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20/02/2023 | FRANCE | N°21/00050

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 20 février 2023, 21/00050


N° de minute : 43/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 20 février 2023





Chambre Civile









Numéro R.G. : N° RG 21/00050 - N° Portalis DBWF-V-B7F-RYF



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Février 2021 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :19/292)



Saisine de la cour : 17 Février 2021





APPELANT



M. [G] [O]

né le 13 Juin 1964 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 1]

Représenté

par Me Cécile MORESCO de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



M. [P] [I]

né le 12 Septembre 1966 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Nadine PIDJOT-ALLARD de...

N° de minute : 43/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 20 février 2023

Chambre Civile

Numéro R.G. : N° RG 21/00050 - N° Portalis DBWF-V-B7F-RYF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Février 2021 par le Tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :19/292)

Saisine de la cour : 17 Février 2021

APPELANT

M. [G] [O]

né le 13 Juin 1964 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Cécile MORESCO de la SELARL AGUILA-MORESCO, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [P] [I]

né le 12 Septembre 1966 à [Localité 4],

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Nadine PIDJOT-ALLARD de la SELARL NADINE PIDJOT-ALLARD, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller, président,

Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par Mme Marie-Claude XIVECAS, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

M. [G] [O] a vendu à M. [P] [I] le 11 février 2017,un véhicule Land Rover DEFENDER «'166'591 NC'» au prix de 1'400'000 XPF. Le 25 mars 2017, ce véhicule est tombé en panne après avoir parcouru environ 3400'km.

Par ordonnance du 15 novembre 2017, le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa, saisi par M. [P] [I], a ordonné une expertise du véhicule. Dans son rapport du 4 septembre 2018, l'expert, M. [M], a expliqué que la distribution s'était décalée en roulant et que les soupapes d'admission étaient percutées par les pistons ce qui avait provoqué la déformation des tiges de culbuteur, la cause de l'avarie consistant en 'un sur-régime en roulant provoqué par une erreur de rétrogradage (5e- 3e ou 4e' 2e par exemple)' dont la responsabilité incombait au conducteur.

Il relevait que les constatations sur le moteur montraient une usure importante des chemises dont les dimensions n'étaient plus conformes aux prescriptions du constructeur, que cette usure était en relation avec l'âge (24 ans) et le kilométrage (supérieur à 210'000'km) du véhicule, ce qui ne constituait pas un vice caché.

Il estimait le coût de la remise en état du moteur à 803'078 XPF mais ajoutait qu'il apparaissait nécessaire de procéder au remplacement du moteur complet, le coût pouvant être évalué à 1'473'775 XPF.

Par requête en date du 8 février 2019, M. [I] venant en lecture de rapport, a saisi le tribunal de première instance de Nouméa aux fins d'annulation de la vente du véhicule et pour voir condamner M. [O] à lui rembourser le prix payé soit 1'400'000 XPF avec intérêts légaux et l'ensemble des frais engagés sur le véhicule soit 724'185 XPF outre 300'000 XPF au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie et les dépens comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.

Il invoquait à cet effet un vice du consentement dès lors selon lui que le moteur du véhicule lui avait été présenté comme ayant été entièrement refait à neuf environ 8000'km avant la vente alors que la remise à neuf concernait seulement le haut du bloc-moteur. Subsidiairement, il soutenait que les anomalies constatées sur le moteur et à l'origine de la panne constituaient des vices cachés qui justifient l'annulation de la vente.

En réplique, M. [O] demandait au tribunal de débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes et de le condamner à lui verser une somme de 500'000 XPF sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ainsi qu'à supporter les dépens.

Il faisait valoir que ni le vice du consentement, ni l'existence d'un vice caché n'étaient établis au regard des pièces produites et du rapport d'expertise judiciaire.

Par jugement en date du 1er février 2021, le tribunal, retenant l'erreur sur la substance du bien vendu, a annulé la vente du véhicule LAND ROVER Defender «'166'591 NC'» intervenue le 11 février 2017 entre les parties et condamné M. [O] à payer à M. [I] une somme de 1'400'000 XPF en restitution du prix de vente, outre intérêts au taux légal à compter du 8 février 2019 et 300'000 XPF de frais irrépétibles. Il condamnait M. [O] aux dépens comprenant notamment les frais d'expertise.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 17 février 2021, M. [G] [O] a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif et ses dernières écritures du 13 octobre 2021 d'infirmer la décision en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

A titre principal, débouter l'intimé de toutes ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 500 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire,

- dire qu'en cas d'annulation de la vente, M. [P] [I] devra restituer le véhicule dans l'état initial et s'acquitter de la somme de 1 473775 Fcfp correspondant au coût de remplacement du moteur consécutif au surrégime du fait de la conduite ;

- ordonner la compensation entre les sommes respectivement dues ;

- condamner M. [P] [I] aux dépens.

Il soutient que le tribunal a eu raison de retenir l'absence de dol puisque son fils [J] [O] ne faisait que rendre service à son père et était à l'époque un «'jeune adolescent'». Les décisions citées sur la réticence dolosive dont il aurait fait preuve serait inapplicable à l'espèce car il n'est pas le contractant principal qui est son père. Il rappelle que l'expert, de manière parfaitement explicite, a conclu à l'absence de vices cachés et a attribué l'origine de la panne à une conduite en surrégime dont il déduit que l'auteur est M. [I]. L'installation défectueuse d'un kit de distribution relevée par M. [H] expert requis par M. [I] serait en revanche à l'origine de l'usure accélérée de la largeur de la courroie. Il relève d'une part que ce rapport devait être considéré avec réserve puisque cet expert n'avait pas pu voir le moteur et n'avait travaillé que sur papier et d'autre part que l'expert [M] avait bien relevé ce décalage, l'attribuant à un sur-régime moteur mais avait précisé qu'il ne pouvait préexister à la vente et n'était pas de nature à expliquer la panne (le «'désordre'»).

Subsidiairement, si la cour devait confirmer l'annulation de la vente, il serait équitable qu'outre le véhicule qui lui serait restitué, M. [I] soit condamné à lui régler le coût du moteur en remplacement du moteur qu'il a détérioré soit 1'473'775 XPF.

Il demandait 500'000 XPF au titre des frais irrépétibles de première instance et réclame la même somme pour ceux d'appel.

*****

Dans ses dernières écritures, M. [G] [O] demande à la cour de:

- débouter M. [G] [O] de ses demandes notamment de sa demande en remplacement du moteur,

- condamner M. [G] [O] à payer une indemnité de 300 000 Fcfp à titre de dommages et intérêts pour procédure dilatoire outre le condamner à telle amende civile que la Cour pourra infliger ;

- dire que la cause de la panne est due à un montage défectueux de la courroie de distribution et ordonner si nécessaire une consultation sur dossier à un spécialiste LAND ROVER sur ce point et sur l'utilité de remplacer la culasse du véhicule ;

A titre principal dans le cadre d'une demande reconventionnelle :

- dire et juger que la vente est affecté d'un vice du consentement d'un dol et d'un double vice caché;

- réformer le jugement en ce qu'il annule la vente du véhicule et dit que le véhicule sera restitué en l'état à M. [G] [O] ;

- dire que M. [I] sera indemnisé par M. [G] [O] sur la base de l'article 1240 du code civil

- condamner ce dernier à payer à M. [P] [I] des dommages et intérêts au titre de la privation de jouissance en raison de l'immobilisation du véhicule, d'un montant de 15 000 Fcfp par mois du 25/03/2017 jusqu'à la restitution du prix;

- Condamner M. [G] [O] à payer à M. [P] [I] pour vice du consentement dol et vice caché- si la cour juge que le montage défectueux de la distribution est la cause de la panne- la réparation intégrale du moteur sur la base de la facture actualisée produite par l'expert soit la somme de 803 078 Fcfp ( haut moteur) + 1 473 775 Fcfp ( bas moteur ) ;

- Condamner M. [G] [O] à payer à M. [P] [I] pour vice du consentement dol et vice caché, si la cour juge que le sur-régime est la cause de la panne, la réparation du bas moteur sur la base de la facture actualisée produite par l'expert soit la somme de 1 473 775 Fcfp ( bas moteur ) ;

A titre subsidiaire,

- confirmer la décision en ce qu'elle a annulé la vente du 11/02/2017 pour vice du consentement ,

- dire et juger en outre l'annulation de la vente pour dol et vice caché,

- Confirmer la condamnation de M. [G] [O] à restituer le prix de vente soit 1. 400 000 Fcfp avec intérêts au taux légal à compter,

- condamner M. [G] [O] à payer à M. [P] [I] une indemnité mensuelle de 15 000 Fcfp par mois du 25/03/2017 jusqu'à la restitution du prix au titre de la privation de jouissance,

- condamner M. [G] [O] à lui payer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les frais consécutifs à la vente soit la somme de 1 940 380 Fcfp avec intérêts au taux légal à compter du 08/02/2019 , y compris les frais de constat du 26/06/2020;

- dire que le véhicule sera restitué en l'état c'est-à-dire démonté ;

- condamner M. [G] [O] à lui payer la somme de 300 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Il fait valoir qu'il a été victime d'un dol au sens de l'article 1116 CC «....man'uvres pratiquées par l'une des parties telles qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre n'aurait pas contracté » caractérisées en l'espèce par les mensonges par omission (moteur entièrement refait à neuf) ou par omission / réticence dolosive en déclarant que seul le bloc haut du moteur avait été refait et non le bloc bas. Il reprend sur ce point ses écritures de première instance.

Il demande néanmoins à titre principal que la vente soit maintenue afin qu'il puisse le cas échéant conserver le véhicule en contrepartie de quoi M. [O] serait tenu de lui payer la réparation du bas moteur voire celle du haut moteur si la cour devait considérer que le montage de la courroie était défectueux «'sur le fondement de l'article 1240 CC'» (sic) .

Il indique également que M. [O] le vendeur était tenu d'une garantie des vices cachés (article 1641 CC). Or l'expert [M] indiquait ne pouvoir caractériser un vice caché en raison de ce qu'il aurait été «'impossible de circuler avec un véhicule dont al distribution est décalée et les tiges de culbuteurs tordues'» considérant que l'état du véhicule était dû à l'acquéreur suite à une conduite en sur-régime.

M. [I] conteste avec force cette conclusion et produit en ce sens une expertise amiable émanant de M. [H] qui relève que l'expert [M] a omis de faire état de l'installation défectueuse d'un kit de distribution en date du 15 juillet 2014 à l'origine du décalage de la courroie, adjonction effectuée à raison d'une faiblesse du moteur 300 TDI connue de la presse mais également de la marque. Il fournit au dossier un courrier de Land Rover France qui, au vu de la même photographie du 24 avril 2017 que celle fournie à l'expert [M], semble considérer la pannée inéluctable.

Il en conclut qu'il n'y avait pas un mais deux vices cachés': la non réfection du bloc bas du moteur et le montage défectueux de la distribution.

Il sollicite que de vrais spécialistes interviennent à la demande de la cour afin de déterminer quel est le rôle de la courroie de distribution dans la panne subie par M. [I] fournissant sur ce point des attestations concluant que la panne survenue le 25 mars 2017 était due au montage défectueux de la courroie à l'exclusion d'une conduite en sur-régime.

Concernant la réparation du haut moteur, il indique que le remplacement de la culasse préconisé par M. [M] est parfaitement inutile et qu'en cas d'annulation de la vente, la restitution devra être effectuée en l'état c'est-à-dire «' le moteur démonté comme suite à la demande de l'expert judiciaire'»

Enfin s'agissant des diverses réparations dont le remboursement avait été rejeté par le tribunal comme ne découlant pas directement de la vente, M. [I] maintient ses demandes initiales y rajoutant'1'940'380 XPF au 31 octobre 2021 se décomposant comme suit': 5000 XPF /mois d'immobilisation du véhicule, 16'892 XPF de transport du 26 juin et de la location d'un box 11'358 XPF / mois de gardiennage sécurisé de la caisse contenant le moteur chez Locabox depuis juillet 2020 outre 22'263 XPF d'assurance du véhicule immobilisé.

Vu l'ordonnance de clôture

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il sera rappelé que devant la cour, les parties doivent présenter leurs demandes sous la forme d'un dispositif précisant si elles entendent demander la confirmation ou la réformation du jugement et dans ce dernier cas sur quels chefs particuliers en précisant leurs demandes et non pas en reformulant de nouvelles prétentions sans les rattacher à la demande d'infirmation ou de confirmation. Il sera également rappelé que l'action en vice caché et l'action en annulation pour vice du consentement qui reposent sur des fondements juridiques différents ne peuvent se cumuler et qu'il appartient à la partie demanderesse de les distinguer dans son dispositif.

Sur le vice caché

L'expert judiciaire [M] a constaté que l'origine de l'avarie mécanique provenait d'un sur-régime moteur en rétrogradant la vitesse. Ce sur- régime a entraîné un contact entre les soupapes d'admission et le piston qui a bloqué la courroie de distribution laquelle s'est décalée de 2 dents. L'expert a relevé également l'usure importante des chemises, usure en relation avec l'âge ( 24 ans ) du véhicule et le nombre de kilomètres ( $gt; 210 000 KM). L'état d'occasion du véhicule permet d'écarter le vice caché car celui-ci préexistait à la vente. De fait, ce n'est que le mensonge sur l'état réel du véhicule qui peut fonder une action en nullité du contrat. Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a écarté le vice caché, l'expert attribuant l'origine de la panne à un sur-régime imputable au conducteur qui a endommagé le moteur en raison de l'état usé de ce dernier et des pièces le composant.

Sur le vice du consentement

Aux termes de l'article 1116 du code civil dans sa version applicable en Nouvelle Calédonie ' Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé $gt;$gt;.

L'article 1117 dispose que la convention contractée par erreur, violence ou dol, n'est point nulle de plein droit ; elle donne seulement lieu à une action en nullité ou en rescision, dans les cas et de la manière expliqués à la section VII du chapitre V du présent titre. $gt;$gt;

Il est de jurisprudence constante que l'erreur provoquée est constitutive d'un dol. Le dol doit émaner du co contractant .

En l'espèce, le jugement sera réformé en ce qu'il n'a pas retenu l'existence du dol, motifs pris que les manoeuvres frauduleuses émanaient du fils de M. [G] [O], tiers au contrat. Or, il ressort des écritures de M. [G] [O] que son fils, mineur à l'époque et qui ne connaissait pas l'état mécanique du véhicule, s'est contenté de placer l'annonce sur facebook. Se faisant, la cour en déduit que M. [G] [O] fils a agi en qualité de mandataire non apparent (intermédiaire de son père) de sorte que le contenu de l'annonce et les échanges qui s'en sont suivis sont le fait de M. [G] [O].

Les courriels et SMS produits échangés entre les parties démontrent que le véhicule vendu a été présenté comme disposant d'un moteur neuf avec un kilométrage réel de 8000 Km alors qu'il en totalisait 210 000 km et que le bas du moteur était d'origine. Aucun élément extérieur aux parties ne permet de corroborer les dires du vendeur selon lesquels il avait prévenu son co-contractant que seul le haut du moteur était neuf.

Ainsi, en présentant à la vente un véhicule d'occasion comme ayant un moteur refait à neuf alors que tel n'était pas le cas, M. [G] [O] a volontairement vicié le consentement de M. [P] [I] qui aurait peut être hésité à l'acheter au prix affiché. Le dol doit être retenu.

Sur la demande principale de M. [G] [O] en maintien de la vente et dommages et intérêts

La cour relève que le tribunal de première instance ayant fait droit entièrement à la demande du requérant en annulant la vente comme demandé, M. [G] [O] est irrecevable à relever appel de ce chef, puisqu'il a eu gain de cause.

Néanmoins, à titre surabondant, il sera rappelé qu'en cas d'erreur provoquée ( dol), la partie trompée a le choix ou de limiter son action à l'engagement de la responsabilité civile extra-contractuelle de son cocontractant par l'obtention de dommages et intérêts (réfaction du prix) ou de poursuivre l'annulation du contrat (responsabilité contractuelle). Elle a ainsi la liberté de solliciter ces deux sanctions en agissant sur l'un comme sur l'autre des deux fondements, ou sur les deux à la fois.

Il est de jurisprudence constante que dans le cas où la victime fait le choix d'agir uniquement en indemnisation, elle ne peut en principe obtenir réparation que de sa seule perte de chance de ne pas avoir contracté dans de meilleures conditions (Com. 10 juill. 2012, n° 11-21.954 : « Le préjudice réparable d'un cocontractant, qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat, correspond, non à la perte d'une chance de ne pas contracter, mais uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses » ; Com. 5 juin 2019, n° 16-10.391) Cette limite n'existe pas en revanche, lorsque la victime choisit de cumuler les actions en nullité et en responsabilité ( Cass.Civ. 3e, 16 mars 2011, n° 10-10.503).

En l'espèce, M. [P] [I] qui sollicite de conserver le véhicule sans voir annuler la vente est infondé à se voir allouer des dommages et intérêts équivalents à la remise à neuf du Land rover.

La demande principale étant irrecevable, la demande subsidiaire doit être examinée.

Sur la demande subsidiaire en annulation de vente, restitution du prix et dommages et intérêts

Le jugement sera confirmé par substitution de motif ( dol et non erreur) en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente et a condamné M. [G] [O] à rembourser à M. [P] [I] le prix d'acquisition soit la somme de 1.400 000 Fcf . Les intérêts au taux légal courront à compter du jour de la vente soit le 11/02/2017

Sur les préjudices consécutifs au dol

La victime du dol est en droit de solliciter des dommages et intérêts si l'annulation du contrat laisse subsister un préjudice.

* sur les frais engagés

Au vu du récapitulatif des frais engagés arrêtés au 31/10/2021 ( pièce jointe à ses conclusions) et des factures correspondantes, M. [P] [I] est en droit d'obtenir au titre des frais consécutifs à l'annulation de la vente , les frais d'expertise amiable de M [S] [Y] ( 29 990 + 24 990 ) le remorquage et démontage de la galerie( 42 000 Fcfp) les honoraires du cabinet OLMOS( 109 511 Fcfp ) les frais de remorquage( 43 000 Fcfp ) le transport et gardiennage du véhicule jusqu'à la FOA ( 200 000 Fcfp ) le gardiennage du moteur ( 84 800 Fcfp + 53 000 + +16 892 + 170 000 + 181 778 ) soit au total la somme de 955 911 Fcfp.

Les frais d'expertise judiciaire seront décomptés à part de même que les frais d'avocat qui entrent dans les frais prévus à l'article 700 du code de procédure civile.

* sur l'assurance

L'annulation de la vente pour vice du consentement qui a un effet rétroactif rend la souscription de l'assurance sans objet . Les primes payées pour la période de 2017 à 2021 soit la somme de ( 99 002 + 25 263 ) entrent dans le préjudice réparable.

* sur le trouble de jouissance

L'avarie ayant été causée par la conduite inadaptée de l'acquéreur, ce dernier n'est pas fondé à réclamer un préjudice de jouissance pour immobilisation du véhicule.

Sur la restitution du véhicule

A titre de dommages et intérêts complémentaires, le véhicule sera restitué en l'état à M. [G] [O] à charge pour lui d'aller le chercher.

Sur la demande reconventionnelle de M. [G] [O]

Le dol ayant été admis, la demande en remplacement du moteur est infondée et sera rejetée .

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure dilatoire.

L'exercice d'une voie de recours est un droit. Il n'est pas démontré le caractère dilatoire de l'appel formé par M. [G] [O] .

Sur l'article 700

Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [P] [I] la somme de 300 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En cause d'appel, il sera alloué la somme de 250 000 Fcfp de ce chef.

Sur les frais d'expertise judiciaire

Conformément au jugement frappé d'appel, les frais d'expertise seront mis à la charge de M. [G] [O] qui succombe au principal.

Sur les dépens .

M. [G] [O] supportera les dépens des procédures d'appel, de 1ère instance et de référé.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement, par substitution de motifs (dol et non erreur) en ce qu'il a:

- prononcé la nullité de la vente,

- condamné M. [G] [O] à payer à M. [P] [I] la somme de 1 400 000 Fcfp au titre de remboursement du prix de vente, et la somme de 300 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil,

- condamné M. [G] [O] à payer les frais d'expertise judiciaire et l'a condamné aux dépens de 1ère instance en ce compris les frais de la procédure de référé ;

L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau :

- Dit que les intérêts sur le prix de vente à rembourser courront à compter du 11/02/2017,

- Condamne M. [P] [I] à restituer à M. [G] [O] le véhicule LAND ROVER immatriculé 166 591 NC en l'état à charge pour M. [G] [O] d'aller le récupérer ;

- Déboute M. [G] [O] de sa demande en remplacement du moteur ;

- Condamne M. [G] [O] à payer à M. [P] [I] à titre de dommages et intérêts la somme de 1 080 176 Fcfp ( 955 911 + 124 265 Fcfp assurance;

- Déboute M. [P] [I] du surplus de ses demandes ;

- Rejette la demande de dommages et intérêts pour procédure dilatoire

- Condamne M. [G] [O] à payer à M. [P] [I] la somme de 250 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Le condamne aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00050
Date de la décision : 20/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-20;21.00050 ?
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