No de minute : 32/2022
COUR D'APPEL DE NOUMÉA
Arrêt du 02 Juin 2022
Chambre sociale
Numéro R.G. : No RG 20/00040 - No Portalis DBWF-V-B7E-RAD
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Mai 2020 par le Tribunal du travail de NOUMEA (RG no :18/28)
Saisine de la cour : 28 Mai 2020
APPELANT
M. [R] [H]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 3] ([Localité 3])
demeurant [Adresse 4]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/001567 du 02/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de NOUMEA)
Représenté par Me Grégory MARCHAIS membre de la SELARL D'AVOCATS LUCAS MARCHAIS, avocat au barreau de NOUMEA
INTIMÉS
S.A.S. JOHNSTON DISTRIBUTION A L'ENSEIGNE JOHNSTON
[Adresse 6]
Représentée par Me Denis MILLIARD membre de la SELARL SOCIETE D'AVOCATS MILLIARD MILLION, avocat au barreau de NOUMEA
CAISSE DE COMPENSATION DES PRESTATIONS FAMILIALES DES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET DE PREVOYANCE (CAFAT)
[Adresse 5]
AUTRE INTERVENANT
COMPAGNIE D'ASSURANCE QBE INSURANCES INTERNATIONAL LIMITED DELEGATION DE NOUVELLE CALEDONIE
Siège social: [Adresse 2]
Représentée par Me Caroline MASCARENC DE RAISSAC membre de la SELARL D'AVOCATS REUTER-DE RAISSAC-PATET, avocat au barreau de NOUMEA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 Avril 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DORCET, Président de chambre, président,
Mme Nathalie BRUN, Conseiller,
M. Thibaud SOUBEYRAN,Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de Mme Nathalie BRUN.
Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE
Greffier lors de la mise à disposition : Mme Isabelle VALLEE
ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par Monsieur Philippe DORCET, président, et par Mme Isabelle VALLEE, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE
Initialement employé depuis le 22 octobre 1992 par la SAS JOHNSTON DISTRIBUTION, monsieur [R] [H] a conclu avec ladite société un contrat de travail à durée indéterminée du 20 octobre 1993, en qualité de boucher pour un salaire de base de 120 750 FCFP avec effet rétroactif au premier octobre 1993.
Suite à un arrêt cardiaque du 7 avril 2012, il était déclaré apte avec restrictions s'agissant du port de charges selon avis du docteur [G] du 7 juin 2012,
Il était victime d'un accident de travail le 21 juillet 2014 qui lui causait un épanchement péritendineux du biceps droit, pris en charge par la CAFAT et ouvrant droit à une rente suite à la fixation d'un taux d'IPP de 5 % par le médecin de la CAFAT.
Le 22 juin 2016, il consultait le docteur [N] pour des douleurs à l'épaule qui constatait une épaule droite trophique avec lésion sus épineux et sollicitait une demande de reconnaissance de maladie professionnelle du tableau 57/A auprès de la CAFAT qui lui notifiait une décision rejetant celle-ci le 25 septembre 2016.
Le 16 mars 2018, il était licencié pour une cause réelle et sérieuse.
Par requête déposée au greffe le 26 juillet 2018, monsieur [R] [H] a fait convoquer la SAS JOHNSTON DISTRIBUTION et la CAFAT devant le juge de la mise en état aux fins d'ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer si les conditions du tableau 57/A étaient remplies ainsi qu'évaluer son préjudice corporel et patrimonial consécutif à l'accident dont il a été victime.
Par ordonnance en date du 14 septembre 2018 le juge de la mise en état ordonnait une mesure d'expertise confiée au docteur [U] qui concluait que les conséquences de l'accident de travail avaient évolué en maladie professionnelle (tendinite chronique de l'épaule) remplissant les critères du tableau 57A.
***
Par jugement en date du 19 mai 2020, le tribunal du travail a statué comme suit :
-DIT que les sanctions de mise à pied notifiées à M. [H] par la SAS JOHNSTON DISTRIBUTION sont justifiées ;
-DIT son licenciement pour faute grave et sa mise à pied conservatoire légitimes et son licenciement non vexatoire ;
- DIT qu'il a subi une maladie professionnelle,
-DIT que son action en faute inexcusable n'est pas prescrite ;
-CONSTATE cependant que sa maladie professionnelle n'est pas imputable à la faute inexcusable de son employeur la SAS JOHNSTON DISTRIBUTION ;
-DEBOUTE M [H] de toutes ses demandes,
-DEBOUTE la SAS JOHNSTON de ses demandes à l'encontre de la compagnie d'assurances QBE INSURANCE INTERNATIONAL ;
-FIXE à quatre (4) unités de valeur, le coefficient de base servant au calcul de la rémunération de Maître Grégory MARCHAIS, avocat au barreau de Nouméa, désignée au titre de l'aide judiciaire,
-CONDAMNE le requérant aux dépens qui seront recouvrés selon les règles de l'aide judiciaire.
PROCEDURE D'APPEL
Par requête d'appel enregistrée le 28 mai 2020, monsieur [H] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 30 juillet 2021, il demande à la cour de :
- DIRE et JUGER son appel recevable,
- CONFIRMER le jugement du Tribunal du Travail du 19 mai 2020 en ce qu'il a dit et jugé qu'il est victime d'une maladie professionnelle.
Pour le surplus, REFORMER le jugement du Tribunal du Travail.
Et, statuant à nouveau
Sur les sanctions disciplinaires :
-DIRE ET JUGER que les sanctions des 25 avril et 21 septembre 2017 ne sont pas fondées et sont, en tout état de cause, disproportionnées.
En conséquence,
- ANNULER les sanctions disciplinaires du 25 avril 2017, mise à pied de 3 jours, et du 21 septembre 2017, mise à pied de 5 jours 2017.
- CONDAMNER la société JONHSTON DISTRIBUTION à lui verser la somme de 68 624 XPF avec intérêts de droit à compter de la présente requête.
Sur la maladie professionnelle
FIXER la rente de Monsieur [H] à 20%.
Sur la faute inexcusable
RAPPELER qu'elle a, à l'égard de Monsieur [H] une obligation de sécurité de résultat.
- CONSTATER qu'il a été victime le 27 juillet 2014 d'un accident de travail.
- CONSTATER que l'accident de travail dont il a été victime a pour effet des rechutes à répétition.
- CONSTATER que l'expert judiciaire a précisé qu'il était victime d'une maladie professionnelle.
- CONSTATER que la société JONHSTON DISTRIBUTION a mis tardivement des équipements pas nécessairement adaptés et pas entretenu dans le temps, à disposition de ses salariés.
- CONSTATER que la société JONHSTON DISTRIBUTION n'a pas respecté les restrictions médicales du médecin du travail.
- CONDAMNER la société JONHTSON DISTRIBUTION au titre de sa faute inexcusable à l'origine de l'accident du travail évoluant en maladie professionnelle.
- DIRE ET JUGER que sa rente sera majorée à son taux maximal.
- CONDAMNER la société JOHNSTON DISTRIBUTION à lui verser la somme de :
- 1 000 000 XPF à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.
- 2 178 000 XPF au titre de l'AIPP
- 22 544 352 XPF au titre de l'incidence professionnelle
- 385 000 XPF au titre des souffrances endurées temporaires
- 385 000 XPF au titre des souffrances endurées définitives,
- 220 000 XPF au titre du préjudice esthétique,
- 500 000 XPF au titre du préjudice d'agrément,
Sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse et vexatoire
- CONSTATER qu'il a été licencié en cours de procédure.
- CONSTATER que la lettre de licenciement qui fixe les termes du litige ne définit pas précisément ni ne fixe la date des propos injurieux à l'origine du licenciement.
- CONSTATER qu'il convient en tout état de cause de tenir compte de l'ancienneté du salarié et du milieu professionnel dans lequel il évolue pour tenir compte de la gravité des propos reprochés.
- DIRE ET JUGER que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et accompagné de procéder vexatoire dans sa mise en oeuvre.
- CONDAMNER la société JOHNSTON DISTRIBUTION à lui verser la somme de :
- 9 356 160 FCFP au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3 742 464 FCFP au titre du licenciement accompagné de procédés vexatoires,
- DIRE ET JUGER que les créances porteront intérêts à compter du jugement à intervenir s'agissant des créances indemnitaires et à compter de la saisine de la juridiction pour les créances salariales.
- CONDAMNER la société JOHNSTON DISTRIBUTION à lui verser la somme de 250 000 FCFP au visa de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.
- FIXER tel qu'il plaira au Tribunal du Travail les unités de valeur revenant à Maître [L]
[K] agissant au titre de l'aide judiciaire totale no 2020/001567 du 2/10/2020.
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Selon ses dernières conclusions déposées le 14 septembre 2021, valant appel incident la SAS JOHNSTON DISTRIBUTION demande à la cour de :
- Dire recevable mais mal fondé l'appel formé par monsieur [H].
- la recevoir en ses écritures,
- Les dire justes et bien fondées,
- CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement déféré, hormis en ce qu'il n'a pas été statué sur sa demande de dommages et intérêts ;
- RECEVOIR son appel incident
- CONDAMNER monsieur [H] à lui payer la somme de 3.000.000 FCFP en réparation du fait de l'atteinte à son image de marque et à sa réputation,
- CONDAMNER monsieur [H] à lui payer la somme de 500.000 FCFP au titre des dispositions de l'article 700 du CPCNC, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL MILLIARD-MILLION.
***
Selon ses conclusions déposées le 12 février 2021, la Compagnie d'Assurances QBE INSURANCE INTERNATIONAL DE LIMITED demande à la cour de :
- Confirmer la jugement entrepris ;
- Constater que monsieur [H] ne rapporte pas la preuve d'une faute inexcusable comme étant à l'origine de l'évolution de l'accident du travail en maladie professionnelle ;
- Constater que la garantie de la compagnie d'assurances QBE serait, en cas de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable, en tout état de cause, limitée à la majoration de rente que la CAFAT est habilitée à récupérer par les moyen d'une cotisation « accident du travail » supplémentaire ;
- Dire, par conséquent, qu'elle ne saurait garantir aucune somme versée à monsieur [H] par la SAS JO NHSTON DISTRIBUTION au titre de la réparation de son préjudice personnel ;
- Débouter monsieur [H] et la SAS JONHSTON de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.
- Condamner monsieur [H] au paiement d'une somme de 200 000 FCFP au titre de l'article 700 du NCPCNC.
SUR CE LA COUR,
Sur le bienfondé des sanctions disciplinaires
Aux termes des dispositions de l'article Lp. 132-8 du Code du travail « En cas de litige, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction.L'employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction.
Au vu de ces éléments et de ceux qui peuvent être fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise, ".
Sur la mise à pied de 3 jours notifiée le 25 avril 2017
L'employeur reproche à M. [H] d'avoir été irrespectueux le 1er avril 2017 en commettant les faits suivants pour avoir :
- refusé de découper et de préparer une pièce de b?uf comme l'avait demandé son responsable hiérarchique, M. [B],
- insulté ce dernier et avoir fait preuve d'insubordination envers lui en lui disant qu'il n'était "qu'un bon à rien" et "tu ne commandes pas, tu n'es pas le chef ici,
- refusé un client qui demandait des pieds de porc en lui disant que c'était du libre-service et en demandant ensuite à M. [B] de le faire,
- dénigré le travail de ses collègues en leur disant que la viande était de mauvaise qualité au libre-service.
En cause d'appel, monsieur [H] ne conteste pas ces faits mais tente à nouveau de les atténuer. Pour autant, il échoue dans la démonstration de la preuve qui lui incombe, d'une faute ou d'un manquement de l'employeur.
Dès lors, au regard de l'ensemble des éléments soumis au débat la cour considère que c'est par une juste appréciation que le premier juge a pu retenir que monsieur [H] a commis une insubordination et adopté un ton inadapté à l'égard de son supérieur hiérarchique ; que le refus d'effectuer une tâche demandée par son supérieur est constitutive d'insubordination caractérisée ; et que ces propos envers la clientèle sur la fraîcheur de la viande sont de nature à nuire à son employeur.
Dans ses conditions, la multiplicité des fautes commises par le salarié et leur gravité sanctionnées par la mise à pied de 3 jours n'est pas disproportionnée au regard des précédents rappels à l'ordre dont il avait déjà fait l'objet les 24 février 2017 et 24 mars 2017 pour des faits identiques d'insubordination (non affichage des prix et non port des protections individuelles) soit quelques jours avant les faits susvisés.
Sur la mise à pied de 5 jours notifiée le 21 septembre 2017
L'employeur reproche à monsieur [H] d'avoir le 10 aout 2017 mis en place partiellement le rayon traditionnel de la boucherie sans aucun affichage des prix et de ne pas avoir salué le directeur à deux reprises au motif que ce n'était pas écrit dans son contrat de travail.
La cour relève que si monsieur [H] ne conteste pas absolument pas ces faits, en cause d'appel, il soutient désormais que pour faire face à l'absence des deux autres bouchers au rayon boucherie, la mise en place de l'ensemble du rayon boucherie dans le délai imparti d'1h30 était impossible mais sans rapporter la preuve des difficultés rencontrées.
En conséquence, compte tenu de l'ensemble des précédents disciplinaires évoqués ci-avant, la mise à pied de 5 jours ne peut être qualifiée de disproportionnée.
Par ailleurs, l'employeur a fait une exacte application du règlement intérieur en date du 28 décembre 2009, dès lors que celui-ci de 2017, évoqué par le salarié, prévoit expressément son entrée en vigueur à compter du 1 décembre 2017contrairement au moyen invoqué par l'appelant.
Dans ces conditions, la décision entreprise sera confirmée.
Sur le licenciement pour faute grave
Le licenciement n'est légitime que s'il est fondé sur une cause réelle et sérieuse, ce qui nécessite la preuve de griefs matériellement vérifiables et objectifs qui sont suffisamment pertinents et rendent inéluctables la rupture du contrat de travail.
Le licenciement pour faute grave a nécessairement un caractère disciplinaire mais le licenciement peut être légitime même si la faute n 'est pas qualifiée de grave, il faut et il suffit qu'elle ne permette plus la poursuite de la relation de travail.
Le juge doit apprécier l'existence et la gravité de la faute et ce, même en cas d'aveu de la part du salarié.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations, résultant du contrat de travail d'une importance telle qu' elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
La lettre de licenciement fixe les limites du litige et doit énoncer de manière suffisamment précise les motifs invoqués par l'employeur. Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave d'en rapporter la preuve. A défaut, le doute profite au salarié.
En l'espèce, il est reproché à monsieur [H] d'avoir continué de proférer des insultes racistes à rencontre de ses collègues, faits qualifiés de graves dans la lettre de licenciement en date du 16 mars 2018 qui fait suite à la procédure disciplinaire diligentée, le salarié ayant été mis à pied pour ces faits dès le 7 mars.
L'appelant soutient que le licenciement serait dépourvu de cause réelle et sérieuse alors même que les faits ne sont pas datés, l'employeur devant d'une part prouver l'existence de griefs matériellement vérifiables et objectifs, et d'autre part, la procédure de licenciement ayant été engagée en réponse à la saisine du tribunal. Il considère que son licenciement pour avoir proféré des insultes racistes à l'adresse de ses collègues de travail est injustifié alors même que le règlement intérieur ne prévoyait qu'une sanction minimale d'un jour de mise à pied pour de tels faits.
Il affirme également que dans « le milieu de la boucherie » et plus particulièrement en Nouvelle-Calédonie, il est fréquent que le langage entre bouchers soit plus « fleuri que celui utilisé entre les cadres d'une grande entreprise ». Ces propos s'inscrivent tout au plus dans un contexte de familiarité et de plaisanterie entre collègues.
A cette fin, il verse en cause d'appel, les attestations de deux collègues bouchers pour monsieur [A] et monsieur [P] déclarant que « qu'entre nous les bouchers on s'insulte, il y avait toujours des moqueries mais à chaque fois toujours se taquiner ? », et ou « s'insulter et on rigoler et se taquiné ensuite (?) » (sic).
En réplique l'employeur invoque qu'il est tenu vis-à-vis de ses salariés d'une obligation de sécurité de résultat. Ainsi, dans ce cadre il se devait de protéger les autres salariés de l'entreprise, victimes d'insultes à connotation raciste proférées par monsieur [H].
En l'espèce, il résulte de l'ensemble des débats que plusieurs collègues de monsieur [H] ont dénoncé auprès de leur employeur le comportement injurieux et à connotation raciste à leur égard.
- Monsieur [C], son collègue boucher s'est plaint à la direction le 18 février 2018 de ce que M, [H] proférait à son encontre quotidiennement des insultes racistes telles que « Enculés de Wallis et enculés de tama » et qu'il a sollicité l'intervention de l'employeur pour que cela cesse. Ce courrier faisait suite à une attestation qu'il avait remise à l'employeur le 13 février 2018 selon lesquels monsieur [H] avait proféré à son encontre les phrases suivantes : "Les WALLIS sont des bons à rien. Tu vas retourner chez toi à Wallis sur un tronc de bananier, les WALLISIENS à part les cochons c 'est tout ce qu'ils savent faire ». Il remettait le 20 février 2018 une autre attestation à l'employeur dénonçant encore avoir été victime le 20 février des insultes racistes du requérant qui lui avait alors dit « WALLISIEN, c'est tous des PD, WALLISIEN c'est les cochons et les allocations, c'est tout ce qu'ils savent foutre ; vivement l'indépendance que vous rentrez chez vous".
De même, monsieur [Y] [W] témoigne de la teneur des propos du salarié envers ses collègues, précisant que monsieur [H] tenait des propos insultants et injurieux à son égard, tels que « Enculé de Wallis, Enculé de Tama ».
De toute évidence, la Cour considère que de tels propos injurieux ou à connotation raciste ne peuvent s'inscrire dans un cadre de taquineries entre collègues et dépassent très largement les relations cordiales normalement attendues entre collègues.
A l'instar du premier juge la cour relève que la réaction de ses collègues de travail qui se sont plaints de son comportement raciste répété démontre que ces propos racistes quotidiens les affectaient et qu'il ne s'agissait en aucun cas de taquineries mais des propos déplacés de nature à porter atteinte à leur dignité et leur santé.
C'est par une juste appréciation que la cour adopte que le premier juge a retenu que le licenciement pour faute grave était d'autant plus justifié que M. [H] avait déjà fait l'objet d'une mise à pied pour un comportement inadapté à l'égard de M. [B], son supérieur hiérarchique qu'il traitait de « bon à rien".
Au surplus, la cour note que le règlement intérieur permettait à l'employeur de prononcer une mesure de licenciement, celui-ci indiquant expressément que l'échelle des sanctions était indicative et permettant à la direction de retenir une autre sanction en fonction des circonstances propres à chaque incident disciplinaire.
La faute grave est caractérisée de sorte que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Dans ses conditions, le salarié sera débouté de toutes ses demandes indemnitaires.
Sur le caractère vexatoire du licenciement
Il est de jurisprudence constante qu'un licenciement même justifié par une cause réelle et sérieuse ne doit pas être vexatoire et qu'à défaut l'employeur peut être condamné à payer au salarié des dommages-intérêts.
L'appelant ne démontre pas que son employeur a eu un comportement vexatoire de nature à lui causer un préjudice autre que celui causé par la rupture. Il sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.
Sur le caractère professionnel de la maladie
En cause d'appel, la reconnaissance par la CAFAT et l'employeur de la maladie professionnelle de monsieur [H] n'est pas contestée.
Sur faute inexcusable
La faute inexcusable de l'employeur est établie quand un salarié est victime d'un accident ou d'une maladie professionnelle et que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, mais qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en protéger. Autrement dit, constitue une faute inexcusable de l'employeur tenu à une obligation de sécurité, le fait de n'avoir pas pris toutes les mesures nécessaires pour préserver le salarié du danger auquel il était exposé.
Il appartient à la victime de rapporter la preuve des deux éléments matériels caractérisant la faute inexcusable.
Il s'ensuit que la simple constatation du manquement à l'obligation de sécurité suffit à engager la responsabilité de l'employeur si la victime apporte la preuve qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel il exposait son salarié et l'absence de mesures de prévention et de protection.
L'appelant expose que sa maladie professionnelle est consécutive au port de charges lourdes qu'il a continué à assurer malgré une aptitude avec restriction de ports et charges depuis le 7 juin 2012 renouvelée après son accident de 2014 et que l'employeur n'a pas pris les mesures pour prévenir ce risque.
L'employeur ne conteste pas que le rail ait pu dysfonctionner comme en atteste le constat d'huissier, pour autant il précise que rien ne lui avait été signalé et que cet incident n'établit aucun lien entre l'éventuel dysfonctionnement de ce jour-là et un accident subit par le salarié.
Il résulte de l'ensemble des éléments soumis au débat que :
- Le bordereau de transmission intitulé Dossier Médical de Santé au travail de Monsieur [H] [R], mentionne à la date du 7 janvier 2008 la présence d'un rail de quai de déchargement à la chambre des carcasses et de la chambre froide à l'atelier de découpe puis le18 février 2009 il est précisé que le déchargement des carcasses est fait par les livreurs de Sodevia ;
- La fiche récapitulative du SMIT en date du 7 janvier 2008 indique qu'il y avait un rail de quai de déchargement à la chambre froide et de la chambre froide à l'atelier- découpe et que le déchargement des carcasses est fait par des livreurs de la société SODEVI ;
- L'enquête de matérialité diligentée par l'agent de la CAFAT en 2016 suite à sa demande de reconnaissance par l'employeur, constatait que M.[H] était affecté depuis 3 ans au poste de boucher à l'étal et que son travail consistait à servir les clients (découpe de la viande à la demande (40 % de son temps de travail) et à la découpe de la viande sur table et sa mise sous film plastique avant d'être mise en vitrine (60 % de son temps de travail). L'enquêteur avait précisé que M. [H] lui avait expliqué qu'il souffrait de l'épaule droite notamment lors de l'opération de mise en vitrine, bras tendus, des produits découpés (mouvement forcé de l'épaule) et qu'en poste au laboratoire en 2013 il avait pour tâche de séparer l'os de la viande au moyen d'un couteau (opération de désossage : mouvement forcé des épaules, flexion des bras, extension et flexion des poignets, préhension des mains). Il s'ensuit que M. [H] n'a jamais indiqué à l'enquêteur qu'il soulevait des carcasses ou des cartons de viandes importants ;
- Le dossier d'évaluation des risques réalisé en 2012 consacré au rayon et libre-service boucherie, les différents procès-verbaux de réunion du CHSCT qui font état des diverses interventions des diverses interventions de l'employeur, au rayon boucherie en vue de la préservation de la santé et de la sécurité des salariés ;
- Les attestations produites en première instance de MM.[O], [B] et [W] contredisent directement celles dont se prévaut monsieur [H], celle de M. [P] et de Mme [Z] qui sont imprécises notamment sur les dates auxquelles ils auraient constaté que M. [H] décrochait des pièces de viande pendant son travail. Quant au témoignage de M. [A] il est tout aussi imprécis sur la date des faits.
Il s'en déduit que M. [H] échoue à démontrer une faute ou un manquement de l'employeur. La décision sera confirmée en cette disposition.
Sur préjudice subi par la société du fait des dénigrements commis par le salarié :
Comme relevé par l'intimé le premier juge a omis de statuer sur ce point.
La société considère que les actions répétées ont eu un impact direct sur le chiffre d'affaire de la boucherie qu'elle évalue à la somme de 3 000 000 FCFP.
En l'espèce, le comportement du salarié dénigrant ouvertement auprès de la clientèle la qualité des produits vendus, jetant ainsi le discrédit sur professionnalisme de la société en matière de sécurité alimentaire a nécessairement impacté l'image de la société lui causant un préjudice qu'il convient de réparer. Pour autant, la cour constate que l'employeur ne justifie d'aucune pièce établissant un lien direct entre l'attitude dénigrante du salarié et une baisse supposée du chiffre d'affaire. L'intimée sera déboutée en cette demande.
Sur la garantie de la compagnie d'assurances QBE
La faute inexcusable de l'employeur n'étant pas établie, la compagnie d'assurances QBE n'a pas à garantir les condamnations.
Sur les frais irrépétibles
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont engagées, compte tenu de leur situation financière respective.
La société défenderesse sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les dépens
Il convient de condamner l'appelant qui succombe aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs plus amples demandes,
Condamne monsieur [H] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL MILLIARD-MILLION.
Fixe à quatre (4) unités de valeur revenant à Maître Grégory MARCHAIS, avocat au barreau de Nouméa, désigné au titre de l'aide judiciaire.
Le greffier,Le président.