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20/02/2023 | FRANCE | N°22/00137

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 20 février 2023, 22/00137


N° de minute : 36/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 20 février 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 22/00137 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TBR



Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 mai 2022 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :22/128)



Saisine de la cour : 23 mai 2022





APPELANT



S.C.I. TOP CITY,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Vanessa ZAOUCHE de la SARL

ZAOUCHE RANSON, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



S.A.R.L. LE SQUARE A L'ENSEIGNE CAFE ALMATRIUM,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Martin CALMET de la SARL DESWARTE-CALMET,...

N° de minute : 36/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 20 février 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 22/00137 - N° Portalis DBWF-V-B7G-TBR

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 mai 2022 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :22/128)

Saisine de la cour : 23 mai 2022

APPELANT

S.C.I. TOP CITY,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Vanessa ZAOUCHE de la SARL ZAOUCHE RANSON, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.R.L. LE SQUARE A L'ENSEIGNE CAFE ALMATRIUM,

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Martin CALMET de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président, Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

*******************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par acte sous seing privé en date du 1er février 2002, la SCI Top City a donné à bail commercial pour neuf ans à la société Le Square un local situé dans la galerie du centre Almatrium [Adresse 3], moyennant un loyer initial mensuel hors taxes de 330'000 XPF, qui s'élève actuellement à la somme de 492 529 XPF du fait de l'indexation. Le 31 janvier 2011, le bail s'est poursuivi par tacite reconduction.

Par acte d'huissier du 8 mars 2021, le locataire a sollicité un renouvellement pour neuf ans à compter du 1er avril 2021 à la somme de 330'000 XPF hors taxes et hors charges.

Par courrier du 25 mai 2021, le bailleur, prenant en compte «'la conjoncture économique calédonienne'» acceptait le renouvellement à compter du 1er août 2021 en minorant de 20 % le loyer de 450'332 XPF (indexé au 1er février 2012) soit un montant de 360'266 XPF hors taxes et hors charges. Puis par courrier du 31 août 2021, il indiquait à la locataire qu'il entendait voir appliquer la clause d'échelle mobile prévoyant une révision annuelle et sollicitait un paiement sous huit jours de 1'156'696 XPF correspondant l'indexation des cinq derniers exercices intégrant les remises accordées «'' en toute bienveillance ces dernières années'». Il indiquait enfin, «'pour rappel'», que le loyer mensuel applicable depuis le 1er février 2021 était de 492'529 XPF (sic).

Un commandement d'huissier était adressé le 22 septembre 2021 au locataire pour paiement de la somme précitée dans un délai de quarante-huit heures majorée du coût de l'acte soit 1'175'246 XPF. En l'absence de tout règlement, la SCI Top City a fait délivrer le 24 novembre 2021 au locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au bail.

Par acte d'huissier en date du 8 mars 2022, la SCI Top City a finalement assigné la société Le Square devant le président du tribunal de Nouméa statuant en référé aux fins de condamner Le Square à lui régler 1'156'696 XPF «'au titre des loyers indument perçus'jusqu'en décembre 2020 » (sic) alors qu'elle expose dans le corps de ses écritures qu'il s'agissait d'un reliquat de loyer impayé en application de la clause d'échelle mobile prévue au bail pour la période comprise entre septembre 2016 et août 2021, outre 350'000 XPF sur le fondement de l'article 700 CPCNC.

Dans des écritures postérieures du 13 avril 2022, la SCI Top City demandait au président du tribunal d'une part de constater l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 25 décembre 2021 en l'absence de contestation sérieuse, ordonner la libération des lieux dans un délai de quinze jours suivant la signification de l'ordonnance à intervenir et d'autre part de condamner la société Le Square au paiement d'une provision de 2'310 722 XPF au titre des loyers impayés du 1er septembre 2021 au 12 avril 2022 et d'une indemnité d'occupation de 555 529 XPF à compter du 25 décembre 2021 jusqu'à la libération effective des lieux outre 180'000 XPF sur le fondement de l'article 700 CPCNC.

En réponse, la société Le Square soutenait qu'il n'y avait pas lieu à référé en raison de l'existence de contestations sérieuses tenant au fait que le bailleur avait renoncé à toutes sommes dues au titre de la clause d'échelle mobile et de l'indexation des loyers en proposant diverses remises. Elle faisait valoir que ces remises sont venues éteindre l'obligation au paiement de tout reliquat de loyer au titre de la clause d'indexation, mais que le bailleur a attendu que l'année 2021 soit entamée pour formuler une demande en paiement, ce qui est déloyal, ajoutant que la présente procédure a été intentée en réponse à sa demande en révision du loyer notifiée en août 2021.

Elle précisait que les loyers étaient à jour au 30 novembre 2021'confirmant que s'il demeurait un arriéré de 1 578 699 XPF pour les mois de décembre 2021 à février 2022, c'était dû à l'augmentation du loyer intervenue au mois de janvier 2021, qui est passé de 436 167 XPF à 526 233 XPF.

Elle considérait enfin que la clause résolutoire n'était pas acquise au profit du bailleur compte tenu de la mauvaise foi dans la mise en jeu de cette clause et à titre subsidiaire, sollicitait l'octroi de délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire pendant ces délais outre 150 000 XPF au titre de l'article 700 du CPCNC.

Par ordonnance de référé en date du 13 mai 2022, en l'état de l'incertitude sur le montant réel de l'arriéré au moment de la délivrance du commandement, la SCI Top City était déboutée de sa demande et condamnée à payer 120'000 XPF sur le fondement de l'article 700 CPCNC à son locataire.

Par requête en date du 23 mai 2022, la SCI Top City relevait appel de cette décision. Dans des écritures du 5 octobre 2022 visées à l'audience, l'appelante indique que la dette de son locataire ne cesse d'augmenter et que son compte débiteur s'élève au 1er septembre 2022 à la somme de 4'527'513 XPF.

S'agissant de l'acquisition de la clause résolutoire, elle indique qu'elle était visée dans le commandement de payer qui a été délivré le 24 novembre 2021 et qu'elle est parfaitement fondée à en demander l'acquisition outre l'expulsion du locataire.

Pour ce qui concerne l'incertitude sur le montant des sommes dues, elle rappelle que le bail s'est renouvelé le 1er avril 2021 aux mêmes clauses et conditions que précédemment «'en ce compris la clause d'indexation'» (page 16 du bail).

Certes, la SCI Top City concède avoir décidé d'en faire application en août et septembre 2021 avec un rattrapage sur les cinq dernières années mais c'est à tort que le premier juge aurait pris acte de ce que la clause d'indexation n'était pas visée puisque le locataire lui-même ne réfutait pas la totalité des sommes dues lesquelles, étant incontestables pour partie, auraient dû être prises en compte au moins partiellement par le président du tribunal dont la motivation évoquait d'ailleurs l'existence d'une demande fondée sur la seule indexation des loyers.

Il ne pouvait pas non plus être fait état d'une renonciation explicite à l'indexation puisqu'elle avait toujours réclamé ses loyers «'dument réévalués'» non plus que d'une renonciation tacite': sur ce point, le locataire tire argument du fait que le bailleur n'avait pas réclamé l'application de la clause d'indexation alors même qu'une renonciation doit toujours être explicite en jurisprudence et que le contrat de bail lui-même indiquait (article 9) que toute modification ne pouvait résulter que d'un «'document écrit et exprès sous forme d'acte bilatéral ou d'échange de lettres'».

Pour ce qui est de la mauvaise foi dont le bailleur aurait fait preuve en mettant en jeu subitement la clause résolutoire, la SCI Top City relève d'une part que le commandement du 22 septembre 2021 ne la visait pas et qu'elle ne sera invoquée que postérieurement après trois incidents de paiement, d'autre part qu'elle a attendu plusieurs mois pour entamer la présente procédure faisant ainsi preuve de bienveillance.

Elle indique par ailleurs s'opposer'fermement :

tant à l'octroi des délais de paiement réclamés observant qu'elle n'a cessé de baisser son loyer depuis des années, son locataire étant dans l'incapacité de préciser selon quelles modalités il réglera sa dette locative de 4'527'513 XPF (au 26 septembre 2022),

qu'à tout sursis à statuer, irrecevable d'une part en ce que cette demande est formée pour la première fois en cause d'appel (articles 73 et 74 CPCNC), d'autre part, en ce que l'issue de l'instance au fond n'aura pas d'incidence sur l'instance en cours, le locataire n'ayant jamais réglé les loyers réellement dus, enfin en ce que le dossier ne sera pas jugé définitivement avant plusieurs années, amenant la dette locative à «'un niveau stratosphérique'» en l'absence de résolution du contrat tout en mettant en péril les finances du bailleur.

S'agissant du montant des sommes dues, l'appelante réclame en conclusion :

513'332 XPF (indemnité minimale d'occupation du 25/12/2021 à la libération des lieux correspondant au loyer payé par le locataire avant incident charges incluses.

2'723'316 XPF de provision (différence entre ce qui était dû entre le 1er septembre 2021 et le 26 septembre 2022 (6'673'316 XPF) et ce qu'elle a reçu (3'950'000 XPF)

350'000 XPF sur le fondement de l'article 700 CPCNC.

Dans des écritures du 4 janvier 2023, la locataire sollicitait à titre liminaire la suspension de l'instance dans un souci de «'bonne administration de la justice'», le tribunal de première instance étant saisi au fond du montant du rattrapage des loyers après indexation.

Elle exposait par ailleurs que le bailleur avait renoncé explicitement à se prévaloir de l'indexation prévue à l'article 8 du contrat bien avant juillet 2018 et jusqu'au mois d'août 2021 inclus, ce qui constituait une contestation sérieuse :

Puisqu'il avait consenti par avenants des 29 juin 2018, 6 novembre 2019 et 23 juin 2020 des remises de loyer du 1er juillet 2018 au 30 septembre 2020 lesquelles ne comprenaient aucune indexation, les montants des nouveaux loyers étant définitifs et non indexés. Il en allait de même jusqu'en décembre 2020 où il proposait par courriel la prolongation des avenants ;

En ce qu'il avait d'ailleurs signé ultérieurement de manière non équivoque la nouvelle remise du 25 mai 2021 rappelant n'avoir pas réévalué depuis le 1er février 2012, conscient qu'il était de la conjoncture économique calédonienne.

Elle soutenait en outre qu'aux termes d'une jurisprudence constante un commandement de payer ne peut produire effet que s'il est délivré de bonne foi. Or d'une part, la SCI Top City ferait preuve de mauvaise foi dans l'application du bail en délivrant «'brutalement'» (sic) et «'de manière déloyale'» un commandement de payer visant la clause résolutoire alors même qu'il s'est durablement abstenu de réclamer le bénéfice de la clause d'indexation pendant plusieurs années puisqu'il pouvait le faire depuis 2014. D'autre part, ces demandes ont causé un préjudice incontestable au preneur d'autant que la SCI Top City n'ignorait rien des difficultés économiques rencontrées par la société Le Square.

Dans le cas néanmoins où la Cour entendrait prononcer l'acquisition de la clause résolutoire, la locataire sollicite l'octroi de larges délais de règlement des arriérés. Contrairement à ce qu'indique le bailleur dans ses écritures, elle explique que la société est maintenue à flots puisqu'elle règle ses fournisseurs et paye salaires et cotisations sociales des employés dont le temps de travail a été réduit.

Elle précise qu'elle est à jour des loyers au 30 novembre 2021, seuls décembre 2021 et janvier et février 2022 étant impayés pour un montant de 1'578'699 XPF. Au subsidiaire, elle sollicite de larges délais de paiement et demande que les sommes qui seraient reportées soient imputés en priorité sur le capital et non sur les intérêts.

Il sollicite enfin 350'000 XPF sur le fondement de l'article 700 du CPCNC.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la demande de sursis à statuer':

En l'état de l'instance au fond concernant l'ensemble du rattrapage des loyers engagée devant le tribunal de Nouméa pour laquelle une décision définitive pourrait ne pas intervenir avant plusieurs années, cette demande sera rejetée.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et la provision demandée :

Il est constant qu'au moins trois échéances (décembre 2021, janvier et février 2022) n'ont pas été honorées. Dans ces conditions et en application des termes de la convention, l'acquisition de la clause sera prononcée et il sera fait droit partiellement aux demandes de provision à hauteur de 1'578'699 XPF.

Le bailleur, qui n'avait rien réclamé depuis 2012 à son locataire, a adressé par courrier un commandement d'huissier le 22 septembre 2021 pour paiement de 1'156'696 XPF dans un délai de quarante-huit heures puis, en l'absence de règlement, fait délivrer le 24 novembre 2021 au locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au bail.

S'il est incontestable qu'en agissant ainsi, il n'a fait qu'exercer son droit et respecté les règles applicables, sa bonne foi dans l'exécution du contrat apparaît néanmoins toute relative': il sera en conséquence accordé au locataire des délais de paiement à hauteur de douze mois

Pour le reste, en l'état des multiples contestations sérieuses relatives à un contentieux pendant devant le tribunal de première instance de Nouméa sur les montants des arriérés de loyer dus, les parties seront déboutées des demandes restantes et renvoyées au fond.

Sur l'expulsion :

En conséquence de ce qui précède, l'expulsion de la société Le Square et de tous occupants de son chef sera ordonnée.

Sur l'article 700 du CPCNC et les dépens :

L'article 700 du code de procédure civile dispose que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l 'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu de cette condamnation.

Ainsi, vu les circonstances particulières de l'espèce, il convient que chaque partie garde à sa charge ses propres frais irrépétibles.

La société Le Square qui succombe sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance querellée et statuant à nouveau,

DIT n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

CONDAMNE la société Le Square à régler, à titre de provision à valoir sur l'arriéré locatif, la somme de 1'578'699 francs CFP à la SCI Top City ;

CONSTATE l'acquisition de la clause résolutoire ;

ORDONNE l'expulsion de la société LE SQUARE et de tout occupant de son chef dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt ;

ACCORDE des délais de paiement à hauteur de douze mois à la société Le Square pour payer sa dette locative en sus du loyer courant, ce délai suspendant les effets de la clause résolutoire prévue au bail ;

DIT qu'à défaut de paiement de la dette dans le délai imparti ou d'un seul terme de loyer et charges courantes à bonne date, la clause résolutoire prévue au bail reprendra son plein effet et il pourra être procédé à l'expulsion de la société Le Square et de tous occupants de son chef des locaux ;

CONDAMNE la société Le Square aux dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00137
Date de la décision : 20/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-20;22.00137 ?
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