No de minute : 89/2022
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 5 décembre 2022
Chambre sociale
Numéro R.G. : No RG 21/00056 - No Portalis DBWF-V-B7F-SHT
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 23 Juillet 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :21/31)
Saisine de la cour : 06 Août 2021
APPELANT
M. [D] [T], exerçant sous l'enseigne OSM BOULANGERIE
demeurant [Adresse 4]
Représenté par Me Martin CALMET membre de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉ
M. [J] [I]
né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Juillet 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,
Mme Nathalie BRUN, Conseiller,
M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN.
Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour 5 décembre 2022 après prorogations, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Monsieur Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller en remplacement du président empêché, M. Philippe DORCET et par Mme Isabelle VALLEE, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Suivant contrat à durée indéterminée non produit aux débats, M. [J] [I] a été engagé à temps plein à compter du 11 mars 2019 par M. [D] [T] exerçant à [Localité 3] sous l'enseigne OSM BOULANGERIE en qualité de boulanger moyennant un salaire mensuel brut de 156 568 francs CFP.
Suivant déclaration datée du 15 octobre 2019, l'employeur a informé la CAFAT de la rupture du contrat au 14 octobre 2019.
Par acte d'huissier du 25 juin 2021, M. [J] [I] a fait assigner M. [D] [T] devant le président du tribunal du travail de Nouméa statuant en référé afin d'obtenir à titre provisionnel le paiement des salaires dus pour les mois de juillet à septembre 2019, outre une somme au titre des congés payés afférents et la réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail. Il sollicitait en outre que soit ordonnée la remise des bulletins de salaire de juillet à septembre 2019 sous astreinte ainsi que la régularisation de sa situation auprès des organismes sociaux.
Par ordonnance du 23 juillet 2021, le juge des référés a condamné M. [D] [T] à verser à M. [J] [I] à titre de provision les sommes de 479 704 francs CFP au titre des salaires impayés de juillet à septembre 2019, de 47 970 francs CFP au titre du règlement des congés payés afférents, la somme de 100 000 CFP à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Il a en outre ordonné la remise du solde de tout compte et du certificat de travail dans un délai de 15 jours sous astreinte de 3000 francs CFP par jour de retard et la régularisation de la situation du salarié auprès de la CAFAT et de la CRE sous astreinte de 3000 francs par jour de retard.
PROCEDURE D'APPEL :
M. [D] [T] a interjeté appel de cette décision le 6 août 2021.
Faisant valoir qu'il n'a pu comparaître devant le juge des référés, il demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de condamner à titre reconventionnel M. [J] [I] à lui payer une amende civile de 350 000 francs CFP au titre de l'abus de droit d'ester en justice, outre la somme de 500 000 francs CFP en réparation de son préjudice. Il soutient en effet avoir réglé en temps et en heures les sommes réclamées au titre des salaires impayés et se prévaut de la démission verbale de son salarié, expliquant avoir tenu à sa disposition ses documents de fin de contrat, étant demeuré dans l'ignorance de sa nouvelle adresse. Il estime que la saisine du juge des référés procédait d'une intention manifestement abusive justifiant une amende civile et l'octroi de dommages intérêts.
M. [J] [I], convoqué à deux reprises par lettre recommandée avec accusé de réception à l'adresse indiquée à l'acte introductif, n'a pas comparu ni constitué avocat, le mémoire ampliatif d'appel lui ayant été signifié à domicile (remis à son père, M. [G] [I]) le 26 janvier 2022 à la demande du magistrat de la mise en état.
MOTIFS DE LA DECISION :
Vu les articles 885-1 et 2 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ;
Vu les articles Lp. 143-2 du code du travail de Nouvelle Calédonnie et 61 de l'AIT ;
Il résulte des éléments produits aux débats et notamment de la déclaration de rupture du contrat de travail établie le 15 octobre 2019 par l'employeur que le contrat de travail a pris fin la veille, le 14 octobre 2019, M. [J] [I] ayant été placé en arrêt de travail du 4 au 11 octobre 2019.
M. [J] [I] ne soutient pas que cette rupture a procédé d'un licenciement et n'a sollicité en première instance aucune somme à ce titre. Dans ces conditions, il convient de retenir, ainsi que le soutient l'employeur, que le licenciement a procédé d'une démission verbale du salarié.
M. [J] [I] a sollicité et obtenu du premier juge, en l'absence de comparution de l'employeur, le paiement d'une provision au titre des salaires des mois de juillet à septembre 2019.
Or, il résulte des relevés bancaires produits par M. [D] [T] que les salaires des mois de juillet à septembre 2019 ont en réalité été versés au salariés par virements des 19 août, 26 septembre et 23 octobre 2019. Aucune somme n'a été sollicitée au titre du salaire du mois d'octobre 2019.
Dès lors, l'ordonnance entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné M. [D] [T] à payer à M. [J] [I] diverses sommes au titre des salaires impayés des mois de juillet à septembre 2019 et des congés payés afférents.
Aux termes de son acte introductif d'instance, M. [J] [I] se prévalait des principes d'exécution loyale et de bonne foi du contrat de travail pour solliciter la réparation à hauteur de 250 000 francs CFP du préjudice résultant du non paiement des salaires et de l'absence de remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat ainsi que la remise sous astreinte de ces documents.
Toutefois, M. [D] [T] justifie avoir établi et tenu à la disposition de son salairé les documents de fin de contrat, avoir déclaré sans délai la rupture du contrat de travail à la CAFAT et avoir versé les sommes dues à son salarié en exécution de ses obligations contractuelles. M. [J] [I] ne justifie au contraire d'aucune des démarches amiables qu'il soutient avoir réalisées, ni d'aucune demande préalable à l'introduction de son instance, de sorte que la mauvaise foi de l'employeur n'est pas caractérisée.
L'ordonnance sera également infirmée en ce qu'elle a condamné M. [D] [T] à remettre les bulletins de salaire et documents de fin de contrat à son salarié, à régulariser sa situation auprès des organismes sociaux sous astreinte et à verser à M. [J] [I] une somme de 100 000 francs CFP en réparation de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.
Les pièces produites en cause d'appel établissent à l'inverse que M. [J] [I] a sollicité et obtenu du juge des référés le versement de sommes au titre de salaires dont il ne pouvait ignorer qu'ils lui avaient déjà été payés. Après avoir trompé la religion du premier juge, il a fait procéder à une saisie exécution, dénoncée le 11 août 2021, pour un montant total de 728 754 francs CFP, frais compris.
Ce faisant, il a abusé de son droit d'ester en justice et sera condamné à ce titre à verser une amende civile de 350 000 francs CFP conformément aux dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie ainsi qu'à verser à M. [D] [T], en réparation du préjudice tenant à l'indisponibilité des fonds saisis et à l'atteinte morale qui est résultée de l'exercice de cette voie d'exécution, une somme provisionnelle de 300 000 francs CFP.
Enfin, il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [D] [T] les sommes qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel pour faire valoir ses droits. M. [J] [I] sera dès lors condamné à assumer les dépens de première instance et d'appel et de verser à M. [D] [T] une somme de 250 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME l'ordonnance frapée d'appel en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a alloué des unités de valeur au conseil du demandeur ;
Statuant à nouveau :
DEBOUTE M. [J] [I] de l'ensemble de ses demandes ;
Y ajoutant :
CONDAMNE M. [J] [I] à payer la somme de 350 000 francs CFP à titre d'amende civile ;
CONDAMNE M. [J] [I] à payer à M. [D] [T] la somme provisionnelle de 300 000 francs CFP en réparation du caractère abusif de son action ;
CONDAMNE M. [J] [I] à payer à M. [D] [T] la somme de 250 000 CFP au titre de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ;
CONDAMNE M. [J] [I] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le conseiller.