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10/10/2022 | FRANCE | N°21/000225

France | France, Cour d'appel de noumea, 05, 10 octobre 2022, 21/000225


No de minute : 76/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 10 Octobre 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 21/00022 - No Portalis DBWF-V-B7F-R2Y

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Mars 2021 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG no :21/08)

Saisine de la cour : 16 Mars 2021

APPELANT

S.A. GRANDE BRASSERIE DE NOUVELLE CALEDONIE (GBNC), prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Nicolas RANSON de la SARL ZAOUCHE RANSON, avocat au

barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. LE FROID, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège soci...

No de minute : 76/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 10 Octobre 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 21/00022 - No Portalis DBWF-V-B7F-R2Y

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 05 Mars 2021 par le Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA (RG no :21/08)

Saisine de la cour : 16 Mars 2021

APPELANT

S.A. GRANDE BRASSERIE DE NOUVELLE CALEDONIE (GBNC), prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Nicolas RANSON de la SARL ZAOUCHE RANSON, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. LE FROID, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 2]
Représentée par Me Frédéric DE GRESLAN de la SELARL SOCIETE D'AVOCAT DE GRESLAN-LENTIGNAC, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 Juillet 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Nathalie BRUN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 29/8/2022 a été prorogé au 29/09/2022 puis au 10/10/2022 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par acte du 19/02/2021, la société Grande Brasserie de Nouvelle Calédonie dite GBNC, propriétaire de marque de bière Number One dûment autorisée a fait assigner en référé d'heure à heure la SA LE FROID, utilisant la marque Manta, aux fins de voir constater l'existence d'un trouble manifestement illicite et voir condamner la SA LE FROID à le faire cesser.

Elle exposait que la société LE FROID commercialisait depuis peu, sa bière MANTA dans un packaging se rapprochant de celui de la bière NUMBER ONE en reprenant les codes couleurs, les identifiants visuels et les éléments graphiques caractérisant ainsi des actes de parasitisme dommageables de nature à entraîner une confusion parmi ses clients potentiels.

Par ordonnance du 05/03/2021, le président du Tribunal Mixte de Commerce de Nouméa statuant en référé a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société GBNC, l'a déboutée et a condamné celle-ci à payer à la SA LE FROID la somme de 200 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a considéré que les cannettes de marque MANTA présentaient des signes distinctifs bien marqués d'avec le design de la cannette NUMBER ONE de sorte que la preuve n'était pas rapportée d'une imitation parasitaire par la SA LE FROID du contenant de la marque commercialisée par la société GBNC.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 16/03/2021 , la société GBNC a fait appel de la décision rendue et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 14/04/2021 et dans ses dernières conclusions récapitulatives no 2 du 11/10/2021 d'infirmer l'ordonnance et statuant à nouveau :

- de constater l'existence d'une trouble illicite,

- d'interdire à la SA LE FROID de poursuivre ses agissements en particulier de commercialiser ses bières de marque MANTA dont les cannettes et emballages ont fautivement repris les codes visuels et la structure graphique de la bière NUMBER ONE,

- d'ordonner en conséquence à la SA LE FROID de retirer et faire retirer de la vente, et de faire cesser la commercialisation des bières de marque MANTA ainsi que les packs sous emballages et cannettes reprenant les éléments suivants :

- association des codes couleurs Vert/ Argent/ Or,
- écusson vert avec la marque en typo blanche,
- liseré couleur or entourant l'écusson,
- fond couleur argent avec de fines lignes blanches,
- silhouette de la Nouvelle Calédonie au dos de la cannette,

et ce, dans un délai de 5 jours à compter de la signification de l'arrêt ,

- d'assortir cette obligation d'une astreinte de 200 000 Fcfp par infraction et par jour de retard et dire que la juridiction saisie se réserve le pouvoir de la liquider ;

- d'ordonner à la SA LE FROID dans un délai de 10 jours à compter du présent arrêt de faire apparaître sur la page d'accueil de son site internet, le communiqué suivant:

etlt;etlt; Par ordonnance du juge des référés du Tribunal Mixte de Commerce , il a été ordonné l'arrêt de la commercialisation des bières de marque MANTA reprenant fautivement les codes visuels et la structure graphique ( codes couleurs Vert/ Argent/ Or- écusson vert avec liseré couleur or- fond argent) des cannettes et emballages des bières de marque NUMBER ONE , de la société GBNC etgt;etgt; ;

- d'autoriser la société GBNC à faire publier en totalité ou par extraits le communiqué ci-dessus, dans le quotidien de son choix sans que le coût de la publication n'excède 200 000 Fcfp aux frais avancés de la SA LE FROID ;

- de condamner la SA LE FROID à lui payer la somme de 400 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Elle fait valoir que la SA LE FROID a commercialisé en février 2021, sa bière traditionnelle MANTA dans un packaging reprenant les propres codes couleurs de la marque NUMBER ONE ainsi que les identifiants visuels comme en atteste le procès-verbal de constat qu'elle a fait réaliser le 17/02/2021 par huissier ; que cette commercialisation constitue un acte de parasitisme lui causant un trouble manifestement illicite; qu'il importe peu qu'elle-même ait commencé à mettre sur le marché depuis février 2021 des cannettes nouvellement conditionnées que la société LE FROID considère comme excluant tout risque de confusion dès lors que l'adoption par la société Le FROID des codes de son concurrent caractérise un parasitisme fautif préjudiciable, qu'elle-même dispose d'un important stock d'anciens modèles à écouler et enfin qu'elle continue de commercialiser l'ancien packaging s'agissant des cannettes de 50 centilitres .

Dans ses dernières conclusions responsives no3, la SA LE FROID conclut à la confirmation de l'ordonnance en toutes ses dispositions et demande la condamnation de la société GBNC à lui payer la somme de 400 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu'il n'existe aucune confusion de sa marque avec celle de NUMBER ONE relativement au packaging des cannettes de bière ( gamme classique) qui présentent de grandes différences. Elle reconnaît qu'elle a effectivement utilisé les codes couleurs vert , blanc et argenté qui sont, selon ses dires, les codes couleurs les plus utilisés dans le monde pour la commercialisation des bières selon une étude comparative intitulée Benchmark international, confiée à une agence de publicité ; qu'il en ressort qu'il existe des fondamentaux graphiques liés à " l'univers du packaging de bières, ancrés dans la mémoire et l'imaginaire collectif des consommateurs " : couleur verte, blason ou écusson, couleur dorée couleur argent...) ; qu'elle n'a fait que tester et reprendre les codes majoritairement utilisés dans le monde de la bière ; qu'il n'y a aucune volonté d'imitation ; que l'étude qu'elle a fait réaliser montre que les consommateurs interviewés ne se sont pas trompé entre les deux bières et les ont parfaitement identifiées ; que la société GBNC ne saurait revendiquer l'originalité des éléments utilisés ( couleurs et écusson) ; qu'en tout état de cause, s'il n'existait aucune confusion avec l'ancien design de la bière Number One, il en existe encore moins avec le nouveau packaging commercialisé depuis février 2021 par la société GBNC dont il résulte que le design est totalement différent de celui visé dans l'assignation.

Vu l'ordonnance de fixation.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le trouble

Attendu que l'action de la société GBNC fondée sur le trouble manifestement illicite n'est pas contestée s'agissant de faire cesser des actes de concurrence déloyale ou de parasitisme.

Attendu que le parasitisme se caractérise par le fait de tirer indûment profit du savoir-faire et des efforts humains et financiers consentis par une entreprise, victime des agissements de la personne qui usurpe la notoriété acquise par ce concurrent. (Chambre commerciale 5 juillet 2016, pourvoi no 14-10108 ) ; que cette action reposant sur l'article 1382 du code civil implique de faire reconnaître l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux.

Attendu que les actes de contrefaçon s'apprécient par rapport aux ressemblances et non aux différences contrairement à l'analyse qu'en a faite le premier juge.

Attendu qu'en l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat réalisé, le 17/02/2021, à l'initiative de la société GBNC que la comparaison entre les cannettes traditionnelles (ou classiques) commercialisées par la SA LE FROID sous la marque Manta et celles commercialisées par la société GBNC sous la marque Number One, montre que le packaging des premières a repris :

- les visuels utilisés par sa concurrente en utilisant l'association des trois couleurs ( vert, doré et argent) qui sont spécifiques à la société GBNC depuis 1972 ;
- l'effet de vague typique apportée par l'alternance de vert et or dans l'emballage plastique des packs de 6 ou 8 cannettes,
- la structure graphique qui inscrit en lettres blanches le nom de la marque dans un écusson sur fond vert, le liseré or entourant la cannette et le fond argent avec de fines lignes blanches brisées;

Attendu que si l'utilisation des codes couleurs susmentionnés avec une dominante de la couleur verte est majoritaire dans le design des cannettes de bière de par le monde comme le démontre une étude publicitaire dite BENCHAMARK réalisée par l'agence Box Yellow, ce qui est, ici, reproché à la SA LE FROID, ce n'est pas l'usage des couleurs vert, blanc et doré mais bien l'association de ces trois mêmes couleurs qui sont traditionnellement utilisées par la marque NUMBER ONE pour la distinguer ; qu'en outre, cette association est combinée à la copie du graphisme avec la reprise aux mêmes emplacements des éléments composant la cannette (écusson ligne brisée, liseré et dessin)

Attendu que l'impression d'ensemble des deux conditionnements laisse à penser que les deux marques sont issues du même fabricant susceptibles de créer une confusion dans l'esprit de l'acheteur potentiel .

Attendu que l'évolution des cannettes de la marque Manta dont la couleur dominante a été bleue puis rouge puis noir montre que le packaging n'a jamais été définitivement arrêté au fil des années de façon à créer une identité visuelle propre à la marque à l'exception du dessin d'une raie manta de sorte que l'actuel emballage qui emprunte la majorité de ses éléments à la bière Number ONE est clairement dans l'imitation ; que les différences sont minimes et tiennent essentiellement dans le nom de la marque enfermée dans l'écusson central et la reproduction de la raie Manta alors que la Number One, a, comme dessin distinctif un épi .

Attendu qu'en reproduisant servilement les éléments les plus significatifs de la cannette de bière traditionnelle Number One, la société LE FROID s'est s'appropriée les efforts de recherche et de design de son concurrent en cherchant à se placer dans son sillage pour profiter de son savoir-faire, de sa notoriété et de ses investissements pour commercialiser ses propres réalisation ; que cette attitude est constitutive d'un agissement parasitaire et fautif ;

Sur les mesures propres à faire cesser le trouble

Attendu que depuis février 2021, la société GBNC a modifié le conditionnement de la cannette de bière traditionnelle Number One en adoptant un nouveau design radicalement différent de l'ancien ( absence de l'écusson, association du vert et de blanc avec abandon de la couleur dorée, nombre One écrit en gros). ; que depuis cette mise sur le marché d'un nouveau contenant , les éléments communs entre les designs respectif des deux bières sont minimes et non distinctifs de sorte que le risque d'amalgame n'existe plus. Attendu que la confusion entre les deux bières traditionnelles n'est plus possible à la date où la cour statue ; que le trouble manifestement illicite a cessé de sorte que la demande d'interdire pour l'avenir la commercialisation des cannettes de la bière MANTA traditionnelle et le retrait de la vente des packs encore en stock constitue une mesure excessive par rapport au préjudice subi ; qu'eu égard à la vitesse d'écoulement des stocks, la société GBNC ne démontre pas qu'il existe encore en 2022 des stocks d'anciens modèles de la marque NUMBER ONE non encore vendus qui seraient susceptibles d'être confondus avec la marque MANTA ; que de même, la société appelante ne rapporte pas la preuve que le maintien de l'ancien contenant pour conditionner les bières de 50 cl est susceptible d'entraîner une confusion possible avec la bière MANTA justifiant les mesures de coercition réclamées; Que les demandes de retrait et d'interdiction de commercialisation doivent être rejetées.

Sur la demande de publication

Attendu qu'eu égard à la cessation du trouble, la demande de ce chef sera rejetée.

Sur l'article 700

Attendu qu'il est équitable d'allouer à la société GBNC victime de parasitisme une indemnité de 300 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Attendu que la société LE FROID succombant au principal supportera les dépens d'appel et de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme la décision,

Et statuant à nouveau :

Dit que la Société LE FROID a commis des actes de parasitisme,

Constate que le trouble a cessé,

Déboute la société GBNC de ses demandes de mettre fin aux agissements fautifs,

Y ajoutant,

Condamne la SA LE FROID à payer à la société GBNC la somme de 300 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SA LE FROID aux dépens.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 21/000225
Date de la décision : 10/10/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-10-10;21.000225 ?
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