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30/01/2023 | FRANCE | N°22/00021

France | France, Cour d'appel de Nouméa, Chambre civile, 30 janvier 2023, 22/00021


N° de minute : 13/2023



COUR D'APPEL DE NOUMÉA



Arrêt du 30 janvier 2023



Chambre civile









Numéro R.G. : N° RG 22/00021 - N° Portalis DBWF-V-B7G-SXU



Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 décembre 2021 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :21/541)



Saisine de la cour : 20 janvier 2022





APPELANT



M. [K] [G]

né le 18 décembre 1998 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 1]
>(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/101 du 04/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa)

Représenté par Me Grégory MARCHAIS de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCH...

N° de minute : 13/2023

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 30 janvier 2023

Chambre civile

Numéro R.G. : N° RG 22/00021 - N° Portalis DBWF-V-B7G-SXU

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 27 décembre 2021 par le président du tribunal de première instance de NOUMEA (RG n° :21/541)

Saisine de la cour : 20 janvier 2022

APPELANT

M. [K] [G]

né le 18 décembre 1998 à [Localité 3],

demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2022/101 du 04/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa)

Représenté par Me Grégory MARCHAIS de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.C.I. ADONNANTE, représentée par sa gérante en exercice,

Siège social : [Adresse 2]

Représentée par Me Marie-Katell KAIGRE, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 5 décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,

M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,

Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH, Conseiller,

qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Béatrice VERNHET-HEINRICH.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO

Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,

- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Suivant contrat en date du 2 mars 2019, la SCI Adonnante a consenti à M. [G] un bail à usage d'habitation portant sur un bien situé [Adresse 1] en contrepartie d'un loyer mensuel initial de 83 000 francs Pacifique charges comprises.

Des loyers étant demeurés impayés, la SCI Adonnante a fait signifier à M. [G] le 3 septembre 2021, un commandement de payer la somme principale de 641 483 francs Pacifique au titre des loyers et provisions sur charges impayés outre un commandement de fournir une attestation d'assurance habitation, et visant la clause résolutoire prévue au bail avant de l'assigner, le 22 octobre 2021, devant le juge des référés pour obtenir notamment le paiement de l'arriéré locatif et entendre constater la résiliation du bail avec toutes ses conséquences.

Par ordonnance en date du 27 décembre 2021, le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa a notamment :

- constaté que la résiliation du bail liant la SCI Adonnante et M. [G] est acquise de plein droit à la date du 4 octobre 2021,

- dit n'y avoir lieu à la mise en place de délais de paiement,

- ordonné l'expulsion de M. [G] et de tous occupants de son chef, avec au besoin le concours de la force publique, faute par lui d'avoir libéré les lieux dans le délai d'un mois à compter du prononcé de la décision,

- condamné M. [G] à payer à la SCI Adonnante la somme provisionnelle de 940 661 francs Pacifique au titre des sommes dues arrêtées au 1er décembre 2021 inclus,

- condamné à titre provisionnel M. [G] à payer à la SCI Adonnante une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges antérieurs, soit 83 000 francs Pacifique à compter du 4 octobre 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux,

- condamné M. [G] à payer à la SCI Adonnante la somme de 50 000 francs Pacifique en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie,

- condamné M. [G] aux dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement de payer du 3 septembre 2021,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires,

- fixé à trois le nombre d'unités de valeur revenant à Me Noyon, avocat désigné au titre de l'aide judiciaire.

PROCÉDURE D'APPEL

M. [G] a relevé appel de cette ordonnance par requête enregistrée au greffe de la cour le 20 janvier 2022.

Dans son mémoire ampliatif déposé le 17 mai 2022, repris à l'audience, il demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance de référé du 27 décembre 2021 ;

- constater que le logement donné à bail est insalubre et indécent ;

et statuant à nouveau,

- débouter la SCI Adonnante de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;

à titre subsidiaire,

- accorder à M. [G] des délais de paiement sur une période de deux ans ;

en tout état de cause,

- dire et juger que chaque partie conservera la charge des frais et dépens engagés au titre de la procédure de première instance et d'appel ;

- fixer tel qu'il plaira à la cour les unités de valeur revenant à Me [T] intervenant au titre de l'aide judiciaire n° 2022/00101 du 4 mars 2022.

Dans ses dernières conclusions, déposées le 16 août 2022, oralement développées à l'audience, la SCI Adonnante demande à la cour de :

- constater l'irrecevabilité de l'appel pour tardiveté du dépôt du mémoire ampliatif ;

à titre subsidiaire,

- débouter M. [G] de ses demandes, fins et conclusions ;

- rappeler que le locataire avait une dette de loyer de 1 434 351 francs Pacifique et qu'il reconnaît ne pas avoir assuré le logement ;

- constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de bail signé le 2 mars 2019 à la date du 9 mars 2021, expiration du délai prévu dans l'acte de signification faisant valoir la clause résolutoire notifié le 9 février 2021 ;

à titre infiniment subsidiaire,

- confirmer l'ordonnance de référé rendue le 27 décembre 2021 ;

- condamner M. [G] au règlement de la somme provisionnelle de 1 434 351 francs Pacifique correspondant aux sommes dues au titre des loyers et indemnités d'occupation au jour de son expulsion ;

- dire que les sommes ainsi prononcées seront augmentées des intérêts à taux légal à compter de la date du premier commandement de payer ;

- dire que ces intérêts se capitaliseront en application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;

- condamner M. [G] à verser la somme de 180 000 francs Pacifique à la SCI Adonnante en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'à payer les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour est saisie de l'appel principal de M. [G], qui critique la décision du premier juge ayant constaté la résiliation du bail et l'ayant débouté de sa demande en délais de paiement, mais doit au préalable trancher l'incident soulevé par l'intimé, tiré du dépôt tardif du mémoire ampliatif de l'appelant.

Elle est également saisie de l'appel incident de la SCI Adonnante qui actualise sa créance à la somme de 1 434 351 francs Pacifique au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au 29 juin 2022.

Il convient en effet de relever à titre liminaire que la situation des parties a évolué en cours d'instance, en ce sens que M. [G] n'occupe plus les lieux depuis le mercredi 29 juin 2022, pour en avoir été expulsé. Il n'a pas conclu depuis lors.

Dans ces conditions, même s'il a relevé appel de l'ordonnance en toutes ses dispositions, les seuls points encore en litige entre les parties portent sur le principe et le montant de la dette locative et sur ses modalités de paiement.

Sur l'incident

La SCI Adonnante fait valoir que M. [G] ayant relevé appel de l'ordonnance de référé le 20 janvier 2022, il disposait d'un délai d'un mois, ayant expiré le 20 février 2022, pour déposer son mémoire ampliatif lequel a été déposé le 17 mai 2022 après l'expiration du délai, même prorogé par suspension, prévu par l'article 904 du code de procédure civile.

Ce moyen ne peut qu'être rejeté dans la mesure où l'article 904 du code de procédure civile ne sanctionne pas le dépôt tardif du mémoire ampliatif par l'irrecevabilité du recours et la tardiveté alléguée n'est nullement démontrée. En effet, faute de justifier de la date à laquelle la décision du bureau d'aide judiciaire a été notifiée à l'appelant, il n'est pas possible de déterminer la durée exacte de la suspension, ni, ce faisant, la date à laquelle expirait le délai imparti au conseil de M. [G] pour déposer son mémoire ampliatif.

Il convient en conséquence d'écarter le moyen tiré de ce chef.

Sur le moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse

Le juge des référés a écarté le moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse, soutenu par le locataire qui se prévalait du mauvais état du logement pour faire échec aux prétentions du bailleur tendant alors au constat de la résiliation du bail par acquisition des effets de la clause résolutoire et au paiement de la dette locative. Le magistrat a considéré que si le constat d'huissier établi le 2 décembre 2021 mettait bien en évidence l'ensemble des désordres affectant les lieux loués liés principalement à l'humidité, il ne permettait pas de déterminer leur imputabilité au bailleur.

Devant la cour, M. [G] se prévaut à nouveau de ce moyen pour faire échec aux prétentions de la partie adverse, mais offre un nouvel élément de preuve en produisant le diagnostic de l'installation électrique réalisé par le cabinet [R] le 28 février 2022, duquel il ressort que l'installation électrique était vétuste, n'assurait pas la sécurité des biens et des personnes, constatant notamment que l'installation de mise à la terre n'était absolument pas conforme aux principes de mise en oeuvre décrit dans les textes. M. [G] ajoute que ce rapport précise encore qu'en l'état, aucun assureur n'accepterait de garantir le logement pour soutenir que, dans ces conditions, le manquement du bailleur à son obligation de délivrance était manifeste. Il demande en conséquence à la cour de débouter la SCI Adonnante de l'intégralité de ses demandes et à défaut de lui accorder un délai de paiement d'une durée de deux ans, pour s'acquitter de l'arriéré locatif.

La SCI Adonnante rappelle que M. [G] a finalement libéré les lieux, en cours d'instance d'appel, le 29 juin 2022 dans le cadre de la mesure d'expulsion décidée par le juge des référés et que la dette locative s'élevait alors à la somme de 1 434 351 francs Pacifique.

Elle rappelle que le juge des référés avait été également saisi sur le fondement d'un commandemant d'avoir à justifier de l'assurance du logement au titre des risques locatifs, signifié à M. [G] le 3 septembre 2021, qui est resté infructueux pendant un mois de sorte que les effets de la clause résolutoire étaient également acquis de ce chef. Sous le bénéfice de cette réserve, elle demande à la cour de confirmer l'ordonnance querellée et de condamner M. [G] à lui verser la somme de 1 434 351 francs Pacifique avec intérêts au taux légal, sans se prononcer sur la demande en délais de paiement de la partie adverse.

La cour retient que le diagnostic de l'installation électrique réalisé en cours d'instance d'appel, le 25 février 2022 par le cabinet [R], conclut effectivement à la vétusté de l'installation électrique du logement occupé par M. [G], ce qui démontre un manquement manifeste du bailleur à son obligation de délivrance qui pouvait lui être opposé et constituer une contestation sérieuse relevant du seul pouvoir d'appréciation du juge du fond.

Pour autant, la cour constate que l'acte d'huissier signifié au locataire le 3 septembre 2021 lui faisait à la fois commandement de payer dans le délai d'un mois les loyers impayés, et de fournir la quittance d'assurance relative au logement, objet du bail sous peine de voir demander en référé la constatation des effets de la clause résolutoire conventionnelle.

M. [G] n'a pas produit ce document dans le délai imparti. Il fait valoir devant la cour que la souscription d'une telle assurance se heurtait à la non-conformité du réseau électrique. Cependant il n'apporte aucun justificatif des démarches prétendument vaines qu'il aurait effectuées auprès des sociétés d'assurances, pour assurer le logement au titre des risques locatifs, ni des refus qui lui auraient été opposés pour le motif ainsi allégué.

La cour retient que le bail se trouve en conséquence résilié de plein droit sur ce fondement, par acquisition des effets de la clause résolutoire insérée à la convention de location, sur le fondement de l'article 7 de la loi d'ordre public du 6 juillet 1989, dans sa rédaction antérieure à la loi du 24 mars 2014, étendue sur le territoire de Nouvelle Calédonie par la loi du 20 novembre 2012.

La décision sera en conséquence confirmée de ce chef.

Sur l'actualisation de la créance et la demande de délais de paiement

Le juge des référés a débouté M. [G] de sa demande de délais de paiement, en relevant que seul l'octroi du délai de paiement prévu par l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 permettait de suspendre les effets de la clause résolutoire de sorte que ceux-ci étaient nécessairement acquis, sans aucune possibilité de suspension, lorsque la résiliation se trouvait acquise du chef de l'absence de fourniture de l'attestation d'assurance.

M. [G] réitère devant la cour, sa demande subsidiaire tendant à l'octroi de délais de paiement.

La SCI Adonnante n'a formulé aucune observation de ce chef.

La cour observe que la question de la résolution du bail et de la suspension des effets de la clause résolutoire ne se pose plus en cause d'appel, puisque M. [G] a été expulsé du logement depuis le 29 juin 2022, de sorte que sa demande tendant à l'octroi de délai de paiement peut être examinée sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil.

Cependant, la faculté offerte par ce texte au juge de reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, dans la limite de deux années, doit être prise en considération de la situation du débiteur et des besoins du créancier.

Au cas d'espèce, force est de constater que M. [G], qui n'occupe plus le logement depuis la fin du mois de juin 2022, ne donne aucune information sur sa situation financière actuelle, ni sur ses capacités de remboursement. Il est fait état, dans la décision d'aide juridictionnelle datée du 4 mars 2022, d'un revenu mensuel moyen de 151 160 francs Pacifique, mais en l'absence de toute autre justificatif de ses charges, et de toute proposition d'apurement, la cour ne peut s'assurer de la capacité de M. [G], débiteur d'une somme de 1 434 351 francs Pacifique au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au 29 juin 2022, à rembourser l'intégralité de sa dette dans le délai maximal de deux ans prévu par la loi.

Dans ces conditions, il y a lieu d'actualiser le montant des sommes dues en le portant à la somme non contestée de1 434 351 francs Pacifique arrêtée à la date du 29 juin 2022 et de débouter M. [G] de sa demande de délais de paiement.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la situation économique respective des parties, il convient d'exonérer M. [G] de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Les dépens resteront à la charge de M. [G], bénéficiaire de l'aide judiciaire totale.

Il convient de fixer à trois le nombre des unités de valeur revenant à Me [T], au titre de l'aide judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 27 décembre 2021 sauf en ce qu'elle a condamné M. [G] à payer à la SCI Adonnante la somme provisionnelle de 940 661 francs Pacifique au titre des sommes dues au 1er décembre 2021 au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation ;

Et statuant à nouveau,

Condamne M. [G] à payer à la SCI Adonnante la somme prévisionnelle de 1 434 351 francs Pacifique au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés au 29 juin 2022 ;

Ordonne la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1154 du code civil ;

Y ajoutant,

Déboute la SCI Adonnante de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [G] aux dépens de l'instance d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide judiciaire ;

Fixe à trois le nombre des unités de valeur revenant à Me [T], avocat intervenant au titre de l'aide judiciaire.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nouméa
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00021
Date de la décision : 30/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-30;22.00021 ?
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