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13/02/2023 | FRANCE | N°22/00078

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 13 février 2023, 22/00078


N° de minute : 21/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 13 février 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 22/00078 - N° Portalis DBWF-V-B7G-S53



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 février 2022 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/984)



Saisine de la cour : 21 mars 2022





APPELANT



S.A. SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE, représentée par son directeur en exercice,

Siège social : [Adr

esse 3]

Représentée par Me Céline DI LUCCIO de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA





INTIMÉS



M. [I] [H] [O]

né le [Date naissance 2] 198...

N° de minute : 21/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 13 février 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 22/00078 - N° Portalis DBWF-V-B7G-S53

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 7 février 2022 par le tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° 21/984)

Saisine de la cour : 21 mars 2022

APPELANT

S.A. SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE, représentée par son directeur en exercice,

Siège social : [Adresse 3]

Représentée par Me Céline DI LUCCIO de la SELARL CABINET D'AVOCATS BOISSERY-DI LUCCIO-VERKEYN, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

M. [I] [H] [O]

né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 4],

demeurant chez [Adresse 5]

[Localité 4]

Mme [R] [L] épouse [H]

née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 4],

demeurant chez [Adresse 5]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. François BILLON, Conseiller,

Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- par défaut,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 12/12/2022 ayant été prorogé 15/12/2022, puis au 13/02/2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R. 123-14 du code de l'organisation judiciaire , auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Selon contrat signé le 15 octobre 2015, la SOCIETE GENERALE CALEDONIENNE DE BANQUE (dite SGCB) a consenti à M. [I] [H] [O] et à  Mme [R] [L] épouse [H] un prêt d'un montant de 1.600.000 FCFP, au taux d'intérêt annuel nominal fixe de 6,1 %, remboursable en 60 mensualités de 31.104 FCFP.

En raison de plusieurs échéances impayées, la SGCB, après avoir dans un premier temps invité M. [H] et Mme [L] épouse [H] à régulariser leur situation, s'est prévalue de la déchéance du terme par lettre en date du 17 septembre 2019, adressée par voie recommandée avec accusé de réception.

Par requête enregistrée le 14 avril 2021 et signifiée le 28 avril 2021, la SGCB a fait citer M. [H] et Mme [L] épouse [H] devant le tribunal de première instance de Nouméa aux fins de les voir solidairement condamnés à lui payer la somme totale de 623.214 FCFP, ventilée comme suit :

- capital restant dû : 458.146 FCFP

- échéances impayées : 128.416 FCFP

- indemnité de défaillance : 36.652 FCFP,

outre intérêts au taux conventionnel de 6,1% + TOF à compter du 17 septembre 2019, frais et dépens.

Régulièrement cités, M. [H] et Mme [L] épouse [H] n'ont pas comparu, ni constitué avocat.

Par jugement du 7 février 2022, le tribunal de première instance a débouté la SGCB de toutes ses demandes. Il a considéré qu'en l'absence de déchéance du terme prononcée à l'encontre de Mme [L], la demande n'était pas fondée, faute de démontrer l'exigibilité de la créance.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête déposée le 21 mars 2022 valant mémoire ampliatif, la SGCB a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de condamner solidairement M. [H] et Mme [L] à lui payer les sommes de 458.146 FCFP et de 128 416 FCFP avec intérêts au taux conventionnel de 6,1 % + TOF à compter du 17 septembre 2019, outre celle de 36 652 FCFP au titre de l'indemnité de défaillance. Elle sollicite également la somme de 250 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le moyen tiré de l'absence de déchéance du terme a été soulevé sans être mis dans le débat, ne permettant pas à la requérante de faire valoir ses observations. Sur le fond, elle fait grief au premier juge d'avoir considéré que la déchéance du terme n'aurait pas été prononcée, faute de mise en demeure adressée à Mme [L] en ce sens, alors que le contrat de prêt contient une clause prévoyant l'exigibilité anticipée de plein droit en cas de non paiement d'une mensualité ; qu'en l'espèce, les intimés ont cessé de régler les mensualités du crédit à partir de mai 2019, ont cessé de domicilier leurs salaires et ont quitté le territoire ; que nonobstant l'absence de mise en demeure qui n'est pas nécessaire en présence d'une clause de résiliation de plein droit, la créance est bien exigible.

Les intimés, auxquels la requête d'appel a été signifiée dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, n'ont pas constitué avocat .

Vu l'ordonnance de clôture,

Vu l'ordonnance de fixation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte des dispositions d'ordre public régissant le contrat de prêt entre professionnel et non professionnel et de la jurisprudence de la Cour de cassation que d'un point de vue formel, la banque doit aviser l'emprunteur par lettre recommandée avec accusé de réception de ce qu'elle entend se prévaloir de la déchéance du terme à défaut de régularisation des impayés dans un certain délai.

En l'espèce, si la SGCB a avisé M. [H] par lettres des 3 juin, 2 juillet, 1er août et 3 septembre 2019 puis par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 septembre 2019 de la nécessité de régulariser les échéances des mois de mai à septembre 2019, sauf à voir prononcer la résolution du contrat, ces courriers n'ont été adressés qu'à l'époux et non à sa femme, Mme [L].

Devant la cour, la SGCB se prévaut de l'article 5-2 des conditions générales du contrat signé entre les parties, intitulé « défaillance de l'emprunteur » qui stipule « qu'en cas de défaillance de l'emprunteur dans les remboursements, notamment en cas de non paiement d'une mensualité à son échéance, l'exigibilité anticipée aurait lieu immédiatement et de plein droit ... ». Elle invoque une jurisprudence récente de la Cour de cassation (1re Civ, 13 mars 2019, pourvoi n° 17-27102) aux termes de laquelle la nécessité de la mise en demeure préalable cède lorsqu'une disposition expresse et non équivoque du contrat dispense l'établissement bancaire de cette exigence.

Néanmoins, d'une part , la jurisprudence à laquelle la SGCB se réfère a été rendue au visa de l'article 1225 du code civil, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qui ouvre la possibilité de déroger contractuellement à cette exigence puisque l'article 1225 nouveau est ainsi rédigé : 'La clause résolutoire précise les engagements dont l'inexécution entraînera la résolution du contrat. La résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.'

Or, l'ordonnance précitée n'est pas applicable en Nouvelle-Calédonie de sorte que les articles 1134, 1147 et 1184 anciens qui sont toujours applicables à la cause sur le territoire calédonien nécessitent une mise en demeure préalable pour la mise en jeu de la résolution du contrat.

D'autre part, la clause contractuelle à laquelle la SGCB se réfère ne dispense pas expressément la banque de l'obligation de la mise en demeure puisqu'il n'y est pas fait référence.

C'est dès lors à juste titre que le premier juge a relevé ce manquement consistant en l'absence de mise en demeure préalable à la résolution du contrat à l'encontre de Mme [L]. Néanmoins, il a excédé ses pouvoirs (qui plus est sans mettre cette question au débat contradictoire) en relevant d'office le moyen tiré de l'absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme qui résulte de l'application du seul code civil et non du code de la consommation et qui n'étant édictée que dans le seul intérêt du débiteur ne pouvait être invoqué que par celui-ci.

De surcroît, la cour constate que par courriel à l'adresse mail de Mme [L] du  28 août 2019 (non produit en première instance) adressé au nom des deux époux au chargé d'affaires responsable de leur dossier, M. [H] et Mme [L] ont expressément reconnu leur dette en termes non équivoques : 'nous ferons un versement prochainement pour apurer les 3 échéances impayées (...) Encore mille excuses pour les non paiements'. Les débiteurs avisaient également la banque qu'ils se trouvaient en métropole, que leur demande de prêt n'avait pas abouti, que l'un d'eux avait trouvé un emploi et qu'ils espéraient trouver un arrangement, s'engageant à payer 300 €.

Au vu des pièces produites (contrat, lettres de mises en demeure et lettre recommandée avec accusé de réception valant déchéance du terme), de l'historique des mouvements du compte, de l'état de la dette arrêtée au 17 septembre 2019 ainsi que de la reconnaissance de dette des débiteurs, la cour relève que la créance de la SGCB est bien fondée en son principe et en son quantum de sorte qu'il sera fait droit à la demande de condamnation solidaire des consorts [H] à la payer.

Eu égard à l'indemnité de défaillance prévue au contrat, il n'est pas inéquitable de débouter la SGCB de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [H] et Mme [L] supporteront les dépens de la procédure d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [H] et Mme [L] épouse [H] à payer à la SGCB les sommes de 458.146 FCFP et de 128 416 FCFP avec intérêts au taux conventionnel de 6,1 % + TOF à compter du 17 septembre 2019, outre celle de 36 652 FCFP au titre de l'indemnité de défaillance avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Déboute la SGCB de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne solidairement M. [H] et Mme [L] aux dépens d'appel et de première instance.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00078
Date de la décision : 13/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-13;22.00078 ?
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