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16/02/2023 | FRANCE | N°21/00023

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre commerciale, 16 février 2023, 21/00023


N° de minute : 12/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 16 février 2023



Chambre commerciale









Numéro R.G. : N° RG 21/00023 - N° Portalis DBWF-V-B7F-R25



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° :18/158)



Saisine de la cour : 22 mars 2021





APPELANT



S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DES HIBISCUS,

[Adresse 7]

Représentée par Me Maxime Benoit GUERIN-FLEURY de

la SARL MAXIME GUERIN-FLEURY, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉS



S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE POINDIMIE, représentée par sa gérante en exercice, Siège social : [Adresse 9]

Représentée par Me...

N° de minute : 12/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 16 février 2023

Chambre commerciale

Numéro R.G. : N° RG 21/00023 - N° Portalis DBWF-V-B7F-R25

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG n° :18/158)

Saisine de la cour : 22 mars 2021

APPELANT

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DES HIBISCUS,

[Adresse 7]

Représentée par Me Maxime Benoit GUERIN-FLEURY de la SARL MAXIME GUERIN-FLEURY, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

S.E.L.A.R.L. PHARMACIE DE POINDIMIE, représentée par sa gérante en exercice, Siège social : [Adresse 9]

Représentée par Me Amandine ROSSIGNOL de la SARL AMANDINE DALIER ROSSIGNOL, avocat au barreau de NOUMEA

Mme [S] [L],

née le 1er octobre 1983 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 8]

Représentée par Me Amandine ROSSIGNOL de la SARL AMANDINE DALIER ROSSIGNOL, avocat au barreau de NOUMEA

AUTRE INTERVENANT

S.E.L.A.R.L. MARY LAURE GASTAUD, ès qualités de mandataire judiciaire de la selarl Pharmacie des Hibiscus,

Siège social : [Adresse 1]

S.C.P. CBF ASSOCIES, ès qualités d'administrateur judiciaire de la selarl Pharmacie des Hibiscus,

Siège social : [Adresse 2]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Par acte sous seing privé en date du 28 août 2014, Mme [R] épouse [O], qui détenait l'intégralité des parts sociales de la société Pharmacie de [Localité 6], société exploitant une officine de pharmacie à Poindimié, a cédé :

- 275 parts (soit 51 % du capital) à Mme [L],

- 265 parts (soit 49 % du capital) à la société Pharmacie des hibiscus, dont M. [Y] était le gérant.

Mme [L] est devenue la gérante de la société Pharmacie de [Localité 6].

Le même jour, la société Pharmacie des hibiscus et Mme [L] ont, en leur qualité d'associés de la société Pharmacie de [Localité 6], conclu un « pacte d'associés » destiné à « définir les modalités de détention et de gestion des participations détenues par la société et de gestion de la société », pour une durée de dix ans. Un « droit de véto » a été reconnu à l'associée minoritaire (article 3) et les pouvoirs du gérant de la société Pharmacie de [Localité 6] ont été limités (article 4).

Le 28 août 2014, la société Pharmacie de [Localité 6] et la société Pharmacie des hibiscus ont signé une « convention d'assistance » par laquelle cette dernière s'est engagée à mettre à la disposition de la première une assistance administrative, technique et de gestion moyennant une rémunération forfaitaire mensuelle de 1.900.000 FCFP hors taxes, pour une durée de dix ans à compter du 1er août 2014.

Selon « convention d'assistance secrétariat & saisie comptable » du 29 août 2014, la société Pharmacie de [Localité 6] a confié à Mme [P] épouse [Y] une mission de secrétariat, saisie comptable, assistance au traitement et saisie des salaires pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction.

Selon «  convention d'avance de trésorerie » conclue le 1er septembre 2014, la société Pharmacie de [Localité 6] a consenti à la société Pharmacie des hibiscus « une avance en compte d'un montant de 30.000.000 XPF (...) au fur et à mesure des besoins en trésorerie » de cette dernière.

Selon requête introduction d'instance déposée le 14 mai 2018, la société Pharmacie de [Localité 6] et Mme [L], affirmant que les diverses conventions conclues avec la société Pharmacie des hibiscus portaient atteinte au libre exercice du pharmacien gérant d'une officine et étaient contraires à l'intérêt social, ont contesté la validité des clauses 3 et 4 du pacte d'associés, de la convention d'assistance et de la convention d'avance de trésorerie devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa.

Par ordonnance du 18 mars 2019, le magistrat de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Pharmacie des hibiscus.

La société Pharmacie des hibiscus s'est opposée aux prétentions des demanderesses et a reconventionnellement réclamé le paiement de la rémunération prévue par la convention d'assistance, l'indemnisation du préjudice occasionné par des fautes de gestion de Mme [L] et l'annulation de résolutions prises lors de diverses assemblées générales.

La selarl Gastaud, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Pharmacie de [Localité 6], et la société CBF associés, ès qualités de commissaire à l'exécution du plan, sont intervenues volontairement à la cause.

Par jugement en date du 29 janvier 2021, le tribunal mixte de commerce de Nouméa a :

- dit recevables la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Pharmacie de [Localité 6], et la SCP CBF associés, ès qualités d'administrateur judiciaire, en leur intervention volontaire respective,

- dit que par suite de ces interventions volontaires, l'instance avait pu reprendre son cours après interruption consécutive au jugement de redressement judiciaire du 4 juin 2018,

- débouté la société Pharmacie des hibiscus de ses demandes au titre :

des sommes dues en exécution de la convention d'assistance du 28 août 2014,

des dommages et intérêts pour inexécution fautive du pacte d'associés,

des dommages et intérêts pour fautes de gestion,

de l'annulation des délibérations des assemblées générales ordinaires de la société Pharmacie de [Localité 6] des 30 mars 2018, 29 juin 2019 et 30 décembre 2019,

- prononcé la nullité des clauses 3 et 4 du pacte d'associés conclu le 28 août 2014,

- prononcé la nullité de la convention d'assistance conclue le 28 août 2014,

- avant-dire-droit sur la demande de restitution des sommes dues au titre de la convention d'assistance du 28 août 2014, ordonné la réouverture des débats,

- débouté la société Pharmacie de [Localité 6] de sa demande en nullité de la convention d'avance de trésorerie en date du 1er septembre 2014,

- avant-dire-droit sur la demande de restitution des sommes dues en exécution de la convention d'avance de trésorerie, ordonné la réouverture des débats,

- renvoyé l'affaire à la mise en état,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions,

- réservé les dépens et frais irrépétibles.

Selon requête déposée le 22 mars 2021, la société Pharmacie des hibiscus a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions récapitulatives transmises le 15 décembre 2021, la société Pharmacie des hibiscus demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce que celui-ci a débouté la société Pharmacie de [Localité 6] de sa demande de nullité de la convention d'avance de trésorerie ;

- annuler le chef du jugement relatif au prononcé par le tribunal, avant-dire droit, d'une réouverture des débats relative à l'exécution de la convention d'avance de trésorerie ;

- infirmer le jugement en ce que celui-ci a prononcé l'annulation des articles 3 et 4 du pacte d'associés et de la convention d'assistance ;

- infirmer le jugement en ce que celui-ci a débouté la société Pharmacie des hibiscus de ses demandes reconventionnelles tendant à obtenir le paiement des sommes dues en exécution de la convention d'assistance, à la condamnation de Mme [L] au règlement de dommages et intérêts pour fautes de gestion et inexécution fautive du pacte d'associés ;

- débouter la société Pharmacie de [Localité 6] et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes ;

- constater que la société Pharmacie de [Localité 6] n'a pas réglé à bonne date les rémunérations mensuelles prévues au sein de la convention d'assistance ;

- condamner la société Pharmacie de [Localité 6] à payer à la société Pharmacie des hibiscus la somme de 28.196.000 FCFP TTC au titre des rémunérations mensuelles impayées des mois de juin 2018 au mois d'août 2019 ;

- juger que Mme [L] s'est rendue coupable de plusieurs fautes de gestion de nature à entraîner sa responsabilité civile à l'égard de la société Pharmacie de [Localité 6] ;

- condamner Mme [L] à régler à la société Pharmacie des hibiscus la somme de 8.000.000 FCFP au titre du préjudice subi par cette dernière ;

- constater l'existence de manquements contractuels imputables à Mme [L] constituant une inexécution fautive du pacte d'associés par cette dernière ;

- condamner Mme [L] à régler à la société Pharmacie des hibiscus la somme de 5.000.000 FCFP au titre du préjudice subi par cette dernière ;

- condamner solidairement la société Pharmacie de [Localité 6] et Mme [L] à payer à la société Pharmacie des hibiscus la somme de 1.350.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Pharmacie de [Localité 6] et Mme [L] aux dépens.

Selon conclusions déposées le 23 septembre 2021, Mme [L] et la société Pharmacie de [Localité 6] prient la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner la société Pharmacie des hibiscus à leur payer la somme de 950.000 FCFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance et celle de 600.000 FCFP en cause d'appel.

La SCP CBF associés, ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Pharmacie des hibiscus, est intervenue volontairement à la cause.

Selon assignation du 22 septembre 2022, la selarl Gastaud, ès qualités de mandataire judiciaire de la société Pharmacie des hibiscus, a été appelée à la cause.

Sur ce, la cour,

1) Il est constant que l'exploitation d'une officine en Nouvelle-Calédonie était notamment régie à la date de la signature des conventions litigieuses par les articles R 5090-3 et R 5090-4 du code de la santé publique dans leur version issue du décret n° 92-909 du 28 août 1992 qui disposaient :

- article R 5090-3 : « Une société d'exercice libéral ne peut exploiter plus d'une officine de pharmacie. »

- article R 5090-4 : « Sous réserve des dispositions de l'article R. 5090, un pharmacien associé au sein d'une société d'exercice libéral exploitant une officine de pharmacie ne peut exercer sa profession qu'au sein de cette société. »

Ces textes destinés à limiter les concentrations dans la distribution au détail des produits pharmaceutiques interdisaient à la société Pharmacie des hibiscus, qui exploitait une officine à [Localité 4], d'exploiter une autre officine à Poindimié et à son gérant, M. [Y], d'exercer sa profession au sein de la société Pharmacie de [Localité 6], quoique l'article R 5090-5 l'autorisait à avoir une participation dans deux autres sociétés d'exercice libéral.

2) Les intimées contestent la validité des articles 3 et 4 du pacte d'associés ainsi que celle de la convention d'assistance.

L'article 3, intitulé « Modalités d'exercice du droit de vote des associés », reconnaît à la société Pharmacie des hibiscus, associée minoritaire, un droit de véto dans les termes suivants :

« 3.1. Droit de veto

L'associé minoritaire dispose, quelle que puisse être sa participation au capital et aux

droits de vote de la société d'un droit de veto lui permettant de s'opposer à l'adoption des décisions suivantes :

- modifications du capital social ;

- fusions, scissions et apports partiels d'actif et apports à toute autre société ;

- prises de participations dans toutes sociétés ou groupements ;

- transformation de la Société ;

- dissolution et liquidation de la Société ;

- acquisition et cession de fonds de commerce ou de branches d'activités ;

- engagements financiers d'un montant supérieur à 500.000 FCFP ;

- décision de nature à modifier de façon significative le fonctionnement de la Société ou l'étendue de ses activités ;

- conclusion d'accords ou de contrats engageant la Société pour un montant supérieur à 500.000 FCFP, et auxquels il ne peut être mis fin sans indemnité ou pénalité et ce, avec un préavis supérieur à six mois ;

- tout investissement d'un montant supérieur à 500.000FCFP.

Pour exercer ce droit de veto, l'associé minoritaire devra être informé préalablement et par écrit de tout projet correspondant à l'une des opérations énumérées ci-dessus. L'associé minoritaire disposera d'un délai de trente (30) jours à compter de cette notification pour signifier à la Société, par écrit, s'il entend ou non exercer son droit de véto.

L'associé minoritaire s'engage à utiliser son droit de véto conformément à l'intérêt social et à ne pas s'opposer sans juste motif à l'une des décisions susvisées, sous peine de voir sa responsabilité engagée si l'abus de son droit vient à bloquer toute initiative au sein de la Société. »

L'article 4, intitulé « Gérance -limitation des pouvoirs » est rédigée comme suit :

« La Société est gérée, conformément aux lois et règlements régissant l'exercice en commun de la profession de pharmaciens d'officine, par un gérant, associé majoritaire, pharmacien titulaire de l'officine.

Les associés conviennent cependant que le gérant ne pourra engager la Société sans l'accord de son associé non gérant quant aux décisions suivantes :

4.1. Quant à1'activité spécifique d'exploitation d'une officine de pharmacie

Toutes décisions autres que :

- Délivrance, dispensation et contrôle des actes généraux de l'Officine,

- Réalisation et délivrance des préparations officinales,

- Secrétariat général,

- Tarification, gestion, contrôle, transmissions informatiques et envoi des tiers payants aux différents organismes sociaux

- Encadrement du personnel et/ou des stagiaires, organisation du plan de travail (à l'exclusion des horaires d'ouverture de l'officine dont la modification demeure soumise à l'accord des deux associés)

- Gestion des stocks de médicaments et produits de parapharmacie, gestion des périmés

- Préparation, enregistrement et suivi des commandes quotidiennes et périodiques,

- Gestion des caisses et dépôts à la banque,

- Classement des divers documents de secrétariat et comptabilité,

- Gestion des informations et alertes professionnelles

- Gestion des relations avec les organismes sociaux, fournisseurs, délégués médicaux

- Et plus généralement tout ce qui contribue à assurer le parfait fonctionnement de l'entreprise, sans que cette liste soit exhaustive.

4.2. Quant à la gestion courante

- Modifications ou interventions sur le matériel de bureautique ou informatique, technique ou logicielle,

- Modifications, ruptures, signatures de conventions avec fournisseurs, partenaires ou prestataires,

- Embauches, remplacements du gérant par un assistant, licenciements, congés et toute autre décision concernant le personnel de la Société,

- Achats imports et achats grossistes locaux : en accord et partage avec la « Pharmacie des hibiscus », dans le cadre d'achats groupés locaux ou d'importation,

- Toute dépense exceptionnelle même en relation avec l'exploitation.

4.3 Assistance de secrétariat, comptabilité, gestion financière

Les parties conviennent d'ores et déjà qu'en exécution de la convention d'assistance conclue entre la Selarl Pharmacie des Hibiscus et la Société, l'archivage, la tenue générale et quotidienne des caisses, factures, et toutes autres pièces comptables ou de secrétariat est confiée à Madame [G] [Y] exploitant sous l'enseigne Nord Conseil Assistance et Services (NCAS).

Les comptes annuels seront contrôlés, et validés par le Cabinet Comptable Compta + (Mr [H] [Z]), sis « Chambre des métiers » à [Localité 5].

Des comptes et situations comptables périodiques seront établis et tenus à disposition de chaque associé sur simple demande. »

Moyennant une « rémunération forfaitaire » de 1.900.000 FCFP + TSS par mois, « actualisée annuellement (...) au taux de 3 % l'an » et mais aussi le remboursement à la société Pharmacie des hibiscus « de tous les frais engagés par son gérant et / ou son personnel dans le cadre de l'exécution » du contrat (article 3 de la convention d'assistance », la société Pharmacie des hibiscus s'est engagée à « mettre à la disposition de la société Pharmacie de [Localité 6] l'assistance et les services suivants :

1. Assistance dans les domaines administratif, comptable et de gestion,

- assistance en matière de comptabilité et de gestion financière, comprenant les services de la Sarl Pharmacie des hibiscus relativement à l'amélioration des supports administratifs de base, au suivi du plan comptable et au perfectionnement des procédures comptables ;

- conseils relatifs à l'établissement des tableaux de bord financiers, ainsi que pour l'établissement et le contrôle des budgets ;

- conseils relatifs à l'établissement et la bonne interprétation des comptes sociaux ;

- recommandations quant aux programmes d'investissement à court, moyen et long terme ; assistance en matière de contrôle de gestion ;

2. Assistance en matière financière

- conseils et recommandations concernant la politique financière ;

- assistance dans la préparation des budgets annuels et programmes financiers ;

- recommandations et conseils se rapportant aux plans prévisionnels de développement ;

- conseils relatifs au financement des investissements projetés ;

- assistance en matière d'ouverture de lignes de crédit et de négociation avec les organismes financiers ;

- conseils et recommandations quant à la gestion de la trésorerie ; information sur les différentes subventions et incitations, dont pourrait bénéficier la Selarl Pharmacie de [Localité 6].

3. Assistance en matière commerciale

- conseils en matière de stratégie et de politique commerciale ;

- conseils en matière de planification commerciale et quant aux formes appropriées de commercialisation des produits notamment parapharmaceutiques de la Selarl Pharmacie de [Localité 6] ;

- études de marché et identification des clients potentiels et de leurs besoins ;

- assistance en matière de marketing, de promotion des ventes et de publicité ;

- études des actions promotionnelles ou publicitaires souhaitables et recommandations quant à leur réalisation ;

4. Assistance technique comprenant notamment

- conseils et recommandations concernant la rationalisation de la gamme de produits et services fabriqués et distribués par la Selarl la société Pharmacie de [Localité 6]

- assistance et conseil concernant l'analyse et la recherche afin de parvenir à une réduction des coûts de production, d'approvisionnement, de sous-traitance, etc. ... ;

- assistance et recommandations relatives au développement de nouvelles gammes de produits et services ;

5. Assistance en matière juridique et fiscale comprenant notamment

- conseils et mise à disposition de spécialistes en droit commercial et droit du travail ; assistance fiscale. »

Les conventions d'assistance conclues avec la société Pharmacie des hibiscus et Mme [P], c'est-à-dire avec l'épouse du dirigeant de la société Pharmacie des hibiscus, dont la conclusion a été prévue par l'article 4 du pacte d'associés, forment avec le pacte d'associés un ensemble contractuel qui prive Mme [L] de la moindre autonomie dans la gestion de la société Pharmacie de [Localité 6]. Les dispositions précitées ont pour effet de confiner Mme [L] aux tâches triviales imposées par l'activité quotidienne de l'officine, à savoir la vente des médicaments aux clients, le suivi administratif des ventes et le suivi des stocks.

Toute embauche, toute opération d'un montant supérieur à 500.000 FCFP et même le choix des heures d'ouverture de l'officine supposent l'accord de la société Pharmacie des hibiscus, et donc de M. [Y], qui est en mesure d'exercer un contrôle continu et total sur la gestion de la société Pharmacie de [Localité 6]. Le choix de l'éventuel conseil de la société Pharmacie de [Localité 6] « en matière juridique et fiscale » dépend aussi de la société Pharmacie des hibiscus qui procède à une « mise à disposition ». Ce droit de regard omniprésent est illustré par les « conseils » et « recommandations » que la société Pharmacie des hibiscus prodigue en tout domaine, moyennant une rémunération non négligeable.

Cette mise sous tutelle de Mme [L] a alarmé le conseil de l'ordre des pharmaciens de Nouvelle-Calédonie lorsque celui-ci a été saisi d'une demande de médiation émanant de M. [Y] qui se plaignait de l'inexécution de la convention d'assistance par la société Pharmacie de [Localité 6]. Dans sa réponse à M. [Y] (annexe n° 10 des intimées), le conseil de l'ordre a observé qu' « à la lecture de la convention jointe, plusieurs points attirent notre attention car ils vont à l'encontre de l'obligation de libre exercice du Pharmacien Gérant d'une officine. A ce titre, cette convention nécessite une réécriture pour pouvoir être appliquée. » Le conseil de l'ordre a pris le soin d'ajouter que la rémunération convenue lui paraissait contestable en ce que « toute rémunération doit être justifiée et proportionnelle au travail fourni pour ne pas risquer de requalification fiscale. »

Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les dispositions litigieuses aboutissaient, compte tenu du droit de véto reconnu à la société Pharmacie des hibiscus et de l'ampleur des restrictions apportées aux pouvoirs de la gérante qui ne pouvait agir qu'avec l'accord de l'associée minoritaire, à instituer au minimum M. [Y], par ailleurs exploitant d'une officine à [Localité 4], comme co-gérant de la société Pharmacie de [Localité 6], au mépris des prescriptions du code de la santé publique. Cette immixion dans la gestion, qui allait au-delà d'une simple surveillance, est confirmée par la procuration que détenait M. [Y] et qui lui permettait de faire fonctionner le compte bancaire de la société Pharmacie de [Localité 6] : c'est ainsi que dans un courriel du 24 novembre 2017 (annexe n° 8 des intimées), ce dernier enjoignait à Mme [L] de lui « communiquer immédiatement les nouveaux codes » d'accès au « logiciel d'exploitation (code administrateur) » et au « site bancaire 'Sogenet' (SGCB) » en expliquant qu'il avait « tenté » de régler une fraction des honoraires (1.000.000 FCFP) dus à la société Pharmacie des hibiscus mais que « cela n'avait pas pu être validé faute de provisions ».

Ces stipulations contractuelles, qui permettent à M. [Y] de gérer l'officine de [Localité 6] en sus de la sienne, imaginées pour contourner la loi, sont nulles comme reposant sur une cause illicite au sens des articles 1131 et 1133 du code civil.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il prononce la nullité des clauses 3 et 4 du pacte d'associés conclu le 28 août 2014 ainsi que la nullité de la convention d'assistance conclue entre les sociétés Pharmacie de [Localité 6] et Pharmacie des hibiscus.

3) La convention d'assistance conclue entre la société Pharmacie de [Localité 6] et l'associée minoritaire étant nulle, celle-ci ne peut qu'être déboutée de sa demande en paiement des rémunérations convenues.

4) Les intimées qui poursuivent la confirmation du jugement entrepris ne remettent pas en cause les dispositions du jugement ayant rejeté leur demande tendant à l'annulation de la convention d'avance de trésorerie.

En revanche, la société Pharmacie des hibiscus reproche au tribunal de commerce d'avoir outrepassé ses pouvoirs en envisageant le remboursement de l'avance de trésorerie qui lui a été faite. Mme [L] et la société Pharmacie de [Localité 6] rétorquent que les premiers juges ont « à bon droit, requalifié le fondement en substituant à la demande en nullité, une demande en résolution judiciaire pour exécution fautive de la convention par la partie débitrice, ces deux actions ayant toujours la même finalité : l'anéantissement du contrat et la restitution corrélative des fonds avancés par l'intimée à l'appelante. »

Dans leurs dernières écritures, à savoir des conclusions déposées le 4 mars 2020, Mme [L] et la société Pharmacie de [Localité 6] avaient, en ce qui concerne la convention d'avance de trésorerie, demandé au tribunal mixte de commerce de Nouméa de « prononcer la nullité absolue de ladite convention, et son anéantissement rétroactif » et « ordonner la restitution de l'intégralité des fonds versés jusqu'à ce jour par la selarl Pharmacie de [Localité 6] à la Pharmacie des hibiscus au titre de ladite convention ». A aucun moment, elles ne s'étaient plaintes d'une exécution fautive qui aurait motivé la résolution du contrat.

L'annulation d'une convention et sa résolution ont des fondements juridiques et des objets distincts. Dès lors qu'il avait rejeté la demande en annulation de la convention d'avance de trésorerie, le tribunal mixte de commerce de Nouméa n'avait pas à s'interroger sur les modalités de remboursement de l'avance dont avait pu bénéficier la société Pharmacie des hibiscus et à examiner une demande qui ne lui avait pas été soumise. Compte tenu de cet excès de pouvoir, la réouverture des débats ordonnée sur ce point par les premiers juges doit être annulée.

5) La société Pharmacie des hibiscus réclame à Mme [L] une indemnité de 8.000.000 FCFP en réparation du préjudice que lui auraient occasionné ses fautes de gestion.

Dans ses conclusions, la société Pharmacie des hibiscus reproche à la gérante de droit de :

- ne pas avoir « valablement organisé les modalités de convocation et tenue de l'assemblée générale ordinaire annuelle d'approbation des comptes 2017 » et avoir ainsi interdit à l'associée minoritaire de prendre part au vote,

- n'avoir pas consulté l'assemblée générale ordinaire pour l'approbation des comptes 2018 et 2019 ou encore ne pas transmettre à l'associée une information financière et ne pas soumettre les comptes annuels à l'approbation des associés,

- avoir été défaillante dans le règlement des factures dues aux fournisseurs,

- avoir « cessé toute gestion raisonnée des stocks de l'officine et des commandes à entreprendre »,

- ne pas avoir réduit les charges d'exploitation de l'officine et avoir maintenu sa rémunération illicite sans autorisation », d'un montant excessif au regard de la situation de l'entreprise,

- avoir été incapable de maintenir le chiffre d'affaires et de réduire les charges d'exploitation,

- avoir été incapable de gérer les paiements dus par les organismes sociaux.

Le grief tenant à l'absence de convocation de l'assemblée générale d'approbation des comptes est non seulement sans fondement mais encore est l'expression d'une mauvaise foi certaine de l'associée minoritaire puisque les premiers juges ont observé qu'elle avait été régulièrement convoquer aux assemblées générales relatives aux exercices clos le 30 juin 2017, 30 juin 2018 et 30 juin 2019 mais que les lettres de convocation n'avaient pas été retirées ; or, la société Pharmacie des hibiscus n'a pas déféré à la cour les dispositions du jugement l'ayant déboutée de ses demandes d'annulation des assemblées générales au cours desquelles les comptes avaient été approuvés.

La société Pharmacie des hibiscus ne verse pas la moindre pièce qui démontrerait que Mme [L] avait une gestion aléatoire de stocks de médicaments ou avait mal suivi les règlements des tiers payeurs.

S'il est certain que la société Pharmacie de [Localité 6] s'est avérée dans l'incapacité de régler ses fournisseurs puisqu'une procédure collective a été ouverte, la société Pharmacie des hibiscus ne démontre pas que ce défaut de paiement résultait d'un choix délibéré de Mme [L] qui aurait préféré utiliser la trésorerie à des fins futiles. A cet égard, il peut être observé que le passif que la société Pharmacie de [Localité 6] doit régler dans le cadre du plan de redressement (74.000.000 FCFP) est inférieur au montant des rémunérations prélevées par la société Pharmacie des hibiscus en exécution de la convention d'assistance annulée et de l'avance de trésorerie consentie par la société Pharmacie de [Localité 6].

La société Pharmacie des hibiscus n'explicite pas en quoi la baisse du chiffre d'affaires enregistrée par la société Pharmacie de [Localité 6] était imputable à Mme [L] alors que l'appelante reconnaît dans ses écritures que les marges brutes commerciales des médicaments vendus en officine avaient été significativement réduites par les pouvoirs publics. Dans une lettre du 9 mars 2018, un grossiste, la société Unipharma, chiffrait la perte de marge imputable à l'application des nouveaux prix imposés par « une récente décision du gouvernement » à 6,69 % du chiffre d'affaires de la société Pharmacie de [Localité 6] (annexe n° 19 de la société appelante).

Enfin, la rémunération perçue par Mme [L] ne peut être tenue pour « illicite » puisqu'elle a été fixée à chacune des assemblées générales d'approbation de comptes et la société Pharmacie des hibiscus qui n'a pas introduit d'action en nullité à l'encontre de ces délibérations, est mal venue à remettre en cause leur bien-fondé au travers d'une action en responsabilité.

Les éléments soumis à la cour contredisent l'idée que Mme [L] aurait fait preuve de passivité face à la dégradation de la situation financière de la société Pharmacie de [Localité 6] puisque les comptes sociaux montrent une réduction des charges d'exploitation : la société Pharmacie de [Localité 6] a notamment procédé au licenciement économique d'un salarié, dont les tâches ont été reprises par Mme [L] (annexe n° 26 de l'appelante). Il n'est nullement démontré que ce licenciement avait été mal conduit par Mme [L].

En l'absence de faute commise par Mme [L] dans la gestion de la société Pharmacie de [Localité 6], la société Pharmacie des hibiscus sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

6) La société Pharmacie des hibiscus réclame à Mme [L] une indemnité d'un montant de 5.000.000 FCFP en lui reprochant d'avoir violé le pacte d'associés en ne lui fournissant pas une « information fiable et fidèle de la société » et l'avoir ainsi mis dans l'impossibilité d' « exercer ses droits tant statutairement qu'au regard du pacte ». Les articles 3 et 4 du pacte et la convention d'assistance ayant été annulés, il ne peut être reproché à Mme [L] d'avoir failli aux obligations mises par ces actes à sa charge.

Ce chef de demande doit être rejeté.

7) Il appartiendra aux premiers juges, qui doivent encore statuer sur la demande en restitution des montants versés au titre de la convention d'assistance, d'examiner la demande présentée par Mme [L] et la société Pharmacie de [Localité 6] au titre de leurs frais irrépétibles de première instance.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a, avant-dire-droit sur la demande de restitution des sommes dues en exécution de la convention d'avance de trésorerie, ordonné la réouverture des débats et invité la société Pharmacie de [Localité 6] à préciser ses demandes ;

Statuant à nouveau de ce chef, annule la réouverture des débats et constate le dessaisissement du tribunal mixte de commerce de Nouméa en ce qui concerne la convention d'avance de trésorerie ;

Condamne la société Pharmacie des hibiscus à payer aux intimées une somme de 600.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Pharmacie des hibiscus aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 21/00023
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;21.00023 ?
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