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26/09/2022 | FRANCE | N°19/001015

France | France, Cour d'appel de noumea, 05, 26 septembre 2022, 19/001015


No de minute : 70/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 26 septembre 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 19/00101 - No Portalis DBWF-V-B7D-QIF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 juillet 2019 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :2016/154)

Saisine de la cour : 10 septembre 2019

APPELANT

M. [S] [I]
né le [Date naissance 3] 1972,
demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa)
Représenté par

Me Claire GHIANI de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET...

No de minute : 70/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 26 septembre 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 19/00101 - No Portalis DBWF-V-B7D-QIF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 juillet 2019 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :2016/154)

Saisine de la cour : 10 septembre 2019

APPELANT

M. [S] [I]
né le [Date naissance 3] 1972,
demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nouméa)
Représenté par Me Claire GHIANI de la SELARL CABINET D'AFFAIRES CALEDONIEN, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Philippe REUTER de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er août 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Zouaouïa MAGHERBI, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 15/09/2022 ayant été prorogé au 26/09/2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Par acte sous seing prive du 28 octobre 2005, la SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE LA LOIRE, ci-après désignée, la "caisse d'épargne" ou "la banque", a consenti à la S.A.R.L. LCA CUISINES un prêt no 0684151 d'un montant de 113 000 €, remboursable en 84 mensualités constantes d'un montant de 1 513,56 € intégrant des intérêts au taux de 3,40 % I'an.

Par actes séparés du même jour, M. [I] et Mme [C], son épouse, se sont portés cautions solidaires de la société emprunteuse au profit de la caisse d'épargne, dans la limite, pour chacun d'eux, de 146 900 € "couvrant Ie paiement du principal, des intérêts, et, le cas échéant, pénalités ou intérêts de retards".

Par jugement du 3 février 2010, le tribunal de commerce de la Roche sur Yon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société LCA CUISINES et la banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur. Cette procédure a été clôturée le 18 janvier 2012 pour insuffisance d'actif.

Par lettres recommandées datées du 2 mars 2010, la banque a mis en demeure chacune des cautions de règler les sommes restant dues au titre du prêt litigieux.

Se plaignant de l'absence de réponse à ses mises en demeure, la banque, par requête déposée le 11 mai 2016, a fait appeler M. [I] et Mme [C] devant le tribunal mixte de commerce de Nouméa aux fins de les voir condamner solidairement entre eux et avec exécution provisoire à lui payer :
- 60 933 € soit 7 271 238 FCFP, au titre des sommes principales restant dues en exécution du prêt litigieux, avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,40 % l'an à compter du 4 février 2016, date du dernier décompte de la créance et avec capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
-2 449,70 €, soit 292 327 F CFP au titre de l'indemnité de défaillance, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
- 300 000 FCFP au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, sous distraction.

Par jugement du 31 juillet 2019, pris en l'absence de M. [I] , le tribunal mixte de commerce a :
- débouté Mme [C] épouse [I] de sa demande tendant à être déchargée de son cautionnement envers la S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE - PAYS DE LA LOIRE,
- ordonné la déchéance de la S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE-PAYS DE LA LOIRE de son droit aux intérêts contractuels à I'encontre de Mme [C] épouse [I] au titre de l'entier prêt consenti le 28 octobre 2005 à la société LCA CUISINES, et ce à compter de la délivrance de la somme empruntée et jusqu'à l'entier paiement du solde restant dû,
- dit par suite que pour toute la durée du prêt no 0684151 en date du 28 octobre 2005, la banque n'était fondée à réclamer à Mme [C] épouse [I], ès qualités de caution solidaire de la société LCA CUISINES, que les intérêts au taux légal entre la date de mise à disposition des fonds prêtés et jusqu'à l'entier paiement du solde restant dû,
- sous cette réserve et sous la déduction pour Mme [C] épouse [I] des sommes représentant le différentiel entre les intérêts au taux contractuel dont est déchue la banque et les intérêts au taux légal, condamné M. [I] et Mme [C] épouse [I], ès qualités de cautions solidaires de la société en liquidation judiciaire LCA CUISINES, à payer à la S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE - PAYS DE LA LOIRE, solidairement entre eux, les sommes suivantes :
au titre du solde restant dû en principal sur le prêt no 0684151 : 7 271 238 F CFP avec, pour M. [I], intérêts au taux contractuel majoré de 8,40 % l'an à compter du 4 février 2016, et pour Mme [I], intérêts au taux légal à compter de la même date,
au titre de l'indemnité de défaillance du même prêt : 292 327 F CFP avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- débouté la S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE-PAYS DE LA LOIRE du surplus de ses demandes à I'encontre de Mme [C] épouse [I],
- débouté la même banque de sa demande au titre des frais irrépétibles,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions, hors celles qui ont trait aux frais irrépétibles,
- condamné M. [I] et Mme [C] épouse [I]. solidairement entre eux, aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profil de la SELARL REUTER-DE RAISSAC.

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 10 septembre 2019, M. [I] a fait appel de la décision et demande à la cour dans son mémoire ampliatif du 3 août 2021 et ses écritures responsives et récapitulatives du 13 mai 2022 de réformer la décision entreprise en ce qu'elle l'a condamné à payer les intérêts au taux contractuel et, statuant à nouveau de ce chef, dire que la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE est déchue du droit au paiement des intérêts sur les sommes dues en principal du titre du prêt et accorder au concluant des délais de paiement sur vingt-quatre mois pour les sommes mises à sa charge. Il sollicite en outre la condamnation de la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE à lui payer la somme de 250 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il soutient que la banque ne justifie pas du respect par ses soins de son obligation d'information annuelle telle qu'elle résulte notamment de l'article L 313-22 du code monétaire et financier ; que l'envoi de lettres simples ne suffit pas à prouver leur envoi ; que le premier juge a fait droit à la demande de ce chef présentée par son épouse au seul bénéfice de celle-ci, alors que s'agissant d'une disposition d'ordre public, il aurait dû en faire bénéficier les deux cautions même en l'absence de l'une d'elle.

Par écritures en réponse du 15 novembre 2021, la SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant de débouter M. [I] de ses demandes et le condamner à lui payer la somme de 300 000 FCFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle réplique qu'elle a bien envoyé les lettres d'information aux cautions par lettre simple et que cet envoi est suffisant conformément à l'arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2018 (1re Civ.,pourvoi no 17-20.422). Sur la demande de délai, elle s'y oppose relevant qu'en onze ans, un seul versement a été opéré de 23,27 €.

Vu l'ordonnance de clôture.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en déchéance du droit aux intérêts

L'article L313-12 du code monétaire et financier dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie prévoit :
« Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette. »

En l'espèce, la banque intimée qui soutient avoir adressé à M. [I] une information annuelle par lettre simple, ne justifie même pas de l'existence de ces courriers faute d'en produire ne serait-ce qu'une copie ainsi qu'elle le soutient. Seules sont versées aux débats en copie, les lettres envoyées aux cautions en recommandé avec justificatif de l'accusé de réception, relatives à la déchéance du terme du contrat et à la mise en demeure de payer.

En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que la communication, en l'absence d'autre élément probant, de la copie de lettres simples ne suffit pas à faire présumer de leur envoi alors que la charge de la preuve du respect de l'obligation d'information incombe à la banque.

Il convient dès lors, conformément à l'article L 313-22 du code monétaire et financier, de déchoir la caisse d'épargne de son droit aux intérêts conventionnels, et ce, depuis la mise à disposition de la somme empruntée.

Au vu du décompte de créance arrêté au 3 février 2016 et du tableau d'amortissement, la créance de la caisse d'épargne, après mise en oeuvre de la sanction prévue par l'article précité qui implique d'imputer le montant des intérêts réglés sur le capital, s'établit à :
48 994,08 + 1 370,86 - (128,07 + 320,17 + 3 575,49 + 3 071,73 + 2 550,58 + 2 011,41) = 38 707,49 €, soit 4 617 436 F CFP, en capital, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 4 février 2016.

Elle peut également prétendre, au titre de l'indemnité de défaillance, au paiement d'une somme de 2 449,70 €, soit 292 327 F CFP, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement.

Sur la demande de délais

M. [I] demande des délais de paiement sur vingt-quatre mois en exposant qu'il a trois enfants à charge avec des dépenses incompressibles de 258 500 F CFP mensuelles dont le remboursement d'un prêt immobilier de 177 254 F CFP ; qu'il vient de retrouver du travail et ne peut s'acquitter du solde restant dû en une seule échéance.

Le débiteur ne fournit pas d'éléments actualisés sur sa situation financière actuelle et il ne formule aucune proposition concrète de règlement d'une dette ancienne. Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande délai, et ce d'autant qu'aucun règlement significatif n'est intervenu en onze ans.

Sur l'article 700

Il n'est pas inéquitable d'écarter l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque eu égard à l'indemnité de défaillance qui lui a été allouée.

M. [I] succombant au principal, il n'a pas vocation à bénéficier de l'article 700.

Sur les dépens

M. [I] supportera les dépens d'appel, sa défaillance en première instance étant à l'origine de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné M. [I], solidairement avec son épouse, à payer à la S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE - PAYS DE LA LOIRE, les sommes suivantes :
- au titre du solde restant dû en principal sur le prêt no 0684151 : 7 271 238 F CFP avec intérêts au taux contractuel majoré de 8,40 % l'an à compter du 4 février 2016,
- au titre de l'indemnité de défaillance du même prêt : 292 327 F CFP avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

Et statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne la déchéance de la S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE - PAYS DE LA LOIRE de son droit aux intérêts contractuels à I'encontre de M. [I] ;

Condamne M. [I] à payer, solidairement avec son épouse, à la S.A. CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE-PAYS DE LA LOIRE, les sommes suivantes :
- 4 617 436 F CFP en capital, avec intérêts au taux légal à compter du 4 février 2016,
- 292 327 F CFP au titre de l'indemnité de défaillance, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement déféré ;

Déboute M. [I] de sa demande de délais de paiement ;

Rejette les demandes respectives des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne M. [I] aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 19/001015
Date de la décision : 26/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-09-26;19.001015 ?
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