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10/11/2022 | FRANCE | N°21/000827

France | France, Cour d'appel de noumea, 02, 10 novembre 2022, 21/000827


No de minute : 82/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 10 Novembre 2022

Chambre sociale

Numéro R.G. : No RG 21/00082 - No Portalis DBWF-V-B7F-SNP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Août 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :18/54)

Saisine de la cour : 27 Septembre 2021

APPELANT

S.A.S. HYPERMAT, enseigne Mr. BRICOLAGE, représentée par son Directeur en exercice
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Sophie BRIANT membre de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau de NOUMEA

INTI



M. [H] [J]
né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 4] (Algérie)
demeurant Chez Mme [T] [N] - [Adresse 1]
Représenté...

No de minute : 82/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 10 Novembre 2022

Chambre sociale

Numéro R.G. : No RG 21/00082 - No Portalis DBWF-V-B7F-SNP

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 27 Août 2021 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :18/54)

Saisine de la cour : 27 Septembre 2021

APPELANT

S.A.S. HYPERMAT, enseigne Mr. BRICOLAGE, représentée par son Directeur en exercice
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Sophie BRIANT membre de la SELARL SOPHIE BRIANT, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

M. [H] [J]
né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 4] (Algérie)
demeurant Chez Mme [T] [N] - [Adresse 1]
Représenté par Me Virginie BOITEAU membre de la SELARL VIRGINIE BOITEAU, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président, M. François BILLON, Conseiller, M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller, qui en ont délibéré, sur le rapport de Monsieur Philippe DORCET.

Greffier lors des débats et lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE

ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

M. [H] [J] a été embauché par la SAS HYPERMAT exerçant sous l'enseigne Mr. BRICOLAGE du 6 octobre 2008 au 4 novembre 2008 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (30 heures hebdomadaires) en qualité de « Mécanicien SAV VENDEUR », niveau II, échelon 3, au salaire mensuel brut de 150 000 XPF. Aux termes de trois avenants, ce contrat a été prolongé jusqu'au 4 février 2009, la convention collective commerce étant applicable.
Dans un courrier du 3 février 2009, M. [J] proposait à la direction de Mr. BRICOLAGE de poursuivre son activité soit comme patenté au service SAV en facturant 240 000 XPF / mois soit en qualité de salarié à temps plein sur la base d'une rémunération mensuelle nette de 270 000 XPF (pièce No1 défenderesse). Le 26 février 2009, il était destinataire de son certificat de travail et solde de tout compte (pièces no6 et 7).
Le 28 février 2009, il envoyait pour règlement à la SAS HYPERMAT une facture « SAV FEVRIER » d'un montant de 202 490 XPF soit 102 heures sur la base d'un taux horaire de 1 900 XPF (pièce No9). Par la suite, il créait l'EURL SOS MECA BROUSSE, immatriculée à compter du 1e juillet 2009 (pièces No21 et 22) qui facturera régulièrement HYPERMAT d'août 2011 à février 2017 (cf récapitulatif pièce 14 demandeur). Le 25 février 2015, les parties officialisaient un contrat de prestations de service (pièce 25), M. [J] s'engageant à effectuer, dans l'atelier d'HYPERMAT « toutes les tâches de réparation du matériel relevant du service après-vente d'HYPERMAT. »
Dans la nuit du 4 au 5 février 2016, un violent incendie détruisait les locaux de la société SERDIS, et une partie des magasins CHAMPION et FOIRFOUILLE jouxtant ceux de Mr BRICOLAGE. Le 3 mars 2016, M. [J] se présentait au CHT à 07.30 du matin faisant état de douleurs thoraciques (pièce no28) dont il informait par courrier du 10 mars 2015 (sic), le directeur d'HYPERMAT, M. [D], précisant à ce stade avoir été victime d'une intoxication dans les locaux du service après-vente du magasin et récapitulant par la même occasion différents refus auxquels il se heurtait auprès de la direction : ainsi de l'augmentation de son taux horaire (+150 XPF), de la mise à disposition d'un écran pour contrôler le stock atelier, de l'installation d'une ligne téléphonique et de la remise en état des locaux insalubres du SAV.
Par lettre du 10 novembre 2016 notifiée le 22 novembre 2016, HYPERMAT résiliait le contrat de prestation de service à compter du 24 février 2017 (pièce No8 défenderesse). Le 30 janvier 2017, M. [J] faisait constater par huissier l'état de ses conditions de travail au sein de l'atelier (pièce 12 requérant).
Par requête du 21 février 2018 complétée par conclusions postérieures du 3 mars 2020, monsieur [H] [J] a cité la SAS HYPERMAT aux fins de requalification du contrat de prestations de service en contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet à compter de février 2009. Il indiquait qu'en application de la convention collective du commerce, de la qualification d'ouvrier niveau V, 3e échelon, son salaire mensuel aurait dû être revalorisé. Il soutenait que la rupture du contrat de travail devait s'analyser comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse, HYPERMAT ayant gravement manqué à ses obligations contractuelles le concernant. En conséquence, il demandait que son salaire mensuel de référence soit fixé à 302 995 XPF et que lui soient accordées les sommes suivantes : 3 751 196 XPF (rappel de salaires), 1 156 000 XPF (rappel sur congés payés), 617 717 XPF (rappel sur primes d'ancienneté), 1 514 975 XPF (rappel sur primes de fin d'année), 605 900 XPF et 60 599 XPF (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents), 242 396 XPF (indemnité de licenciement), 6 059 900 XPF (dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse), 5 000 000 XPF (dommages intérêts en réparation du préjudice moral et financier).
A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la juridiction retenait l'existence d'un contrat de travail entre les parties sur la base d'un trois quarts temps et non d'un temps plein, il convenait d'imputer d'un quart les sommes précitées sauf pour ce qui concernait les dommages et intérêts dont il demandait l'exécution provisoire pour moitié sollicitant dans tous les cas une somme de 350 000 XPF au titre des frais irrépétibles et la remise des documents de fin de contrat.
Par jugement en date du 27 août 2021, le tribunal du travail décidait de requalifier la relation contractuelle entre les parties de février 2009 au 24 février 2017, en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel sur une base de 30 heures par semaine (3/4) et indiquait que M. [J] bénéficiait de la qualification d'ouvrier niveau V, 3e échelon correspondant au poste de chef d'atelier SAV en application de la convention collective du commerce. Il jugeait que M. [J] avait fait l'objet d'un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse et fixait le salaire de référence du salarié à la somme de 227 247 XPF / mois (3/4 temps) d'où les condamnations aux sommes suivantes : 2 813 397 XPF (rappel de salaires), 867 000 XPF (rappel de congés payés), 463 288 XPF (rappel sur primes d'ancienneté), 1 094 248 XPF (rappel sur primes de fin d'année), 454 494 XPF et 45 449 XPF (préavis et congés payés sur préavis, 1 220 593 XPF (remboursement des cotisations RUAMM et MPL concernant la période de travail de 2012 au 24 février 2017, 2 272 470 XPF dommages-intérêts licenciement sans cause réelle et sérieuse), 181 798 XPF (indemnité légale de licenciement), 600 000 XPF (dommages et intérêts pour préjudice distinct). Il condamnait l'employeur à la remise des documents de fin de contrat et aux dépens et ordonnait l'exécution provisoire sur l'ensemble des dommages et intérêts outre le paiement de 150 000 XPF au titre des frais irrépétibles.
Par requête en date du 27 septembre 2021, la SAS HYPERMAT relevait appel de la décision.
***
Dans ses dernières écritures du 19 septembre 2021, déposées le 21 septembre 2022, et auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé, HYPERMAT soulevait à titre principal la prescription et l'irrecevabilité des demandes formées par M. [J].
Elle faisait ainsi valoir, pour la première fois en cause d'appel (article 123 CPCNC) s'agissant d'une fin de non-recevoir, que l'action introduite était prescrite puisque la requête introductive d'instance datait du 21 février 2018 : en application de l‘article 2224 du code civil, M. [J] avait jusqu'au 26 juin 2014 pour engager une action concernant la seule période du 2 février au 26 juin 2019 couverte par le contrat de travail.
En toute hypothèse, elle affirmait que M. [J] était irrecevable à saisir la juridiction du travail afin de solliciter la requalification d'un contrat auquel il n'était pas partie : HYPERMAT faisait valoir qu'elle facturait et traitait avec SOS MECA BROUSSE personne morale immatriculée au RCS de Nouméa le 26 juin 2009 et non avec M. [J] et ce, jusqu'au terme de la relation contractuelle le 27 février 2017. Elle rappelait également que c'est avec SOS MECA BROUSSE et le gérant de l'Eurl qu'elle avait signé le 24 février 2015 un contrat de prestation de services et non avec M. [J] personne physique « étranger à la relation contractuelle » ainsi qu'en atteste le tampon porté sur la convention.
A titre subsidiaire « et au fond », elle soutenait qu'il n'existait aucun lien de subordination entre elle et M. [J] rappelant qu'existait une présomption de non salariat pour les personnes physiques relevant d'un statut de travailleur indépendant (article Lp 35 Loi 2001-016 du 11 janvier 2002).
L'appelante évoquait par suite les critères retenus par la jurisprudence notamment calédonienne pour retenir l'existence d'un lien de subordination caractéristique du contrat de travail : dépendance économique, pouvoir de sanction ou de rappel à l'ordre, existence de directives et d'instructions et insertion au sein d'un service organisé.
Dépendance économique : HYPERMAT relève ainsi que pour les exercices 2010 à 2012, MECA BROUSSE réalise entre 65 et 76 % de son chiffre d'affaires auprès d'autres clients qu'HYPERMAT d'où il se déduit qu'elle ne se trouvait pas en situation de subordination. Elle ne produit pas néanmoins les bilans comptables de 2013 à 2016 qu'elle n'a jamais déposés ainsi que ceux de 2017 à 2020 qui permettraient d'apprécier l'évolution du chiffre d'affaires postérieurement à la rupture des relations. Les parties n'étaient d'ailleurs pas liées par une clause exclusivité. Le taux horaire de 1900 XPF avait été librement discuté entre les parties et proposé par M. [J]. En aucun cas, il n'avait été imposé par HYPERMAT et était très supérieur à celui de 1153 XPF /h lorsqu'il était salarié de la société.
Pouvoir de contrainte : M. [J] « administrait librement le service après-vente » sous réserve d'être disponible du lundi au vendredi de 08.00 à 14.00, horaires « contractuellement définis ». Ce point retenu par le premier juge ne signifie nullement l'exercice d'une contrainte car HYPERMAT n'a pas, à l'instar d'un chef d'entreprise, déterminé unilatéralement, les conditions d'exécution du travail mais se serait bornée, en toute logique, à imposer à son prestataire de s'accommoder des horaires d'ouverture de ses sites ainsi que la fourniture de prestations à proximité du magasin «... pour des raisons pratiques d'organisation et de réalisation de la prestation ». Il n'était tenu à aucun volume ni quota d'heures de travail effectif lequel variait « systématiquement » d'un mois à l'autre. Il n'était soumis à aucune autorisation d'absence comme tout salarié, le SAV étant fermé en cas d'absence de M. [J] et ne participait à aucune réunion de service.
Absence de directive et de sanction : sur ce point précis, M. [J] fait état d'une « lettre d'engagement » non datée et non signée, qui aurait ainsi emporté la conviction du tribunal alors qu'il s'agissait simplement de fixer un « cadre administratif » librement établi entre les parties « sous forme d'une liste de travaux attendus » à l'exclusion de toute instruction évoquant une fiche de poste par nature beaucoup plus précise. La fixation du prix de la prestation sur la facture, pratique courante en matière de sous-traitance, était légitime dans la mesure où il s'agissait du matériel HYPERMAT.
Pour mémoire, HYPERMAT allègue qu'elle n'a jamais sanctionné ni rappelé à l'ordre M. [J] alors même qu'il avait parfois adopté avec des clients un comportement « dilettante et même outrancier » qui eut justifié un rappel à l'ordre s'il avait été salarié.
Autonomie de fonctionnement : il disposait de son propre matériel ainsi qu'il ressort de son courrier de proposition commerciale du 03 février 2009 et des achats qu'il avait effectués pour MECA BROUSSE auprès d'HYPERMAT.
A titre plus subsidiaire, en cas de confirmation de la requalification en contrat de travail, HYPERMAT souhaitait relever ce qui suit :
· L'indemnisation des congés payés avait été calculée sur la base d'un CDI à 3/4 de temps alors que M. [J] a bénéficié de plus de jours de congés que les droits acquis des salariés soit d'après ce qu'elle avait reconstitué 55 jours en 2011, 182 jours en 2012, 35 jours en 2013, 45 jours en 2014, 30 jours en 2015 et 34 jours en 2016.
· L'indemnité de préavis de 2 mois a largement été couverte par les 3 mois de préavis correspondant à la rupture des relations commerciales.
· L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (2 272 470 XPF) correspond à 10 mois de salaire alors que M [J] n'avait que 8 ans et non 10 ans d'ancienneté. Par ailleurs, MECA BROUSSE est toujours en activité, le préjudice lié à la rupture des relations doit être relativisé quant à sa réalité et à son ampleur.
· Le préjudice moral et financier estimé à 600 000 XPF est fondé pour le premier juge sur l'absence de procédure alors que le requérant n'avait rien demandé au titre de l'irrégularité de procédure. En outre, les dommages intérêts accordés pour licenciement irrégulier ne sauraient se cumuler avec l'indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par ailleurs, le constat d'huissier a été effectué lors du préavis et ne montre pas en quoi les conditions de travail étaient particulièrement difficiles.
· Le remboursement des cotisations RUAMM et MPL ordonné d'un montant de 1 220 593 XPF acquittées par M. [J] entre 2009 à 2017 en qualité de travailleur indépendant ne tient pas compte de la prescription quinquennale et ne saurait concerner MECA BROUSSE, personne morale alors que d'une part c'est sous cette identité sociale que M. [J] a géré ses contacts avec la CAFAT et d'autre part que l'article Lp 16 de la loi du 11 janvier 2002 ne concerne que le paiement des cotisations d'une personne physique immatriculée. HYPERMAT évoque enfin sur ce point une jurisprudence (Soc. 24 mai 2018, no 16-19,286) selon laquelle l'affiliation à un régime de sécurité sociale, « qu'elle fût ou non fondée » ne peut pas être rétroactive anticipée par la cour d'appel de Nouméa (10 juillet 2014 - RG 13/45). En tout état de cause, M. [J] n'a pas produit d'éléments permettant à la juridiction d'apprécier le montant des cotisations assises sur ses seules relations assises avec HYPERMAT.
Enfin elle sollicite le règlement de 1 500 000 XPF au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel outre la condamnation aux entiers dépens de M. [J].
***
Par écritures en réponse datées du 10 mai 2022, M. [J] a demandé la confirmation du jugement entrepris.
Pour ce qui concerne la prescription de son action, il indique que ce moyen n'avait pas été soulevé par HYPERMAT en première instance : la société serait irrecevable à la soulever en cause d'appel. Quant à la prescription proprement dite, elle ne saurait prospérer, M. [J] ayant travaillé jusqu'en février 2017.
Sur l'intérêt à agir et la recevabilité des demandes, il fait état de décisions de la cour de cassation (Soc. 23 novembre 2005) et de la cour de Nouméa (30 novembre 2020) qui, dans des affaires similaires, déboutent les employeurs s'agissant du défaut de qualité pour agir.
Quant à la requalification, son conseil expose qu'il convient de distinguer deux phases : avant et après la signature du contrat de prestation de services le 25 février 2015. Dans le premier cas, en l'absence d'écrit succédant au CDD signé le 05 février 2015, la relation contractuelle doit être présumée s'être poursuivie en CDI. Pour la période postérieure, elle indique que de nombreux éléments constituant un « faisceau d'indices » démontrent « la poursuite du lien de subordination » entre les parties.
Il soutient que l'inscription d'une personne physique au registre du commerce ou des artisans est présumée agir indépendamment et qu'il s'agit d'une présomption simple, le juge n'étant pas tenu par la qualification que les parties ont donné à leur relation qu'il doit apprécier in concreto.
Au cas d'espèce, il relève qu'à plusieurs égards, ses conditions de travail effectives au sein du SAV caractérisaient l'existence d'un contrat de travail.
· Des obligations contractuelles caractérisées par l'équivalent d'une véritable fiche de poste jusqu'en février 2015 soit un document intitulé « Obligations de M. [J] envers la société HYPERMAT » signé par le directeur et ne laissant aucune indépendance au requérant tant sur la détermination des tarifs, l'entretien de l'atelier mais également du « magasin », mise à disposition de matériel, inventaire mensuel des stocks de pièces et machines.
· L'intégration dans un service organisé : obligation de poursuivre son activité dans l'atelier accolé au bâtiment principal où il travaillait comme salarié, mise à disposition par HYPERMAT du matériel de réparation et des pièces détachées, intervention des salariés du magasin pour soulever des machines trop lourdes.
· Horaires de travail imposés : il devait travailler de 08.00 à 14. 00 du lundi au vendredi, les heures d'ouverture et de fermeture du SAV qui correspondaient à ses horaires en qualité de salarié
· Contrôle des horaires : M. [J] était tenu de pointer au sein de l'entreprise ce qui ressort de l'attestation de Mme [G] chef comptable qui ne procédait au paiement des prestations qu'après remise des fiches de pointage dont l'existence avait été reconnue par HYPERMAT. Enjointe par jugement du 07 août de les produire, elle indiquait ne pas les avoir conservées.
· Exclusivité de l'activité pour HYPERMAT : M. [J] n'avait pas la possibilité de travailler pour d'autres clients pendant qu'il se trouvait occupé au SAV
· Absence de risque économique : Le requérant ne supportait aucun risque financier et les indemnisations de clients suite à une perte étaient effectuées par MR BRICOLAGE
· Rémunération imposée et mensuelle : le tarif horaire était fixé par M. BRICOLAGE et ne sera jamais modifié jusqu'à son départ. Le paiement était au mois
· Versement de primes réservées au salarié : il recevait une prime de panier (pause déjeuner) à l'instar des autres salariés
Il indiquait d'ailleurs que, contrairement à ce que prétendait l'employeur, il n'avait jamais demandé à travailler comme patenté car son statut de salarié lui convenait parfaitement. L'examen de ses revenus avant et après la prise de sa patente est éloquent : il perçoit à peu de choses près les mêmes revenus à cette différence près qu'il doit désormais payer ses charges sociales.
Il observe à cet égard que la lettre dactylographiée du 03 février 2009 est un courrier « fourni par l'employeur » qui n'envisage qu'une subordination hiérarchique. Il cite en ce sens un document le document précité intitulé « Obligations de [H] [J] envers HYPERMAT SAS » (pièce no 10) et d'un courriel de 2012 faisant état de remontrances de l'encadrement de MR BRICOLAGE consécutives à des plaintes de clients ou de fournisseurs (pièce 3 appelant).
Par ailleurs, il indiquait se trouver sous la subordination économique d'HYPERMAT puisqu'il travaillait au mois 6 h / jour soit un 3/4 de temps soit 130 h par mois et que la revalorisation ordonnée par le premier juge devait être confirmée en application du statut de la convention collective commerce qui pour un « chef d'atelier SAV » détermine une qualification niveau V 3e échelon.
Il demande également confirmation de la requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, la confirmation du salaire mensuel de référence à 227 247 XPF outre un rappel des salaires de 2 813 397 XPF, un rappel des congés payés pour 2013 à 2016 d'un total de 1 156 000 XPF, un rappel des primes d'ancienneté à hauteur de 463 288 XPF outre 1 094 248 XPF de rappel de primes de fin d'année, 181 798 XPF d'indemnité légale de licenciement en application de l'article 88 de l'AIT et 1 220 593 XPF de remboursement de cotisations RUAMM pour la période de 2012 au 24 février 2017.
S'agissant de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse au titre de laquelle le premier juge lui avait accordé 2 272 470 XPF soit 10 mois de salaire et qui serait très inférieure au barème habituel de la cour d'appel de Nouméa. Il sollicite une somme de 6 059 900 XPF soit 20 mois de salaire (sic or 227 247 X 20 = 4 544 940 XPF) à raison de son ancienneté (8 ans) et de son âge (60 ans).
Il demande enfin :
· Une indemnisation au titre du préjudice moral et financier lié aux conditions vexatoires de son départ et du fait «...qu'il n'a pu bénéficier des avantages liés aux cotisations patronales et salariales dans le but de se constituer une retraite », soit 5 000 000 XPF au lieu des 600 000 XPF attribués par le tribunal outre la régularisation des cotisations CAFAT et CRE sous astreinte de 10 000 XPF / jour, la remise des documents sociaux et 450 000 XPF de frais irrépétibles d'appel et la condamnation d'HYPERMAT aux dépens d'instance et d‘appel.
***

SUR QUOI, LA COUR
Sur l'argument tiré de la prescription de l'action
S'agissant d'une fin de non-recevoir au sens de l'article 123 du CPCNC et non d'une exception de procédure, la prescription peut être invoquée en tout état de cause.
Au cas d'espèce, la requête introductive d'instance date du 21 février 2018 et M. [J], sans préjuger à ce stade de la qualification contractuelle de la relation, a travaillé jusqu'en février 2017. La prescription invoquée sera donc rejetée.
Sur la recevabilité de l'action engagée et le défaut de qualité pour agir :
M. [J] a engagé son action au titre des circonstances et conséquences de la rupture considérant qu'il s'agit d'un contrat de travail, le débat portant désormais sur le bien fondé ou non de son analyse. Cette fin de non-recevoir sera écartée.
Sur l'existence d'un contrat de travail de février 2009 à 2016
Il appartient à celui qui se prévaut de l'existence d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail, dans un service organisé, sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
De ce point de vue, la qualification donnée par les parties à leur relation ne saurait s'imposer au juge qui doit caractériser l'existence du lien de subordination en appréciant ni les conditions dans lesquelles est exercée l'activité.
La loi instaure une présomption de non salariat simple pour les personnes physiques inscrites aux différents registres et répertoires professionnels qui tombe lorsqu'il est démontré que l'intéressé fournit directement ou par personne interposée, des prestations dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard d'un donneur d'ouvrage.
Il est constant que M. [J] a été embauché par HYPERMAT du 6 octobre au 4 novembre 2008 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée à temps partiel (30 heures hebdomadaires) en qualité de mécanicien SAV VENDEUR, niveau II, échelon 3, moyennant un salaire mensuel brut de 150 000 XPF. Ce contrat a été complété par trois avenants d'un mois qui l'ont prolongé jusqu'au 4 février 2009.
Un contrat de prestation de service signé le 02 février 2009 avec entrée en vigueur au 04 février était signé entre les parties (pièce no 42 HYPERMAT non produite en première instance) par lequel HYPERMAT s'engageait à mettre à disposition de M. [J] dans le cadre de réparations relevant de son SAV un atelier dans les locaux de son magasin muni des équipements nécessaires et pièces détachées afférentes en contrepartie d'un taux horaire de 1900 XPF payable sur facture fin de mois avec un « relevé du temps passé au cours du mois écoulé ». La prestation s'effectuait du lundi au vendredi de 08.00 à 14.00.
L'employeur lui remettait un certificat de travail daté du 25 février 2009 et son solde de tout compte le 26 février 2009.
Dès la fin février 2009, il présentait une facture « SAV FÉVRIER » d'où il résultait qu'il avait travaillé en qualité de travailleur indépendant durant 102 heures soit 17 jours de 8h à 14h et pour un montant de 202 490 XPF soit un taux horaire 1 900 XPF (pièce No9).
En qualité de salarié à 30 h / semaine, il touchait 150 000 XPF / mois contre 228 000 XPF sur une base horaire de 1900 XPF X 120 en qualité de prestataire.
Le 26 juin 2009, M. [J] prenait une patente de mécanicien en réparation, entretien de matériel agricole sous la forme d'une EURL s'est inscrit au RIDET à compter du 26 juin 2009 sous la désignation commerciale de SOS MECA BROUSSE (pièces No21 et 22).
Par la suite un nouveau contrat de prestation de service reprenant les termes du précédent de 2009 était signé et s'appliquera jusqu'à la fin de la relation contractuelle le 24 février 2017 suite au courrier de résiliation du 22 novembre 2016 (pièce 8 - [J]).
Critiquant la décision du premier juge, HYPERMAT expose en substance que les critères retenus par la jurisprudence pour établir l'existence d'un lien de subordination n'étaient pas réunis qu'il s'agisse de l'insertion au sein d'un service organisé, de l'existence de directives et d'instructions, du pouvoir de sanction ou de rappel à l'ordre et de la dépendance économique.
S'agissant de l'insertion au sein d'un service organisé, il expose qu'un SAV a vocation à s'insérer, comme son nom l'indique, en suite de ventes réalisées par le magasin. Le fait qu'il se trouve dans l'immeuble du magasin serait-ce avec une entrée réservée ainsi qu'attesté par le constat d'huissier et dans les mêmes locaux que ceux où il exerçait en tant que salarié est une exigence qui peut s'entendre dans la mesure où tout le matériel se trouve sur place et où les clients ont l'habitude de s'y rendre.
Pour autant, s'agissant du matériel, il sera en vain fait état par l'appelant de ce que M. [J] utilisait le sien qu'il avait offert d'utiliser dans un courrier du 02 mars 2019 puisque les deux contrats de 2009 et 2015 prévoient très exactement en leur article 3 que c'est HYPERMAT qui fournissait les « équipements nécessaires » à la réalisation de la prestation dans l'atelier. Quant au fait que SOS MECA BROUSSE achetait du matériel auprès de Mr BRICOLAGE qu'il aurait pu l'utiliser en sa qualité de prestataire, non seulement il n'est pas établi qu'il l'utilisait dans le cadre des deux contrats précités mais il résulte des écritures mêmes de l'appelant que le demandeur effectuant entre 2/3 et 3/4 de son chiffre d'affaires à l'extérieur : il pouvait donc parfaitement utiliser ce matériel hors de l'atelier de Mr BRICOLAGE. A cet égard, il sera relevé, au vu des chiffres fournis par les parties qu'il a réalisé de 2010 à 2012 entre un 1/4 et un 1/3 de son chiffre d'affaires avec HYPERMAT ce qui constituait une dépendance très conséquente pour un artisan indépendant. Il est vrai néanmoins qu'il n'a ni fourni ni publié les comptes de ses exercices suivants de sorte que ce critère ne saurait être déterminant.
D'après HYPERMAT, M. [J] « administrait librement le service après-vente » sous réserve d'être disponible du lundi au vendredi de 08.00 à 14.00, horaires « contractuellement définis », la société se bornant à lui demander de s'accommoder des horaires d'ouverture de ses sites ainsi que la fourniture de ses services à proximité du magasin «... pour des raisons pratiques d'organisation et de réalisation de la prestation ». Or cet argument ne résiste pas à l'analyse puisque M. [J] se devait d'être présent du lundi au vendredi de 08.00 à 14.00 dans les mêmes conditions que lorsqu'il était salarié. Dire qu'il n'était tenu à aucun volume ni quota d'heures de travail effectif puisque les horaires variaient « systématiquement » d'un mois à l'autre ne résiste pas à l‘examen des factures produites dont la plupart font état d'horaires mensuels compris entre 18 et 21 jours soit l'équivalent d'un 3/4 temps. Pour mémoire, il n'est pas contesté que le règlement des factures [E] par le comptable d'HYPERMAT n'était effectué qu'après contrôle des fiches horaires de M. [J] d'où il résulte que ce dernier pointait en arrivant et en quittant le SAV à l'instar de tout salarié.
Concernant l'absence d'instruction et de sanction, M. [J] fait état d'une « lettre d'engagement » à en-tête de M. BRICOLAGE ni datée ni signée listant les obligations lui incombant sur un mode pour le moins directif.
HYPERMAT a soutenu devant le premier juge que ce document fixait un « cadre administratif » librement établi entre les parties « sous forme d'une liste de travaux attendus » à l'exclusion de toute instruction évoquant une fiche de poste par nature beaucoup plus précise. Outre qu'elle ne figure dans aucune des deux contrats, cette liste de tâches comprenant s'énonce ainsi : « gestion des stocks de pièces et machines avec inventaire tournant tous les mois / entretien de l'atelier et matériels mis à disposition / participation aux travaux d'entretien du magasin / aide au montage des matériels destinés à la vente / entretien du véhicule élévateurs et transpalettes du magasin / en règle générale [H] [J] se doit de participer à la rentabilité du SAV avec mise en place des procédures et en aucun cas des suppléments seront facturés / devis SAV hors garantie / suivi des dossiers / facturation au tarif défini et décidé par la Direction ».
Or cette lettre apparaît ne laisser quasiment aucune marge de manoeuvre à M. [J]. Ainsi par exemple, si la participation de M. [J] aux travaux d'entretien de l'atelier peut s'entendre, sa participation à l'entretien du magasin ne peut se justifier que s'il est encore employé d'HYPERMAT. En outre, le fait d'une part que les factures du SAV étaient réglées à Mr BRICOLAGE par le client et non à [E] et d'autre part, que le prix des prestations ainsi payées l'étaient sans aucune marge de manoeuvre « au tarif défini et décidé par la Direction » accentue le caractère salarié.
En cause d'appel, l'employeur fait désormais état de ce que ce document est dépourvu de toute valeur juridique et qu'il a été remplacé par la convention de prestations de services signée le 02 février 2009. Loin d'en nier l'existence, il indiquait qu'il s'agissait d'un « document intermédiaire » établi dans le cadre des discussions « portant sur les modalités commerciales établies entre les parties. ».
Ce revirement ne fera guère illusion : ce document a toutes les apparences d'une liste de travaux : ceci est d'autant plus vrai que si ce document avait figuré tel quel dans le contrat de prestations de services, il n'aurait pas manqué de signer à lui seul l'existence d'un contrat de travail tant il correspond précisément au travail que M. [J] fournissait lorsqu'il était salarié.
Par ailleurs, HYPERMAT allègue qu'elle n'a jamais sanctionné ni rappelé à l'ordre M. [J] alors même qu'il avait parfois adopté avec des clients un comportement « dilettante et même outrancier » qui eut justifié un rappel à l'ordre s'il avait été salarié. En réalité, il ressort d'un mail versé au dossier que suite à diverses récriminations, certes ponctuelles, de clients ou de fournisseurs, M. [J] avait l'objet en 2012 de remontrances dans le bureau de M. [L] le directeur en présence de deux cadres, ce qui s'apparente bien plus à la situation d'un salarié réprimandé par son employeur qu'à deux contractants évoquant les modalités d'exécution de leur convention.
Il sera rappelé que les parties avaient signé à l'origine un contrat de travail de 4 mois préalable au contrat de prestations de service ce qui peut autoriser quelques doutes sur la spontanéité de la demande de changement de contrat par M. [J] étant ici observé que la lettre par laquelle M. [J] propose d'exercer pour l'avenir en qualité de patenté date du 03 février 2009 quand le contrat de prestations de services, qui n'avait pas été produit en première instance, date du 02 mars 2009 soit la veille.
Pour mémoire, la doctrine (Le contrat de travail - Dalloz 2e édition p. 68) définit le travail subordonné comme celui qui s'accomplit au lieu et suivant l'horaire prescrit, par un salarié travaillant seul sans aucun auxiliaire rémunéré par lui avec un matériel et des matières premières ou produits fournis par l'employeur ce qui induit un examen du contrôle de l‘employeur, de l'existence d'un pouvoir de sanction et les conditions matérielles de l'activité. La jurisprudence (Soc.21 juin 1978) rappelle qu'il y a contrat de travail lorsque les directives données ne laissent aucune place à quelque initiative personnelle ou lorsqu'en raison de la régularité des compte-rendus, son activité est soumise à un contrôle strict.
Il y a donc lieu de constater qu'en l'espèce un faisceau d'indices concordants est réuni qui caractérise le lien de subordination entre les parties et autorise à requalifier en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel la relation contractuelle entre les parties du 04 février 2009 au 24 février 2017.
Sur la revalorisation de la qualification du requérant
M. [J] indique qu'au vu de la convention collective du commerce, il doit être qualifié en qualité d'ouvrier niveau V, 3e échelon, conformément aux documents contractuels. La compétence professionnelle de M. [J] n'est pas contestée dans sa gestion du SAV : il est fondé en application de la convention collective du commerce, à solliciter sa qualification en qualité d'ouvrier niveau V, 3e échelon qui correspond au poste de chef d'atelier SAV.
Sur le licenciement
Sur la régularité du licenciement
La requalification de la relation contractuelle des parties en contrat de travail à durée indéterminée conduit à appliquer à la rupture du contrat les règles régissant le licenciement (Cass. Soc. 13 nov 1986, no 84-44.744, Bull. p.392). En l'espèce, il est constant que l'employeur n'a pas respecté la procédure prévue par l'article Lp.122-4 du CTNC. La rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. Soc., 25 juin 2003, RIS 2003, no 994 ; Dr. soc. 2003, p. 817) ;
La procédure est donc irrégulière.
Sur la légitimité du licenciement
Le licenciement n'est légitime que s'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui nécessite la preuve de griefs matériellement vérifiables et objectifs qui sont suffisamment pertinents et rendent inéluctables la rupture du contrat de travail.
La requalification de la relation contractuelle des parties en contrat de travail à durée indéterminée, le caractère réel et sérieux du licenciement ne peut être constitué par la seule survenance de la résiliation de la relation conventionnelle.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige et en l'absence de lettre de licenciement, l'absence de motifs notifiés au salarié le rend dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Il est constant que la défenderesse n'a pas adressé de lettre de licenciement au salarié d'où il résulte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les créances salariales
Sur le salaire de référence et la durée du travail du requérant:
Le salaire de référence est déterminé en prenant en compte selon la formule la plus avantageuse, le salaire mensuel servant de base au calcul de l'indemnité de licenciement correspondant au 12ede la rémunération totale brute, incluant les accessoires du salaire et les avantages en nature perçus au cours des douze derniers mois précédant le licenciement ou le tiers des trois premiers mois (primes et gratifications exceptionnelles ou annuelles sont prises en compte au prorata du temps de présence).
En l'espèce, en application de la convention collective du commerce, le salaire mensuel que le requérant aurait dû percevoir est de 302 995 XPF pour un temps plein effectué sur la base de 30 heures par semaine soit un 3/4 de temps partiel d'où un salaire mensuel minimum fixé à la somme mensuelle de 227 247 XPF qui n'est pas contesté par les parties.
Sur le rappel de salaires
Au regard des pièces versées au dossier (avenants au contrat et bulletins de salaires), il ressort que M. [J] percevait un salaire minimum conventionnel de 283 240 XPF pour les années 2013 et 2014, puis 286 525 XPF à compter du 1e janvier 2015 et 302 995 XPF pour 169 heures de travail. Ces montants n'ont pas été contestés par la défenderesse en leur montant, la seule réserve concernait le temps partiel: M. [J] est donc fondé à réclamer un 3/4 temps de 2 813 397 XPF à titre de rappel de salaires dans la limite de la prescription quinquennale et conformément à son tableau récapitulatif (pièce no17) validé par le tribunal.
Sur le rappel de congés payés
L'article Lp. 241-1 du CTNC dispose : "Tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur dans les conditions fixées au présent chapitre. "
Selon les dispositions l'article Lp. 241-2 du Code du travail, le salarié qui, au cours de l'année de référence, justifie avoir travaillé chez le même employeur pendant un temps équivalent à un minimum d'un mois de travail effectif a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail.
La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables.
Selon les dispositions de l'article Lp. 241-2 du Code du travail « Le congé annuel prévu à l'article Lp. 241-2 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Pour la détermination de la rémunération totale, il est tenu compte :
1o De l'indemnité de congé de l'année précédente ;
2o Des indemnités afférentes au repos compensateur pour heures supplémentaires éventuellement accomplies ;
3 o Des périodes assimilées à un temps de travail par les articles Lp. 2414-3 et Lp. 241 -4.
L'indemnité est calculée proportionnellement à la durée du congé effectivement dû. »
HYPERMAT indique que le tribunal n'a dans sa décision tenu aucun compte des absences de M. [J] de 2009 à 2017. Il fournit à cet effet un document (pièce 34) qui s'analyse en un décompte unilatéral qu'il a lui-même effectué. Il en conclut que M. [J] a bénéficié de plus de jours de congés que ceux auxquels il aurait eu droit s'il avait été salarié.
S'il est vrai que M. [J] en sa qualité de prestataire n'avait pas à déclarer ses congés, il s'avère que cet élément ne saurait faire foi puisque non signé ni approuvé par M. [J].
Ce dernier est en conséquence fondé à solliciter une indemnité compensatrice de congés payés tenant compte de son contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel ainsi que de la prescription quinquennale dans les mêmes termes que le décompte effectué par le premier juge soit 212 430 XPF (2013), 212 430 XPF (2014), 214 894 XPF (2015) et 227 247 XPF pour 2016 soit un total de rappel de congés payés de 867 001 XPF.
Sur le rappel des primes d'ancienneté
L'article 23 "Prime d'ancienneté" de la convention collective commerce prévoit que "Tout agent relevant des catégories ouvrier, employé, technicien ou agent de maîtrise bénéficie d'une prime d'ancienneté sous forme d'une majoration de 2 % à partir de la 3ème année à laquelle s'ajoutera 2 % pour chaque nouvelle période de deux ans accomplis et jusqu'à la vingtième année.
La durée du service sera décomptée à partir du 1e janvier précédant l'embauche pour les employés engagés au cours du premier semestre et du 1e janvier suivant l'embauche pour ceux engagés au cours du deuxième semestre.
En l'espèce, M. [J] est ainsi fondé à solliciter la somme de 463 288 XPF à titre de rappel sur primes d'ancienneté. Il sera fait droit à ce chef de requête.
Sur le rappel de primes de fin d'année :
L'article 25 "Prime de fin d'année " de la convention collective commerce prévoit que les agents relevant des catégories ouvrier, employé, technicien ou agent de maîtrise bénéficieront d'une gratification de fin d'année dont le mode de calcul et de répartition sera déterminé par accord d'établissement
En l'espèce, faute d'accord d'entreprise et en l'absence de contestation par l'appelant dans ses écritures, il convient d'appliquer la jurisprudence de la cour d'appel de Nouméa qui accorde au salarié en compensation de la perte des primes de fin d'année, un mois de salaire pour une année au prorata du temps de présence en entreprise.
En conséquence et en application de cette jurisprudence, il convient d'allouer à M. [J] la somme de 1. 094 248 XPF à titre de rappel sur primes de fin d'année.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis
L'article Lp. 122-22 du Code du travail dispose : "Lorsque le licenciement n 'est pas motivé par une faute grave le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d 'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, a un préavis de deux mois. » complété par l''article 87 de l 'AIT lequel précise dispose que "dans le cas de démission ou de licenciement pour motif autre qu'une faute grave commise par le travailleur, ou autre qu'un cas de force majeure, le délai-congé est de deux mois pour un travailleur ayant une ancienneté continue comprise entre deux ans et dix ans. En cas de licenciement, l'inobservation du délai-congé par l'une ou l'autre des parties ouvre droit, sauf faute grave du salarié à une indemnité compensatrice distincte de l'indemnité de licenciement. "
Il sera rappelé que la relation contractuelle liant les parties a été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée et que la rupture de ce contrat s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. [J] possède une ancienneté de 8 ans et 3 mois et a donc droit à un préavis de deux mois. La défenderesse ne verse aucun élément de preuve établissant que M. [J] aurait perçu à la suite de la résiliation du contrat une somme au titre de préavis.
Dès lors, M. [J] se verra accorder deux mois de préavis soit la somme de 454 494 XPF (227 247 XPF x 2) outre celle de 45 449 XPF au titre des congés-payés sur préavis.
Sur le remboursement des cotisations RUAMM (Régime unifié d'assurance maladie) et MPL (Mutuelle des Patentés et Libéraux) :
M. [J] n'a pas bénéficié de la couverture maladie de la CAFAT prévue pour les salariés ni de la mutuelle. Pour bénéficier d'une couverture maladie, il s'est acquitté durant la patente requalifiée en contrat de travail des cotisations RUAMM et MPL dont il justifie (pièce no19).
HYPERMAT conteste ce point faisant état de ce qu'il n'est connu de la CAFAT que sous l'identité [E] et qu'elle-même n'a eu recours et a signé avec l'Eurl [E] alors que l'article Lp 16 de la loi de pays 2001-016 du 11 janvier 2002 cantonne aux seules personnes physiques le remboursement des cotisations et contributions dues à la caisse en cas de contrat de travail. Elle argue en outre d'une décision de la cour de cassation d'où il résulterait que l'affiliation à un régime de sécurité sociale ne peut être rétroactive (Soc. 24 mai 2018, no 16-19.896), le premier juge ayant par sa décision violé le principe de non-rétroactivité.
En outre d'une part, HYPERMAT rappelle que les cotisations sociales de [E] sont assises sur son chiffre d'affaires : aucun bilan n'étant fourni, il est impossible pour la cour d'apprécier le montant des cotisations concernant les seules relations avec HYPERMAT et d'autre part toutes les sommes antérieures au 20 février 2013 sont prescrites (requête introductive du 21 février 2018 moins 5 ans). Au titre des cotisations RUAMM et MPL, elle expose que la somme à régler ne saurait être supérieure à 734 535 XPF.
Pour ce qui concerne la violation du principe de non rétroactivité en matière d'affiliation à la sécurité sociale, il sera simplement relevé qu'il s'agit d'indemniser un préjudice né de l'obligation faite à M. [J] de s'affilier au RUAMM et de son choix d'adhérer à la MPL et non de faire rétroagir son régime d'assurance : cet argument sera écarté.
En revanche, il est parfaitement exact qu'en l'absence de déclarations concernant les chiffres d'affaires des exercices 2013 et suivants, le montant des cotisations sociales afférentes ne peut être apprécié avec précision. M. [J] eut été bien inspiré à cet égard de fournir soit les documents que n'aurait pas manqué de lui fournir son comptable soit les déclarations fiscales pertinentes effectuées au titre de l'Eurl.
Il sera en conséquence fait partiellement droit à sa demande de réparation du préjudice de M . [J] à ce titre mais à hauteur de la proposition d'HYPERMAT soit 734 535 XPF pour la période allant de 2012 au 24 février 2017 en tenant compte de la prescription quinquennale.
2. Sur les créances indemnitaires
Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
En application des dispositions de l'article Lp. 122-35 du Code du travail de Nouvelle-Calédonie, si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, a la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Si ce licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, en cas de deux ans ou plus d'ancienneté.
M. [J] sollicite 6 059 000 XPF de ce chef quand HYPERMAT propose 6 mois de salaire soit le minimum prévu par l'article Lp 122-35 CTNC.
M. [J] se verra allouer 2 272 470 XPF (10 mois de salaire) à titre d'indemnité eu égard au salaire et à l'ancienneté du salarié et de son âge (60 ans).
Sur l'indemnité légale de licenciement
L'article 88 de l'AIT dispose que "lorsque le travailleur compte deux ans d'ancienneté continue au service du même employeur, il a droit, sauf en cas de faute grave ou en cas de force majeure ou en cas de départ si la retraite à une indemnité minimum de licenciement calculée sur la base :
· De 1/10e de mois par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans d'ancienneté
· De 1/10e de mois par année d'ancienneté plus 1/15e de mois par année d'ancienneté sur la période au-delà de 10 ans d'ancienneté.
Le salaire servant de base au calcul de l'indemnité est le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé le tiers des trois derniers mois, étant entendu que, dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, qui aurait été versée au salarié pendant cette période, ne serait prise en compte que prorata temporis. Cette indemnité de licenciement ne se cumule pas avec toute autre indemnité de même nature, et ne supporte pas de cotisations sociales. "
Ce texte est parfaitement clair : à l'inverse du droit métropolitain qui admet (article L 1235-3) le cumul d'une indemnité de rupture pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec l'indemnité légale de licenciement s'agissant d'une « indemnité de même nature » au sens de l'article 88 de l'AIT, c'est à tort que le premier juge a alloué à M. [J] la somme de 181 798 XPF au titre de l'indemnité légale de licenciement.
Sa demande à cet égard sera en conséquence rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier
Il est de jurisprudence constante qu'un licenciement même justifié par une cause réelle et sérieuse ne doit pas être vexatoire et qu'à défaut l'employeur peut être condamné à payer au salarié des dommages-intérêts.
M. [J] sollicite une somme de 5 000 000 XPF en réparation de ses préjudices moral et financier découlant des conditions vexatoires et abusives liées à la rupture de son contrat de travail.
Or il ne rapporte pas la preuve de conditions vexatoires liées à la rupture de son contrat de travail même s'il est indéniable que l'employeur n'a pas respecté la procédure de licenciement et a exécuté avec déloyauté le contrat de travail en imposant à M. [J] des contraintes et des conditions de travail difficiles (pièce no12 requérante) dans le cadre de leurs relations contractuelles.
Ces faits ont incontestablement causé un préjudice distinct de celui causé par la rupture qu'il convient de réparer par l'octroi au salarié d'une somme de 600 000 XPF à l'instar de ce qui a été accordé par le premier juge.
Sur la régularisation des cotisations CAFAT et CRE
ll convient de condamner la défenderesse à régulariser la situation du requérant auprès des organismes sociaux CAPAT et CRE dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la présente décision.
Sur la remise des documents sociaux aux salariés
En application des articles Lp. 122-31 et Lp. 143-6 du Code du travail de Nouvelle-Calédonie, il convient de confirmer la remise ordonnée par le tribunal au requérant de son certificat de travail indiquant la période travaillée, ses bulletins de salaires rectifiés et son solde de tout compte dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision.
Sur l'exécution provisoire
Il sera rappelé que l'exécution provisoire est de droit en cause d'appel
Sur les frais irrépétibles
L'article 700 du Code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie dispose que dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. ll peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.
En l'espèce, il serait inéquitable de laisser à la charge du demandeur les frais non compris dans les dépens qu'il a été conduit à exposer pour la défense de ses intérêts : il convient en conséquence de condamner la défenderesse à lui verser la somme de 300 000 XPF au titre des frais irrépétibles pour l'entière procédure.
Sur les dépens
La SAS HYPERMAT qui succombe supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a :
· requalifié la relation contractuelle entre les parties de février 2009 au 24 février 2017, en contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel sur la base de 30 heures par semaine (3/4) avec la quali cation d'ouvrier niveau V, 3e échelon en application de la convention collective du commerce ;
· dit que monsieur [H] [J] a fait l'objet d'un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
· Fixé le salaire de référence du salarié à la somme de 227 247 XPF / mois sur la base de 30 heures par semaine soit un temps partiel de trois quarts ;
· condamné la SAS HYPERMAT exerçant sous l'enseigne Mr. BRICOLAGE à régulariser la situation de M. [J] auprès des organismes sociaux et lui remettre les documents de fin de contrat ainsi qu'à lui régler les sommes suivantes:
1. deux millions huit cent treize mille trois cent quatre-vingt-dix-sept francs (2 813 397) au titre du rappel de salaires
2. huit cent soixante-sept mille un (867 001) XPF au titre du rappel de congés payés;
3. quatre cent soixante-trois mille deux cent quatre-vingt-huit (463 288) francs à titre de rappel sur primes d'ancienneté ;
4. un million quatre-vingt-quatorze mille deux cent quarante-huit (1 094 248) francs à titre de rappel sur primes de fin d"année ;
5. quatre cent cinquante-quatre mille quatre cent quatre-vingt-quatorze (454 494) francs au titre du préavis outre quarante-cinq mille quatre cent quarante-neuf (45 449) francs au titre des congés-payés sur préavis ;
6. deux millions deux cent soixante-douze mille quatre cent soixante-dix francs (2 272 470) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
7. six cent mille (600 000) francs CFP à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct ;
INFIRME le jugement pour le surplus et statuant à nouveau ,
CONDAMNE la SAS HYPERMAT à verser à M. [J] les sommes suivantes :
· sept-cent trente-quatre mille cinq cent trente-cinq francs (734 535 XPF) en remboursement des cotisations RUAMM et MPL concernant la période de travail de 2012 au 24 février 2017 ;
· deux cent cinquante mille francs (250 000) XPF au titre des frais irrépétibles pour l'entière procédure ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE HYPERMAT SAS aux dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 21/000827
Date de la décision : 10/11/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-11-10;21.000827 ?
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