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23/05/2022 | FRANCE | N°21/000335

France | France, Cour d'appel de noumea, 05, 23 mai 2022, 21/000335


No de minute : 32/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 23 mai 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 21/00033 - No Portalis DBWF-V-B7F-R6U

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 avril 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :19/328)

Saisine de la cour : 12 mai 2021

APPELANT

M. [E] [V]
né le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Lionel CHEVALIER, membre de la SELARL LIONEL CHEVALIER, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

Mme [L] [Y

] épouse [A]
née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 9] (CÔTE D'IVOIRE)
demeurant [Adresse 1]

M. [J] [A]
né le [Date naissance...

No de minute : 32/2022

COUR D'APPEL DE NOUMÉA

Arrêt du 23 mai 2022

Chambre commerciale

Numéro R.G. : No RG 21/00033 - No Portalis DBWF-V-B7F-R6U

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 avril 2021 par le tribunal mixte de commerce de NOUMEA (RG no :19/328)

Saisine de la cour : 12 mai 2021

APPELANT

M. [E] [V]
né le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 5]
Représenté par Me Lionel CHEVALIER, membre de la SELARL LIONEL CHEVALIER, avocat au barreau de NOUMEA

INTIMÉS

Mme [L] [Y] épouse [A]
née le [Date naissance 4] 1959 à [Localité 9] (CÔTE D'IVOIRE)
demeurant [Adresse 1]

M. [J] [A]
né le [Date naissance 3] 1948 à [Localité 7] (VIETNAM)
demeurant [Adresse 1]

Tous deux représentés par Me Béatrice AUPLAT-GILLARDIN, membre de la SARL GILLARDIN AVOCATS, avocat au Barreau de NOUMEA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 mars 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,
Mme Nathalie BRUN, Conseiller,
M. Thibaud SOUBEYRAN, Conseiller,
qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Thibaud SOUBEYRAN.

Greffier lors des débats : Mme Isabelle VALLEE
Greffier lors de la mise à disposition : M. Petelo GOGO

ARRÊT :
- contradictoire,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour après prorogation le 23 mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,
- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par M. Petelo GOGO, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire.

***************************************

PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE

Suivant acte sous seing privé du 17 novembre 2017, M. [J] [A] et Mme [L] [Y] épouse [A] ont cédé à M. [E] [V] un fonds de commerce de gestion externalisée de flotte automobile pour entreprises et administrations, de vente de pièces détachées et de véhicules d'occasion exploité sur la commune du [Localité 6] sous l'enseigne "LAJASEM CONSULTING" moyennant paiement d'une somme de 11 375 000 francs CFP. L'acte comportait notamment une clause de non-concurrence aux termes de laquelle les cédants s'interdisaient expressément de créer ou d'exploiter, directement ou indirectement, toute activité ayant un rapport direct ou indirect avec le fonds de commerce faisant l'objet de la vente durant trois ans sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie. Cette clause excluait toutefois expressément l'activité de vente de véhicules d'occasion.

Suivant protocole d'accord transactionnel signé le 6 septembre 2018, les époux [A] consentaient à verser à M. [E] [V] la somme de 2 000 000 francs CFP et renonçaient à lui réclamer la somme de 100 000 francs CFP qui leur restait due, tout en s'engageant à respecter parfaitement désormais leurs engagements de non-concurrence. En contrepartie, M. [E] [V] renonçait, sous réserve de la parfaite exécution du protocole, à réclamer aux époux [A] toute autre indemnité à raison de l'exécution de l'acte de vente.

Par courrier du 11 avril 2019, M. [E] [V], se plaignant de la poursuite d'activité exercée par les vendeurs en violation de la clause de non-concurrence, sollicitait l'organisation d'une nouvelle réunion de conciliation.

Par courrier du 9 mai 2019, les époux [A] contestaient les actes allégués par M. [E] [V] et ne donnaient pas suite à sa demande de réunion.

Par requête déposée au greffe le 30 juillet 2019, M. [E] [V] a fait convoquer les époux [A] devant le tribunal de commerce de Nouméa afin de le voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, annuler la vente du fonds de commerce et condamner solidairement les époux [A] à lui restituer le prix de vente. À titre subsidiaire, il sollicitait l'indemnisation du préjudice consécutif à la violation par les vendeurs de leur obligation de non-concurrence et sollicitait, pour chiffrer son préjudice, la production des grands livres comptables de l'entreprise individuelle exploitée sous l'enseigne "AKWABA".

Par jugement contradictoire du 16 avril 2021, le tribunal, retenant que M. [E] [V] ne rapportait pas la preuve du non-respect de l'obligation de non-concurrence imputée aux vendeurs, l'a déclaré irrecevable en son action et ses demandes et l'en a débouté, tout en le condamnant à leur payer la somme de 300 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie.

PROCÉDURE D'APPEL

M. [E] [V] a interjeté appel de cette décision par requête déposée au greffe de la cour le 12 mai 2021.

Au terme de ses dernières écritures du 12 août 2021, il demande à la cour :

- à titre principal, d'annuler la vente et de condamner solidairement les époux [A] à lui restituer le montant du prix de cession, soit la somme de 11 375 000 francs CFP ;

- à titre subsidiaire, de condamner solidairement les époux [A] à l'indemniser de l'entier préjudice consécutif à la violation de l'engagement de non-concurrence selon un chiffrage qui sera établi après que les consorts [A] aient produit les grands livres comptables de l'entreprise individuelle exploitée sous l'enseigne "AKWABA" ;

- de condamner solidairement les défendeurs à lui payer la somme de 300 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ainsi qu'aux entiers dépens.

En réplique, au terme de leurs dernières écritures du 30 octobre 2021, les époux [A] demandent à la cour :

- à titre principal, de déclarer irrecevables les demandes formées par M. [E] [V] et de confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- à titre subsidiaire, de débouter M. [E] [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- en tout état de cause, de le condamner à leur payer la somme de 400 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un exposé exhaustif des moyens des parties, la cour renvoie expressément à leurs écritures respectives et aux développements ci-dessous.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action :

Vu les dispositions des articles 122 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie et 2052 du code civil ;

Les époux [A] soutiennent que l'action diligentée par M. [E] [V] est irrecevable pour se heurter à l'autorité de la chose jugée dont sont revêtues les dispositions de la transaction du 14 septembre 2018.

En l'espèce, le protocole d'accord transactionnel prévoit en son article 2 que M. [E] [V] accepte de recevoir paiement de la somme de 2 000 000 francs CFP à titre d'indemnité forfaitaire et définitive et précise : "Sous réserve de la parfaite exécution du présent protocole, M. [E] [V] renonce à réclamer à Monsieur et Madame [A] toute autre indemnité de quelque nature que ce soit à raison de l'exécution de l'acte de cession susvisé". Aux termes du même protocole, les époux [A] s'engagent à respecter parfaitement à compter de ce jour les conditions de l'acte de cession du fonds de commerce et notamment l'engagement de non-concurrence contenue à l'acte (article 3).

L'article 4 stipule quant à lui : "sous réserve de la parfaite exécution des dispositions stipulées au présent, et sans que cela vaille reconnaissance du bien-fondé des prétentions de chaque partie, les soussignés de première part et de seconde part renoncent réciproquement, à l'encontre les uns des autres, à toute instance, action, réclamation et prétentions de quelque nature qu'elle soit, trouvant leur origine dans l'acte de cession de fonds de commerce signé entre elles le 17 novembre 2017".

Il se déduit des termes mêmes de ce protocole que si les parties ont entendu mettre un terme à tout litige né ou à naître de l'exécution du contrat de cession, cette transaction a été conclue "sous réserve de la parfaite exécution des dispositions stipulées", comprenant notamment le respect, à compter du 14 septembre 2018, de l'obligation de non-concurrence des vendeurs.

Il s'en suit que M. [E] [V] n'est pas irrecevable à agir à l'encontre des époux [A] pour solliciter la résolution de la vente ou l'indemnisation de ses préjudices dès lors qu'il invoque, comme en l'espèce, des manquements des vendeurs postérieurs au 14 septembre 2018, la recevabilité de l'action étant indépendante de son bien-fondé.

Le jugement sera dès lors infirmé de ce chef.

Sur les manquements allégués à l'obligation de non-concurrence :

M. [E] [V], sur lequel repose la charge de la preuve du non-respect de l'obligation de non-concurrence pesant sur les vendeurs, soutient que ce manquement est caractérisé, postérieurement à la transaction du 14 septembre 2018 :

- d'une part par la poursuite de l'activité de maintenance des véhicules de la flotte automobile de la société SOCOMETRA,

- d'autre part par la poursuite de l'activité de maintenance des véhicules de la flotte de la société KONIAMBO NICKEL, confiés à la SOCIÉTÉ D'IMPORTATION AUTOMOBILE DU PACIFIQUE (SIAP) par l'intermédiaire de l'entreprise individuelle créée pour l'occasion par le fils des vendeurs, M. [H] [A] sous l'enseigne "JC MECA CONCEPT".

Toutefois, le premier juge a relevé à juste titre que la poursuite de ces activités de maintenance de véhicules de deux sociétés clientes du fonds cédé n'était pas démontrée dès lors que :

- les déclarations de Mme [C] effectuées le 10 avril 2019 selon lesquelles " la société SOCOMETRA confie ses véhicules pour maintenance à Monsieur [J], [P] [A] depuis le mois de décembre 2017. Cette maintenance est effectuée une fois tous les trois ou quatre mois uniquement pour réparation ou mise en conformité et n'est donc pas préventive" , sont contredites par les attestations plus précises et concordantes de M. [T] [G], responsable des achats au sein de la société SOCOMETRA, selon lesquelles les vendeurs " n'ont pas pris contact avec SOCOMETRA pour la prise en charge des véhicules de la flotte depuis que la vente de LAJASEM CONSULTING est effective" et de M. [N] [U], chef d'atelier au sein de la société SOCOMETRA, qui indique "j'ai été prévenu par Monsieur et Madame [A] que leur entreprise LAJASEM CONSULTING avait été vendue et que de ce fait ils ne prendraient plus en charge les véhicules habituels de la SOCOMETRA pour l'entretien. Ils m'ont présenté M. [E] [V]. Avec celui-ci nous avons parlé du processus de la SOCOMETRA pour travailler de la même manière qu'avec la famille [A]. J'ai été informé de la même manière par mon supérieur hiérarchique M. [T] [G] responsable de la logistique et des commandes de travaux. Dès que j'ai eu le feu vert de ma hiérarchie j'ai travaillé avec M. [E] [V]. Non je n'ai jamais confié un seul véhicule ni à Mr [A], ni à Mme [A]. Dès lors que la passation a été faite, ces derniers ne sont jamais venus solliciter un seul entretien de ma part", étant relevé que l'activité de Mme [C], présentée comme "chef de service" au sein de la société SOCOMETRA, n'est pas identifiable de sorte qu'elle ne peut être considérée, contrairement aux deux autres témoins, comme ayant eu une connaissance directe et certaine des faits qu'elle rapporte, ses déclarations n'étant étayées par aucun autre élément de preuve ;

- les déclarations de M. [M] aux termes du procès-verbal d'interpellation du 3 mai 2019 et de l'attestation du 13 mai 2019 établissent que M. [H] [A] sous l'enseigne JC MECA CONCEPT a confié à la société SIAP pour diagnostic, le 29 avril 2019, un véhicule appartenant à la société KNS, ce dont il ne peut se déduire que les vendeurs continuaient à procéder à l'entretien des véhicules de cette société alors que le témoin précise que ce dépôt a concerné un unique véhicule, que ce dépôt était justifié par la nécessité de recourir à un appareil de diagnostic uniquement détenu par la société SIAP et que l'appelant ne conteste pas que l'activité de mécanique générale auto/moto exercée par M. [H] [A] sous l'enseigne MECA CONCEPT "n'apparaît pas poser de difficulté au regard de l'acte de cession" ;

- le dépôt de ce seul véhicule à la société SIAP pour le compte de son fils et le passage d'un "examen d'induction sécurité" au sein de la société SOCOMETRA "au profit de la société JC MECA CONCEPT" à une date et dans un but indéterminés ne caractérisent pas à eux seuls la poursuite par M. [J] [A] de l'activité de gestion de flotte cédée le 17 novembre 2017 ;

- M. [E] [V] ne justifie pas avoir, postérieurement à la cession, perdu des clients faisant partie du portefeuille du fonds exercé sous l'enseigne LAJASEM CONSULTING et notamment les clients SOCOMETRA et KNS dont il soutient qu'ils ont été détournés au profit des vendeurs, alors même que les vendeurs justifient par la productions de plusieurs mails antérieurs à la procédure et de plusieurs attestations avoir indiqué à leurs anciens clients que M. [E] [V] avait racheté le fonds de commerce et devenait leur seul interlocuteur ; il ne justifie pas davantage d'une activité concurrente, postérieurement au protocole du 6 septembre 2018, de l'entreprise individuelle exercée sous l'enseigne AKWABA dont il sollicite la production du grand livre pour établir son préjudice ;

- les époux [A] justifient au contraire chacun d'une activité professionnelle postérieure à la vente dans des domaines insusceptibles de faire concurrence au fonds cédé et selon des horaires incompatibles avec la poursuite d'une activité de gestion de flotte automobile, cette activité, même exercée indirectement, étant par ailleurs peu susceptible de dissimulation, particulièrement dans le contexte calédonien.

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de débouter M. [E] [V] de ses demandes en résolution de la vente et en réparation des atteintes à la clause de non-concurrence.

Sur les demandes annexes :

M. [E] [V], qui échoue à faire la démonstration de son bon droit, supportera la charge des dépens de l'instance et sera condamné à payer aux intimés une somme complémentaire de 200 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle Calédonie.

PAR CES MOTIFS

La cour,

INFIRME le jugement, sauf en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens ;

Statuant à nouveau,

DECLARE l'action recevable ;

DEBOUTE M. [E] [V] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE M. [E] [V] à payer aux intimés une somme complémentaire de 200 000 francs CFP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile de Nouvelle-Calédonie ;

CONDAMNE M. [E] [V] aux dépens d'appel.

Le greffier,Le président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de noumea
Formation : 05
Numéro d'arrêt : 21/000335
Date de la décision : 23/05/2022
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.noumea;arret;2022-05-23;21.000335 ?
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