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03/04/2023 | FRANCE | N°22/00244

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 03 avril 2023, 22/00244


N° de minute : 62/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt en omission de statuer



du 3 avril 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 22/00244 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TIF







Mme [I] [E] [H] veuve [A],

née le 1er juillet 1951 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 4]



M. [L] [K] [W] [U] [A],

né le 17 novembre 1970 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 4]



M. [D] [N] [S] [U] [A],

né le 30 décembre 1975 à [

Localité 7]

demeurant chez Mme [P] [V], [Adresse 1]



Mme [J] [Y] [U] [C] [A],

née le 5 mai 1981 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 4]



Tous les quatre agissant à titre personnel et en qualité de co-indivisaires ...

N° de minute : 62/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt en omission de statuer

du 3 avril 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 22/00244 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TIF

Mme [I] [E] [H] veuve [A],

née le 1er juillet 1951 à [Localité 8]

demeurant [Adresse 4]

M. [L] [K] [W] [U] [A],

né le 17 novembre 1970 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 4]

M. [D] [N] [S] [U] [A],

né le 30 décembre 1975 à [Localité 7]

demeurant chez Mme [P] [V], [Adresse 1]

Mme [J] [Y] [U] [C] [A],

née le 5 mai 1981 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 4]

Tous les quatre agissant à titre personnel et en qualité de co-indivisaires de l'indivision successorale de [B] [A]

Tous les quatre, représentés par Me Lionel CHEVALIER, membre de la SELARL LIONEL CHEVALIER, avocat au barreau de NOUMEA

DEMANDEURS

par requête en omission de statuer du 23 Août 2022

d'un arrêt rendu le 24 Février 2020 (RG n° 18/361)

par la Cour d'appel de Nouméa

faisant suite à une déclaration d'appel du 19 octobre 2018

sur une décision rendue le 3 septembre 2018 par le tribunal de première instance de Nouméa.

CONTRE

Société AGENCE DU BUREAUTIQUE ET D'INFORMATIQUE (ABI)

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Grégory MARCHAIS, membre de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS,

M. [O] [G]

né le 4 octobre 1955 à [Localité 6] (COLOMBIE)

demeurant [Adresse 5]

Représenté par Me Grégory MARCHAIS, membre de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat postulant au barreau de NOUMEA, et par Me Arthur ANQUETIL membre du cabinet ANQUETIL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DEFENDEURS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Selon requête introductive d'instance déposée le 5 mai 2014, la SCI Villas de Verneilh, propriétaire d'un ensemble immobilier sis [Adresse 2], d'une part, Mme [I] [H], M. [L] [A], M. [D] [A] et Mme [J] [A], agissant tant en qualité d'associés de la SCI villas de Verneilh qu'en qualité de co-indivisaires de l'indivision successorale [B] [A], d'autre part, ont attrait la société Agence du bureautique et de l'informatique (ABI), M. [O] [G] et Mme [M] [Z] devant le tribunal de première instance de Nouméa afin de voir constater le caractère parfait de la vente de la totalité des parts sociales de la SCI Villas de Verneilh à la société ABI au prix de 125.000.000 FCFP, prononcer la résolution de cette vente et obtenir l'indemnisation du préjudice des consorts [A] et, à titre subsidiaire, obtenir la réparation du préjudice subi du fait de la rupture abusive des pourparlers.

Par jugement du 3 septembre 2018, le tribunal de première instance de Nouméa a :

- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par les époux [G] et la société ABI,

- débouté les consorts [A] de l'ensemble de leurs demandes,

- condamné solidairement les consorts [A] à payer à M. [O] [G], à Mme [M] [Z] et à la société ABI la somme de 350.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné solidairement les consorts [A] aux dépens.

Selon requête déposée le 19 octobre 2018, les consorts [A] et la société à responsabilité limitée Villas de Verneilh ont interjeté appel de cette décision.

Par un arrêt du 24 février 2020, cette cour, accueillant le moyen de M. [O] [G] et de la société ABI qui faisaient valoir que la société à responsabilité limitée Villas de Verneilh n'était pas partie en première instance et qu'il n'était pas démontré que celle-ci venait aux droits de la SCI, a :

- déclaré irrecevable la société à responsabilité limitée Villas de Verneilh,

- condamné les consorts [A] et la société à responsabilité limitée Villas de Verneilh in solidum à verser diverses sommes aux intimés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné les consorts [A] et la société à responsabilité limitée Villas de Verneilh in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Les consorts [A] et la société à responsabilité limitée Villas de Verneilh ont formé un pourvoi contre cet arrêt.

Par arrêt du 3 mars 2022, la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi mais a observé que la cour d'appel n'avait pas statué sur le chef de demande relatif à la réparation du préjudice moral et économique subi du fait de la rupture brutale et abusive des pourparlers concernant la cession des parts sociales.

Le 23 août 2022, Mme [I] [H], M. [L] [A], M. [D] [A] et Mme [J] [A], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de co-indivisaires de l'indivision successorale [B] [A], ont saisi cette cour d'une requête en réparation d'une omission de statuer.

Aux termes de cette requête, ils demandent à la cour de :

- dire et juger recevables Mme [I] [H], Mme [J] [A], M. [L] [A] et M. [D] [A] en leur requête aux fins de réparation d'une omission de statuer ;

- dire et juger que la société ABI et son gérant, M. [G], ont rompu brutalement et abusivement, le 27 juillet 2013, les pourparlers entrepris à compter du 12 septembre 2012 avec les consorts [A] concernant la cession des cent parts sociales composant l'intégralité du capital de la SCI Villas de Verneilh ;

- condamner en conséquence solidairement la société ABI et son gérant, M. [G], à payer aux consorts [A] la somme de 2.000.000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi à raison du comportement des intimés ;

- condamner en conséquence solidairement la société ABI et son gérant, M. [G], à payer aux consorts [A] la somme de 12.500.000 FCFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice économique tiré de la perte de chance d'avoir pu réaliser la vente auprès de promoteurs concurrents de la place ayant manifesté leur intérêt pour ladite vente ;

en tout état de cause,

- dire et juger que cette condamnation portera intérêts moratoires au taux légal avec capitalisation et anatocisme à compter de la lettre de mise en demeure du 1er août 2013 ;

- condamner solidairement la société ABI et son gérant, M. [G], à payer aux consorts [A] la somme de 500.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société ABI et son gérant, M. [G], aux dépens, dont distraction au profit de la selarl Lionel Chevalier.

Dans des conclusions transmises le 30 septembre 2022, M. [G] prie la cour de :

- débouter Mme [I] [H], M. [L] [A], M. [D] [A] et Mme [J] [A] de toutes leurs demandes ;

- confirmer le jugement entrepris ;

- condamner solidairement les consorts [A] et la société à responsabilité limitée Villas de Verneilh à payer à M. [G] la somme de 1.000.000 FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement les consorts [A] et la société à responsabilité limitée Villas de Verneilh aux dépens, dont distraction au profit de la selarl Lucas Marchais.

Dans des conclusions transmises le 30 septembre 2022, la société ABI demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

- débouter les consorts [A] de leurs entières demandes ;

- les condamner solidairement à payer à la société ABI la somme de 500 000 FCFP, par application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens, dont distraction au profit de la selarl Lucas Marchais.

Sur ce, la cour,

1) La recevabilité de la requête en omission de statuer déposée par les consorts [A] n'est pas contestable dès lors que la cour, dans son précédent arrêt, a omis d'examiner la demande d'indemnisation du préjudice allégué subi du fait d'une rupture brutale et abusive des pourparlers relatifs à la cession des parts sociales de la SCI Villas de Verneilh qu'ils avaient formulée dans leurs conclusions déposées le 19 septembre 2019.

2) Alors qu'ils ont soutenu en première instance que les parties étaient parvenues à un accord sur la vente des parts de la SCI Villas de Verneilh moyennant un prix de 125.000.000 FCFP, les consorts [A] reprochent désormais à la société ABI et à son gérant de s'être désistés, de manière brusque et discrétionnaire, après de longues négociations, de leur projet de reprise des parts sociales de la société Villas de Verneilh et de leur avoir occasionné un préjudice dans la mesure où ils avaient repoussé plusieurs propositions d'achat émanant de promoteurs.

Tant la société ABI que M. [G] contestent avoir commis la moindre faute en observant que leur projet avait toujours été d'acquérir un terrain et non des parts sociales et que les négociations ne pouvaient pas aboutir compte tenu du désaccord sur l'objet même de la cession.

3) L'évolution des pourparlers est documentée par les courriels échangés par M. [D] [A] et M. [G] entre le 12 septembre 2012 et le 12 juillet 2013.

Ces échanges peuvent être relatés comme suit :

- En réponse à un message de M. [G] qui fournissait un numéro de téléphone, M. [A] a confirmé le 27 septembre 2012 à M. [G] que son « offre d'achat » était déclinée.

- Le 13 novembre 2012, M. [A] a informé M. [G] que « les choses (étaient) encore en grande discussion ».

- Le 14 novembre, M. [G] a accusé réception du précédent message en expliquant qu'il avait pensé que sa « proposition à 125.000.000 FCFP » avait été « définitivement refusée ».

- Le 16 novembre, M. [A] a indiqué que la discussion se poursuivait.

- Le 19 novembre, ce dernier a mentionné qu'aucune décision n'avait encore été prise.

- le 20 novembre, M. [G] a écrit :

« Je voulais vous préciser que ma proposition à 125.000.000 reste toujours valable mais que je suis au dessus de ma fourchette maximum et donc de mes possibilités.

Je ne peux pas dépasser ce montant sans prendre des risques que je ne prendrais pas (...) c'est tout simplement ma limite maximum. »

- Le 22 novembre, M. [A] a répondu qu'aucun décision n'avait encore été prise dans la mesure où une « offre supérieure » avait été reçue « mais qui conduisait à la destruction des deux maisons », ajoutant : « Or nous sommes attachés à la fois à la valeur sentimentale de ce qu'a construit notre père, ce qui nous amènerait à privilégier votre proposition, tout en ayant également comme souci de régler un passif ». Il a été demandé à M. [G] de patienter.

- Le 29 novembre, M. [G] a confirmé son intérêt pour « le terrain de (sa) famille » en rappelant qu'il ne pouvait « absolument pas dépasser les 125.000.000 CFP » qui étaient « la limite supérieure ».

- Le même jour, M. [A] a informé son banquier qu' « un accord devait être signé pour la cession des parts et comptes courants d'associés de la SCI Villas de Verneilh pour un prix de 125.000.000 XPF, payable comptant avec M. [G] ».

- Le 30 novembre à 13 heures 38, M. [A] a confirmé à M. [G] « également les 2.000.000 en échange marchandises ».

- Le même jour à 14 heures 57, a confirmé « (leur) accord dans les conditions énoncées dans le projet de promesse synallagmatique de cession ci-joint ». Au message, était annexé un fichier nommé « promesse synallagmatique de cession parts V1 », qui contenait un projet de promesse prévoyant la cession de la totalité des parts et de « tous autres droits qui pourraient appartenir au cédant dans la société » moyennant un prix de 125.000.000 FCFP, « payable compte, sans recours à un crédit, le jour de la signature de l'acte authentique de cession ». Il était stipulé que le solde du prêt contracté par la SCI pour financer son patrimoine immobilier, les intérêts du prêt, les frais de mainlevée des garanties inscrites ainsi que le passif fiscal seraient réglés « par imputation sur le prix de la cession à intervenir ou par abandon d'autant d'un ou des compte(s) courant d'associé(s) » qui s'élevait à 15.474.691 FCFP au 31 décembre 2011. Deux « conditions résolutoires » étaient insérées au profit du cédant :

- le maintien dans les lieux « à titre gracieux » pendant trois mois à compter de la signature de l'acte authentique pour permettre le déménagement de la selarl [A] & associés,

- l'ouverture d'un crédit de 5.000.000 FCFP au profit du « cédant » et de la selarl [A] & associés pour l'achat de « tout matériel, équipement, prestation de service » commercialisés par les sociétés dont M. [G] était le dirigeant.

- A 15 heures 48, M. [G] a sollicité une « rectification » du projet en ce qui concerne le crédit pour le matériel dans la mesure où il ne pouvait « pas dépasser 125.000.000 CFP plus 2.000.000 CFP ».

- Le 3 décembre, M. [A] a répondu :

« Je vous rappelle uniquement quelques points principaux: les terrains sont évalués à plus entre 135 millions XPF, avec bien sûr une marge pour les promoteurs dessus et un projet d'aide à la défiscalisation immobilière locale serait dans les cartons du congrès.

Nous avons une offre déjà à 130 millions.

D'autres promoteurs sont également fortement intéressés.

Ce n'est qu'une question de temps avec ces derniers.

Ceci étant, pour les raisons déjà évoquées, nous préférions essayer de trouver un accord avec vous.

Comme disait [F] [W], "Le Coeur a ses raisons que la Raison ne connaît point"

A ce titre, nous ne sommes pas contre une autre solution intermédiaire pour les prestations et équipements qui sont une condition résolutoire incontournable.

Nous renoncerions au crédit ad hoc de 5 millions XPF, totalement et simplement, en contre partie de la fourniture des trois éléments que nous avons envisagés avec [R] depuis un certain temps, merci de voir avec ce dernier pour les éléments plus précis et chiffrés, à savoir :

1°) 1 Photocopieur neuf, soit le modèle XEROX, A.P.E OSPORT, 4 C 3375, 35 couleurs et 35 pages n/b, paramétré à notre réseau et extension de garantie 3 ans

2°) 1 Serveur informatique neuf HP PROLIANT ML 330 G6 (2×500 G0 de disque,

4 G0 Mémoire, Windows 2012 serveur, à paramétrer à notre réseaux, extension de garantie 3 ans, + NAS (2 teras de disque dur),

3°) 1 Logiciel docushare, licence 6.6.1 diusers, installation, déploiement, avec 1 an de support compris. »

- Le 14 décembre, M. [G] a confirmé son intérêt pour « (leur) terrain » en raison de la « connexion avec la rue Charles de Verneilh » et indiqué que « les banques avaient déjà accepté le financement ».

- Le 14 février 2013, dans un message dont l'objet était « [A] cession de parts / SCI Villas de Verneilh », après avoir fait référence à un entretien téléphonique du 29 janvier 2013, M. [A] a sollicité une réponse à l'offre transmise « de manière à ce que l'on puisse bloquer ou non cette vente ».

- Le 18 avril 2013, M. [G] a répondu qu'il pouvait « faire une proposition à 110.000.000 FCFP maximum » et qu' « au-dessus de cette somme, il (lui était) impossible de confirmer l'achat ».

- Le 24 avril à 0 heure 47, M. [G] a précisé à M. [A] les conditions auxquelles il pouvait donner une suite positive à sa proposition :

« - Bail 3 - 6 - 9 avec possibilité de sortir chaque année pour ABI.

- Maison abritant votre cabinet + local faisant partie de la propriété mitoyenne.

Loyers 700.000 F CFP.

( à titre d'exemple : Ex POINT GED 270 m² 722.000 F CFP. Ex ePC 108m² 296.078. EX HACHETTE scolaire rue de Sébastopol 200m² 680.000. GMA CGM locaux très visible sur la rue Gallieni 190 m² 665.000 F CFP)

- Possibilité de casser tous les murs intérieurs de la maison, modifier la façade, etc , sans aucune obligation de remise en état

- Autorisation d'installer des enseignes

- Promesse de vente. Prix fixé dès le départ.

- 100 % des loyers déduits du prix de vente en cas d'achat

- Pas de loyers pendant la durée des travaux. Maximum trois mois. »

- Le 24 avril à 9 heures 11, M. [A] a écrit :

« Je fais suite à notre entretien du vendredi 19 avril 2013 et à notre proposition de location avec option d'achat ayant pour objet le cabinet, le parking et de l'annexe-pavillon au [Adresse 2].

Je vous précise que bien évidemment l'option d'achat portera sur nos parts sociales et non les lots bâtis.

S'agissant du montant du loyer qui se déduirait le cas échéant du prix d'achat des parts, si vous deviez lever l'option, je vous avais signalé qu'il serait égal au montant de la traite du prêt.

Le montant exacte est 979 267 XPF, payable le 05 de chaque mois.

J'attire également votre attention que nous confierons nos locaux pour une location à deux agences à partir du 1er mai 2013.

Je reste dans l'attente de vous lire sur l'ensemble des différents points abordés lors dudit entretien, en sus de notre proposition, à savoir :

- le remplacement du matériel de location photocopieur dont l'échéance arrive à terme le 30/04/2013,

- le problème d'infiltration d'eau au niveau de notre mur/ villa habitation. »

- Le 30 avril, M. [A] a précisé que leur proposition englobait un parking privatif / clientèle.

Il a ajouté que leur « proposition (avait) d'autres avantages :

- Sa position géographique idéale pour votre clientèle qui est habituée à vos locaux au [Adresse 2],

- Sa proximité et centralisation par rapport à vos locaux actuels pour votre personnel et organisation,

- La diminution des coûts liés à votre installation/déménagement,

- La déduction des loyers sur le prix d'achat, ce qui ne constitue pas une perte sèche pour vos sociétés mais un véritable investissement rentable le cas échéant avec à la clé 4 terrains au centre ville.

Tout ceci justifie le montant du loyer arrondi à 980.000 XPF ».

Il a par ailleurs fait part de son accord pour un bail 3, 6, 9 avec possibilité de résiliation annuelle, sous condition d'une clause de dédit, pour un aménagement des locaux sous condition, à l'installation des enseignes, à la déduction des loyers du prix de vente en cas d'achat, à une dispense de loyers pendant trois mois.

Il a retenu un prix de vente de 133.000.000 FCFP avec une promesse valable jusqu'au 31 décembre 2014.

- Le 7 mai, M. [A] a sollicité une réponse à son courrier du 30 avril afin de pouvoir prendre une « décision définitive sur la suite de (leur) négociation. »

- Le 10 mai, M. [A] a renouvelé sa demande de réponse.

- Le 13 mai, M. [G] a proposé un entretien Skype, auquel M. [A] a donné suite le jour même.

- Le 30 mai, M. [A] a écrit :

« Je fais suite à notre dernier entretien téléphonique du 29 mai 2013, au cours duquel nous avons évoqué vos deux offres possibles concernant la SCI Villas de Verneilh, à savoir :,

1/ la location du cabinet, parking et pavillon, lui appartenant pour un loyer maximal de 700.000 XPF, avec une option d'achat sur la totalité des parts de la SCI Villas de Verneilh, étendue au 31 décembre 2015.

2/ L'achat immédiat de la totalité des parts sociales de la SCI Villas de Verneilh, propriétaire des deux terrains bâtis sis [Adresse 2], ce pour un prix définitif de 125.000.000 XPF, sans fourniture et équipement.

Je vous informe que les associés de la SCI Villas de Verneilh ont décidé d'accepter votre offre d'achat, au prix proposé de 125.000.000 XPF.

Cette acceptation se fait sous la petite condition de votre accord donné précédemment en décembre 2012, à savoir de permettre au cabinet d'avocat et à Mademoiselle [J] [A], occupants des locaux, de pouvoir rester gracieusement dans les lieux pendant un délai de 3 mois maximum, ce pour leur permettre de déménager, délai qui débutera à compter de la signature de l'acte définitif de vente puisqu'il n'est pas prévu de compromis.

Bien sûr nous efforcerons de libérer les lieux le plus tôt possible et commençons les démarches dans ce sens dès ce jour.

Pouvez-vous me rappeler votre notaire pour les formalités.

Il collaborera avec notre notaire, Me [X].

Celui-ci a déjà notre dossier en mains. »

- Le jour même, M. [G] a demandé à son interlocuteur s'il avait « écarté la solution 1 qui (...) (lui) permettait de voir comment l'économie néocalédonienne allait évoluer jusqu'à fin 2015 ».

- M. [A] a immédiatement confirmé que les consorts [A] avaient « effectivement écarté » sa « 1ère offre sur de la location » au motif que le loyer proposé était insuffisant par rapport aux obligations financières de la SCI.

- Le même jour, M. [A] a informé son banquier que les associés venaient d'accepter l'offre de M. [G] pour l'achat des parts de la Villas de Verneilh pour le prix de 125.000.000 FCFP qui serait réglé « par un financement personnel et par un emprunt » mais qu'il ignorait la date de signature de l'acte.

- Dans un courriel daté du 4 juin 2013, M. [G] a prévenu son partenaire qu'il était « en train d'étudier le meilleur montage avec (son) expert comptable et les banques. »

- Le 4 juin, M. [G] a ultérieurement demandé si la SCI était imposée « à l'IR ou à l'IS » et sollicité la transmission de la déclaration fiscale.

- Le 5 juin, M. [A] a indiqué que la SCI Villas de Verneilh était assujettie à l'IS et que les éléments sollicités lui seraient transmis dans les 48 heures.

- Le 10 juin, M. [A] a adressé la déclaration fiscale 2012.

- Le 21 juin 2013, M. [A] a adressé le bilan 2012 et ses annexes et demandé à M. [G] de lui « indiquer la date de signature ».

- Le 24 juin, M. [G] a informé M. [A] qu'il était « en train de finaliser les montages financiers avec la banque ».

- Le 26 juin, M. [G] a demandé à M. [A] de lui « confirmer que le prix proposé de 125 MF correspond(ait) au prix d'achat du terrain et non pas aux parts de la SCI. ».

- Le jour même, dans la matinée, M. [A] a répondu : « Je vous confirme que l'objet de notre accord de vente porte bien sur les 100 parts de la SCI Villas de Verneilh, et ce depuis le début des négociations l'année dernière » et fait part de son étonnement face à « cette 'confusion' quelque peu surprenante au stade finale de l'affaire. »

- A 13 heures 2, M. [G] a sollicité des « éclaircissements » et a demandé à son interlocuteur de lui téléphoner.

- A 14 heures 6, M. [A] a proposé un entretien vers 16 heures 30, 16 heures 45.

- Le 27 juin, M. [A] a indiqué à M. [G] qu'il l'appellerait vers 16 heures.

- Le 27 juin à 17 heures 25, M. [A] a adressé le message suivant :

« Faisant suite à notre entretien de ce jour, je vous informe que le taux d'intérêt du prêt de la SCI est fixe à 5,10 % hors frais, soit un TEG de 5,345 %.

La durée initiale était de 180 mensualités, soit 15 ans.

Sa durée restante est de 143 mensualités à 979.267 XPF.

Nous avons fait un remboursement anticipé l'année dernière.

Deux mensualités n'ont pas été réglées celle de mai/juin 2013, soit 1.958.534 XPF.

Au niveau des garanties bancaires :

Les associés de la SCI sont cautions solidaires et il y a une hypothèque inscrite en sus du privilège de vendeur en faveur de la SGCB.

Il conviendra d'effectuer avec la SGCB une substitution de toutes les garanties à titre personnel pesant sur les associés actuels.

Je vous joins l'avenant du prêt contenant les principales informations. »

- Le 28 juin, M. [A] a informé que le compte de la SCI auprès de la SGCB était de - 170.288 FCFP et que le capital restant dû était de 103.705.205 FCFP.

- Le 4 juillet, M. [A] a demandé à M. [G] de lui indiquer « par retour à (son) mail » une date de signature.

- Le 8 juillet, M. [G] a répondu : « Lorsque je mentionne le financement, c'est essentiellement pour la construction. »

- Le 12 juillet, M. [A] a renouvelé sa demande.

Par lettre datée du 31 juillet 2013 et remise le lendemain par Me [T], huissier de justice, les consorts [A], qui estimaient que la vente était devenue parfaite le 30 mai 2013, ont mis la société ABI « en demeure :

1. Soit de préciser par écrit votre décision de ne plus acheter les parts de la SCI Villas de Verneilh, auquel cas, de procéder au paiement d'une indemnité compensatrice pour cette rupture abusive, source de préjudice pour la SCI et ses associés, d'un montant de douze millions cinq cent mille (12.500.000) XPF,

2. Soit, de respecter votre engagement en signant l'acte de cession de parts sociales ci-joint au prix de 125.000.000 XPF, et de procéder au règlement comptant. »

4) Ainsi que les consorts [A] n'en disconviennent plus, cette chronologie contredit la thèse initialement soutenue d'un accord sur la chose et sur le prix au sens de l'article 1583 du code civil. Elle rend compte de négociations désordonnées. Tandis que M. [G] était intéressé par l'acquisition de l'immeuble dont la SCI Villas de Verneilh était propriétaire, parce qu'il était contigu au tènement de la société ABI, les consorts [A] entendaient céder leurs parts de cette SCI, afin de se désengager dans la mesure où ils étaient cautions de la société et où celle-ci était dans l'incapacité de rembourser l'emprunt garanti. Le message de M. [D] [A] du 27 juin 2013 évoquant la nécessité d'effectuer « une substitution de toutes les garanties à titre personnel pesant sur les associés actuels » est à cet égard dénué de toute équivoque.

La cour observe que :

- Au cours du dernier trimestre 2012, l'approfondissement des négociations a butté sur la « condition résolution » tenant à l'octroi d'un crédit de 5.000.000 FCFP au profit du « cédant et de la selarl [A] & associés » qu'avaient souhaité introduire les consorts [A].

- Plusieurs mois plus tard, les parties ont examiné un projet totalement différent qui reposait sur une location des locaux de la SCI Villas de Verneilh concomitante à une option d'achat des parts sociaux.

- Dans les jours qui ont suivi la transmission des comptes sociaux de l'exercice 2012, M. [G] a signifié qu'il entendait acquérir le terrain et sollicité des explications. Ces comptes lui avaient donné une image du volume et de la structure de l'endettement de la SCI : cet endettement, qui s'élevait à 133.724.222 FCFP, était donc supérieur au prix d'achat envisagé (125.000.000 FCFP). De plus, ces comptes traduisaient les difficultés de la société à honorer son emprunt puisque les comptes courants d'associés avaient crû de 16.000.000 FCFP au cours de l'exercice 2012. Le 27 juin, M. [G] a même été informé du défaut de paiement de deux échéances.

- L'endettement de la SCI Villas de Verneilh explique la réticence de M. [G] à poursuivre les pourparlers sur une cession des parts dans la mesure où celui-ci avait pris conscience que cet endettement imposerait d'associer la banque aux négociations et que l'abandon des comptes courants d'associé d'un montant de plus de 30.000.000 FCFP aurait une incidence fiscale significative pour la société reprise, et l'expression de sa volonté d'acquérir le tènement.

Il est admis qu'en vertu du principe de la liberté contractuelle, une partie est libre de rompre les pourparlers précontractuels. Dès lors que les parties ne sont jamais parvenues à un accord de principe qui n'aurait exigé que des ajustements complémentaires, et que la reprise de la SCI Villas de Verneilh avait des implications de nature juridique, financière et fiscale qui exigeaient un examen approfondi du projet, il ne peut être reproché à M. [G], agissant tant à titre personnel qu'en sa qualité de mandataire de la société ABI, d'avoir rompu de mauvaise foi les pourparlers. Les consorts [A] doivent être déboutés de leur action en responsabilité.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les consorts [A] de leur demande d'indemnisation de leurs préjudices consécutives à une rupture brutale des pourparlers ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne les consorts [A] aux dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00244
Date de la décision : 03/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-03;22.00244 ?
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