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24/10/2022 | FRANCE | N°21/000897

France | France, Cour d'appel de noumea, 02, 24 octobre 2022, 21/000897


No de minute : 79/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 24 octobre 2022

Chambre sociale

Numéro R.G. : No RG 21/00089 - No Portalis DBWF-V-B7F-SPM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 septembre 2021 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG no :19/202)

Saisine de la cour : 22 octobre 2021

APPELANT

M. [H] [D]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Martin CALMET de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

DIRECTION DE L'ACTION

SANITAIRE ET SOCIALE - PROVINCE NORD,
Siège : [Adresse 5]
Représentée par Me Myriam LAGUILLON de la SELARL LEXNEA, avocat au barre...

No de minute : 79/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 24 octobre 2022

Chambre sociale

Numéro R.G. : No RG 21/00089 - No Portalis DBWF-V-B7F-SPM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 septembre 2021 par le tribunal du travail de NOUMEA (RG no :19/202)

Saisine de la cour : 22 octobre 2021

APPELANT

M. [H] [D]
né le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Martin CALMET de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

DIRECTION DE L'ACTION SANITAIRE ET SOCIALE - PROVINCE NORD,
Siège : [Adresse 5]
Représentée par Me Myriam LAGUILLON de la SELARL LEXNEA, avocat au barreau de NOUMEA

AUTRE INTERVENANT

CAISSE DE COMPENSATION DES PRESTATIONS FAMILIALES DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DE PREVOYANCE (CAFAT),
Siège : [Adresse 2]
Représentée à l'audience par Mme Cécile BETFORT, juriste

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
M. François BILLON, Conseiller,
M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Philippe ALLARD.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. François BILLON, Conseiller en remplacement de M. Philippe ALLARD, président empêché, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

Par acte du 2 août 2018, M. [D] a été recruté par la province Nord en qualité de « médecin-chef » pour la période du 1er août 2018 au 31 octobre 2018, en vue d'une affectation au « centre médico-social de [Localité 4] ».

Selon un certificat médical initial daté du 26 août 2018 qu'il avait lui-même établi et dans lequel il était fait état d'un accident du travail survenu le 17 août 2018, M. [D] a été placé en arrêt de travail pour la période du 26 août 2018 au 5 septembre 2018 pour une « hypoxie respiratoire après inhalation poussière avec dénaturation oxygène - élévation de la tension artérielle ».

Selon certificat médical du 4 septembre 2018, établi par le docteur [J], pneumologue, l'arrêt de travail a été prolongé du 6 septembre au 17 septembre 2018. Ce même praticien prolongera ultérieurement cet arrêt de travail jusqu'au 16 avril 2019, date à laquelle le docteur [O], pneumologue, a retenu une « consolidation avec séquelles » à cette date et prévu une reprise du travail le 22 avril suivant.

M. [D] a été hospitalisé à la clinique Ile Nou Magnin du 14 septembre 2018 au 16 septembre 2018.

Le 11 septembre 2018, M. [D] a déposé une déclaration d'accident du travail dans laquelle il datait l'accident au 17 août 2018 à 12 heures et liait son affection aux travaux de rénovation du logement de fonction et du dispensaire.

Le 19 septembre 2018, M. [D] a établi une nouvelle déclaration d'accident du travail fixant la date de l'accident du travail au 10 août 2018 à 8 heures.

Selon « notification d'attribution de rente pour incapacité permanente » en date du 27 novembre 2019, la CAFAT a informé M. [D] qu'un « taux d'incapacité permanente partielle avait été fixé à 5 % à la date de consolidation de (son) état, le 23 avril 2019. »

Selon requête introductive d'instance déposée le 10 septembre 2019, M. [D] a introduit devant le tribunal du travail de Nouméa une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et en requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée.

La DPASS Nord a contesté le caractère professionnel de l'accident allégué et admis que le contrat de travail n'avait pas mentionné le motif du recours à un contrat à durée déterminée.

Par jugement en date du 23 septembre 2021, la juridiction saisie a :
- requalifié le contrat à durée déterminée conclu entre les parties le 21 août 2018 en contrat à durée indéterminée,
- dit que l'accident en date du 10 septembre 2018 dont se prévalait M. [D] n'était pas de nature professionnelle,
- dit que le contrat avait pris fin le 31 octobre 2018 par un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- dit que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable était recevable en la forme,
- débouté M. [D] de ses demandes de reconnaissance de faute inexcusable, de majoration de rente, d'expertise médicale et indemnitaires à ce titre,
- condamné la DPASS Nord à payer à M. [D] les sommes suivantes :
1.192.778 FCFP à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et serieuse
150.000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour la non-déclaration du logement de fonction comme avantage en nature,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- rappelé que l'exécution provisoire était de droit sur les créances salariales dans les limites prévues à l'article 886-2 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision à hauteur de 50 % des sommes allouées au titre des dommages-intérêts,
- condamné la DPASS Nord à payer à M. [D] la somme de 150.000 FCFP en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la DPASS Nord aux dépens.

Les premiers juges ont principalement retenu :
- que les circonstances de l'accident alléguées étaient imprécises et indéterminées et l'existence d'un lien entre les problèmes respiratoires du salarié et l'activité professionnelle n'était pas établie ;
- que le motif du recours à un contrat à durée déterminée n'étant pas mentionné dans le contrat du 2 août 2018, ce contrat devait être réputé conclu à durée indéterminée.

Par requête déposée le 22 octobre 2021, M. [D] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de son mémoire ampliatif déposé le 6 janvier 2022, M. [D] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, dit que le contrat avait pris fin le 31 octobre 2018 par un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la DPASS Nord à lui payer la somme de 1.192.778 FCFP à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 150 000 FCFP pour la non-déclaration du logement de fonction comme avantage en nature, condamné la DPASS Nord à lui payer la somme de 150.000 FCFP au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens, dit que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable était recevable en la forme ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que l'accident en date du 10 août 2018 n'était pas de nature professionnelle et débouté M. [D] de ses demandes de reconnaissance de la faute inexcusable, de majoration de rente, d'expertise médicale et de ses demandes indemnitaires à ce titre ;
- constater que M. [D] a été victime d'un accident du travail au dispensaire de la DPASS Nord le 10 août 2018 ;
- constater que la DPASS Nord a commis une faute inexcusable ;
- déclarer le jugement à intervenir opposable à la CAFAT .
- fixer la rente d'incapacité permanente à son maximum légal ;
- avant dire droit, ordonner une expertise médicale de M. [D] ;
- dire que la consignation à valoir sur les honoraires de l'expert sera versée par la CAFAT conformément à l'article 40 du décret no 57/245 du 24 février 1957 ;
- surseoir à statuer sur l'indemnisation de M. [D] dans l'attente du rapport d'expertise médicale ;
en tout état de cause,
- condamner la DPASS Nord à payer à M. [D] la somme de 500.000 FCFP à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;
- condamner la DPASS Nord à la suite payer la somme de 500.000 FCFP au titre des frais irrépétibles d'appel.

Selon conclusions déposées le 14 mars 2022, la DPASS Nord prie la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que l'accident déclaré par M. [D] n'avait pas de caractère professionnel ;
- à titre subsidiaire, si le caractère professionnel de l'accident était retenu, dire et juger qu'aucune faute inexcusable n'est caractérisée ;
dans tous les cas,
- condamner M. [D] à payer à DPASS Nord la somme de 600.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans des conclusions déposées le 15 mars 2022, la CAFAT demande à la cour de :
- constater que l'accident du travail du 17 août 2018 de M. [D] a été pris en charge par la CAFAT au titre de la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles ;
- en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, fixer le montant de la majoration due à M. [D] au maximum et condamner la DPASS Nord à payer à la CAFAT la somme correspondant au capital de la majoration de rente ;
- débouter M. [D] de sa demande d'expertise judiciaire ;
- si, par extraordinaire, l'expertise judiciaire était accordée, mettre les frais inhérents à cette mesure à la charge du demandeur.

Sur ce, la cour,

Les dispositions du jugement relatives à la requalification de la relation contractuelle et à ses implications juridiques ne sont pas remises en cause par l'une ou l'autre partie.

M. [D] a souffert d'un « syndrome de Brooks », diagnostiqué le 4 septembre 2018 par le docteur [J], pneumologue. Cette affection a été prise en charge par la CAFAT, à compter du 17 août 2018, au titre de la législation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les séquelles de cette affection, à savoir une « discrète dyspnée à l'effort prolongé et accompagné d'une poussée hypertensive » selon le médecin conseil de la caisse, donnent lieu au versement d'une rente pour incapacité permanente.

La date d'apparition des symptômes de ce syndrome demeure incertaine puisque :
- dans le certificat médical initial, dont il était le rédacteur, M. [D] datait l'accident au 17 août 2018 ;
- M. [D] a repris cette date dans sa déclaration d'accident du travail du 17 septembre, avant de retenir la date du 10 août 2018 dans sa seconde déclaration datée du 19 septembre 2018 ;
- alors qu'il était en mission à [Localité 6], soit sur la Grande Terre, le 25 août 2018, M. [D] n'a pas jugé nécessaire de consulter un médecin ce jour-là ;
- le témoignage de M. [F], infirmier au CMS de [Localité 4], est trop imprécis pour déterminer cette date.

Il est constant que des travaux de réfection des locaux du dispensaire de [Localité 4] et du logement affecté au médecin ont eu lieu au cours du mois d'août 2018. Mme [L], chef du service administratif et financier, évoque deux chantiers : « 1) la rénovation du CMS dont les travaux consistaient en la rénovation de la toiture, la remise en état des VRD, le remplacement des faux plafonds par du PVC et le remplacement des bandeaux bois (...) Les travaux ont débuté le 2 août 2018. 2) le changement des menuiseries du logement du médecin en passant de bois en menuiserie en aluminium et installation de volets roulants du CMS. Les travaux ont eu lieu du 9 au 14 août 2018 ».

Dans ses déclarations des 11 et 19 septembre 2018, M. [D] a lié, dans la rubrique « Causes et circonstances détaillées de l'accident », les lésions pulmonaires aux travaux de rénovation du dispensaire et du logement du médecin en mettant en cause la « poussière issue des travaux de rénovation (poussière ciment, fibre de verre etc.) » (première déclaration) ou des « résidus de mortier » (seconde déclaration).

Toutefois, dans un échange qu'il a eu avec le docteur [Y] (pièce versée par l'intéressé en première instance), M. [D] n'évoque que les « rénovations et sécurisations des fenêtres » « chez moi » ou encore la « fine poussière (ayant) diffusé partout dans la maison » provenant du « vieux béton » ou « béton résiné » qui avait été meulé : il y impute sa « crise d' asthme » aux seuls travaux exécutés dans le logement du médecin.

Ainsi que l'ont noté les premiers juges, M. [D] ne s'est, à aucun moment, plaint des conditions de travail dans le dispensaire qui a continué à être ouvert durant les travaux, sans incidence particulière sur la santé des patients ou des autres professionnels qui y travaillaient. M. [F], témoin précité, ne fait pas davantage mention de conditions de travail dégradées dans le dispensaire durant les travaux.

En l'état de ces éléments, il convient de retenir que les travaux dans le dispensaire sont étrangers au syndrome de Brooks et que les travaux dans le logement seraient donc seuls en cause.

Dans l'hypothèse où il serait tenu pour avéré que l'hypoxie dont a souffert M. [D] a été provoquée par les poussières générées par les travaux dans le logement, il ne serait pas possible de rattacher l'accident à l'exécution du contrat du travail et de lui reconnaître un caractère professionnel dans la mesure où l'appelant ne démontre pas que l'inhalation des poussières a eu lieu à un moment où il était tenu d'être dans ce logement et était sous l'autorité et le contrôle de l'employeur.

M. [D] ne démontrant pas avoir été victime d'un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail, le jugement entrepris doit être confirmé.

Par ces motifs

La cour,

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne M. [D] à payer à la DPASS Nord une somme de 300.000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] aux dépens d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 02
Numéro d'arrêt : 21/000897
Date de la décision : 24/10/2022
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-10-24;21.000897 ?
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