La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2023 | FRANCE | N°20/00105

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre sociale, 16 février 2023, 20/00105


N° de minute : 6/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 16 Février 2023



Chambre sociale









Numéro R.G. : N° RG 20/00105 - N° Portalis DBWF-V-B7E-RNC



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Septembre 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :17/204)



Saisine de la cour : 16 Octobre 2020





APPELANT



S.E.L.A.R.L. MANDATAIRE JUDICIAIRE [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS EQINOX HEALTHCARE France

Si

ège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric DESCOMBES membre de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉ



M. [O] [D]

né le 27 Avril 1968 à [Locali...

N° de minute : 6/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 16 Février 2023

Chambre sociale

Numéro R.G. : N° RG 20/00105 - N° Portalis DBWF-V-B7E-RNC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Septembre 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG n° :17/204)

Saisine de la cour : 16 Octobre 2020

APPELANT

S.E.L.A.R.L. MANDATAIRE JUDICIAIRE [K], ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS EQINOX HEALTHCARE France

Siège social : [Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric DESCOMBES membre de la SELARL D'AVOCATS D&S LEGAL, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [O] [D]

né le 27 Avril 1968 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

Représenté par Me Yann BIGNON membre de la SARL LEXCAL, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller, Madame Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseillère,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.

Greffier lors des débats et de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

M. [D] a été embauché en contrat de travail à durée indéterminée du 27 décembre 2000 par la société SEPROPHARM INTERNATIONAL à compter du 2 janvier 2001 en qualité de responsable pour la Nouvelle-Calédonie, statut cadre, aux fins de promouvoir divers produits pharmaceutiques sur le Territoire. Le contrat prévoyait en son article 4 une obligation d'exclusivité ainsi libellée': ' M. [D] devra consacrer tout son temps et toute son activité au service de la Société SEPROHARM. Mr [D] ne pourra accepter aucune autre occupation professionnelle de quelque nature que ce soit sans l'autorisation préalable et expresse de sa direction. " Le périmètre d'intervention de M. [D] fut par suite étendu à la Polynésie.

Par acte du 16 décembre 2010, M. [Y], Président de la SAS SEPROPHARM INTERNATIONAL, cédait à M. [B] les actions qu'il détenait dans cette société à la société SEPROPHARM HOLDING devenue la SAS EQUINOX HEALTHCARE HOLDING.

Cet acte contenait en son article 2 un engagement d'exclusivité, de non-concurrence et de non débauchage des collaborateurs.

Le 16 décembre 2010, était également conclu un pacte d'actionnaires entre ORENOK HOLDING SA (holding familiale détenue à 100'% par M. [Y] puis M. [B]), actionnaire majoritaire de la SAS SEPROPHARM HOLDING, avec différents actionnaires, don't M. [D] manager détenant 1% des parts sociales, afin d'organiser les droits et obligations des parties et leurs engagements respectifs au sein de la société.

L'article 5 de ce pacte définissait l'engagement des managers comme suit': " En contrepartie notamment des actions souscrites par les managers et en conséquence de leur qualité d'associés de la Société, les managers prennent les engagements suivants':

5. 1 Exclusivité

Les managers, aussi longtemps qu'ils assumeront des fonctions opérationnelles rémunérées au sein du Groupe (mandat social et/ou consultant (direct ou indirect) et/ou fonctions salariées) (les Fonctions) s'engagent expressément à consacrer l'exclusivité de leur temps de travail à l'exercice des dites fonctions.

5.2 Non-concurrence

5.2.1 A compter de la signature du Pacte et jusqu'au deuxième (2éme) anniversaire de sa date de cessation de fonctions par le manager concerné, chacun des managers s'interdit par le présent Pacte d'exercer, d'exploiter, de participer de quelque façon que ce soit, directement ou indirectement, à une quelconque activité, entreprise ou société exerçant les activités en tout ou en partie, notamment':

(I) par voie de création, de prise de participation (sauf par l'intermédiaire de la Société ou de l'une de ses filiales et sans préjudice de la faculté de détenir une participation inférieure à 5'% don't le capital d'une société don't les actions sont inscrites sur un marché réglementé français), ou de modification de l'activité de sociétés existantes don't il détiendrait ou prendrait directement ou indirectement, une participation et/ou,(ii) par voie d'emploi salarié ou en qualité de mandataire social, d'agent, de consultant, rémunéré ou non.

Cet engagement est applicable dans les DOM-TOM

5.2.2 Chacun des managers s'interdit, par ailleurs, pendant la même durée, en France Métropolitaine, d'entrer au service d'un client de Sepropharm international, à un quelconque poste lié à l'activité qu'il exerce au sein de Sepropharm international.

Par client, il convient d'entendre les laboratoires en relation d'affaires avec Sepropharm international à la date de départ du Manager concerné. La qualité de client s'étend aux sociétés ayant les mêmes associés, aux sociétés s'urs, aux filiales et sous filiales des personnes morales clientes.

Chaque manager déclare, à la date de signature du présent Pacte, ne pas enfreindre l'interdiction ci-dessus indiquée.

Il est toutefois rappelé que Monsieur [O] [D] occupe les fonctions de gérant de la société RESPIDOM Calédonie immatriculée sous le numéro 874'370 au RCS de [Localité 4]."

Par courrier du 6 mars 2012, M. [D] sollicitait l'accord de son employeur de pouvoir bénéficier d'une réduction de son temps de travail aux fins de développer les sociétés RESPIDOM CALEDONIE et SEPRODOM CALEDONIE (don't l'activité est l'assistance respiratoire et le maintien à domicile) dans lesquelles il avait une participation minoritaire et était devenu gérant.

Selon courrier en réponse date du 27 mars 2012, la HOLDING SEPROPHARM rappelait à M. [D] ses engagements d'exclusivité et de non-concurrence (inscrits dans le pacte d'actionnaires conclu le 16 décembre 2010) et l'autorisait à prendre une participation minoritaire dans la société et exercer la gérance sans que cette activité nouvelle ne nuise à ses fonctions au sein de SEPROPHARM INTERNATIONAL.

Par avenant n°1 daté du 27 mars 2012, il était convenu que M. [D] puisse exercer son activité à temps partiel (20 heures par semaines) pour une durée d'un an à compter du 1er avril 2012, l'employeur lui rappelant ses obligations de bonne foi, de loyauté et de non-concurrence dans les termes suivants :

" Monsieur [O] [D] restant tenu par son engagement d'exécuter de bonne foi et loyalement sa prestation de travail, il déclare que les activités qu'il entend développer au sein de la société RESPIDOM CALEDONIE et SEPRODOM CALEDONIE n'est pas de nature à concurrencer directement ou indirectement, celles de la société SEPROPHARM INTERNATIONAL.

Cette déclaration constitue une condition déterminante du présent accord sans laquelle SEPROPHARM INTERNATIONAL n'aurait pas consenti à la réduction du temps de travail de travail de monsieur [O] [D]

Le présent avenant constitue, par ailleurs, une dérogation à l'article 4 'engagement d'exclusivité ' du contrat de travail de monsieur [O] [D]'; cette dérogation doit être entendue strictement. Elle n'autorise pas monsieur [O] [D] à avoir une occupation professionnelle autre que celle mentionnée dans son courrier du 6 mars 2012... "

Le 23 octobre 2014, M. [D] devenait gérant de la SARL DGR HOLDING à laquelle appartenait les sociétés SEPRODOM et RESPIDOM CALEDONIE.

***

Par requête datée du 29 juin 2015, la SAS EQUINOX HEALTHCARE FRANCE sollicitait auprès du Président du Tribunal de première instance de NOUMEA diverses mesures de constat au domicile de M. [D], à la société RESPIDOM CALEDONIE, à la société DGR HOLDING. Selon ordonnance datée du 1er juillet 2015, le Président du Tribunal de première instance de Nouméa ordonnait ces différents constats.

À la suite de négociations en cours relatives à une réduction de temps de travail à 3/5e et de sa rémunération avec son employeur, M. [D] démissionnait de ses attributions en adressant par mail une lettre datée du 22 juillet 2015 actant son départ de la société au 17 août 2015.

La société SEPROPHARM HOLDING devenue la SAS EQINOX HEALTHCARE HOLDING et la société SEPROPHARM INTERNATIONAL devenue la SAS EQINOX HEALTHCARE FRANCE ont assigné le 10 novembre 2015 M. [D], ainsi que plusieurs autres anciens salariés, devant le Tribunal de grande instance de TOULOUSE pour obtenir la réparation d'actes de concurrence déloyale qu'ils auraient commis à leur préjudice.

Par ordonnance du 7 novembre 2016, et sur demande de M. [D], le Tribunal de grande instance de TOULOUSE se déclarait incompétent au profit du tribunal du travail de NOUMÉA pour connaître des fautes qu'il aurait commises dans l'exécution de son contrat de travail, et lui accordait la somme de 3'000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le 6 septembre 2018, le Tribunal de grande instance de TOULOUSE déboutait les sociétés EQINOX HEALTHCARE HOLDING et FRANCE de leurs demandes contre les autres salariés.

Selon jugement du 5 décembre 2018, et après procédure de sauvegarde ouverte le 17 mai 2017, le Tribunal de commerce de LA ROCHE SUR YON ordonnait la liquidation judiciaire de la SAS EQINOX HEALTHCARE FRANCE en fixant la date de cessation de paiements au 31 octobre 2018 et autorisant une poursuite d'activité exceptionnelle jusqu'au 6 février 2019 puis nommait un mandataire liquidateur.

Dans des écritures des 9 novembre 2018 et 12 septembre 2019, la société EQINOX HEALTHCARE FRANCE représentée par Maître [K], ès qualités de mandataire liquidateur, a cité en présence de la SAS EQINOX HEALTHCARE HOLDING, devant le tribunal du travail de Nouméa, M.[D], aux fins de retenir sa compétence s'agissant de ses demandes et de se déclarer incompétent au profit du tribunal de première instance de Nouméa s'agissant de la demande formulée par M. [D] de nullité de la clause de non-concurrence en application du pacte et liée à sa qualité d'actionnaire. Elle soutient que la violation des obligations contractuelles d'exclusivité, de loyauté et de non-concurrence par son salarié et le préjudice afférent suite à la «'réticence dolosive'» de M. [D] lors de la signature de l'avenant du 27 mars 2012 devaient être constatés.

Elle sollicitait à titre subsidiaire et avant-dire droit des mesures d'instruction utiles (article 910 du CPCNC) afin d'établir l'étendue de son préjudice commercial.

Elle reproche à substance à son ancien salarié d'avoir eu un comportement déloyal à son encontre en violant les obligations d'exclusivité, de loyauté et de non-concurrence figurant dans son contrat de travail en qualité de salarié, ainsi que dans l'acte de cession et le pacte d'actionnaires en qualité de cédant datant du 16 décembre 2010 soit en l'espèce une participation non déclarée au capital des sociétés SEPRODOM et RESPIDOM CALEDONIE qui constituait des intérêts dissimulés dans des sociétés appartenant au groupe SEPRODOM ayant une activité de commerce de gros (interentreprises) de produits pharmaceutiques concurrente de celle du groupe SEPROPHARM INTERNATIONAL devenu EQINOX HEALTHCARE don't il était salarié, et ce, jusqu'en 2014 et la cession du groupe SEPRODOM à la société AIR LIQUIDE.

Selon la demanderesse, M. [D] concomitamment à la signature de ces contrats aurait été associé au capital du groupe SEPRODOM et serait devenu gérant de la société RESPIDOM CALEDONIE, sans en informer son employeur. Une telle attitude serait constitutive d'une concurrence déloyale inspirée par M. [Y] et ses anciens associés et collaborateurs, compte tenu de l'activité principale du groupe SEPRODOM, concurrente de la sienne.

Elle relève sur ce point que M. [D] qui disposait d'un contrat de travail au sein du groupe EQINOX a dissimulé sa participation dans la société SEPRODOM don't l'activité était devenue directement concurrente de la sienne': or lorsque SEPRODOM CALEDONIE et RESPIDOM CALEDONIE l'ont embauché et qu'il en est devenu gérant, il était lié par une clause de non-concurrence, M. [D] favorisant ces dernières à son détriment en délaissant son activité pour EQINOX HEALTHCARE INTERNATIONAL. Selon elle, c'est en parfaite connaissance de cause que SEPRODOM a bénéficié du comportement déloyal du défendeur, de M. [Y] alors que la participation de celui-ci dans RESPIDOM CALEDONIE était spécifiée à l'acte.

Elle sollicitait la condamnation de M. [D] à lui régler 21. 840.57 XPF (183'024,125'€) de dommages et intérêts au titre de son préjudice financier outre 20'000'€ de préjudice moral et 5'000'€ au titre des frais irrépétibles.

***

Au principal, M. [D] expliquait qu'aucun manquement lié a une clause de non-concurrence ne pouvait lui être reproché. Il sollicitait reconventionnellement l'indemnisation de son préjudice moral ainsi que le remboursement de ses frais irrépétibles.

Il relevait tout d'abord que les demanderesses avaient été déboutées en métropole par une décision concernant les autres salariés attraits initialement avec lui.

Il observait qu'il n'était pas partie à l'acte de cession détenant 1% de SEPROPHARM HOLDING, raison pour laquelle il avait signé le pacte d'actionnaire. Il rappelait qu'un avenant à son contrat de travail l'avait autorisé à prendre une participation minoritaire dans les sociétés SEPRODOM CALEDONIE et RESPIDOM CALEDONIE, avec interdiction de concurrencer son employeur, mais qu'en tout état de cause, celles-ci n'étaient pas concurrentes. Il maintenait n'avoir commis aucune faute étant associé dans DGR HOLDING qui avait acquis ces deux sociétés et non dans ces dernières.

Selon lui, les manquements qui lui étaient reprochés n'étaient pas fondés, la clause de non-concurrence qui lui était opposée étant nulle puisque dénuée de toute contrepartie financière.

Enfin, il alléguait avoir subi un préjudice moral du fait des procédures agressives engagées par la demanderesse qui n'avait pas hésité pour déstabiliser d'anciens collaborateurs et pallier la faiblesse de ses preuves à faire intervenir à son domicile et en son absence un huissier de justice pour saisir, en présence de la police et d'un serrurier, trois ordinateurs professionnels, lesquels sont restés indisponibles durant 11 jours.

Par jugement du 18 septembre 2020, le tribunal du travail se déclarait compétent pour statuer sur l'intégralité du litige qui lui était soumis et déboutait la SAS EQINOX HEALTHCARE France - ci-devant SEPROPHARM INTERNATIONAL - de l'ensemble de ses demandes : il fixait au passif de cette dernière, représentée par Maître [K], mandataire liquidateur, une créance de M. [D] à hauteur de cinq cent mille (500'000) XPF au titre de son préjudice moral.

Il condamnait en outre EQINOX HEALTHCARE FRANCE - anciennement dénommée SEPROPHARM INTERNATIONAL, représentée par Maître [K], ès-qualité de mandataire liquidateur, aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'à verser à M.[D] la somme de cent cinquante mille (150'000) XPF au titre de ses frais irrépétibles

***

Par requête du 16 octobre 2020, la SELARL [K], és qualités, a interjeté appel de cette décision.

Aux termes d'écritures du 30 août 2021, elle a demandé à la cour, à titre préliminaire, de déclarer incompétent le tribunal du travail au profit du tribunal de première instance de Nouméa s'agissant de la mise en 'uvre d'une clause de non-concurrence issue d'un acte de cession et d'un pacte d'actionnaires liés uniquement à la qualité d'actionnaire du cédant.

Elle sollicite à titre principal, que la clause de non-concurrence issue de l'acte de cession et du pacte d'actionnaires soit déclarée valable en dépit de l'absence de contrepartie financière étant donné qu'elle a été conclue en qualité de cédant de la société EQINOX HEALTHCARE INTERNATIONAL et non de salarié de la société EQINOX HEALTHCARE FRANCE.

Elle maintient sur ce point que M. [D] a violé cette clause en faisant preuve de réticence de dolosive lors de la signature de l'avenant du 27 mars 2012 au préjudice de la société EQINOX HEALTHCARE FRANCE et reprend pour l'essentiel ses écritures de première instance. Concluant au débouté'de la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral présentée à son encontre et demandant subsidiairement de réduire la somme allouée à ce titre à de plus justes proportions.

Dans des écritures des 16 juillet 2021, 24 février 2022, M. [D] demande à la cour de confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a écarté les exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité et débouté l'appelante de ses prétentions indemnitaires et de sa demande subsidiaire formée sur le fondement de l'article 910 du code de procédure civile.

Il réclame 2 millions de francs de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral (contre 500'000 XPF accordés en première instance) outre 600'000 XPF au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et la même somme en cause d'appel .

La société EQINOX HEALTHCARE FRANCE sollicitait 'à titre préliminaire" et au visa des articles 1134,1147 et 1116 de l'ancien Code civil que la cour 'déclare incompétent le tribunal du travail au profit du tribunal de première instance de Nouméa s'agissant de la mise en 'uvre d'une clause de non-concurrence issue d'un acte de cession et d'un pacte d'actionnaires liée uniquement a la qualité d'actionnaire du cédant".

M. [D] concluait quant à lui la confirmation du jugement frappé d'appel en ce que le tribunal s'était estimé compétent pour statuer sur la validité des clauses de non-concurrence litigieuses.

Par arrêt du 25 août 2022, la cour, s'est déclarée compétente, par évocation, pour statuer sur le fond du litige en rejetant la demande de renvoi devant le TPI de [Localité 4].

Elle a néanmoins, avant-dire droit (articles 16 et 125 CPCNC), ordonné la réouverture des débats et invité les parties à faire valoir leurs observations sur la fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office, tenant au défaut de qualité ou d'intérêt à agir de la société SEPROPHARM INTERNATIONAL sur le fondement contractuel au titre de la validité et du non-respect par M. [D] des clauses de non-concurrence insérées au pacte d'actionnaires et à l'acte de cession du 16 décembre 2010.

La cour avait en fait relevé que l'appelante était l'employeur de M. [D] mais n'était nullement partie au pacte d'actionnaires et à l'acte de cession dont elle invoquait la violation. Elle relève que SEPROPHARM HOLDING, devenue EQINOX HEALTHCARE HOLDING, était requérante devant le tribunal de grande instance de Toulouse mais n'a comparu ni devant le tribunal du travail de Nouméa, ni devant la cour, n'étant devant cette dernière ni appelante, ni intimée, ni intervenante volontaire.

Dans de dernières écritures du 13 décembre 2022, la Selarl [K] mandataire liquidateur à la liquidation d'EQINOX HEALTYHCARE FRANCE ci-devant SEPROPHARM INTERNATIONAL, a conclu au rejet de toute fin de non-recevoir dans la mesure où les obligations auxquelles M. [D] était tenu concernent son contrat de travail et ses avenants.

***

SUR QUOI, LA COUR,

La Cour ayant retenu sa compétence dans son arrêt du 25 août 2022 confirmant ce faisant la solution retenue par le premier juge et cette décision n'ayant fait l'objet d'aucun recours dans les délais, cette question doit être considérée comme définitivement tranchée.

Sur la fin de non-recevoir'tirée de la qualité et de l'intérêt à agir de l'appelante

EQINOX HEALTHCARE FRANCE invoque la violation de la clause de non-concurrence figurant dans le pacte d'actionnaires soit un fondement de réparation contractuel. Or la Cour dans l'arrêt précité relève que l'appelante était employeur de M. [D] mais n'était pas partie au pacte et à l'acte de cession susceptible d'engager sa responsabilité au vu de l'inexécution d'une convention.

Elle a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à conclure sur ce point.

La SELARL [K] conclut au rejet de la fin de non-recevoir exposant d'une part que les obligations visées dans l'acte de cession et dans le pacte d'actionnaire ont été signés en présence et au profit de SEPROPHARM International devenue EQINOX HEALTHCARE FRANCE d'autre part que ces obligations ont été expressément visées par le contrat de travail et l'avenant du 27 mars 2012 entre SEPROPHARM et M. [D]

Elle indique avoir subi un préjudice personnel du fait des manquements de M. [D] rappelant que l'obligation de non-concurrence était inhérente à l'obligation de loyauté durant l'exécution du contrat de travail et de ses avenants.

M. [D] à qui les conclusions ont été notifiées le 1er décembre 2022 (RPVA) et qui était présent et représenté lors de l'audience du 25 août 2022 était représenté par Maître X substituant Maître BIGNON.

La procédure d'ouverture de la liquidation judiciaire est du 05 décembre 2018 quand l'appel de la décision est du 16 octobre 2020. Il n'est cependant pas établi que la clôture de la procédure de liquidation était intervenue avant le délai de deux ans'visé par le jugement soit au 0 décembre 2020.

La Selarl [K], liquidateur désigné par le tribunal de commerce de la Roche sur Yon, avait donc qualité et intérêt pour agir judiciairement et relever appel du jugement du tribunal et l'appel sera déclaré recevable.

Sur la concurrence déloyale et le manquement, à l'obligation d'exclusivité

M. [D] est salarié de la société demanderesse depuis le 27 décembre 2000, et, à ce titre, soumis aux règles du droit commun du contrat de travail comportant une obligation générale de loyauté et de bonne foi dans l'exécution de la convention ce qui bannit, sauf accord idoine, une activité concurrente à celle de son employeur et entraîne une obligation d'exclusivité laquelle était mentionnée dans son contrat de travail.

Ces deux impératifs lui avaient été rappelés lors de ses échanges avec la requérante relatifs aux modifications de son temps de travail hebdomadaires qu'il avait sollicitées et que son employeur lui avait accordées.

La Cour rappelle que M. [D], associé de SEPROPHARM devenue EQINOX, est demeuré salarié après la cession de celle-ci en 2010 étant observé qu'il ressort de l'acte lui-même qu'il était d'une part gérant de la société RESPIDOM CALEDONIE créée en 2007 don't l'objet est la dispensation à domicile d'oxygène à usage médical et la location, la vente de matériel médical et la vente de matériel médicochirurgical et d'autre part associé minoritaire dans le groupe SEPRODOM créé en mars 2003 (associé M. [Y]) don't l'objet social était l'achat, la vente, la location de matériels médicaux et la dispensation d'oxygène. En 2009, la Société SEPRODOM CALÉDONIE a été créée avec pour objet l'achat, la vente, la location de la livraison de matériels et marchandises pour le maintien et l'hospitalisation a domicile dans le secteur médical et paramédical, la dispensation d'oxygène sous quelque forme que ce soit au domicile des patients. Les changements d'activité de ces sociétés signalés sont intervenus en 2015, soit postérieurement à leur cession à AIR LIQUIDE en juillet 2014. Or SEPROPHARM ne reproche à M. [D] des agissements que jusqu'à cette date et, en tout état de cause, ces modifications ne sont pas établies.

La Cour à l'instar du premier juge constate donc qu'aucune des deux sociétés dans lesquelles le défendeur est associé n''uvre dans le domaine du médicament ne saurait concurrencer l'appelante don't l'objet est la représentation, diffusion en France ou à l'étranger de produits pharmaceutiques et de matériel médical et pharmaceutiques.

C'est d'ailleurs l'avenant du 27 mars 2012 qui d'une part a permis à M. [D], de travailler à mi-temps pour un an à compter du 1er avril 2012 pour les sociétés du groupe SEPRODOM précitées dans le cadre de leur activité intitulée : «'Assistance respiratoire et maintien à domicile'» et d'autre part indiquait expressément que la reprise à temps plein réactiverait son obligation d'exclusivité puisqu'il s'agissait d'une dérogation limitée dans le temps à la clause de non-concurrence contenue dans le pacte d'associés du 16 décembre 2010.

En outre, il sera relevé que ni ledit pacte d'actionnaires, ni le contrat de travail liant les parties, ni l'avenant du 27 mars 2012 ne prévoyaient de contrepartie financière à la clause de non-concurrence': M. [D] n'y était donc pas soumis puisqu'elle n'était pas valable.

Pour la période antérieure à la cession du groupe SEPRODOM au groupe AIR LIQUIDE en juillet 2014, et sur la réticence dolosive arguée par la société demanderesse qui lui reproche d'avoir dissimulé sa qualité d'actionnaire dans le groupe SEPRODOM lors de la signature le 27 mars 2012 de l'avenant au préjudice de la société EQINOX HEALTHCARE FRANCE, la Cour, à l'instar du Tribunal, observe que l'acte de cession de 2010 spécifiait qu'il gérait la société RESPIDOM CALEDONIE, et qu'en tout état de cause, cette situation qualifiée d'embauche répréhensible par la demanderesse avait été régularisée par le nouveau propriétaire à partir de 2012 au moyen de l'avenant précité.

Il n'est d'ailleurs pas contesté que SEPROPHARM devenue EQINOX sous-louait des locaux a la société RESPIDOM en 2011 et 2014 et qu'ainsi que relevé par le tribunal, à l'instar de M. [D] un autre salarié avait, bien avant 2011, partagé son temps de travail entre les sociétés RESPIDOM et SEPROPHARM, avec l'accord de son employeur pendant l'année 2012, pour se consacrer au développement des sociétés don't elle était actionnaire. Aucune perte de contrat n'est rapportée par la demanderesse, les mesures d'instruction réclamées depuis le début de la procédure apparaissant vaines en l'état des arguments rapportés ci-dessus.

Une expertise reviendrait en réalité à suppléer la carence de la demanderesse dans l'administration de la preuve qu'elle a pourtant eu la possibilité de se constituer, notamment en recourant à un constat sur requête, lequel a été diligenté au domicile du défendeur.

Quant au conflit d'intérêts invoqué par l'appelante, il y a lieu de constater qu'il n'est nullement démontré que M. [D] aurait 'uvré à désorganiser SEPROPHARM, ni même qu'il aurait dissimulé ou modifié les activités réelles des sociétés du groupe SEPRODOM. La Cour constate qu'en effet, l'appelante se contente de produire un simple tableau établissan son préjudice financier, sans y adjoindre d'étude émanant d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes pour la période concernée, un chiffrage explicité et justifié, marché par marché, tant de son activité sur la période considérée que des pertes brutes qu'elle estime avoir subies.

L'activité de M. [D] étant ainsi parfaitement connue de son employeur'ni la concurrence déloyale ni le manquement à son obligation d'exclusivité reprochée à M. [D] ne sont en conséquence établis. En l'absence de faute imputable au salarié, EQINOX HEALTHCARE FRANCE sera déboutée de sa demande relative à son préjudice financier ainsi que, par voie de conséquence, de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral à l'encontre de M. [D].

Sur l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts

La demande présentée le 9 novembre 2018 par M. [D] vise à faire condamner solidairement les sociétés EQINOX HEALTHCARE HOLDING et FRANCE à lui payer la somme d'un million de francs en réparation de son préjudice moral lié aux graves accusations mettant en cause sa probité personnelle et professionnelle et en diligentant à son endroit une procédure agressive visant à obtenir des preuves don't elles ne disposaient pas. Les arguments développés par l'appelante selon lesquels il s'agirait en réalité d'une demande pour procédure abusive est parfaitement inopérant.

De plus, la requérante conclut à l'irrecevabilité des demandes de M. [D] à son encontre au motif de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire le 5 décembre 2018.

Si effectivement, et ainsi qu'elle l'a justement soulevé, cette demande a été présentée à son encontre juste avant la liquidation judiciaire, il convient de relever qu'en l'espèce, le mandataire liquidateur, représentant légal de la société demanderesse, est présent a la procédure, a été informé de cette demande qui le concerne désormais, et a pu faire valoir ses observations sur cette demande dans le cadre de la présente instance. Au vu des conditions d'exécution de la procédure, diligentée devant le Président du Tribunal de première instance de NOUMEA au domicile du défendeur, le préjudice moral que M. [D] a nécessairement subi est démontré.

Il sera fait droit à l'indemnisation reconventionnelle de ce préjudice dans les mêmes termes et montant que le premier juge à hauteur de 500'000 XPF en fixant cette créance au passif de la société requérante.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

L'article 700 du Code de procédure civile dispose que, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu 'il n'y a pas lieu de cette condamnation.

ll serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles qu'il a engagés. La société défenderesse, succombant à l'instance, sera condamnée a lui payer la somme de 150'000 XPF à ce titre, ladite somme incluant les frais d'huissier don't il est sollicité le remboursement.

Par ailleurs, la gratuité de la procédure devant la juridiction du travail de [Localité 4] (article 880-1 du code de procédure civile) n'implique pas l'absence de dépens au sens de l'article 696 du code de procédure en ce que cette absence aurait en particulier pour conséquence de ne pas permettre à la partie gagnante de voir ses frais de signification des décisions mis à la charge de la partie qui succombe. En conséquence la Selarl [K] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré du 18 septembre 2020 rendu par le tribunal du travail de Nouméa ;

CONDAMNE la Selarl [K] ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation de la société EQINOX HEALTHCARE FRANCE aux dépens outre 150'000 XPF de frais irrépétibles d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/00105
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;20.00105 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award