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15/09/2022 | FRANCE | N°21/000995

France | France, Cour d'appel de noumea, 05, 15 septembre 2022, 21/000995


No de minute : 68/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 15 septembre 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 21/00099 - No Portalis DBWF-V-B7F-SOC

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 24 août 2021 par le président du tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no: 21/22)

Saisine de la cour : 7 octobre 2021

APPELANT

Mme [N] [P] épouse [H]
née le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Martin CALMET membre de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA



INTIMÉ

S.A.R.L. [X] [P], prise en la personne de son représentant légal en exercice
Siège Social : [Adresse 6]
Représ...

No de minute : 68/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 15 septembre 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 21/00099 - No Portalis DBWF-V-B7F-SOC

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 24 août 2021 par le président du tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no: 21/22)

Saisine de la cour : 7 octobre 2021

APPELANT

Mme [N] [P] épouse [H]
née le [Date naissance 5] 1956 à [Localité 9]
demeurant [Adresse 4]
Représentée par Me Martin CALMET membre de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.R.L. [X] [P], prise en la personne de son représentant légal en exercice
Siège Social : [Adresse 6]
Représentée par Me Philippe GANDELIN membre de la SELARL PHILIPPE GANDELIN, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 août 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
M. François BILLON, Conseiller,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. François BILLON.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT, adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La SARL [X] [P], actuellement gérée par M. [R] [P], a été immatriculée au RCS de Nouméa en 1980.

Son capital est composé de 100 parts sociales réparties aujourd'hui entre :
- Mme [N] [P] épouse [H] (25 parts),
- M. [V] [P] (25 parts),
- M. [R] [P] (25 parts),
- l'indivision [B], [O], [C] et [U] [P] (5 parts),
- l'indivision [O], [C] et [U] [P] (20 parts).

De graves dissensions opposent certains des héritiers de feu [X] [P], décédé en 2011, à telle enseigne que la liquidation de sa succession est toujours en cours d'instances diverses.

Mme [N] [P] épouse [H], par acte d'huissier de justice du 28 mai 2021, a fait appeler la SARL [X] [P] devant le juge des référés du tribunal mixte de commerce de Nouméa, à l'effet de voir :
CONSTATER QUE le gérant de cette société :
- n'a pas procédé à la communication spontanée des pièces sollicitées par elle,
- n'a pas répondu à ses questions lors de l'assemblée générale du 31 août 2018,
- n'a pas répondu à ses questions lors de l'assemblée générale du 31 octobre 2019,
- et n'a pas répondu à ses questions lors de l'assemblée générale du 30 juillet 2020,
ORDONNER une mesure d'expertise de gestion portant sur les opérations suivantes (...)
CONDAMNER solidairement la S.A.R.L. [X] [P] à lui payer la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens, sous distraction.

Mme [H], au soutien de sa demande, a expliqué en substance que son frère, M. [R] [P], gérant de la société [X] [P], soit ne répondait pas à ses questions préalables aux réunions des assemblées générales des associés, soit lui indiquait ne pas avoir à lui répondre ; qu'en particulier, il n'avait pas été communiqué aux associés les conventions réglementées, pas plus que les factures émises par la société en application de ces conventions, alors même que les huissiers missionnés pour enregistrer les débats des assemblées générales avaient attesté que ces questions avaient bien été posées au gérant mais que celui-ci avait souvent refusé d'y répondre ; que sa demande d'expertise de gestion répond bien ainsi aux conditions posées par l'article L. 223-37 du code de commerce.

La SARL [X] [P], par ses dernières écritures du 19 juillet 2021, a conclu ainsi :
DÉBOUTER Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER cette dernière à lui payer la somme de 300 000 F CFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par elle du fait de cette procédure injustifiée et infondée,

CONDAMNER la même requérante à lui payer enfin une indemnité de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance sous distraction.

La SARL [P] a ainsi fait valoir essentiellement :
- que chaque année, son gérant avait adressé à chaque associé, dans le délai légal, la convocation aux assemblées générales (AG) des associés en y joignant le rapport de gestion, le rapport spécial du gérant, le texte des résolutions proposées au vote de l'AG contenant notamment les propositions de Mme [H], le bilan, le grand-livre, un pouvoir et un formulaire de procuration,
- que les assemblées relatives aux exercices contestés par Mme [H] s'étaient tenues régulièrement, cette dernière s'y étant toujours fait représenter par M. [V] [P],
- que, hors ce droit à communication des éléments préalables aux assemblées générales ordinaires (AGO), tout associé pouvait, à tout moment, demander des éléments dans les conditions fixées par l'article R. 223-15 du code de commerce, alors même qu'à aucun moment Mme [H] n'avait pris la peine d'user de ce droit dans ces conditions, lesquelles lui permettaient même de se faire assister d'un expert inscrit sur une des listes établies par les cours et tribunaux,
- que toutes les questions posées par Mme [H] avant chaque AGO ont été évoquées lors de ces assemblées, ainsi qu'il résulte des procès-verbaux correspondants,
- et que les reproches qu'elle adressait à "son frère exécré" étaient infondés.

Par jugement du 24 août 2021, le tribunal mixte de commerce a statué ainsi qu'il suit :
Vu l'article L. 223-37 du code de commerce,
Déboutons Mme [N] [P] épouse [H] de sa demande d'expertise de gestion,
Déboutons la SARL [X] [P] de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamnons Mme [N] [P] épouse [H] à payer à la SARL [X] [P] une indemnité de 200 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de la SELARL PHILIPPE GANDELIN, société d'avocat aux offres de droit.

PROCÉDURE D'APPEL

Mme [H], par requête du 7 octobre 2021, a interjeté appel de la décision qui ne lui avait pas encore été signifiée.

Par son mémoire ampliatif enregistré au greffe le 9 novembre 2021, elle fait valoir, pour l'essentiel :- qu'il est de droit que le tribunal de commerce, saisi d'une demande sur le fondement de l'article L223-37 du Code de commerce, peut ordonner une expertise portant sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées ; que la juridiction saisie d'une telle demande est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irréguIarités affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées ; que l'expertise de gestion est donc destinée à pallier la défaillance ou l'insuffisance des circuits traditionnels d'information concernant les actes de gestion que les associés estiment dangereux ou pour le moins discutables ;

- qu'en dépit des demandes répétées de Mme [H], que ce soit dans le cadre des assemblées générales ou par la voie de son conseil, elle n'a obtenu que des réponses parcellaires à certaines de ses questions posées au gérant de la SARL [X] [P] ;
- que, contrairement à ce que précise la décision entreprise, elle rapporte bien la preuve d'une présomption d'irrégularité des conventions réglementées conclues entre la SARL [X] [P] et la SCI des ANSES du SUD, ainsi qu'avec la SCI des VUES du SUD ; qu'elle sollicite également, depuis plusieurs années, des explications sur certains mouvements et qu'elle relève que différentes opérations ne correspondent pas à l'objet social de la société tel qu'il est défini dans les statuts de la SARL [X] [P].

En conséquence, Mme [H] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu l'article L.223-37 du code de commerce,
CONSTATER que l'appel interjeté par Mme [P] épouse [H] contre l'ordonnance de référé rendue par le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa le 24 août 2021 sous le numéro RG 2021/22 est recevable ;
En conséquence,
INFIRMER l'ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;
CONSTATER que le gérant de la SARL [X] [P] n'a pas procédé à la communication spontanée des pièces sollicitées par Mme [P] épouse [H] ;
CONSTATER que le gérant de la SARL [X] [P] n'a pas répondu aux questions posées par Mme [P] épouse [H] lors de l'assemblée générale du 31 août 2018 ;
CONSTATER que le gérant de la SARL [X] [P] n'a pas répondu aux questions posées par Mme [N] [P] épouse [H] lors de l'assemblée générale du 31 octobre 2019 ;
CONSTATER que le gérant de la SARL [X] [P] n'a pas répondu aux questions posées par Mme [P] épouse [H] lors de l'assemblée générale du 30 juillet 2020 ;
ORDONNER une expertise de gestion portant sur les opérations suivantes :
Sur les conventions réglementées suivantes et leur régularité au regard de l'activité et de l'objet de la société :
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SCI DES ANSES DU SUD ;
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SCI DES VUES DU SUD ;
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SCI DES PLACES DU SUD ;
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SARL [P] DU SUD ;
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SARL SIAM HOME SPA ;
- l'examen des prestations réalisées par la SARL [X] [P] au bénéfice de M. [R] [P] ;
Concernant les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2018 :
- l'opération apparaissant sur le compte no45510700 C/C SUCCESSION [X] [P] d'un montant de 6 360 F CFP payée le 26 décembre 2018 ;
- la gestion du bien immobilier sis [Adresse 7] appartenant à la SARL [X] [P] ;
- les travaux réalisés en 2017 par la SARL [X] [P] sur des immeubles appartenant aux SCI DES ANSES DU SUD, SCI DES VUES DU SUD et SCI DES PLACES DU SUD ont-ils été facturés à ces derniers à prix coûtant ?
- les travaux réalisés en 2017 par la SARL [X] [P] pour la SARL SIAM HOME SPA, dont la gérante n'est autre que l'épouse du gérant de la SARL [X] [P], ont-ils été facturés à cette dernière à prix coûtant ?
- les SCI DES ANSES DU SUD, SCI DES VUES DU SUD, SCI DES PLACES DU SUD, SARL [P] DU SUD et la SARL SIAM HOME SPA qui sont toutes domiciliées au siège de la SARL [P] sis [Adresse 6] disposent-elles de personnels en charge de la réception des locataires, fournisseurs, artisans, ou est-ce les salariés de la SARL [P] qui s'en chargent ?
Concernant les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2019 :
- Les sept opérations apparaissant au débit du compte no 45510700 C/C SUCCESSION [X] [P] pour un montant cumulé est supérieur à 300 000 F CFP ;
- Les mouvements imputés sur le compte no 623400 Cadeaux à la clientèle et plus précisément à quoi correspond le mouvement au débit auprès de la société SIAM SPA d'un montant de 29 500 F CFP, et le mouvement au débit d'un montant de 55 628 F CFP "CMAC Cadeau à Pascal employé" ;
- Les opérations sur le compte no 706010 Frais de gestion, et notamment existence de deux mouvements libellés "SCIP" et "Indivision [P] [Z]", et ce alors même que la "SCIP" et "l'Indivision [P] [Z]" sont une seule et unique entité, à savoir la SCIP [P] [T] ;
- Les opérations correspondants aux mouvements du compte no 7080100 refacturation de main d'oeuvre au bénéfice de la SCIP [P] [T] pour un montant total de 97 500 F CFP ;
Concernant les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2020 :
- Les opérations relatives à la SCI de la rue Georges CLEMENCEAU et notamment le paiement des factures de l'avocat au conseil concernant une procédure pendante devant la Cour de cassation ;
- Les opérations relatives aux factures payées à la société MENAOUER, il s'agirait de facture de pose de rocher afin de bloquer l'accès et l'occupation illégale des terrains de bord de mer situés à [Localité 13] et faisant partie des indivisions successorales de [L] [P] et de [J] [P] ;
- Les huit débits réalisés à partir du compte succession [X] [P] totalisant la somme de 1 034 505 F CFP ;
- Les opérations relatives aux trois paiements totalisant la somme de 136 470 F CFP au bénéfice de la SCIP [P] [T] ;
CONDAMNER la SARL [X] [P] au paiement de la somme de 400 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie, à Mme [P] épouse [H] se trouvant contrainte d'engager la présente procédure, ainsi qu'aux entiers dépens de l`instance dont distraction au profit de la SARL DESWARTE-CALMET.

**************************
La SARL [X] [P], par conclusions enregistrées au RPVA le 12 mars 2022 valant appel incident, répond ainsi aux différents griefs qui lui sont faits :
sur le fait que le gérant de la SARL [X] [P] n'aurait pas procédé à la communication spontanée des pièces sollicitées :
- le gérant a communiqué, non seulement l'intégralité des pièces qui doivent obligatoirement être jointes à la convocation de l'assemblée devant statuer sur les comptes annuels, mais en outre le grand-livre ;
- à aucun moment, Mme [H] n'a fait usage des dispositions de l'article R. 223-15 du code de commerce prévoyant, pour les associés, un droit de communication permanent permettant de prendre connaissance des documents sociaux des trois derniers exercices, droit auquel le gérant ne se serait jamais opposé ;

sur le fait que le gérant de la SARL [X] [P] n'aurait pas répondu aux questions posées par Mme [H] lors des assemblées générales des 31 août 2018, 31 octobre 2019 et 30 juillet 2020 :
- toutes les questions posées par Mme [H] ont été évoquées lors des assemblées générales comme les procès-verbaux l'établissent, les lettres de Mme [H] y étant jointes et les réponses précisées dans les commentaires des résolutions votées ;- Mme [H] a ainsi mandaté un associé pour la représenter qui, présent, a participé aux assemblées au cours desquelles les réponses ont été apportées aux questions posées par Mme [H] et a ainsi pris part aux votes ;
le gérant a ainsi respecté intégralement le droit de communication des documents sociaux de Mme [H], alors que cette dernière s'obstine à s'abstenir de l'exercer conformément aux textes en vigueur ;
si le principe du droit d'agir en justice est reconnu à chacun, encore faut-il que l'exercice de ce droit ne soit pas abusif. Or en l'espèce, cela fait des années que Mme [H] abuse de ce droit légitime à l'encontre de son frère [R], non seulement dans le cadre de la SARL [X] [P], mais également dans celui du règlement de la succession de leur père et des autres sociétés du groupe, ses actions s'apparentant à un véritable harcèlement.

En conséquence, la SARL [X] [P] demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu l'ordonnance de référé du 24 août 2021,
DECLARER la SARL [X] [P] recevable et bien fondée en son appel incident,
En conséquence, y faisant droit,
CONFIRMER l'ordonnance de référé du 24 août 2021 de M. le président du tribunal mixte de commerce de Nouméa en ce qu'il a débouté Mme [H]-[P] [N] de sa demande d'expertise,
INFIRMER la dite ordonnance en ce qu'elle a débouté la SARL [X] [P] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Et statuant à nouveau :
CONDAMNER Mme [N] [H]-[P] à payer à la SARL [X] [P] la somme de 300 000 F CFP à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait de cette procédure injustifiée et infondée,
CONDAMNER Mme [N] [H]-[P] à payer à la SARL [X] [P] la somme de 300 000 F CFP au titre de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie,
DÉBOUTER Mme [N] [H]-[P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
LA CONDAMNER en tous les dépens distraits au profit de la SELARL PHILIPPE GANDELIN sur ses affirmations de droit.

**********************
L'ordonnance de fixation de la date de l'audience a été rendue le 6 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que la demande d'expertise de gestion de Mme [H] est fondée sur les dispositions de l'article L 223-37 du code de commerce, aux termes desquelles : "Un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.
Le ministère public et le comité d'entreprise sont habilités à agir aux mêmes fins.
S 'il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l'étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.
Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d'entreprise, au commissaire aux comptes ainsi qu 'au gérant. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par le commissaire aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité."

Attendu que les dispositions de l'article R. 223-15 du code de commerce précisent également que :"Tout associé a le droit, à toute époque, de prendre par lui-même connaissance des documents suivants au siège social : bilans, comptes de résultats, annexes, inventaires, rapports soumis aux assemblées et procès-verbaux de ces assemblées concernant les trois derniers exercices. Sauf en ce qui concerne l'inventaire, le droit de prendre connaissance emporte celui de prendre copie.
A cette fin, il peut se faire assister d'un expert inscrit sur une des listes établies par les cours et tribunaux" ;

Attendu qu'ainsi, les associés d'une SARL ont le droit à toute époque de l'année de prendre connaissance, au siège social, des principaux documents sociaux concernant les trois derniers exercices (C. com., art. L. 223-26, al. 4 et R. 223-15) ; qu'outre ce droit à l'information permanente, les associés disposent d'un droit à l'information préalable à la tenue de l'assemblée annuelle d'approbation des comptes (C. com., art. L. 223-26, al. 2 et R. 223-18), ainsi qu'à la tenue des autres assemblées (C. com., art. R. 223-19) ; qu'en plus de ce droit à l'information permanente et occasionnelle, les associés ont la possibilité de poser des questions écrites au gérant, préalablement à la tenue de toute assemblée annuelle d'approbation des comptes (C. com., art. L. 223-26, al. 3) ; qu'ils ont aussi le droit de poser, deux fois par exercice, des questions écrites au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l'exploitation (C. com., art. L. 223-36) ou, lorsqu'ils représentent au moins un dixième du capital social, de demander la désignation d'un expert de gestion (C. com., art. L. 223-37) ; que ni la circonstance qu'un associé se soit abstenu de participer aux assemblées ayant approuvé les opérations de gestion litigieuses, ni le fait qu'il n'ait exercé aucun recours contre les décisions d'approbation ne sont de nature à faire obstacle à sa demande d'expertise de gestion (Com. 5 mai 2009, no08-15.313) ; que la juridiction est tenue de l'ordonner dès lors qu'elle relève des présomptions d'irrégularité affectant une ou plusieurs opérations de gestion déterminées (Com. 27 janvier 2009, no 07-16.771) ;

Attendu cependant que l'admission de la demande d'expertise est subordonnée au contrôle de l'utilité et du sérieux de la demande, appréciés au regard de l'intérêt social ou de l'intérêt du groupe de sociétés ; que ce n'est que lorsque le demandeur dispose d'informations suffisantes et qu'il apparaît que l'expertise ne lui apporterait aucune information complémentaire, que la mesure est privée d'utilité ; que l'absence de réponse était sans incidence dès lors que le demandeur disposait d'informations suffisantes ; qu'il suffit cependant que la suspicion paraisse légitime, étant entendu que le demandeur n'a pas à faire la preuve d'une irrégularité, l'expertise ayant le plus souvent pour but d'éclairer sur ce point le demandeur ; qu'iI suffit que celui-ci ait des raisons sérieuses et pertinentes d'en douter ;

Attendu qu'en l'espèce, les premiers juges ont débouté Mme [H] de sa demande d'expertise de gestion en relevant essentiellement d'une part le conflit familial et successoral qui l'oppose à son frère, M. [R] [P], dont elle souhaite la révocation de ses fonctions de gérant, et d'autre part en soulignant que Mme [H] est la seule à émettre des suspicions sur la régularité des conventions réglementées passées avec les SCI DES ANSES DU SUD, DES VUES DU SUD, DES PLACES DU SUD et des S.A.R.L. [P] DU SUD et SIAM HOME SPA ;

Attendu que cette motivation n'est cependant pas de nature à écarter la demande d'expertise de gestion, d'autant plus que si la SARL [P] démontre bien qu'elle a transmis de nombreux documents et a toujours tenté de répondre aux différentes questions posées, notamment lors des assemblées générales auxquelles Mme [H] se faisait représenter eu égard à sa résidence permanente à [Localité 12], il n'en demeure pas moins, qu'en dépit de ses demandes réitérées, les conventions réglementées passées avec les SCI DES ANSES DU SUD, DES VUES DU SUD, DES PLACES DU SUD et des S.A.R.L. [P] DU SUD et SIAM HOME SPA , ou encore certaines factures émises par la société en application de ces conventions, n'ont pas été communiquées à Mme [H] ; qu'il convient en conséquence de faire droit à sa demande d'expertise de gestion, afin de lever toutes ambiguïtés contraires à la bonne marche de l'entreprise ; que cette expertise est ordonnée aux frais de Mme [H], dans les conditions fixées au dispositif ;

Attendu que la demande formée pour procédure abusive par la SARL [X] [P], au titre de son appel incident, doit par conséquent être rejetée ;
PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance entreprise et,

Statuant à nouveau,

Vu l'article L.223-37 du code de commerce,

Ordonne une expertise de gestion ;

Désigne en qualité d'expert M. [A] [Y] :
[Adresse 10]
[Localité 9]
Tél : [XXXXXXXX01]
Fax : [XXXXXXXX02]
Port. : [XXXXXXXX03] Mèl : [Courriel 11] ;

Dit que l'expertise portera sur les opérations suivantes :
Sur les conventions réglementées suivantes et leur régularité au regard de l'activité et de l'objet de la société :- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SCI DES ANSES DU SUD ;
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SCI DES VUES DU SUD ;
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SCI DES PLACES DU SUD ;
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SARL [P] DU SUD ;
- l'examen de la convention réglementée conclue par la SARL [X] [P] avec la SARL SIAM HOME SPA ;
- l'examen des prestations réalisées par la SARL [X] [P] au bénéfice de M. [R] [P] ;
Concernant les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2018 :
- l'opération apparaissant sur le compte no45510700 C/C SUCCESSION [X] [P] d'un montant de 6 360 F CFP payée le 26 décembre 2018 ;
- la gestion du bien immobilier sis [Adresse 7] appartenant à la SARL [X] [P] ;
- les travaux réalisés en 2017 par la SARL [X] [P] sur des immeubles appartenant aux SCI DES ANSES DU SUD, SCI DES VUES DU SUD et SCI DES PLACES DU SUD ont-ils été facturés à ces derniers à prix coûtant ?
- les travaux réalisés en 2017 par la SARL [X] [P] pour la SARL SIAM HOME SPA, dont la gérante n'est autre que l'épouse du gérant de la SARL [X] [P], ont-ils été facturés à cette dernière à prix coûtant ?
- les SCI DES ANSES DU SUD, SCI DES VUES DU SUD, SCI DES PLACES DU SUD, SARL [P] DU SUD et la SARL SIAM HOME SPA qui sont toutes domiciliées au siège de la SARL [P] sis [Adresse 6] disposent-elles de personnels en charge de la réception des locataires, fournisseurs, artisans, ou est-ce les salariés de la SARL [P] qui s'en chargent ?
Concernant les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2019 :
- Les sept opérations apparaissant au débit du compte no45510700 C/C SUCCESSION [X] [P] pour un montant cumulé est supérieur à 300 000 F CFP ;
- Les mouvements imputés sur le compte no623400 Cadeaux à la clientèle et plus précisément à quoi correspond le mouvement au débit auprès de la société SIAM SPA d'un montant de 29 500 F CFP, et le mouvement au débit d'un montant de 55 628 F CFP "CMAC Cadeau à Pascal employé" ;
- Les opérations sur le compte no706010 Frais de gestion, et notamment existence de deux mouvements libellés "SCIP" et "Indivision [P] [Z]", et ce alors même que la "SCIP" et "l'Indivision [P] [Z]" sont une seule et unique entité, à savoir la SCIP [P] [T] ;
- Les opérations correspondants aux mouvements du compte no[XXXXXXXXXX08] refacturation de main d'oeuvre au bénéfice de la SCIP [P] [T] pour un montant total de 97 500 F CFP ;
Concernant les comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2020 :
- Les opérations relatives à la SCI de la rue Georges CLEMENCEAU et notamment le paiement des factures de l'avocat au conseil concernant une procédure pendante devant la Cour de Cassation ;
- Les opérations relatives au factures payées à la société MENAOUER, il s'agirait de facture de pose de rocher afin de bloquer l'accès et l'occupation illégale des terrains de bord de mer situés à [Localité 13] et faisant partie des indivisions successorales de Mme [L] [P] et de Mme [J] [P] ;
- Les huit débits réalisés à partir du compte succession [X] [P] totalisant la somme de 1 034 505 F CFP ;
- Les opérations relatives aux trois paiements totalisant la somme de 136 470 F CFP au bénéfice de la SCIP [P] [T] ;

Dit que l'expert, sur son pré-rapport, répondra aux dires des parties et déposera son rapport définitif à la Cour d'appel de NOUMEA dans les douze mois de sa saisine ;

Dit que l'expert devra remplir personnellement la mission qui lui a été confiée, et préciser dans son rapport qu'il a adressé un exemplaire de celui-ci aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Dit qu'il devra convoquer les parties et leurs défenseurs, prendre connaissance des documents de la cause nécessaires à l'accomplissement de sa mission et prendre en considération les observations et réclamations des parties, préciser la suite qui leur aura été donnée et lorsqu'elles seront écrites, les joindre à son avis,

Dit que l'expert ne pourra recueillir l'avis d'un autre technicien que dans une spécialité distincte de la sienne, et qu'il pourra recueillir des informations orales ou écrites de toutes personnes, sauf à ce que soient précisés leur nom, prénom, demeure et profession, ainsi que s'il y a lieu, leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles,

Invite l'expert à établir un état prévisionnel du coût de l'expertise, à le communiquer au juge chargé du contrôle et aux parties dès le commencement de sa mission, ou au plus tard dans le mois suivant la première réunion d'expertise ;

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

Dit que Mme [P] épouse [H] devra consigner la somme de 2 000 000 F CFP, à la régie de la cour d'appel de NOUMEA, dans les deux mois du prononcé de la présente décision, à valoir sur la rémunération de l'expert ;

Dit qu'à défaut de paiement de cette avance dans le délai imparti, la désignation de l'expert sera caduque ;

Désigne le conseiller chargé du contrôle des expertises de la cour d'appel de NOUMEA pour surveiller les opérations d'expertise, à qui il devra en être référé en cas de difficulté,

Dit que l'expert devra transmettre, avec son rapport, en vue de la taxation, sa note de frais et honoraires au conseiller chargé du contrôle et aux parties qui devront transmettre leurs éventuelles critiques à ce juge dans le délai de quinze jours à compter de la réception de cette note de frais et d'honoraires.

Rejette la demande formée par la SARL [X] [P] au titre de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Déboute les parties de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ;

Condamne Mme [P] épouse [H] aux dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 21/000995
Date de la décision : 15/09/2022
Sens de l'arrêt : Expertise

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-09-15;21.000995 ?
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