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08/09/2022 | FRANCE | N°21/000255

France | France, Cour d'appel de noumea, 05, 08 septembre 2022, 21/000255


No de minute : 61/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 8 septembre 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 21/00025 - No Portalis DBWF-V-B7F-R3I

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 février 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :21/10)

Saisine de la cour : 26 mars 2021

APPELANT

M. [T] [F]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 5] ([Localité 5]),
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Caroline MARCOU-DORCHIES, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.R.L. CAP 5

1, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Martin CALMET de la SA...

No de minute : 61/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 8 septembre 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 21/00025 - No Portalis DBWF-V-B7F-R3I

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 février 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :21/10)

Saisine de la cour : 26 mars 2021

APPELANT

M. [T] [F]
né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 5] ([Localité 5]),
demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me Caroline MARCOU-DORCHIES, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉ

S.A.R.L. CAP 51, prise en la personne de son représentant légal en exercice,
Siège social : [Adresse 1]
Représentée par Me Martin CALMET de la SARL DESWARTE-CALMET, avocat au barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 9 mai 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Marie-Claude XIVECAS, Conseiller,
Mme Nathalie BRUN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Marie-Claude XIVECAS.

Greffier lors des débats : M. Petelo GOGO
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Cécile KNOCKAERT

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, le délibéré fixé au 11/07/2022, ayant été prorogé au 04/08/2022, puis au 22/08/2022, puis au 01/09/2022, puis au 08/09/2022 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Cécile KNOCKAERT adjointe administrative principale faisant fonction de greffier en application de l'article R 123-14 du code de l'organisation judiciaire, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

La S.A.R.L. CAP 51, créée en novembre 1997, exploite un fonds de commerce de station-service à l'enseigne "Total Cap 51" près de l'aéroport de [4], une épicerie de produits type "snaking", et un fonds de commerce de laboratoire alimentaire dans des bâtiments jouxtant les bureaux de la station service, laboratoire où sont élaborés les plats cuisinés vendus au sein de ladite station.

Par acte sous seing privé non daté, mais à effet du ler mai 2019 pour une durée de "3, 6, 9 ans", la société CAP 51 a donné en location gérance à "l'entreprise LABO 51 TONTOUTA", représentée par son gérant, M. [T] [F], le susdit laboratoire moyennant une redevance mensuelle de 16 % du chiffre d'affaires dégagé par l'exploitation de ce fonds de commerce ;

Par acte d'huissier de justice du 17 mars 2020, M. [F] a fait appeler la S.A.R.L. CAP 51 devant le juge des référés du tribunal mixte de commerce, à l'effet de voir :
1/ ordonner la cessation de tout trouble de jouissance dans le cadre du contrat de location-gérance, notamment :
. la remise en place de tout le matériel mis à disposition,
. le respect de toutes les clauses du contrat, et plus spécifiquement, la prise en charge par le bailleur de l'ensemble des charges, à l'exception des charges liées à la consommation de gaz, savoir les sachets, les serviettes et les étiquettes,
. le reversement des recettes perçues pour la vente des produits de M. [F] les 15 et 30 de chaque mois,
2/ condamner la même société défenderesse à faire réaliser les travaux de mise en conformité des locaux avec les exigences de la SIVAP,
3/ condamner la société CAP 51 à lui payer les sommes suivantes :
. 2 000 000 Fcfp en réparation du préjudice financier subi par lui, portés ultérieurement à 6 000 000 Fcfp, et complétés en même temps d'une somme de 1 721 963 Fcfp "en réparation de son préjudice",
. 250 000 Fcfp au titre des frais irrépétibles, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance;

Par ordonnance non frappée d'appel du 13 octobre 2020, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé sur l'une quelconque des demandes de M. [F], locataire-gérant, à l'encontre de la S.A.R.L. CAP 51, bailleresse, tant au titre du trouble manifestement illicite qu'au titre des indemnités provisionnelles, et l'en a débouté purement et simplement ; il a également débouté la S.A.R.L. CAP 51 de sa demande au titre de l'article 700 CPCNC et a condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance,

Suivant procès-verbal de remise de lettre d'huissier de justice en date du 18 novembre 2020, la S.A.R.L. CAP 51 a notifié à M. [F], exerçant sous l'enseigne Labo 51 Tontouta, la résiliation du contrat de location gérance par suite de la cessation de son exploitation depuis le 10 janvier 2020 ; elle y demandait subséquemment la restitution du fonds de commerce sous huitaine, ainsi que l'établissement d'un état des lieux et la remise des clés.

Se plaignant de l'absence de réponse à cette résiliation et cette mise en demeure, non plus qu'à une lettre officielle de son conseil envoyée le 17 décembre 2020, et au visa d'un constat établi le 15 décembre 2020 qui révélait, selon elle, que M. [F] avait vidé le local de toute denrée alimentaire et laissé à l'intérieur et à l'extérieur divers matériels lui appartenant, la société CAP 51,dûment autorisée à assigner à jour fixe suivant ordonnance du président du tribunal mixte de commerce en date du 4 janvier 2021, et par acte d'huissier de justice du 7 janvier 2021, a fait assigner M. [F] devant ce même tribunal, statuant au fond, à l'effet de voir notamment constater que le fonds de commerce de laboratoire alimentaire lui appartenant et donné en location gérance au défendeur, n'était plus exploité par celui-ci depuis le 10 janvier 2020, que la résiliation du contrat de location-gérance aux torts de M. [F] pour cessation d'exploitation du fonds de commerce pendant une période excédant six mois, était acquise par le jeu de la clause résolutoire stipulée au contrat de location-gérance du 1er mai 2019, d'ordonner en conséquence l'expulsion de M. [F], sous astreinte de 10 000 Fcfp par jour de retard, du fonds de commerce de laboratoire alimentaire sis [Adresse 1], et de tous occupants de son chef, dans le mois de la décision à venir, et de voir condamner M. [F] à lui payer la somme de 3 146 732 Fcfp en réparation de son préjudice financier résultant de la perte des redevances et de le condamner en tout état de cause à lui payer enfin la somme de 250 000 Fcfp au titre de l'article 700 CPCNC, ainsi qu'aux entiers dépens, sous distraction.

Par jugement du 26 février 2021 signifié le 10 mars 2021, le tribunal mixte de commerce a :
- constaté la résiliation de plein droit à la date du 13 novembre 2020, aux torts de M. [F], du contrat de location-gérance conclu entre celui-ci et la société CAP 51, à effet du 19 mai 2019,
- ordonné par suite à M. [F] de délaisser le fonds de commerce et le local d'exploitation, objets de ce contrat, et d'en remettre les clés et tous accessoires à la S.A.R.L. CAP 51 dans les huit jours suivant signification du jugement, à peine d'une astreinte de 10 000 Fcfp par jour de retard passé ce délai,
- dit qu'à défaut de ce faire dans ce délai, M. [F] et tous occupants de son chef pourront en être expulsés, avec le concours, si besoin est, de la force publique,
- condamné M. [F] à payer à la S.A.R.L. CAP 51 une somme de 625 800 Fcfp à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'une perte de chance de percevoir les redevances de location-gérance en suite de la fermeture du laboratoire le 10 janvier 2020,
- débouté chacune des parties du surplus de ses demandes,
- condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance,

PROCÉDURE D'APPEL

Par requête du 26/03/2021, M. [F] a fait appel de la décision rendue signifiée le 10/03/2021 et demande à la Cour dans son mémoire ampliatif du 25/06/2021 et ses dernières écritures récapitulatives du 27/09/2021, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
à titre principal, constater la nullité du contrat de location gérance au visa des articles 1126 et 1131 du code civil pour absence de cause et d'objet et subsidiairement pour dol ; condamner la SARL CAP 51 à lui payer la somme de 2 612 160 Fcfp en réparation du préjudice financier subi,
à titre subsidiaire, condamner la SARL CAP 51 à lui payer la somme de 9 114 963 Fcfp en réparation du préjudice subi pour trouble de jouissance,
en tout état de cause, débouter la SARL CAP 51 de toutes ses demandes, la condamner à lui payer la somme de 450 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la SARL CAP 51 qui s'était engagée, compte tenu de la vétusté des locaux, à réaliser des travaux de remise en état ne les a pas tous exécutés en totalité ; que lui même, ignorant l'impossibilité d'exercer du fait de la non-conformité des locaux loués aux exigences de la SIVAP, a commencé son activité dès mai 2019, avec le matériel mobilier et outillage mis à la dispositions de la société et après rachat à celle-ci du stock en réserve ; que dans les mois qui ont suivi, il a subi des troubles de jouissance qui ne lui ont plus permis de continuer l'activité. Il fait ainsi grief à la SARL CAP 51 d'avoir cessé de lui fournir les serviettes et les sachets à disposition des clients, pour la revente des produits, de lui avoir imposé des délais de paiement de plus en plus longs s'agissant de la rétrocession, qui incombait à CAP 51, de sa part du prix des produits vendus dans la station service, et ce à l'encontre des prévisions du contrat, de cesser de produire les étiquettes nécessaires à la revente des produits, tout en précisant qu'elle ne vendait aucun produit non pourvu d'étiquette ; qu'il n'a pas eu les moyens financiers pour faire face à ces charges nouvelles, ce pourquoi, il a été contraint de stopper son activité et d'engager une instance en référé.

Il reproche encore à la SARL CAP 51 d'avoir refusé d'effectuer les travaux de mise en conformité des locaux avec les exigences de la SIVAP. Il indique qu'il a fait l'objet d'une inspection par la DAVAR qui a constaté que les lieux n'étaient pas conformes pour une activité de fabrication de plats cuisinés à l'avance avec mise sur le marché, et de l'interdiction de la vente de préparations à une épicerie ; qui plus est selon la lettre du service de l'inspection vétérinaire, en date du 29/06/2015, les locaux ne pouvaient prétendre qu'à l'obtention d'un agrément d'hygiène simplifié (autorisation de mise sur le marché sous conditions de quotas et d'un nombre limité de points de vente).

M. [F] estime que dans la mesure où l'exploitation du fonds de commerce impliquait la livraison des produits préparés dans le laboratoire à la SARL CAP 51 pour une revente aux consommateurs finaux cette activité était manifestement impossible à exercer puisque les locaux n'étaient pas conformes aux exigences sanitaires légales ; qu'en réalité le fonds de commerce loué n'existait pas lors de la signature du contrat de bail puisque le laboratoire ne pouvait être installé dans les locaux loués ; qu'il ne pouvait donc respecter à la fois le contrat de location-gérance qui l'obligeait à exploiter le fonds de commerce et les règles d'hygiène qui lui interdisaient l'activité de fabrication dans l'installation. L'activité de vente de préparation alimentaire à une épicerie, qui était l'objet de la location-gérance, était en réalité inexploitable compte tenu de la non-conformité du local d'exploitation.

Par ailleurs, M. [F] soutient que la SARL CAP 51 qui a exploité le fonds de commerce pendant dix-neuf ans a commis un dol en lui ayant tu les informations relatives à l'agrément simplifié, agrément qui au surplus ne pouvait être obtenu qu'à la condition que soient exécutés des travaux de conformité que la SARL CAP 51 n'a pas réalisés en totalité, omission qui constitue un véritable dol à l'origine d'un vice du consentement.

Il conclut qu'il en est résulté un important préjudice financier consistant en les dépenses faites pour s'équiper et en le prêt contracté pour assurer l'exploitation. Subsidiairement, il demande d'être indemnisé des troubles de jouissance subis.

Par conclusions en réponse en date du 5 mai 2022, la SARL CAP 51 conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté la résiliation du contrat de location gérance et sollicite l'infirmation sur le quantum des dommages et intérêts alloués à la concluante ; statuant de nouveau de ce chef, la SARL CAP 51 demande de condamner M. [F] à lui payer la somme de 3 408 951 Fcfp pour perte de chance de percevoir les redevances de location gérance à la suite de la fermeture du laboratoire outre celle de 500 000 Fcfp sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que le contrat de location-gérance a bien une cause et un objet ; que les clauses contractuelles ne mettent pas à sa charge la fourniture de serviettes et sachets à destination des clients de M. [F] ; que pareillement, le contrat ne prévoit aucuns travaux de remise aux normes et qu'au demeurant elle n'a jamais pris d'engagement verbal en ce sens alors qu'elle en a réalisés un bon nombre ; qu'aux termes des délibérations no 155, et 117 du 29 décembre 1998 l'étiquetage des denrées relève du seul fabricant. La SARL CAP 51 conteste tout dol, faisant remarquer que M. [F] a pris les lieux en l'état en toute connaissance de cause ; qu'elle n'est à l'origine d'aucune manoeuvre frauduleuse, ni n'a omis volontairement des informations nécessaires à l'exploitation.

Elle fait valoir en revanche que la cessation de l'exploitation lui a causé un préjudice puisque le fonds n'étant plus exploité depuis le 10 janvier 2020, elle ne perçoit plus de redevances et a perdu une partie de sa clientèle. Or, entre septembre et mi décembre 2019, elle avait perçu une redevance moyenne mensuelle de 262 227 Fcfp représentant 16 % du chiffre d'affaires de M. [F].

Vu l'ordonnance de clôture,
Vu l'ordonnance de fixation,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la résiliation du contrat

M. [F] ne conteste pas qu'à partir du 10 janvier 2020, il a cessé d'exploiter le fonds de commerce qui a été définitivement fermé à cette date. Devant le juge des référés, M. [F] a tenté de relier cette cessation d'exploitation à des troubles de jouissance causés par la SARL CAP 51 qui ne lui auraient plus permis d'exploiter normalement les lieux (absence de fournitures de serviettes et de sachets, absence d'étiquetage, délais de rétrocession plus longs) mais le juge des référés a rejeté les griefs comme non fondés.

La cour constate qu'en effet, aucune clause du contrat ne met à la charge de la SARL CAP 51 la fourniture de serviettes et sacs ou même l'étiquetage des produits vendus. Si le juge des référés a bien constaté un retard dans la rétrocession des redevances, il a aussi retenu que les sommes dues par la SARL CAP 51 avait été entièrement payées.

Aujourd'hui, devant le juge du fond, M. [F] soutient que l'inexploitation n'est pas de son fait mais résulte du refus de la SARL CAP 51 de mettre en conformité des locaux avec les prescriptions de la DAVAR, comme elle s'y serait engagée "verbalement" rendant son activité inexploitable, ce que la SARL CAP 51 ne pouvait ignorer mais qu'elle lui a caché volontairement.

Sur le soit-disant refus d'exécuter les travaux, la cour reprend à son compte les appréciations du premier juge qui a relevé qu'aucune des stipulations du contrat de location-gérance, ne met à la charge de la bailleresse les travaux exigés par le rapport de la DAVAR, rapport qui est largement postérieur à la signature du bail ; la circonstance que la SARL CAP 51 ait réalisé des travaux après l'entrée dans les lieux n'est pas de nature à laisser présumer qu'elle s'était engagée verbalement à en réaliser d'autres d'autant que ce prétendu engagement verbal n'est conforté par aucun élément extérieur et que les travaux déjà réalisés pour plus de 1 800 000 Fcfp étaient conséquents.

La cour relève que la fermeture unilatérale du laboratoire avec cessation définitive de l'exploitation date de janvier 2020 alors même qu'aucun contrôle des services sanitaires de la DAVAR dont dépend la SIVAV, n'était intervenu et qu'ainsi il n'existait aucune contre-indication qui interdisait la poursuite du bail ; au surplus le rapport de la DAVAR en date du 3 avril 2020 s'il proscrit toute vente à une épicerie, autorise, en l'état des travaux nécessaires, l'activité de fabrication à caractère artisanal de plats cuisinés à l'avance ce qui est précisément l'objet même du contrat de location gérance. Il sera rappelé que le fonds de commerce donné en location-gérance était un fonds de commerce de laboratoire alimentaire qui impliquait la préparation sur place de plats destinés à être vendus comme stipulé au contrat en ces termes : "la SARL CAP 51 concède au locataire gérant qui l'accepte, la location-gérance du laboratoire alimentaire dans les bâtiments jouxtant les bureaux du complexe commercial lui appartenant..." ; il n'est nullement précisé que la vente des plats y préparés le sera à une quelconque épicerie.

La cause du contrat est ainsi contenue dans les énonciations du contrat. L'objet du contrat est bien réel puisque M. [F] a pu exercer son activité pendant plusieurs mois.

M. [F] a en effet exploité les lieux de mai 2019 jusqu'au 10 janvier 2020 et pouvait poursuivre son exploitation au-delà puisque le fonds de commerce disposait d'un agrément d'hygiène simplifié qui lui permettait la mise sur le marché sous conditions de quotas et d'un nombre limité de ventes de plats préparés sur place, permettant donc de réaliser l'activité dans les lieux loués. Il n'est ainsi pas démontré qu'à la date du 10 janvier 2020, date à laquelle M. [F] a arrêté toute activité, cet arrêt ait été justifié par une quelconque faute de la société CAP 51 dans l'exécution de ses obligations ; la demande en nullité du contrat est infondée. La demande en nullité pour dol ne l'est pas davantage, la preuve de manoeuvres frauduleuses ou d'une intention de tromper n'est pas rapportée, la détention d'un agrément simplifié (qui était effectif en 2015 et non soumis à la réalisation de travaux) permettait d'exploiter l'activité et le contrat ne mettait à la charge de la bailleresse aucune obligation de délivrance d'un agrément plus complet alors que M. [F] se devait avant de contracter de se renseigner sur les autorisations administratives utiles ou nécessaires.

Il s'en suit que le contrat signé par M. [F] était parfaitement valable. La non-exploitation reconnue par le locataire n'est pas la conséquence obligée des manquements de la SARL CAP 51 à ses propres obligations de bailleresse, comme le soutient à tort M. [F] mais bien une décision unilatérale du locataire-gérant de fermer le laboratoire, ce qui constitue une faute contractuelle.

La bailleresse ayant mis en oeuvre la clause résolutoire insérée au contrat (article 11) stipulant une résiliation de plein droit du contrat en l'absence d'exploitation du fonds, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [F] à remettre les clés des locaux et à libérer ces derniers sous astreinte.

Sur la demande en dommages et intérêts de M. [F]

M. [F] demande des dommages et intérêts à hauteur de 2 612 160 Fcfp en raison des frais engagés (achat de matériel prêt garanti par l'Etat) et subsidiairement la somme de 9 114 963 Fcfp en réparation des troubles de jouissance. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a justement considéré qu'en raison de la résiliation du contrat de location-gérance aux torts du locataire, la demande de ce dernier en dommages et intérêts était infondée puisque le préjudice réclamé ne peut être rattaché une faute contractuelle de la part de la bailleresse.

Sur le préjudice financier de la SARL CAP 51

La SARL CAP 51 réclame la somme de 3 0408 951 Fcfp en réparation du préjudice constitué par la perte de redevances sur treize mois (du 10 janvier 2020, date de fermeture de l'exploitation à la date de restitution du fonds au 21 mars 2021 selon procès-verbal d'huissier) sur la base d'une redevance de 262 227 Fcfp mensuelle réalisée de mi-septembre à décembre 2019, soit sur les trois derniers mois d'exploitation.

Le premier juge lui a accordé des dommages et intérêts d'un montant de 625 800 Fcfp (10,43 mois x 60 000 Fcfp par mois) en considérant d'une part que la période décomptée était excessive et que la seule à prendre en compte devait être celle à courir de la cessation de l'exploitation soit du 10 janvier jusqu'au 13 novembre 2020 date de résiliation du contrat et d'autre part qu'eu égard à la période de récession de l'activité économique due à la Covid 19, il n'existait pas de lien de causalité direct et certain entre la perte sur ladite période des redevances, payées sur la période précédente de seulement trois mois de sorte que la SARL CAP 51 ne pouvait prétendre qu'à une perte de chance. La cour reprend à son compte cette analyse, le préjudice ne pouvant être équivalent à la perte nette des redevances, eu égard à la fluctuation du chiffre d'affaires et à la Covid. En revanche, la période considérée doit être celle courant jusqu'à la restitution des locaux. La somme de 780 000 Fcfp ( 60 000 Fcfp x 13 mois ) sera allouée à l'intimée.

Sur l'article 700

Il n'est pas inéquitable de débouter l'intimée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

M. [F] succombant supportera les dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme la décision en toutes ses dispositions, excepté sur le quantum des dommages et intérêts alloués à la SARL CAP 51 ;

Statuant de nouveau de ce chef,

Condamne M. [F] à payer à la SARL CAP 51 la somme de 780 000 Fcfp à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant d'une perte de chance de percevoir les redevances de location-gérance en suite de la fermeture du laboratoire le 10 janvier 2020 ;

Déboute la SARL CAP 51 de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [F] aux dépens de la procédure d'appel.

Le greffier, Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 21/000255
Date de la décision : 08/09/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-09-08;21.000255 ?
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