [I] [D]

né le 10 juillet 1939 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/001108 du 06/08/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa)

Représenté par Me Thérèse PELLETIER, membre de la SELARL T. PELLETIER CONSULTANTS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

Société d'assurances ALLIANZ IARD, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Siège social : [Adresse 4]

Représentée par Me Philippe REUTER, membre de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA

M. [R] [Z]

né le 18 juin 1983 à [Localité 6]

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Fabien CHAMBARLHAC, membre de la SELARL SELARL LFC AVOCATS, avocat au barreau de NOUMEA

S.A.R.L. PROFIL IMMOBILIER, prise en la personne de son représentant légal en exercice

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Séverine LOSTE, membre de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS JURISCAL, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Zouaouïa MAGHERBI.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Procédure de première instance :

Par acte notarié du 20 janvier 2016, M. [R] [Z] a acquis de M. [I] [D], par l'entremise de l'agence PROFIL IMMOBILIER, mandatée à cette fin, une maison d'habitation située au [Adresse 7], au prix de 21.000.000 F CFP, et ce, au moyen d'un prêt bancaire sur vingt-cinq années remboursable par mensualité de 116.831 F CFP.

Mandaté par la société GROUPAMA GAN, le cabinet EXXCAL a fait état dans son rapport amiable déposé le 21 mars 2016 suite à ses observations sur place, hors la présence de l'agence et du vendeur qui ne se sont pas présentés, d'une infestation de la charpente ancienne et très importante et de l'existence d'une installation électrique dangereuse, l'une comme l'autre devant selon lui être intégralement reprises.

Par assignation en date du 10 mai 2016, M. [Z] a sollicité la désignation d'un expert judiciaire.

Par ordonnance du 22 juin 2016, le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa a ordonné une expertise judiciaire, désignant M. [C], dont la mission a été étendue par ordonnance du 7 septembre 2016 après la découverte d'amiante dans certaines parties de la construction.

Le 17 février 2017, l'expert a déposé son rapport, concluant à la nécessité de réaliser des travaux d'une durée de quatre à cinq mois pour un montant de 10.543.499 F CFP en raison des trois désordres précités.

Par requête du 20 avril 2018, M. [Z] a assigné M. [D] ainsi que la société PROFIL IMMOBILIER devant le tribunal de première instance de Nouméa aux fins de :

- dire et juger qu'elle avait manqué à son obligation d'information et de conseil envers l'acquéreur, en n'attirant ni son attention sur la nécessité de faire intervenir un professionnel pour rechercher la présence de termites, ni sur l'état du réseau électrique et en ne recommandant pas la recherche d'amiante dans les cloisons ;

- de la voir condamnée in solidum avec le vendeur, poursuivi quant à lui au titre de la réticence dolosive dont il se serait rendu coupable, à indemniser l'acquéreur de l'ensemble des préjudices subis, à savoir une somme de 10.543.499 Fr CFP actualisée au titre du coût des travaux de remise en état, 4.860.000 Fr CFP au titre de son préjudice de jouissance, et 4.000.000 Fr CFP au titre de son préjudice moral, outre des frais irrépétibles pour un montant de 800.000 Fr CFP.

La SARL PROFIL IMMOBILIER a appelé en la cause son assureur, la société ALLIANZ, à l'encontre de laquelle Mr [Z] a formé des demandes, exerçant ainsi une action directe contre l'assureur.

Aux termes d'un jugement rendu le 8 mars 2021, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- déclaré recevable l'action de M. [Z] à l'encontre de la société ALLIANZ,

- constaté les man'uvres dolosives de M. [D] à l'encontre de M. [Z] dans le cadre de la vente de sa maison d'habitation sise [Adresse 7],

- condamné M. [D] à verser à M. [Z] la somme de 10.543.499 F CFP ;

- condamné M.[D] à régler à M. [Z] la somme de 675.000 F CFP au titre du préjudice de jouissance ;

- condamné M.[D] à verser à M. [Z] la somme de 2.000.000 F CFP au titre de son préjudice moral;

- débouté M. [Z] de ses demandes présentées à l'encontre de la SARL PROFIL IMMOBILIER, et ce aux motifs que, soit les désordres étaient dissimulés, de sorte que l'agence ne pouvait en avoir eu connaissance, soit les désordres étaient visibles de sorte que l'acquéreur était en mesure de les constater et de les «apprécier»,

- débouté M. [Z] de ses demandes présentées à l'encontre de la société ALLIANZ,

- rappelé que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter du jugement,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné M. [D] à verser au titre de leurs frais irrépétibles, les sommes de 250.000 Fr CFP à M. [Z], outre celle de 500.000 Fr CFP au titre du remboursement des deux consignations des frais d'expertise, 150.000 Fr CFP à la SARL PROFIL IMMOBILIER et 100.000 Fr CFP à la société d'assurances ALLIANZ, outre les dépens.

Procédure d'appel :

Par requête et mémoire ampliatif déposés les 9 avril et 5 novembre 2021, M. [D] a interjeté appel de ce jugement sollicitant sa réformation.

Le 15 octobre 2021, M. [Z] a formé quant à lui par la suite un appel incident, demandant à la cour de céans de confirmer la décision entreprise, notamment en ce qu'elle a jugé que M. [D] avait intenté des man'uvres dolosives à son encontre dans le cadre de la vente de sa maison d'habitation sise [Adresse 7] et l'a condamné en conséquence à verser à M. [Z] la somme de 10.543.499 Fr CFP suivant devis pour permettre la réalisation des travaux de remise en état du bien immobilier vendu.

Au titre de son appel incident, il a réitéré ses demandes formées contre la société PROFIL IMMOBILIER, sous la garantie de son assureur, la société ALLIANZ, aux fins de la voir condamnée in solidum avec M. [D], en tant qu'elle aurait manqué à son obligation d'information et de conseil.

Par conclusions récapitulatives déposées le 11 janvier 2022, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, M. [Z] a maintenu ses demandes, il a sollicité la condamnation in solidum de M. [D], de la SARL PROFIL IMMOBILIER, sous couvert de la société d'assurances ALLIANZ, à lui payer les sommes suivantes :

- 9 450 000 Fr CFP au titre de son préjudice de jouissance,

- 4 000 000 Fr CFP au titre de son préjudice moral,

- 1 000 000 Fr CFP au titre des frais irrépétibles.

Il a également demandé leur condamnation in solidum à payer les dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise.

Par conclusions en réplique déposées le 10 mars 2022, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, M. [D] a exposé qu'il n'avait usé d'aucune manoeuvre pour tromper l'acheteur sur l'état du bien vendu. Il a ajouté que M. [Z] avait accepté d'acquérir sa maison en l'état après l'avoir visitée. Il a exposé que si les vices n'étaient pas apparents pour l'intimé, ils ne l'étaient pas non plus pour lui. Il s'oppose à toutes les demandes indemnitaires formées par l'intimé et sollicite une somme de 300 000 Fr CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à défaut de fixer les unités de valeur au profit de Me [L], avocat, au titre de l'aide judiciaire.

Par conclusions responsives déposées le 5 avril 2022, auxquelles il convient de se reporter pour de plus amples développements, la société d'assurances ALLIANZ a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à titre subsidiaire, si la cour venait à retenir la responsabilité de la SARL PROFIL IMMOBILIER dans la consommation du dommage invoqué par M. [Z], elle a demandé qu'il soit jugé que le contrat de responsabilité civile ne la garantit pas. A titre très subsidiaire, elle a demandé que le montant des préjudices soit ramené à plus justes proportions et de condamner M. [Z] à lui payer une somme de 400 000 Fr CFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux dépens.

La SARL PROFIL IMMOBILIER a par conclusions en réplique déposées le 18 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour de plus amples développements, sollicité la confirmation pure et simple du jugement rendu le 8 mars 2021 estimant qu'il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à son obligation d'information dès lors que les vices relevés par l'expert étaient cachés à la vue de tout profane, ce qui est son cas. Elle a demandé la confirmation du jugement entrepris l'ayant mise hors de cause, ainsi que son assureur.

Le 7 septembre 2022, la clôture a été ordonnée et l'affaire fixée à l'audience du 23 février 2023.

Sur ce :

Sur les vices cachés :

Aux termes des articles 1109 et 1116 du CCNC, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. Le dol étant une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces manoeuvres l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

En l'espèce, la cour relève que c'est par des motifs pertinents que le premier juge a retenu l'existence de manoeuvres frauduleuses consistant à cacher les vices affectant la maison cédée par M. [D] (termites, électricité et amiante), ce qui a été relevé par l'expert.

En effet, l'expertise a pu démontrer que ces manoeuvres ont consisté :

- en la pose d'un faux plafond par ce dernier, dissimulant les poutres, les solives et l'ossature verticale de la maison ainsi que les chaînages du bas affectées par les termites,

- en la pose de multiples couches de peinture sur la charpente dissimulant les trous des termites présentes de longue date, ce que ne pouvait ignorer l'appelant ayant effectué personnellement ces travaux,

- en l'installation d'un réseau électrique non conforme aux normes NF C15-100 rendant impropre et dangereuse l'habitation vendue par M. [D] qui a également réalisé lui-même pour partie ces travaux d'électricité.

Concernant le poste 'désamiantage', c'est à juste titre que le premier juge a retenu la proposition de l'expert sur ce poste de préjudice dès lors qu'il y a lieu de procéder à la réfection totale de l'ossature verticale de la maison du fait de l'infestation des termites, ce qui nécessite de fait la reprise des cloison affectées d'amiante.

Concernant la responsabilité de l'agence immobilière, la SARL PROFIL IMMOBILIER, et de son assureur, la société ALLIANZ, c'est par de justes motifs que le premier juge les a mises hors de cause, les vices cachés affectant le bien immobilier litigieux identifiés par l'expert ne peuvent en effet pas leur être opposés, étant tout aussi profanes que l'acquéreur.

La cour confirme donc la décision entreprise en ce qu'elle a constaté les manoeuvres dolosives de M.[D] à l'encontre de M. [Z] dans la vente de sa maison, en ce qu'elle a condamné M.[D] à payer à M. [Z] la somme de 10 543 499 Fr CFP correspondant aux réparations préconisées par l'expert et en ce qu'elle a mis hors de cause la SARL PROFIL IMMOBILIER et son assureur la société ALLIANZ.

Sur le préjudice de jouissance :

La cour constate que c'est par de justes motifs qu'elle adopte que le premier juge a condamné M.[D] à payer à M. [Z] une somme de 675 000 Fr CFP à ce titre sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du CCNC, dès lors que ce dernier ne justifie pas avoir subi une perte de jouissance totale depuis l'acquisition de ce bien.

La cour retient comme l'a fait le premier juge conformément aux conclusions de l'expert que le préjudice de jouissance dont peut se prévaloir M. [Z] est celui né de l'immobilisation du bien le temps de la réalisation des travaux, soit quatre à cinq mois dès lors qu'il est nécessaire de démolir toute l'ossature attaquée par le termites qui se trouve en sus impropre aux dimensions de la toiture, ce qui fragilise la solidité de la toiture de la maison.

En conséquence, la cour confirme la décision entreprise sur ce point.

Sur le préjudice moral :

M. [Z] expose avoir subi un préjudice moral dont il demande réparation à hauteur de 4 000 000 Fr CFP du fait des tracas occasionnés par les troubles avérés du bien litigieux qu'il a acquis.

M. [D] s'y oppose expliquant qu'il a constaté que ce dernier occupait bien la maison qui était en parfaite état d'occupation selon lui.

La cour confirme la décision entreprise en ce que le premier juge a évalué à juste titre au regard de l'expertise et des justificatifs produits de part et d'autre, des désordres affectant la maison découverts quelque temps après son acquisition, des tracas occasionnés par ce litige et de la durée de la procédure ce poste de préjudice à la somme de 2 000 000 fr CFP.

Sur les frais irrépétibles :

La cour condamne M. [D], partie succombante, aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Elle le condamne également au titre de l'article 700 du code de procédure civile à payer une somme de 200 000 Fr CFP à M. [Z].

La cour condamne M. [Z], succombant en son action à l'endroit de la SARL PROFIL IMMOBILIER et de la société d'assurance ALLIANZ, à verser à chacune une somme de 150 000 Fr CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise ;

Et y ajoutant,

Condamne M. [D], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer une somme complémentaire de 200 000 Fr CFP à M. [Z] ;

Condamne M. [Z] à payer à la SARL PROFIL IMMOBILIER une somme de 150 000 Fr CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [Z] à payer à la société d'assurances ALLIANZ une somme de 150 000 Fr CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

Fixe à cinq le nombre d'unité de valeurs revenant à Me [L], intervenant au titre de l'aide judiciaire pour le compte de M. [D].

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00098
Date de la décision : 17/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-17;21.00098 ?
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